Dopage _ avis aux amateurs !

  • l’année dernière
Menant l'enquête à travers la France, Emmanuel Charlot a retrouvé des témoins et éclaire de façon inquiétante les dérives des pratiques sportives amateurs : des milliers d'athlètes anonymes qui n'ont rien à gagner, mais tout à perdre, notamment leur santé en utilisant des substances chimiques interdites.
Pères de famille, étudiants, sportifs du dimanche s'injectent des stéroïdes anabolisants, des corticoïdes et autres hormones de croissance. Parfois même dans l'enceinte de la salle de sport, en se cachant à peine.
Transcript
00:00 8 heures du matin dans une ville du sud de la France.
00:07 A 32 ans, Denis, père de famille, est un passionné de musculation.
00:12 Sa journée commence par un petit déjeuner de champion.
00:16 Dans sa poêle, du blanc d'oeuf, des protéines pour ses muscles.
00:22 Indispensable à son sport, ce petit déjeuner copieux ne lui suffit pas.
00:28 Denis n'est que sportif amateur et pourtant il est tombé dans un engrenage.
00:33 Tout d'abord, chaque jour, des produits diététiques, des compléments alimentaires.
00:38 "Vous voyez, c'est présenté comme ça.
00:40 Après, qu'est-ce qui est quoi, je ne peux pas vous dire.
00:42 Ça, je sais que ça peut être la vitamine C.
00:44 Ça, c'est l'oméga 3. Ça, c'est du sélénium éventuellement.
00:47 Après, le reste, je ne pourrais pas vous dire.
00:49 On peut manquer de magnésium, on peut manquer de vitamine C.
00:52 Pourquoi ? Parce qu'on ne mange pas des aliments riches.
00:55 Donc, c'est pour ça que je prends beaucoup de compléments à côté.
00:58 On fait des comprimés en 30 minutes."
01:00 Rituel du matin, plus d'une dizaine de cachets en vente libre, sans ordonnance médicale.
01:07 Mais il n'en faut plus à Denis.
01:09 Il n'est pas malade.
01:11 Pourtant, il ajoute à son menu un médicament.
01:15 "Tu vois, regarde par exemple ça. Ça s'appelle le bricanil.
01:18 Comment t'expliquer ? C'est pour libérer les bronches de l'asthme, des trucs comme ça."
01:23 "C'est sous forme de comprimé ?"
01:25 "Oui, voilà, tout à fait.
01:27 C'est ça."
01:29 Denis n'est pas asthmatique.
01:31 Il prend ce médicament pour améliorer ses performances à la salle de sport.
01:35 "Allez, hop."
01:38 C'est ce qu'on appelle se doper.
01:41 "Ok."
01:43 "Voilà."
01:53 "Vous prenez tout d'un coup ?"
01:54 "Ah oui.
01:56 Ça passe facile."
01:58 La journée de Denis peut commencer.
02:22 Comme tous les jours, il ouvre les portes de ce club de remise en forme,
02:26 comme il en existe plusieurs milliers en France.
02:29 Il en est le gérant.
02:31 "Qu'est-ce que vous tenez dans la main, là ?"
02:35 "C'est les stéroïdes."
02:37 "Qui permettent ?"
02:39 "La croissance musculaire. On peut simplement prendre du volume."
02:42 Plus puissant que les cachets, Denis s'injecte régulièrement des stéroïdes.
02:46 Un médicament normalement réservé aux hommes, en déficit d'hormones mâles.
02:51 Il se pique à l'abri des regards.
02:54 "Là, je vais vous montrer comment on fait une injection d'un produit qui s'appelle le trembolone."
03:16 "C'est un produit qui est assez huileux, donc il faut injecter très doucement."
03:21 "Et après, étant donné que c'est un produit qui est assez huileux,
03:33 donc il faut aussi masser un peu pour faire diffuser le produit."
03:37 Denis se dope depuis l'âge de 18 ans.
03:42 A cette époque, il pesait 72 kilos.
03:46 Grâce notamment à ses piqûres, il a pris 28 kilos de muscles en 14 ans.
03:51 "Donc voilà."
04:01 "Vous faites ça à quelle fréquence ?"
