Gérard Davoust : "Piaf a été la grande soeur d'Aznavour"

  • il y a 4 mois
Jacques Pessis reçoit Gérard Davoust : 42 ans d’amitié avec Charles Aznavour. Il raconte le chanteur mais aussi l’homme qui aujourd’hui aurait eu exactement cent ans.

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-05-22##

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Transcript
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 Les clés d'une vie, celles de mon invité aujourd'hui.
00:06 Charles Aznavour aurait eu exactement 100 ans.
00:09 Il a un jour chanté "Hier encore j'avais 20 ans".
00:13 Il les a moralement gardés jusqu'au bout.
00:15 Vous en avez été le témoin privilégié, amical et professionnel.
00:20 Bonjour Gérard Davoust.
00:21 Bonjour Jacques Pessis.
00:22 Alors c'est vrai que vous avez bien connu et pendant des décennies Charles Aznavour.
00:27 C'est pour ça que je ne comptais pas évoquer Charles Aznavour sans vous recevoir
00:30 pour parler du chanteur, du comédien mais aussi de l'homme.
00:35 Car vous avez une longue amitié avec lui je crois.
00:38 Nous avons collaboré pendant 42 ans.
00:43 Seulement oui.
00:45 Et jamais j'aurais imaginé, quand j'étais d'abord un fan,
00:50 quand j'avais 13 ou 14 ans, les premières chansons passaient à la radio
00:55 et je découvrais quelqu'un qui disait des choses très nouvelles
01:01 pour les chansons de l'époque et en même temps qui swinguaient,
01:07 et ça sortait tout à fait de l'ordinaire.
01:11 Et c'est beaucoup plus tard que j'ai découvert qu'il y avait eu des campagnes de presse.
01:17 Parce qu'en province, à Nice, ça ne nous atteignait pas.
01:24 On ne savait pas qu'il n'était pas bien accueilli.
01:27 Alors ça on va en parler justement, parce que le principe des clés de vie c'est quatre dates.
01:31 Et la première que j'ai choisie, elle est récente.
01:33 C'est le 26 octobre 2017.
01:35 Ce jour-là, Charles Aznavour est à Jérusalem
01:38 et il reçoit des mains du président israélien, la médaille Raoul Wallenberg,
01:42 qui symbolise ses parents qui ont été des justes.
01:45 Et ça je crois que pour Charles c'est très important.
01:48 Il avait chez lui une planche de timbre avec ses parents.
01:51 Oui, mais sa maman a transporté dans une voiture d'enfant,
01:58 quelquefois, des armes.
02:00 Et puis surtout, il se débarrassait.
02:03 Il y avait des Arméniens qui venaient forcément se réfugier et se réfugier,
02:09 car ils fuyaient, ils avaient été enrôlés de force dans l'armée allemande,
02:13 et ils fuyaient cette armée-là.
02:15 Et donc il fallait détruire les vêtements militaires allemands.
02:24 Et c'était en les découpant en petits morceaux et en les mettant dans les égouts.
02:28 - Et Charles faisait ça la nuit à l'insu des Allemands.
02:30 - Oui, il aidait, c'était son père et sa mère surtout, mais il les aidait bien sûr.
02:35 - Alors il jouait aux échecs avec quelqu'un qui était chez ses parents,
02:40 et c'est Mishaq Manouchian qui est aujourd'hui au Panthéon.
02:43 - Absolument, et ça, je suis beaucoup, je ne suis pas le seul,
02:48 regretté que Charles ne voit pas son maître S. Echec devenir panthéonien.
02:58 C'est extraordinaire.
02:59 - C'est extraordinaire parce que le père de Charles était dans la résistance à sa façon.
03:04 - Oui, mais en fait, Mishaq a appris à Charles les échecs.
03:13 Et oui, son père a aussi collaboré, enfin, pas collaboré, au contraire,
03:20 c'est pas le bon mot aujourd'hui.
03:21 - Non, alors il se trouve aussi que la musique, c'est une affaire de famille,
03:25 puisque je crois que le père de Charles Aznavour, Misha, avait un restaurant,
03:29 le Cocaze, où tous les soirs on chantait.
03:32 - C'était même un petit peu comme ça, Charles le Premier le disait,
03:37 il a écrit dans ses biographies, papa a ruiné la maison par sa générosité
03:43 et un peu son inconscience, car il invitait notamment les jeunes étudiants russes
03:51 et de cette région-là, qui buvaient évidemment beaucoup
03:57 et qui ne payaient jamais aucune addition.
04:00 - C'est-à-dire que les notes de musique, ils connaissaient, les autres, pas du tout.
04:03 Et d'ailleurs, je crois qu'il y avait un client, et Charles Aznavour m'a raconté un soir
04:08 qu'un client avait joué une musique et plus tard,
04:11 Charles s'en est inspiré pour une chanson.
04:13 - Jouez Diane, jouez pour moi, avec plus de flammes.
04:21 - Les deux guitares, ça vient de l'enfance de Charles Aznavour, Gérard Davoust.
04:25 - Oui, en plus, vous ne le saviez pas, mais c'est ma préférée.
04:29 - Elle est magnifique.
04:30 - C'est lui, en même temps, c'est le voyageur sans bagage.
04:35 Il avait eu envie d'ailleurs de reprendre cette pièce à un moment où il avait envie
04:42 de faire du théâtre, car il n'avait jamais vraiment quitté le théâtre.
04:46 Il aimait le théâtre et il était un chanteur comédien extraordinaire.
04:50 - Oui, et d'ailleurs, le théâtre, il l'a appris parce qu'il a été à l'école du spectacle,
04:55 où on travaillait le matin et l'après-midi, on apprenait le métier de comédien.
04:58 - Absolument.
04:59 - Et je crois qu'il a débuté d'ailleurs dans une pièce où il jouait Henri IV enfant.
05:03 - Quand il avait 8 ans.
05:06 - Oui, avec quand même Pierre Frenet.
05:08 - Oui.
05:09 - Et c'était à Marigny.
05:11 - Oui.
05:12 - Et c'est vrai qu'il a toujours eu envie de faire du spectacle, Charles Aznavour.
05:17 - Il était vraiment, il avait le spectacle dans la peau, le plaisir du jeu et c'est ce
05:24 qu'en a fait un grand artiste, un grand acteur, qui malheureusement pendant longtemps n'avait
05:31 pas le physique pour pouvoir jouer les jeunes premiers.
05:35 Tout a beaucoup changé, mais on avait dit déjà à Belmondo qu'il n'avait pas le physique
05:40 pour être un séducteur.
05:42 Et Charles était un comédien naturel incroyable.
05:47 - Oui, alors il a démarré à 13 ans en Provence, dans une troupe qui s'appelait les Cigalounettes,
05:53 je crois.
05:54 - Les Cigalounes et les Cigalounettes.
05:56 Le masculin et le féminin.
05:59 Oui, oui, dans la Haute-Provence.
06:01 Et sa soeur y était aussi d'ailleurs.
06:05 - Aida.
06:06 - Aida, qui est toujours de ce monde et qui a fêté ses 101 ans il y a quelques mois.
06:11 - Et donc dans ce spectacle, il était en première partie, il avait 13 ans, je crois qu'Aznavour,
06:16 Gérard Davoust imitait Charlie Chaplin, Félix Mayol.
06:20 Il faisait tout ce qu'il pouvait faire, qu'il tenait de la comédie et comme il disait,
06:28 il n'avait pas une grande voix.
06:30 La grande voix, il se l'est fabriquée.
06:32 Et quand on l'entend aujourd'hui, on ne comprend pas pourquoi il avait été si moqué, parce
06:39 qu'il n'avait pas de voix.
06:40 Lui-même le disait d'avance, avant qu'on ne le lui dise.
06:44 Et il a travaillé et quand on l'entend aujourd'hui, les enregistrements démontrent qu'il a gagné
06:54 largement et élargi sa tessiture.
06:56 - Alors il se trouve que les débuts aussi de Charles Aznavour dans la chanson, il le
07:00 doit à un club de la chanson qui était une association où Aida l'a un jour emmené,
07:05 je crois, Gérard Davoust.
07:07 Elle était très proche de l'animateur qui d'ailleurs est après devenu le manager de
07:15 Charles.
07:16 - Oui et en même temps, il y avait comme président de l'association un certain Pierre Roche
07:21 qui était un pianiste et dont Charles fait la connaissance.
07:23 - Oui et c'est là qu'ils se sont mis à faire des chansons.
07:28 Mais c'est le point de départ pour faire le duo.
07:32 Mais c'était pas un duo qui avait été tout à fait prévu.
07:37 C'est les circonstances qui l'ont fait.
07:39 Ils étaient devenus un duo presque par force de seuls.
07:52 Ni l'un ni l'autre ne pouvaient fonctionner.
07:55 Ils faisaient, pour faire des tours de chant, il fallait encore avoir des chansons à l'époque.
08:00 Et ils avaient fait le tour des éditeurs et les auteurs compositeurs n'avaient pas envie
08:06 de donner à ces gens-là qui jouaient avec assez peu de talent.
08:11 Et Charles étant Charles a dit "puisqu'on ne veut pas nous en donner, nous les ferons
08:15 nous-mêmes".
08:16 - Et je crois d'ailleurs qu'ils ont débuté par hasard.
08:19 Ils sont un jour dans les coulisses d'une salle de promesse, une salle paroissiale, et
08:23 la présentatrice les aperçoit et les envoie sur scène, ce qui n'était pas prévu.
08:27 - Oui, c'était surtout qu'elle devait présenter Roche et Aznavour et elle a présenté Roger
08:37 Aznavour.
08:38 - Et donc ils sont arrivés sur scène alors qu'ils ne voulaient pas chanter et ils ont
08:42 improvisé avec du traînée je crois.
08:44 - Oui, oui, absolument.
08:45 - Et à partir de là...
08:46 - Ben il n'y était pas mais il voulait le raconter lui-même.
08:49 - Et il se trouve après qu'ils ont commencé à faire des chansons et je crois que le premier
08:53 succès ils le doivent à Georges Hulmer, une chanson qui s'appelait "J'ai bu".
08:57 - Bien sûr, "J'ai bu" a été un grand succès.
09:00 Georges Hulmer était une grande vedette à la Libération, vraiment, et il avait un talent
09:07 formidable et Charles m'a souvent dit qu'il s'était inspiré de Hulmer qui avait le premier
09:15 sans doute été le chanteur qui jouait la comédie en même temps.
09:19 - Il se trouve aussi qu'il y a une chanson du duo qui a marqué Charles, c'est celle-ci.
09:24 - Il était très imprudent car il risquait de se périr à des tout temps.
09:31 - Le feutre topé, il se trouve qu'en 1947, le 5 janvier exactement, il participe à une
09:36 émission de radio d'Amour et d'eau fraîche, que dans la salle il y a Edith Piaf et qu'elle
09:40 est fascinée par cette chanson et par Charles Aznavour.
09:43 - Absolument, c'est la rencontre.
09:45 Ils ne se quittent pas ce jour-là.
09:50 Elle ne croit pas qu'il est capable de danser la valse à l'envers, il lui démontre que
09:55 si et comment et à partir de là, ils ne se sont plus quittés pour un temps.
10:02 - Il se trouve qu'elle l'emmène en tournée Roche et Aznavour, qu'elle part aux Etats-Unis
10:08 et elle dit "les enfants rejoignez-moi" et Roche et Aznavour prennent Piaf au mot et là
10:11 le drame commence.
10:12 - Oui, d'abord elle a été étonnée qu'ils aient réussi à arriver et puis elle ne savait
10:19 pas tellement quoi en faire.
10:21 - En fait elle était amoureuse de Marcel Serdant et elle pensait qu'à ça.
10:24 - Et elle pensait qu'à ça en effet et donc elle était surprise et malgré son amitié,
10:31 elle ne savait pas quoi en faire.
10:32 Elle a appelé au Québec, à Montréal, à quelqu'un qu'elle connaissait, chez qui elle
10:37 avait déjà chanté en lui disant "j'ai un duo formidable, il faut que tu les prennes"
10:44 et elle les a expédiés à Montréal et ils y sont restés au moins deux ou trois années
10:50 et ils ont commencé à devenir vedettes là si on peut dire.
10:54 Première carrière.
10:55 - En même temps Pierre Roche est tombé amoureux d'une chanceuse, c'est-à-dire Aglaé, donc
10:59 Charles est rentré tout seul en France.
11:01 Et lui est resté là-bas et il n'entendait pas poursuivre beaucoup.
11:08 En même temps Piaf disait "on ne fait pas une carrière à deux" et Piaf l'a beaucoup
11:15 encouragée à chanter tout seul.
11:17 - Eh bien on va en reparler à travers une autre date, le 1er juin 1955.
11:22 A tout de suite sur Sud Radio avec Gérard Davoust pour parler de Charles Aznavour.
11:27 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
11:30 - Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité Gérard Davoust.
11:34 On célèbre aujourd'hui les 100 ans de Charles Aznavour.
11:37 Il aurait eu 100 ans aujourd'hui en ce 22 mai.
11:39 Vous l'avez connu pendant 42 ans de manière amicale et professionnelle au quotidien.
11:43 Donc vous me sembliez l'invité idéal pour évoquer Aznavour à travers des dates.
11:49 Le 1er juin 1955 est une date importante dans sa carrière car ce soir-là il est sur la
11:54 scène de l'Olympia et il crée cette chanson.