04:04 "Moi, c'est modéré, moi. Je fais ça à des fréquences...
04:08 Là, je tournais à 400 milligrammes par semaine."
04:14 "Ça fait combien d'injections par semaine ?"
04:16 "Une semaine, oh, quatre.
04:18 Avec un autre produit, qui est du Winstroll, pour la qualité musculaire aussi."
04:22 "C'est le produit qui se met à l'effet aussi bien, quoi."
04:25 Tous ces produits lui coûtent plus de 5 000 euros par an.
04:29 "Quand vous faites ça, vous pensez à votre santé ?"
04:32 "Pas sur le moment, non. On sait que c'est pas bien, mais bon... Non."
04:37 Pas bien, mais visiblement, le prix à payer pour sculpter son corps,
04:41 pour obtenir de plus en plus de muscles, de volume.
04:45 Et pour Denis, tenter de ressembler un peu à ses modèles,
04:48 les professionnels du culturisme.
04:51 "Regarde, c'est pour montrer quelques photos...
04:55 des monstres génétiques des mutants."
04:58 "Une personne qui pratique ce sport, au départ,
05:02 a peut-être des complexes sur son physique, au départ, peut-être.
05:06 Moi, c'est ce que j'avais au départ, parce qu'on se trouve pas assez beau,
05:09 mais quand on commence à construire un corps, on se sent plus rassuré,
05:12 on se raccroche à un sport, on trouve ce qu'on veut,
05:15 puis après, on évolue là-dedans."
05:17 "Vous avez pas peur de le voir faire ?" "Du tout.
05:20 Moi, si on m'avait donné la possibilité d'y arriver,
05:23 les moyens financiers, j'aurais pas dit non,
05:26 en sachant qu'il y aura des conséquences après."
05:29 Des conséquences, des risques de maladies graves, notamment.
05:32 Et pourtant, dans cette salle de sport, se doper, une banalité.
05:37 A l'heure de la pause, les habitués en parlent sans tabou.
05:40 Antoine est directeur d'une petite entreprise, il a 51 ans.
05:45 Il vient d'entretenir sa forme deux fois par semaine, avec sa femme.
05:50 Les molécules ne semblent pas avoir de secret pour lui.
05:55 "Vous vous avez fait quoi ?" "Sustanant.
05:58 Très bon pour le vie.
06:01 Oinstrol." "Stéroïde ?" "Ouais.
06:06 Il n'y a pas de danger. Tout va bien.
06:08 Moi, j'ai un physique, un hibido de 24-25 ans,
06:11 et j'ai 51 ballets, c'est pas moi qui le dis, c'est un chéri."
06:14 "Tu l'as dit, je confirme. Oui, c'est vrai."
06:18 "25 ans, je fais de la muscu, on me donne 40 ans, c'est un choix."
06:22 "Aujourd'hui, je préfère me doper que de boire ou de fumer."
06:26 Lors de cette discussion, un habitué vient s'interposer.
06:31 Il est le seul ici à avoir pris conscience du danger.
06:35 "Moi, je peux pas accepter ça.
06:37 J'ai un petit gosse qui a 13 ans.
06:40 Je préfère que ce soit lui qui m'enterre."
06:43 "Contracte bien. Pousse les doigts."
06:47 Le dopage, les piqûres de stéroïdes,
06:50 un geste devenu courant dans cette salle de remise en forme.
06:53 Depuis peu, ce copain de Denis a franchi le pas.
06:57 "J'avais toujours été tenté.
07:00 Quand on voit ce que les physiques,
07:03 les gens font, c'est un peu comme ça.
07:06 Certains avec ça.
07:08 Il se trouve que mon partenaire s'y connaît.
07:11 Donc j'ai commencé il y a un mois.
07:14 Pour moi, c'est tout nouveau."
07:17 "Vous avez quel âge ?" "45."
07:20 "Vous gagnez de l'argent du building ?"
07:23 "Absolument pas. Non, c'est pour le plaisir.
07:26 Je gagne rien. Ça coûte pas mal.
07:29 Je gagne absolument rien.
07:32 A y attendre, je l'aurais jamais fait."
07:35 "Vous estimez avoir une bonne connaissance des produits ?"
07:38 "Avec le temps, oui."
07:41 "Et vous, vous remettez votre santé entre ses mains ?"
07:44 "Oui, tout à fait. Pour l'instant, ça se passe très bien.
07:47 J'ai pas d'effet secondaire."
07:50 Pour l'instant, pas d'effet secondaire.
07:53 Il vient juste de commencer les injections.
07:56 Pour Denis, c'est une autre histoire,
07:59 il a une maladie de l'onglet.
08:02 Il a une maladie de l'onglet.
08:05 Il a une maladie de l'onglet.
08:08 Il a une maladie de l'onglet.
08:11 Il a une maladie de l'onglet.
08:14 Il a une maladie de l'onglet.
08:17 Il a une maladie de l'onglet.
08:20 Il a une maladie de l'onglet.
08:23 Il a une maladie de l'onglet.
08:26 On appelle ça les effets secondaires.
08:29 C'est après.
08:32 T'es toute belle !
08:35 Il t'est pris en photo.
08:38 "Denis est un jeune papa.
08:41 Il a deux enfants, un petit garçon de 11 ans
08:44 et une petite fille de 4 ans."
08:47 T'as vu que même en prenant des produits,
08:50 on peut avoir des enfants.
08:53 - T'es en train de te faire un verre de champagne ?
08:56 - Bien sûr.
08:59 On l'a vu tous les jours.
09:02 C'est pas parce qu'on prend qu'on va mourir.
09:05 On connaît les conséquences.
09:08 C'est pas dit que vous avez un infarctus.
09:11 Il faut vivre avec sa passion.
09:14 Si je dois vivre 70 ans, c'est 70 ans.
09:17 90 ans, 50 ans, c'est comme ça.
09:20 On va vivre avec.
09:23 "Jusqu'à maintenant, Denis a eu de la chance.
09:26 Pourtant, en prenant ces produits dopants,
09:29 il risque sa vie.
09:32 Le docteur Demond-Nard est l'ancien médecin
09:35 du Tour de France cycliste.
09:38 Depuis 30 ans, il est une des figures emblématiques
09:41 de la lutte contre le dopage en France.
09:44 Nous lui montrons le témoignage de Denis."
09:47 - Vous avez des cancers du foie
09:50 et pas que du foie, vous avez le rein,
09:53 la prostate, les testicules.
09:56 "Malgré le danger,
09:59 Denis continue à se doper régulièrement,
10:02 en toute discrétion et entre amis.
10:05 Le dopage dans le milieu amateur reste anonyme
10:08 jusqu'à ce que survienne une tragédie.
10:11 "
10:14 - Nous sommes à Nadayac,
10:17 un petit village de Dordogne.
10:20 Solange et Alain Groussel
10:23 se recueillent sur la tombe de leur fils unique,
10:26 Sébastien.
10:29 - Voilà Sébastien.
10:41 - C'est quoi comme course ça ?
10:44 - C'est une course tous les ans à Sartreville.
10:47 C'était organisé par la mairie,
10:50 le grand prix de la mairie de Sartreville
10:53 et il l'a gagné.
10:56 "Sébastien Groussel avait 20 ans.
10:59 Il avait obtenu son CAP d'électronique.
11:02 En parallèle, il était cycliste amateur,
11:05 un coureur doué.
11:08 - On s'est dit que Sébastien en a gagné des courses.
11:11 Même en cadet.
11:14 Mais toujours il a été vraiment sain.
11:17 C'est un gamin qui tenait à coeur.
11:20 Il voulait passer au professionnel.
11:23 Maintenant nous on est quoi avec sa mère ?
11:26 On est comme des cons, faut dire le mot.
11:29 On s'est retirés.
11:32 Et on pense toujours à lui.
11:35 - Il a 29 ans en arrière.
11:38 Voici les seules images télé de Sébastien Groussel.
11:41 Le Tour de Nouvelle-Calédonie 1997.
11:44 Une course de 2e zone dans le calendrier cycliste.
11:47 Sébastien court dans l'équipe d'Aubervilliers.
11:50 C'est son heure de gloire.