11:56 "J'ai cru à des hommes qui chantaient, face à Dieu qui priait, je t'attendais"
12:07 "Sur ma vie" qui a été son premier grand succès et je crois que Bruno Coquatrice
12:13 a insisté pour qu'il crée cette chanson Gérard Davoust.
12:15 - Oui c'est peut-être pas exactement ça.
12:18 C'est que à un moment, on ne peut pas imaginer ça et pourtant c'est la réalité,
12:25 Charles est mal reçu des radios et de la presse.
12:31 A l'époque c'est très mordant, on n'imagine pas la brutalité avec laquelle on pouvait
12:37 exécuter quelqu'un.
12:39 C'était même attendu comme ça puisque les principes à la radio publique qui dans la
12:46 rue faisaient les émissions en direct faisaient le crochet, les fameux crochets et en plein
12:53 champ le public quelquefois criait "crochet" et il fallait que la personne s'arrête.
12:59 Donc Charles a vécu ce genre de torture épouvantable et il n'était pas reconnu aussi parce qu'il
13:07 était parmi les précurseurs après Jean Sablon qui chantait avec un micro.
13:12 Or on considérait encore que le chant, on n'a pas besoin de prothèses.
13:18 C'était les grandes voix de l'opéra, c'était les ténors et donc quelqu'un qui avait un
13:24 micro, il fallait pas qu'il chante.
13:26 Et c'est en partant de ça qu'il a eu tellement de critiques et il arrive au point où justement
13:34 il se dit "Nous n'y arriverons pas au Chez-moi, moi tout seul, j'ai étouffé, je vais continuer
13:41 à faire des chansons parce que ça, ça marchait très bien, tout le monde lui demandait des
13:45 chansons".
13:46 Et vous avez cité Georges Hulmer qui a été sans doute son premier interprète à succès
13:52 mais après il y a eu beaucoup de gens.
13:54 Et donc il dit à son éditeur Raoul Breton qui était aussi son ami "J'ai compris, je
14:02 vais m'arrêter là, je souhaite la direction de l'édition, je recevrai les gens et puis
14:10 j'écrirai des chansons et voilà, j'oublie ma carrière".
14:14 Et là Raoul Breton lui dit, qu'il croyait énormément être dur comme fer en lui, mais
14:21 ça c'est acquis de toute façon, tu l'auras, rien ne presse, essaye encore une année.
14:27 Et c'est à ce moment, dans cette année-là, qu'il a écrit sur ma vie et que ça a accroché.
14:34 - On l'appelait à l'époque le crucifié du traversin ou l'enroué vers l'or.
14:39 - Eh oui.
14:40 - Alors il faut savoir aussi que Piaf l'a beaucoup aidé car revenu en France, il a
14:44 vécu 8 ans chez Piaf sans être son amant disait-il.
14:47 - Absolument, je pense qu'il avait raison.
14:49 - Et il a beaucoup observé Piaf, elle lui donnait de l'argent pour sortir, il a été
14:54 son régisseur, il doit beaucoup à Piaf.
14:56 - Oui, il l'a toujours reconnu comme la grande sœur.
15:00 - Et c'est vrai que, d'ailleurs quand il a vu le film sur Piaf où on la voit alcoolique
15:07 et droguée, c'est faux.
15:08 - Bien sûr que c'était faux, il a été très très choqué par ce film qui n'était
15:14 pas du tout de la réalité parce que, en effet, Edith aimait bien boire mais jamais
15:22 elle s'est droguée.
15:23 - De même, c'est chez Edith qu'il a fait la connaissance de Beko, tout aussi débutant.
15:28 - Oui, exactement.
15:30 Et ils se sont finis par écrire, alors qu'ils étaient dans le salon où ils attendaient,
15:36 elle venait de se marier avec Jacques Pils et il attendait qu'elle apparaisse.
15:42 Et comme elle ne venait pas, ils ont écrit une chanson ensemble et après ils ont fait
15:47 une quinzaine de très belles chansons qu'ils ont chantées, ce qui est assez rare, tous
15:52 les deux et chacun à leur façon.
15:54 - Il se trouve aussi que lorsque Piaf est arrivé, on cachait les partitions parce que
15:57 sinon elle aurait pris les chansons pour elle.
15:59 Il y a aussi des choses extraordinaires, Aznavour me l'a un jour raconté, quand il écrivait
16:04 une chanson pour une femme, Piaf disait "ok" mais sans parler de la chanson.
16:09 - Oui, et puis quand il lui a montré "Je vais les dimanches", elle n'en a pas voulu.
16:16 Et il était un peu déçu, il l'a montré à Gilles Greco qui a sauté dessus et elle
16:24 lui a reproché.
16:26 Il dit "ça illustrait sa capacité de mauvaise foi, elle m'a dit "mon cochon, tu aurais
16:31 pu me la montrer celle-là" et il a répondu "mais vous me l'avez refusée".
16:37 "Ah bon ? Eh bien je vais l'enregistrer quand même et je vais montrer à ton existentialiste
16:42 comment on chante".
16:43 - Je crois qu'un jour, ils sont tous les deux à la table de travail et ils lancent
16:48 les deux premiers vers d'une chanson, Aznavour, "Le ciel bleu" etc.
16:52 C'est le début de l'hymne à l'amour.
16:55 - Oui, mais là ça arrive avec une circonstance tragique puisque c'est l'accident d'avion
17:02 et la disparition de Marcel Serdant.
17:05 - Mais il a écrit les deux premiers vers de l'hymne à l'amour, Aznavour, et quand
17:08 la chanson a été terminée, Piaf lui dit "qu'est-ce que tu penses de ça ? C'est
17:12 un hymne à l'amour, tiens ce sera le titre".
17:14 C'est ça.
17:15 Alors il se trouve aussi qu'il y a une chanson d'Aznavour et Piaf qu'il a reprise,
17:20 je crois dans des circonstances particulières.
17:22 - Moi je me souviens d'un palais des congrès, Gérard Davoust, où c'est la première fois
17:40 qu'on a vu, et ça a été pris à la télévision ensuite, un duo virtuel.
17:44 Sur l'écran il y avait Piaf chantant ça et Aznavour dans la salle.
17:47 C'était nouveau à l'époque.
17:48 - Très nouveau, je crois que personne n'avait fait ça avant.
17:52 - Non, c'était le premier et c'était extraordinaire.
17:57 - Ça a fait école.
17:59 - Et c'est vrai qu'il avait une grande tendresse pour Piaf.
18:02 - Ah oui, absolument.
18:04 C'était à la fois sa grande sœur, je pense que c'était réciproque, mais elle n'était
18:12 pas toujours facile à vivre, mais il l'aimait beaucoup.
18:22 - Elle lui donnait de l'argent pour qu'il sorte, pour qu'il écrive des chansons, pour
18:25 qu'il ait des idées.
18:26 - Oui, il y a eu cette époque-là, mais il s'en est assez vite lassé aussi, parce qu'elle
18:38 était tyrannique quand elle avait les compagnons de la chanson avec elle et il fallait qu'un
18:48 film qu'elle avait vu et qu'elle voulait revoir, tout le monde vienne avec elle et
18:54 devait supporter tout ce qu'elle aimait, elle leur imposait.
18:58 - Et d'ailleurs, il se trouve qu'Aznavour m'a raconté un soir qu'il s'est endormi
19:02 pendant le film et lui dit "demain tu seras privé de ce film" et tout le monde a dit
19:07 "quelle chance tu as".
19:08 Et puis il y a une autre chanson qui marque les débuts d'Aznavour et cette chanson,
19:12 c'est aussi un classique.
19:13 - C'était une chanson extraordinaire, parce que c'est une chanson, il m'a dit un jour,
19:31 mais c'est peut-être faux, qu'il avait vu dans un cabaret le Drador, un vieux chanteur
19:36 et que ça lui avait inspiré cette chanson, c'est vrai Gérard Lagos ?
19:40 - Oui, je crois que ça n'était pas et c'est ça qui l'avait impressionné.
19:43 Il était entre deux âges et on voyait que ça ne brillerait jamais pour lui alors que
19:51 pour Charles c'était arrivé.
19:53 Il avait comme ça souvent dans la rue, dans la vie, pris des caractères qu'il voyait
20:01 très bien en bon comédien et dont il écrivait l'histoire.
20:07 Mais je me voyais déjà, tout le monde le sait maintenant parce qu'il le racontait,
20:13 c'est ce qui le fait partir, mais c'est à l'alambra et finalement ça ne marche pas
20:20 très bien.
20:21 Et puis quand il passe et sort de scène après s'être habillé, préparé et qu'il avait
20:29 inventé le dispositif qui fait qu'il tournait le dos au public pour aller vers la lumière
20:36 du public qui était en fait les coulisses, on n'avait jamais vu ça parce qu'il s'habillait
20:43 ou en train presque en chantant la chanson et ça avait stupéfié et c'est de là qu'il
20:50 a commencé à devenir vedette, vraiment.
20:52 - Et d'ailleurs c'était les jeunes scènes de Charles Aznavour étaient extraordinaires,
20:55 je me souviens du mouchoir jeté tous les soirs au public et le public se précipitait.
21:00 - Oui, ça c'était pour Montmartre en ce temps-là.
21:06 Et oui, c'était un jeu, le public essayait d'attraper le fameux mouchoir.
21:14 - Ça aussi c'était un classique d'Aznavour parce qu'il avait le sens digestuel sur scène,
21:19 il inventait Charles Array.
21:20 - Oui, et vous savez son obsession dans la vie c'était de ne pas s'ennuyer et il était
21:28 guidé par ça.
21:30 Donc quand il refaisait des choses qu'il avait déjà faites, il voulait toujours trouver
21:35 quelque chose pour se mettre en danger et qu'il lui donnait le plaisir sans quoi ce
21:40 n'était pas la peine.
21:41 - Voilà, le danger justement on va l'évoquer à travers une autre date, le 30 mars 1963.
21:46 A tout de suite sur Sud Radio avec Gérard Davoust pour parler de Charles Aznavour qui
21:51 aurait eu 100 ans aujourd'hui.
21:52 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
21:55 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon amitié Gérard Davoust.
21:59 Aujourd'hui Charles Aznavour aurait eu 100 ans, vous l'avez fréquenté au quotidien
22:03 pratiquement pendant 42 ans et on le raconte ensemble avec tout l'amour et l'amitié qu'on
22:08 avait pour lui et on n'est pas les seuls loin de là.
22:11 30 mars 1963, une date importante parce que c'est la première fois qu'il triomphe aux
22:17 Etats-Unis au Carnegie Hall avec un spectacle pour lequel il a pris un double risque, un
22:23 risque d'artiste mais aussi un risque financier Gérard Davoust.
22:27 - Alors si je peux vous raconter un peu de ce qui arrive un petit peu avant ça, c'est-à-dire
22:35 qu'il a fait la xième tournée d'été où sur la côte d'Azur entre Sao Paolo et Moalako,
22:44 tous les 20 kilomètres il y a un casino et il y croise, il est en 63 là, il y croise
22:52 tous ses confrères et tous font la même chose et il m'a raconté, là je n'y étais pas,
22:59 il m'a raconté qu'il s'est vu encore pendant des années faire entre juillet et août tous
23:08 les casinos du coin et il m'a dit "je me suis vu insupportable" et comme je vous l'ai dit
23:15 comme on le sait il s'ennuyait vite et donc il fallait toujours de choses nouvelles, c'était
23:23 ça la vie.
23:24 Et donc il me dit "je me suis vu refaire ça pendant les autres, mes camarades ils le
23:31 faisaient déjà avant moi, moi c'était ma première fois mais vous ne pouvez pas m'imaginer
23:37 le faisant l'année prochaine et puis pendant 20 ans et qu'est-ce que je peux faire ? Eh
23:42 bien conquérir l'Amérique peut-être, pourquoi pas, ce serait une ouverture".
23:50 Oui alors il rentre à Paris, il dit à Barclay, c'était le patron de sa maison de disques,
23:58 qu'il a envie d'aller conquérir les Etats-Unis, Barclay m'a dit "Charles" je lui ai répondu
24:04 mais ils ne t'ont pas attendu, il n'a trouvé personne pour croire en lui pour aller aux
24:10 Etats-Unis donc lui-même croyait assez en lui pour prendre le risque de louer le Carnegie
24:16 Hall assez frais et d'y chanter et d'avoir le lendemain un article formidable dans le
24:23 New York Times qui le sacré vedette ce français sorti de rien qui tout d'un coup les avait
24:30 pris et c'est parti de là et à partir du moment où il avait conquis New York, très
24:36 vite il a tourné etc.
24:39 Il avait réussi et puis ce faisant, comme il aimait les langues, il s'est mis à chanter
24:44 en espagnol, en italien et même en néerlandais.
24:47 Mais ce qui est extraordinaire c'est qu'il a trouvé une astuce, c'est-à-dire qu'il
24:50 parlait au public entre deux chansons et ça, ça a beaucoup joué ce soir-là Gérard
24:54 Davoust.
24:55 Oui, il avait gardé ça d'ailleurs, d'expliquer le pourquoi parce qu'à l'époque, après
25:02 il avait parfaitement maîtrisé l'anglais et il chantait, il était capable de chanter
25:09 en trois ou quatre langues, je l'ai vu faire une chose que sans doute personne n'avait
25:14 jamais fait avant lui et qui est complètement fou, c'était à Miami et il avait décidé
25:23 que dans la salle, s'il chantait en anglais, bien qu'on soit en Amérique, il y avait certainement
25:29 beaucoup de gens de langue espagnole, de langue française.