11:53 Devant les médias locaux, il remporte une étape.
11:56 - C'est le métropolitain Sébastien Groussel
11:59 qui sort dans le dernier kilomètre
12:02 et qui remporte haut la main cette 1re étape
12:05 devant Milhostic et Brindel à 3s.
12:08 - Moi faut que je joue les 1res étapes
12:11 parce que quand ça va grimper je pense pas être là.
12:14 Je vais faire le début du tour à fond.
12:17 - Donc toutes les arrivées au sprint on vous verra devant ?
12:20 - Je sais pas mais j'espère.
12:23 - Un an plus tard, le 18 septembre 1998,
12:26 Sébastien Groussel participe à une épreuve à Montreau
12:29 qui est une épreuve nocturne comme on dit dans le jargon des initiés.
12:32 Ce jour-là, M.Lelon est commissaire de course.
12:35 Il est 21h30.
12:38 - J'étais là, tout le groupe il est passé.
12:41 Et puis à la fin, presque à la fin du groupe,
12:44 le gars il a lâché.
12:47 Tant qu'il est monté sur la bordure du trottoir là-bas,
12:50 et puis il s'est couché.
12:53 - Sébastien Groussel vient de s'effondrer en pleine ligne droite
12:56 sans percuter d'obstacles.
12:59 Un accident incompréhensible.
13:02 - C'est rare quand on a des accidents comme ça.
13:05 C'est la première fois en 30 ans que je fais de la sécurité.
13:08 - Les secours arrivent immédiatement.
13:11 Sébastien Groussel est conduit à l'hôpital de Montreau
13:14 situé à 500 mètres des lieux de l'accident.
13:17 Il décède dans les minutes qui suivent.
13:20 Il n'a alors que 21 ans.
13:24 Sébastien n'est pas mort de sa chute.
13:27 A l'hôpital de Montreau, les médecins concluent
13:30 un arrêt cardiaque.
13:33 Très rapidement, des rumeurs de dopage circulent au sein du peloton.
13:36 Le parquet de Fontainebleau ouvre une information judiciaire.
13:39 Le corps de Sébastien est exhumé.
13:42 Une autopsie est pratiquée.
13:45 Verdict, présence de corticoïdes dans le sang.
13:48 A l'origine, ce médicament est un anti-inflammatoire.
13:51 Mais c'est également un produit dopant,
13:54 bien connu dans le milieu cycliste.
13:57 - Quand vous forcez plus sur le corticoïde,
14:00 vous ne sentez pas l'inflammation des articulations,
14:03 des tendons, etc.
14:06 Vous êtes dans un non-maintenant de perception
14:09 de difficulté d'effort.
14:12 - Peut-être un étrangement ? - Complètement, bien sûr.
14:15 - Sébastien n'avait aucun antécédent cardiaque.
14:18 D'ailleurs, dans la procédure, le cardiologue déclare...
14:21 - Il n'y a pas d'anomalie pouvant laisser supposer
14:24 l'existence d'une pathologie cardiaque.
14:27 - Les médecins évoquent un lien entre sa mort
14:33 et la prise de corticoïdes, sans pouvoir être catégorique.
14:36 Solange et Alain Groussel se posent des questions
14:39 sur l'entourage de leur fils.
14:42 - Malheureusement, il est tombé dans les mains,
14:45 vraiment, d'ignobles gens.
14:48 Et tout ça, ça l'a incité à faire quoi ?
14:51 On ne le sait pas trop, en fin de compte,
14:54 parce qu'on ne sait pas vraiment de quoi il est décédé.
14:57 C'est dommage de voir ça.
15:00 - Le juge d'instruction met d'abord en cause
15:03 le cercle des proches de Sébastien Groussel,
15:06 notamment Maya, son ex-compagne,
15:09 ancienne cycliste amateur elle-même.
15:12 Elle a fait un examen pour consommation et trafic.
15:15 Elle a accepté notre interview sous couvert d'anonymat,
15:18 en la présence de son avocat.
15:21 - À l'époque, je... je faisais de...
15:24 je faisais de l'amphétamine, par voie injectable.
15:27 - Vous consommiez ? - Oui.
15:30 - Vous trafiquiez ? - Oui.
15:33 - Vous le... vous le reconnaissez, ça ? - Complètement.
15:36 - La justice reproche surtout à Maya d'avoir remis
15:39 à 2 reprises à Sébastien Groussel des produits dopants,
15:42 notamment des corticoïdes.
15:45 Elle est également mise en examen pour incitation au dopage,
15:48 une accusation qu'elle a toujours contestée.
15:51 - Moi, je lui ai donné ça, comme vous allez donner à votre voisine
15:54 ce que vous a prescrit le médecin qui vous a réussi pour l'immigraine.
15:57 Je voyais vraiment pas le mal.
16:00 - Vous aviez pas conscience que c'était un produit dopant ?
16:03 - Dopant, oui, mais la gravité de la chose, non. Non.
16:06 Parce que dans le vélo, parler de dopage, c'était à chaque repas.
16:09 Dans le vélo, à l'époque, il y avait 3 sujets.
16:12 C'était dopage, le sexe et le vélo.
16:15 Ça allait pas plus loin et...
16:18 Mais non, on parlait de dopage à table sans arrêt.
16:21 Mais si faux, si Sébastien n'était pas mort,
16:24 j'aurais jamais pris conscience de ce geste.
16:27 Honnêtement.
16:30 - Alors rétrospectivement, maintenant, est-ce que vous...
16:33 Vous vous estimez quelque part responsable de son décès ?
16:36 - Maintenant ?
16:39 Non.
16:42 - Alain était l'ami et le coéquipier de Sébastien Groussel.
16:45 Selon lui, un des rouages essentiels du dopage dans le club,
16:48 c'était un médecin.
16:51 - Il te faisait comprendre que si...
16:54 Si tu voulais, tu pouvais avoir ce que tu voulais, quoi, tout simplement.
16:57 C'est aussi simple que ça.
17:00 De plein de manières différentes.
17:03 En te prescrivant le même jour, par exemple,
17:06 2 produits de la même famille sur 2 ordonnances différentes.
17:09 Une ordonnance à mon nom, une ordonnance au nom de ma mère.
17:12 Parce que vous avez pas le droit de prescrire 2 médicaments
17:15 de la même famille sur une même ordonnance.
17:18 Etc., etc., pour avoir, par exemple, 2 corticaux ou des conneries.
17:21 - Ce médecin aurait prescrit des produits à de nombreux copains
17:24 de vélo de Sébastien Groussel.
17:27 D'ailleurs, son nom est cité à plusieurs reprises
17:30 sur procès verbal.
17:33 Nous avons retrouvé ce docteur.
17:36 Il a toujours son cabinet dans les beaux quartiers de Paris.
17:39 - Est-ce que vous estimez que vous avez jamais été lié d'une page de loin
17:42 aux 2 pages dans le milieu cycliste ?
17:45 - On est tous liés.
17:48 En quelque sorte.
17:51 On est tous liés implicitement.
17:54 On n'est pas forcément acteurs.
17:57 - Si vous êtes prêts à une interview, il n'y a pas de problème.
18:00 - Non. - Non, pourquoi ?
18:03 - Parce que j'ai tourné la page. C'est tout.
18:06 J'ai tourné la page de ma vie.
18:09 - Ils disent tout ce qui passait chez vous
18:12 pour prendre des produits pour se doper.
18:15 - Ce médecin n'a jamais été poursuivi par la justice.
18:18 En revanche, le juge d'instruction met en examen
18:21 2 membres de l'encadrement sportif de Sébastien Groussel.
18:24 Motif ? Trafic et incitation au dopage.
18:27 Ils sont alors dirigeants dans son club au Bervilliers.
18:30 Stéphane Godry, à l'époque, en est l'un des membres
18:33 de l'encadrement sportif du Bervilliers.
18:36 Stéphane Godry, à l'époque, en est l'entraîneur.
18:39 Il a toujours nié les faits.
18:42 A-t-il fait pression sur le jeune Sébastien ?
18:45 Madame Groussel, sa maman le pense.
18:48 Elle se souvient notamment d'un épisode précis.
18:51 Nous sommes 4 mois avant le décès de son fils.