25:31 Il a fait le tour de chant, une chanson en anglais, une chanson en français, une chanson
25:36 en espagnol, une chanson en anglais, comme ça, ce qui est une difficulté folle parce
25:41 qu'il passait chaque fois à une langue différente et il a fait ce tour de chant pour découvrir
25:47 à la fin que dans la salle, il n'y avait pratiquement que des français et des espagnols.
25:54 Mais bon, on en rit beaucoup là, mais il a fait quelque chose qui est extrêmement difficile,
26:00 c'est une gymnastique qu'on n'imagine pas parce que le parler c'est une chose,
26:06 mais le chanter en est une autre.
26:08 Alors il a fait aussi beaucoup de choses et pendant la vague ayée, il a été l'un
26:11 des rares à résister car il a écrit des chansons pour les autres.
26:15 "Retiens la nuit pour nous deux jusqu'à la fin du monde."
26:23 Charles Aznavour a écrit pour Johnny et Sylvie, le plus bel pour aller danser et ça aussi,
26:27 c'était pas évident au départ Gérard Dabrouze.
26:29 Il faut dire que c'est son beau-frère Georges Garvin Hans, compositeur, grand compositeur
26:35 dont Charles disait que c'était avec Beko et Wagenheim un peu le meilleur compositeur
26:44 qu'il ait eu et c'est lui qui est allé non pas chercher Johnny puisque en fait Charles
26:51 avait pris Johnny sous son aile alors qu'il n'était que débutant, il l'avait logé
26:57 même et il s'était occupé de lui, il l'avait drivé parce qu'il le trouvait formidable
27:04 là où dans certaines stations de radio on cassait son disque pour qu'il ne passe pas
27:11 et Charles avait eu l'idée de faire que l'un des plus grands interprètes qu'on ait eu
27:19 dans la jeunesse c'était Johnny.
27:21 - Oui d'ailleurs Johnny a toujours demandé des conseils jusqu'à la fin de sa vie.
27:24 - Oui et Johnny s'en est toujours trouvé bien, Johnny l'adorait, c'était presque
27:31 une relation père et fils.
27:33 - Exactement, alors ça c'est une chanson des années 60 et on a une autre à cette
27:37 époque là qui n'a rien à voir mais qui a aussi été un immense succès.
27:40 - La bohème, la bohème, ça voulait dire on est heureux.
27:50 - C'est extraordinaire, cette chanson vient les moins de 20 ans etc, la formule est rentrée
27:56 dans le langage courant, cette chanson est née par hasard je crois Gérard Lavouste
28:00 sur la scène du Châtelet pendant une répétition d'une opérette qu'il avait écrite qui s'appelait
28:04 Monsieur Carnaval.
28:05 - Oui c'est une des chansons de Monsieur Carnaval.
28:09 - Voilà, ils sont d'après ce que Charles m'a raconté un jour, Maurice Leman, directeur
28:13 du Châtelet et metteur en scène, voit Aznavour piénoter pendant la répétition, il joue
28:18 une mélodie et il dit "mais c'est pas mal ça" et c'est comme ça que la bohème est
28:21 née, au départ par Georges Guettari.
28:24 - Oui, Guettari était sur la scène dans l'opérette et d'ailleurs il a été très
28:31 très fâché quand Charles Aznavour a chanté la chanson qu'il chantait lui-même.
28:36 - Et cette chanson finalement ça correspond à sa vie de bohème aussi ?
28:39 - Oui, c'est presque la description, il avait effectivement habité Montmartre quand il
28:47 était débutant et c'est presque du vécu.
28:54 - Il m'a raconté un jour Charles qu'il avait fait la vaisselle dans un restaurant de la
28:57 Mère Catherine, moyennant un dîner, il chantait quelques chansons.
29:02 - Ils avaient partagé du temps où le pauvre Bernard Dimé écrivait lui aussi, il n'était
29:09 pas reconnu non plus beaucoup mais ils ont fait ensemble des choses qui aujourd'hui encore
29:17 sont à l'honneur.
29:19 - Oui, mais ce qui est étonnant avec Aznavour, Gérard Davous, c'est qu'on vous passe du
29:24 Carnégio à la Johnny et vous arrivez à l'opérette.
29:26 - C'est la conclusion de...
29:30 L'opérette c'est aussi la comédie musicale et donc on a un petit bout de théâtre et
29:38 on a un petit bout de chansons, de musique, donc au contraire c'est le milieu naturel
29:47 de Charles.
29:48 - Oui et en même temps les chansons sont très précises.
29:51 Il m'a dit un jour qu'il ne considérait une chanson terminée que quand il n'avait plus
29:54 un seul mot à ajouter.
29:55 - Ça c'était effectivement...
29:59 Il passait des nuits quelquefois sur un mot qu'il ne trouvait pas ou qu'il avait trouvé
30:06 mais qu'il ne lui plaisait pas et c'est comme ça qu'il avait...
30:10 Quand on a commencé à travailler ensemble, il y a une chanson que vous avez passée tout
30:15 à l'heure et qui était formidable.
30:17 J'adorais cette chanson.
30:19 Moi je rentrais d'Algérie et j'ai découvert la chanson en arrivant, les deux guitares,
30:29 et il y avait là-dedans vraiment toute sa vie.
30:34 Mais il ne la chantait plus sur scène.
30:36 Et je lui ai dit "Pourquoi vous ne la chantez plus ?" "Oh parce que j'aurais voulu trouver
30:43 quelque chose de mieux que du vin fort et comme je n'ai pas trouvé l'alcool..."
30:49 Et je lui ai dit "Charles, le vin c'est le sang de la terre, c'est formidable, au contraire,
30:55 il ne faut pas trouver autre chose."
30:57 Alors "Bon, je vous ferai plaisir, je la chanterai ce soir."
31:02 Et comme ça, de temps en temps, pour me faire plaisir, il la chantait.
31:05 Et puis à force, le public ne voulait plus la lâcher et il n'a plus jamais pu l'enlever.
31:11 Et puis il y a une autre chanson aussi d'Aznavour, très célèbre, qui est liée à une histoire
31:16 de l'actualité.
31:17 * Extrait *
31:33 Alors c'était extraordinaire, on a l'impression que le film et la chanson sont liés.
31:37 Je crois qu'Aznavour a vu le film et ensuite a demandé l'autorisation à André Cahillat
31:41 d'écrire la chanson, Gérard Davoust.
31:42 Pas du tout.
31:43 Ah c'est ce qu'il a raconté à l'époque.
31:45 Cahillat lui a demandé de faire une chanson.
31:48 Il a fait la chanson, mais la chanson n'est pas dans le film.
31:53 Ça a interrogé tout le monde.
31:55 Et la raison, c'est qu'en droit français, en Amérique, ça ne serait pas passé comme
32:00 ça.
32:01 Le compositeur de la musique du film avait le droit de refuser qu'on ajoute une chanson
32:10 qui serait venue amoindrir ses droits.
32:13 Et donc la chanson n'est pas dans le film par la volonté du compositeur de l'ensemble
32:19 de la musique.
32:20 Donc elle a toujours été à l'extérieur et ça paraissait très mystérieux puisque
32:26 en effet Charles a écrit la chanson après avoir vu le film.
32:30 Exactement, il a vu le film.
32:33 D'ailleurs le film au départ c'est Jacques Durel qui devait le réaliser.
32:35 Ça s'est pas fait et André Cahillat a été choisi parce qu'il avait été avocat avant
32:39 d'être cinéaste.
32:40 Il se trouve aussi qu'à l'époque, il a une cour d'amis autour de lui à Montfort-la-Maurie
32:46 dans sa maison.
32:47 Il y a d'ailleurs un garçon qui s'appelle Claude Figues qui a été un secrétaire de
32:50 PIAF qui est un peu son secrétaire.
32:51 Et je crois qu'il a fait trois mois de prison pour avoir voulu faire des œufs sur la flamme
32:59 de soldats inconnus.
33:00 Et donc il a été en prison direct.
33:02 Et c'est vrai qu'il y avait un tas de personnages autour de lui.
33:06 C'était pas une cour, c'était assez particulier.
33:08 En l'occurrence c'était autour de PIAF.
33:11 Figues et compagnie c'était PIAF.
33:15 Après, Charles a eu moins de cours ou en tout cas par chance pour lui, sa dernière
33:27 femme a veillé à ce qu'il ne soit pas trop dévoré.
33:31 Il a reconnu après d'ailleurs qu'il aurait fait la partie belle.
33:36 Il payait des additions folles à Saint-Tropez de dîner.
33:42 Et ça, elle a mis bon ordre et il n'était plus que temps.
33:47 Et il y a une chanson aussi qui a surpris tout son entourage.
33:50 J'habite seul avec maman dans un très vieil appartement, rue Sarazate.
33:57 Alors ça, on n'imaginait pas que cette chanson qui est devenue un classique, comme ils disent,
34:03 qui a fait scandale quand elle est sortie, Gerard Abouste.
34:07 Pas vraiment un scandale, mais en tout cas, elle était très remarquée.
34:10 Mais alors, le drôle, c'est que là j'y étais et il se met au piano chez lui à Montfort-Lamaurie.
34:21 Il y avait là son manager de l'époque, une troisième personne.
34:27 Et il nous joue ça et le manager, il lui dit "mais qui va chanter ça ?"
34:35 Et Charles dit "bah moi bien sûr".
34:38 "Et tu vas faire une annonce avant alors ?"
34:41 Et c'était... quelle annonce ?
34:46 C'était très très très courageux.
34:51 Il n'a pas été critiqué pour ça, en tout cas, j'en ai pas connaissance.
34:56 En revanche, il a été remercié par une quantité immense de gens
35:02 dont c'était la vie qu'il avait écrite.
35:06 Et en fait, c'est le portrait d'un manager qu'il avait à une époque.
35:12 Voilà, merci pour ces précisions historiques.
35:14 Et on va continuer à parler de Charles Aznavour à travers la date d'aujourd'hui, le 22 mai 2024.
35:19 A tout de suite sur Sud Radio avec Gerard Abouste.
35:21 Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
35:25 Sud Radio, les clés d'une vie. Aujourd'hui, 22 mai 2024.
35:29 Charles Aznavour aurait eu 100 ans.
35:31 Et on le célèbre avec Gérard Abouste.
35:34 42 ans d'amitié, 42 ans de complicité.
35:37 Et aussi une complicité professionnelle puisque
35:40 un jour, il a décidé d'acheter les éditions Raoul Breton où il a débuté.
35:44 Et il vous a appelé, Gérard Abouste.
35:47 Oui, c'est peut-être pas tout à fait comme ça.
35:49 Puisque c'est moi qui ai fait que
35:54 il n'avait pas d'instant pensé. Il avait une idée, c'était
35:58 de récupérer les premières oeuvres qu'il avait écrites chez Breton.
36:04 Parce que madame Breton qui avait repris la maison, elle était très âgée.
36:08 C'est à dire, elle a pris la suite de son mari pendant tout le temps.
36:14 Et puis, en effet, elle commençait à être très âgée.
36:19 Et il fallait que... Et je me suis acharné à la convaincre
36:25 parce qu'elle ne voulait pas entendre que c'était sa fin.
36:30 Alors, elle avait une famille éloignée qui était ses neveux,
36:37 qui étaient ses héritiers.
36:39 Et j'ai organisé une promesse de vente à terme
36:44 et qui est arrivée 6 ans après.
36:48 C'est à dire qu'à sa disparition et à un prix fixé,
36:52 ses neveux seraient bénéficiaires de la somme.
36:56 Et une autre somme lui était versée d'ores et déjà
37:00 pour clore et arrêter que ça puisse partir ailleurs.
37:06 Et ça a sauvé les...
37:08 Mais lui n'avait au départ que l'idée, ça a été sa grande surprise,
37:13 de récupérer son catalogue.
37:16 Et moi j'avais pensé que tant qu'à faire,
37:18 ce serait bien de récupérer toute la maison.
37:21 - Il y avait Charles Trenet, Mireille et quelques autres.
37:23 - Oui. - Et Linda Lemay aujourd'hui.
37:25 Ça veut dire que ça a été vraiment un sauvetage
37:28 de la dernière maison d'édition française finalement.
37:31 - Oui, certainement, oui.
37:33 - Alors, ce centenaire, il y a quelques années,
37:36 Charles Aznavour évoquait la possibilité d'être sur scène ce soir.
37:40 Et il en a parlé, il avait différentes idées.
37:42 Il parlait de la Concorde, du Trocadéro.
37:45 Trenet lui avait suggéré Bercy pour dire "au revoir et merci".
37:50 C'est vrai qu'il y pensait très sérieusement, Gerard Davoust ?
37:53 - Oui.
37:54 À partir d'un certain âge,
38:02 je crois qu'à peu près tout le monde pense que le temps est compté,
38:06 mais de façon très très précise.
38:08 Donc il espérait être centenaire, mais c'était pas du tout certain.
38:14 Et il imaginait ce qu'il pourrait faire s'il atteignait l'âge.
38:19 En même temps, ça le distrayait.
38:21 - Oui, parce que la scène, c'était sa vie.
38:23 Il ne pouvait pas vivre sans la scène.
38:25 Ça, vous l'avez vu.
38:26 Moi, je l'ai vu fatigué avant la scène et en pleine forme après la scène.