18:54 - On était à la maison
18:57 et M. Godry lui a téléphoné.
19:00 Je lui ai dit que je ne pouvais pas faire cette course
19:03 car j'avais des obligations familiales.
19:06 Je ne peux pas.
19:09 Quand il a raccroché, je lui ai dit
19:12 que ce n'était pas beau de mentir à son entraîneur.
19:15 Pourquoi tu as dit ça ?
19:18 Il m'a dit que je lui donnerais quelque chose pour gagner.
19:21 Je ne veux pas en prendre.
19:24 Mise en examen 2,
19:27 Stéphane Gickel.
19:30 Il est le soigneur de Sébastien.
19:33 Pendant l'instruction, il reconnaît les faits.
19:36 Sur procès verbal, il déclare...
19:39 - Je possédais une valise de travail
19:42 contenant divers produits interdits.
19:45 Il est arrivé que je leur donne ces produits
19:48 mais seulement avec l'aval de M. Godry.
19:51 Contacté le soigneur et l'entraîneur de Sébastien
19:54 n'ont pas souhaité s'exprimer et pour cause.
19:57 Une véritable omerta règne
20:00 dans le milieu du cyclisme amateur.
20:03 Alain a tenté de briser cette loi du silence sans succès.
20:06 - J'ai entendu des reproches sur les courses,
20:09 que je crachais dans la soupe,
20:12 que ça ne servait à rien, qu'il ne fallait pas en parler.
20:15 C'est des choses que j'ai entendues du milieu sportif.
20:18 On avait vraiment l'impression
20:21 quand on est acteur, c'est-à-dire sportif,
20:24 au sein du milieu, du vélo ou d'un autre sport,
20:27 que de toute façon, il ne faut pas en parler.
20:30 Que ça existe, que tout le monde le sait,
20:33 mais qu'il ne faut pas en parler parce que ça fonctionne comme ça
20:36 et que de toute façon, on n'y changera rien.
20:39 Impossible pour nous d'obtenir d'autres interviews
20:42 d'anciens coureurs du club de Sébastien Groussel.
20:45 Pourtant, sur procès verbal, certains coureurs accusent.
20:48 Comme par exemple...
20:51 - Godry et M. Jiquel sont venus dans notre chambre
20:54 avec une ampoule et une petite seringue.
20:57 Tiens, il faut que tu prennes ça.
21:00 Ça va t'aider pour faire la différence cet après-midi.
21:03 - Le 6 mars 2007, Maya, l'ancien soigneur
21:06 et l'ancienne entraîneur de Sébastien Groussel,
21:09 accusés d'homicide involontaire,
21:12 sont relaxés par le tribunal de Fontainebleau.
21:15 Ils sont au dopage à 18 mois de prison, dont 9 fermes.
21:19 Ils ont tous 3 fait appel de la décision.
21:22 Stéphane Jiquel a été licencié par son club
21:27 2 mois après sa condamnation.
21:30 En revanche, l'entraîneur est toujours employé
21:33 au club d'Aubervilliers, mais plus dans la section amateurs.
21:36 Selon le site Internet du club,
21:39 il a été nommé directeur sportif de l'équipe professionnelle.
21:42 Contacté, son avocat nous a affirmé
21:45 qu'il avait été suspendu par son club.
21:48 Pour s'en assurer, nous nous rendons au siège à Aubervilliers,
21:51 sous prétexte d'inscrire un enfant à l'école de vélo.
21:54 Surprise, c'est l'ancienne entraîneur
21:57 de Sébastien Groussel en personne qui nous reçoit.
22:00 Quelques jours plus tard,
22:03 nous y retournons, cette fois muni d'une caméra.
22:06 - Je vous ai vu l'autre jour. - Où ?
22:09 - Je suis allé sur le terrain. - D'accord.
22:12 Je ne peux pas exercer la fonction sur le terrain.
22:15 - Vous travaillez toujours ici ? - Je m'occupe de l'administration.
22:18 Là, on ne filme pas.
22:21 Quand je dis non, ce n'est pas l'interview,
22:24 ce n'est pas de filmer non plus.
22:27 Et on ne fait pas de filmer.