38:29 - Oui, oui. Moi, ça, c'est l'adrénaline.
38:32 Ça marche toujours sur à peu près tout le monde, les artistes.
38:36 Mais sa vie, c'était vraiment ça.
38:40 Et la preuve, c'est que d'ailleurs, il est allé faire ses deux concerts au Japon,
38:47 qui n'ont pas hargé sa santé.
38:51 Et il a fait ça le plus vite possible, comme toujours.
38:55 C'est-à-dire, au lieu d'y rester, puisqu'il faisait deux concerts,
38:59 il pouvait mettre un grand temps entre les deux et faire ça en un mois,
39:03 et revenir...
39:05 Alors que là, il a fait ça en moins de 15 jours.
39:08 - Oui, ce qui était épuisant pour lui.
39:10 Les docteurs ont dit que c'est ce qui lui avait été fatal.
39:18 - Oui, parce qu'en plus, je crois qu'il est resté dans un aéroport pendant des heures
39:21 en transfert et que ça n'a pas arrangé les choses.
39:24 Alors, il se trouve aussi qu'il était une légende aux Etats-Unis.
39:27 Les derniers concerts aux Etats-Unis, au Carnegie Hall et au Radio City Music Hall
39:31 étaient phénoménaux.
39:33 - Je me souviens de son émotion au Radio City Music Hall,
39:36 où la 7e avenue avait été interrompue.
39:42 Et donc, il était la cause de ça.
39:46 Et s'il me disait, dans les coulisses, avant d'aller chanter,
39:51 c'est quand même extraordinaire.
39:53 J'arrête la circulation de la 7e avenue,
39:58 je suis arrivé là en passant par la police et la contrainte,
40:06 puisqu'ils étaient arrivés sans visa, sans rien.
40:10 - C'est extraordinaire, parce qu'on avait tout bloqué,
40:12 tellement il y avait de monde et tellement on recherchait Charles Aznavour.
40:15 - C'était extraordinaire.
40:17 - Alors, les Etats-Unis aussi, c'est lié à une chanson d'un film.
40:20 * Extrait de "He may be the face I can't forget" de Charles Aznavour *
40:29 - Cette chanson, c'est décrit pour une série télévisée britannique,
40:32 "Seven faces of women".
40:34 Et puis, dans le film "Could foot or nothing",
40:37 il l'entend à deux reprises.
40:39 C'était pas prévu, ça ?
40:41 - C'était prévu, c'est-à-dire que les producteurs demandent à Charles
40:48 s'il veut bien chanter la chanson, faire la musique, etc.
40:54 Et évidemment, au départ, c'était un texte français.
40:58 Et il y a un adaptateur qui va faire la version anglaise.
41:05 Et la chanson, ensuite, a accroché formidablement les radios.
41:13 Et c'est parti.
41:15 C'est une série anglaise.
41:18 Et en fait, c'est aux Etats-Unis que ça explose aussi.
41:21 Et tellement bien que la chanson, vous le savez, a été reprise dans le film...
41:27 - "Could foot or nothing".
41:29 Et d'ailleurs, je me souviens d'une rencontre,
41:31 j'étais avec Michel Drucker et Charles Aznavour en Provence,
41:34 et Hugues Grant était à côté de nous.
41:36 Et Hugues Grant a rencontré Charles, ça a été un grand moment pour lui.
41:39 Je sais pas si vous le savez.
41:40 - Je le savais parce qu'il me l'avait raconté, mais je n'étais pas là.
41:45 Et c'était vraiment un moment d'émotion,
41:47 parce qu'il rencontrait l'auteur de la chanson d'un film culte.
41:50 Alors justement, le cinéma, c'est important pour lui.
41:53 Alors, il a d'abord eu la chanson, mais après on parle de cinéma.
41:56 - "Viens voir les comédiens, voir les musiciens, voir les magiciens,
42:01 qu'il y arrive bien, voir les comédiens, voir les musiciens, voir les magiciens..."
42:06 - Là aussi, c'est un classique de Charles Aznavour,
42:08 que les compagnons de la chanson, que tout le monde a repris,
42:10 qui sert de générique pour les Molières.
42:12 - Mais c'est vrai que la comédie, c'était très important.
42:15 Il a tourné un nombre de films que certains acteurs professionnels n'ont même pas envisagé.
42:19 - C'est vrai.
42:21 Et il aimait autant ça que...
42:25 Ce qu'il aimait pendant les tournages, c'était aussi qu'il y avait énormément de temps libre.
42:31 Et alors, il en profitait pour écrire,
42:34 pour rentrer dans son ordinateur, des idées, des textes...
42:39 C'est quelqu'un qui ne pouvait pas rester inactif.
42:42 - Et on ne le sait pas toujours, mais il a débuté à 12 ans au cinéma,
42:46 et il n'est pas au générique de "La guerre des gosses" et "Les disparus de Sainte-Agile".
42:50 - Oui.
42:50 - Et c'est pas au générique, mais on le voit encore.
42:52 - Avec Eric Von Stroem.
42:54 - Alors, il se trouve qu'il avait aussi une culture cinématographique incroyable.
42:58 Il avait un nombre de DVD hallucinant, Charles Aznavour, Gérard Davoust.
43:02 - Oui.
43:04 Il y a eu d'ailleurs un catalogue fait par quelqu'un dont je n'oublie le nom,
43:09 parce que là, j'oublie tous les noms,
43:11 et qui avait pris la peine de répertorier tous les films,
43:18 même où il avait eu un petit rôle, une apparition, etc.
43:21 Et c'était un travail très important et très utile,
43:24 parce qu'on n'imagine pas toute la part qu'il a donnée,
43:28 mais il était boulimique non pas du travail,
43:33 même s'il disait toujours "le travail c'est la première des choses",
43:36 mais surtout de l'occupation.
43:38 - C'est-à-dire ne pas s'être désœuvré, ça c'était pas possible.
43:41 - On est bien d'accord.
43:43 - Et puis il a aussi beaucoup donné pour son pays d'origine.
43:46 * Extrait de "Pouvoir Armer" de Charles Aznavour *
43:54 - Il était venu ambassadeur suisse pour l'Arménie.
43:58 - Oui.
43:59 - Il avait sa plaque, il m'a dit "matrimonialisation".
44:01 C'était important pour lui, pas au départ, mais c'est venu après.
44:05 - Oui, mais il n'imaginait pas, c'est normal quand même, son parcours.
44:11 Comme il n'était pas du tout mégalomane, on a pu croire que pas du tout,
44:16 il n'imaginait pas de venir un jour,
44:21 et non pas ambassadeur de Bonoi-JD,
44:25 un vrai ambassadeur en Suisse d'Arménie.
44:29 - Et d'ailleurs il y a un musée Aznavour en Arménie aujourd'hui.
44:31 - Oui, son fils Nicolas qui est son exécuteur testamentaire,
44:38 et sa femme ont pris la suite de l'oeuvre que Charles avait ouverte au moment où,
44:43 inaugurée, au moment où il y a eu le tremblement de terre
44:47 et où l'Arménie a été si malmenée,
44:50 et il s'est consacré énormément,
44:53 je l'ai vu ne pas dormir, arriver de voyage, fatigué comme tout,
45:00 et il y avait une émission à faire, il m'a dit "Ah j'ai promis, j'irai bien sûr"
45:05 et il a fait énormément pour cette fondation,
45:08 et ce qu'il n'aura pas vu, c'est que son fils et la femme, son fils,
45:13 ont repris en main cette fondation
45:17 et en ont fait une association qui compte
45:23 alors qu'il y a eu le désastre du Haut-Karabakh
45:26 et qu'il y a des veuves et des orphelins
45:30 et que l'association prend en compte,
45:34 c'est formidable ce qu'ils ont fait.
45:36 - Une autre chanson aussi qui est un classique de Charles Aznavour.
45:40 Hier encore, j'avais 20 ans, je caressais le temps
45:45 et jouais de la vie comme on joue de l'amour
45:48 - J'ai le sentiment qu'il a toujours eu 20 ans jusqu'à la fin, Gérard Davos, Charles Aznavour.
45:52 - Il a toujours eu 20 ans et ce qui est extraordinaire,
45:55 c'est que quand il avait 23 ans,
45:58 parce que ça c'est un texte de maturité,
46:01 et cet homme-là a écrit ce texte,
46:05 pas complètement, mais une partie à ce qu'il m'a dit,
46:08 parce qu'un jour je disais quand même,
46:10 il y a longtemps qu'elle existe cette chanson, c'est étonnant,
46:14 c'est vraiment un texte de grande maturité,
46:17 et il m'a dit "oui j'avais 23 ans, je n'ai pas trouvé la musique"
46:22 et c'est pour ça qu'elle a traîné pendant longtemps
46:24 et c'est vrai qu'il avait plein de choses dans les tiroirs
46:27 et j'ai trouvé la musique beaucoup plus tard,
46:30 mais le principal du texte, j'avais écrit à 23 ans.
46:33 - C'est fou. - C'est fou.
46:35 - Ce qui est fou aussi, c'est cette chanson,
46:37 un conseil qu'il n'a pas suivi.
46:39 - Il faut savoir
46:42 encore sourire
46:47 quand le meilleur s'est retiré
46:51 - À sa disparition, il avait encore 40 chansons en réserve
46:54 qu'il devait enregistrer, et il a travaillé jusqu'au bout, Charles Aznavour.
46:57 - Oui, sauf qu'en fait,
46:59 ça s'appelait comme ça, mais pour lui ce n'était pas du travail,
47:03 c'était de l'occupation
47:06 de sa pensée,
47:09 il faisait des choses, et il a toujours eu besoin
47:13 de faire des choses.
47:14 - Et jusqu'au bout, il a écrit, et un jour à New York,
47:17 il rencontre Thierry Leluron, des jeunes ensemble,
47:20 et il écrit une chanson qui est devenue un classique.
47:23 - Où nous reverrons un jour ou l'autre
47:30 Si vous y tenez autant que moi
47:36 Prenons rendez-vous
47:40 Un jour d'un beau tour
47:42 - C'est vrai que cette chanson, c'est aussi un classique,
47:44 et c'est une beauté incroyable.
47:47 Alors Thierry lui avait demandé
47:50 de lui écrire une chanson de sortie de scène,
47:53 et il lui a donc écrit ça.
47:56 Et pendant longtemps,
48:01 Thierry étant parti, il ne pouvait pas la chanter.
48:04 Et puis il s'est forcé, mais c'était terrible,
48:07 il a eu beaucoup de peine du départ de Thierry,
48:11 comme nous tous, je dirais.
48:13 - Oui, et donc Charles Aznavour nous a quittés,
48:16 mais je crois que vous avez été l'un des derniers à le voir
48:18 le vendredi précédant son départ, Gérard Dablouste.
48:22 - C'était formidable parce qu'il revenait
48:25 donc de ses 15 jours, 12 jours de Japon.
48:29 Pendant son séjour, je m'inquiétais beaucoup
48:33 parce qu'il s'était cassé le bras,
48:36 il n'était pas dans une forme éblouissante,
48:40 en même temps il était très solide.
48:43 Et j'avais téléphoné le deuxième soir au Japon,
48:48 calant sur l'heure, et j'avais eu son secrétaire,
48:51 puis il me l'avait passé.
48:52 Il avait eu cette phrase formidable,
48:54 il m'avait dit "je vais très bien, je suis heureux comme tout,
48:57 ces gens-là sont formidables,
49:00 ils me font des ovations debout
49:01 et ils ne comprennent pas ce que je chante".
49:05 - Et c'est vrai qu'il a beaucoup travaillé,
49:09 il aurait dû vivre jusqu'à 100 ans.
49:12 - Oui, il espérait bien vivre jusqu'à 100 ans
49:15 et il aurait tellement mérité,
49:18 parce que ça restait un jeune homme.
49:21 - Ça restait un jeune homme toute sa vie,
49:22 comme vous Gérard Davoust,
49:24 à mon avis il y a un mimétisme entre vous deux.
49:26 Je précise que vous avez écrit un livre
49:27 avec Éric Bierschott qui s'appelle "Asnavour vu de dos"
49:30 au Cherche Midi,
49:31 si on veut savoir d'autres choses sur vous,
49:33 que ce livre existe encore,
49:35 et que vous avez eu le mérite de l'écrire,
49:38 ce n'était pas votre but au départ ?
49:40 - Ce n'était pas prévu du tout,
49:43 j'ai entraîné après Éric Bierschott avec moi
49:47 parce que je ne voulais faire qu'une contribution,
49:51 et c'est un peu ce que j'ai fait,
49:54 de plus parce que c'est difficile de parler
49:58 le mieux possible de quelqu'un qu'on a aimé,
50:03 d'ailleurs je ne voulais pas,
50:05 je ne sais pas s'il y aura beaucoup de droits,
50:10 mais en tout cas elles vont à la fondation.
50:12 - En tout cas vous en parlez très bien
50:14 avec l'émotion de Charles Asnavour qui nous manque,
50:16 parce qu'il était unique,
50:17 merci Gérard Davoust d'avoir évoqué cette mémoire
50:21 de cet homme unique,
50:22 et puis continuer à la défendre,
50:24 et continuer à aimer et à défendre la chanson française.
50:27 - Merci à vous Jacques qui avez fait beaucoup aussi
50:30 pour Charles Asnavour.
50:31 - Les Clés d'une vie c'est terminé pour aujourd'hui,
50:33 on se retrouve bientôt,
50:34 restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.

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