22:30 - Vous êtes en train de filmer ? - Oui.
22:33 - Vous êtes en train de filmer ? - Oui.
22:36 - Vous ne filmez pas ? - Non.
22:39 - Et à la sortie avec la caméra ? - Pas de soucis.
22:42 Le père de Sébastien Groussel aimerait lui aussi
22:48 rencontrer les dirigeants du club de son fils.
22:51 Nous l'avons accompagné au Trophée des Grimpeurs
22:54 le 18 mai dernier.
22:57 C'est vraiment un circuit fermé.
23:00 Cette course cycliste se déroule en banlieue parisienne.
23:03 Le départ de ce Trophée des Grimpeurs
23:06 entre Argenteuil et Sadois...
23:09 L'épreuve est réputée.
23:12 Alain Groussel sait que l'équipe d'Aubervilliers y participe.
23:15 Mais il va lui falloir attendre la fin de la course
23:18 pour pouvoir aller rencontrer le grand patron du club.
23:21 ...et Gilbert, licencié par le Réveillement...
23:24 Je vais lui poser des questions. J'attends un petit peu
23:27 parce que je suis un petit peu sous choc, un peu en colère.
23:30 Je vais me calmer un peu et je vais aller le voir.
23:33 Le grand patron, c'est lui, Stéphane Javalet,
23:36 directeur général du club.
23:39 Après la condamnation de Stéphane Gaudry,
23:42 il a dénoncé dans la presse un verdict démentiel et incohérent.
23:45 Il a notamment déclaré...
23:48 Il n'y a rien dans le dossier qui étaye l'hypothèse
23:51 d'incitation au dopage.
23:57 - Je peux vous parler une petite minute, monsieur ? - Oui, oui.
24:00 - Bonjour. Je suis Alain Groselle. - Ah oui. Bonjour.
24:03 J'ai appris que Gaudry était toujours chez vous.
24:06 Parce que normalement, il aurait dû être suspendu.
24:09 - Il parie qu'il s'occupe des enfants, maintenant. - Hein ?
24:12 - Il s'occupe des enfants, maintenant. - Ah bon ? Mais je sais pas.
24:15 - Vous êtes quand même le grand responsable. - Bah oui, oui.
24:18 Vous devriez le savoir, quand même. Je pense que vous devriez le savoir, monsieur.
24:21 Vous ne croyez pas ? Vous ne voulez pas répondre ?
24:24 Vous le protégez ?
24:27 Nous avons sollicité Stéphane Javalet pour une interview.
24:30 Il n'a pas souhaité s'exprimer.
24:33 Officiellement, la Fédération Française de Cyclisme lutte activement contre le dopage.
24:40 Elle a autorité sur tous les clubs de France.
24:43 Elle a le pouvoir d'exiger des sanctions.
24:46 Une interview nous est accordée à condition d'accepter la présence d'un responsable juridique.
24:51 Jean Pitalier, le président de la Fédération, n'est pas au courant des suites de l'affaire Groussel.
24:56 D'ailleurs, il ne semble pas avoir suivi ce dossier de très près.
25:00 Là, vous me parlez d'un cas d'espèce, qui est regrettable, parce qu'il y a un décès, je suis d'accord.
25:05 Mais comment voulez-vous que je suive toutes les affaires pour savoir un cas d'espèce ?
25:09 Je suis président de la Fédération, c'est vrai, mais je ne peux pas intervenir sur tous les cas,
25:12 même s'il y a un cas mortel. Des cas mortels, il n'y en a pas eu que lui.
25:15 Malheureusement, je ne peux que le regretter.
25:17 Vous pouvez peut-être, au moins, intervenir sur les cas mortels.
25:20 Attendez, mettons les choses en place.
25:23 Mettons les choses en place.
25:25 Le président de la Fédération, il y a 100 000 licenciés.
25:28 Même que ce soit un cas mortel que je regrette, je ne peux pas suivre tous les cas, les uns après les autres.
25:33 Comment voulez-vous que je fasse ?
25:35 Je vais aller voir. Pour moi, il n'a plus d'activité sportive.
25:39 Tant qu'Aubervilliers l'ait repris d'une autre façon, j'en sais rien.
25:43 Et puis sur le terrain, il reçoit des gens qui veulent se renseigner pour leurs enfants.
25:48 Oui, c'est vrai. J'avoue que ce n'est pas très logique.
25:53 En pleine interview, Jean Pitalier appelle l'avocat de la Fédération française de cyclisme.
25:59 Alors évidemment, je m'en mets à la place des parents de Bruxelles et des gens qui voient ça,
26:05 en disant, si on a un enfant, on sait qu'il a été condamné et on est accueilli par quelqu'un qui est condamné.
26:12 Qu'est-ce qu'on peut faire là-dedans, nous ?
26:14 [inaudible]
26:19 D'accord. Merci. Allez, au revoir.
26:23 Vous avez constaté que je ne reste pas le pied dans le même savon pour un gamine dans les affaires que vous me parlez.
26:29 Donc on va faire un courrier et je viens de lui en parler pour qu'il nous prépare, avec les différentes formes juridiques,
26:35 pour évoquer le problème, pour dire qu'il n'est pas souhaitable, vis-à-vis de l'opinion publique et vis-à-vis des parents,
26:41 que ce soit un garçon comme ça qui soit à l'accueil dans les médias.
26:45 À la suite de notre tournage, le nom de Stéphane Gaudry ne figurait plus sur le site internet de son club.
26:52 Mais trois mois plus tard, il travaillait encore à Aubervilliers, à l'accueil.
26:59 Si on fouille un peu dans le passé de telle ou telle personne, on s'aperçoit qu'ils n'ont rien à faire là, quoi.
27:06 Tout bonnement, quoi. Tout bonnement. C'est le travail des institutions, des instances, des fédérations.
27:11 Ils n'ont jamais fait le travail. Jamais. Elles ne le font pas aujourd'hui, le travail. Elles ne le font pas. Elles ne le font pas.
27:17 Les juges, eux, commencent à s'y intéresser.
27:24 Poitiers, Bordeaux, Caors, Perpignan, Narbonne, Reims, pour ne citer que ces villes.
27:33 En moins de six ans, elles ont été le théâtre d'affaires judiciaire dans le monde du vélo.
27:38 Toutes ont débouché sur des peines de prison.
27:42 Rugby, course à pied, ping-pong, basket.
27:48 Mais aussi football, judo ou boxe. Aucun sport, même parmi les plus populaires, n'est épargné.
27:57 Patrick Lhor, médecin à l'université de Paris-Orsay, a dirigé une étude concernant 2000 sportifs amateurs, répartis sur 51 disciplines différentes.
28:07 9,5% d'entre eux nous ont dit "moi j'ai déjà consommé une substance interdite au moins une fois au cours de ma vie sportive".
28:15 Vous dire est-ce qu'il y a des disciplines qui sont épargnées ou pas, la réponse c'est non.
28:22 Pour les non-initiés, se procurer des produits dopants, un jeu d'enfant, il suffit d'aller sur internet.
28:29 A notre disposition, une multitude de sites de produits dopants.
28:34 On y fait ses courses comme au supermarché.
28:37 Sur le site, la boutique du stéroïde, le mode d'emploi pour s'injecter des piqûres est même indiqué.
28:46 Pour vérifier la réalité de ces offres, nous passons commande d'une hormone de croissance, normalement interdite à la vente sans ordonnance.
28:55 Prix à payer, 450 euros.
28:58 Comme convenu, deux semaines plus tard, nous recevons notre colis.
29:04 Il provient de Slovaquie, comme l'indique le timbre sur l'enveloppe.
29:09 L'expéditeur est un certain Ivan Antonovski.
29:16 Apparemment, il travaille pour un laboratoire clandestin spécialisé dans la copie de médicaments.
29:23 Mais il y a plus rapide pour se fournir.
29:29 Sans être sportif et sans aucun contact dans le milieu, nous parvenons en moins d'une semaine à prendre rendez-vous avec un revendeur sous le manteau.
29:38 Ce n'est pas un dealer de drogue, mais ça y ressemble.
29:42 Nous sommes dans un jardin public en banlieue parisienne.
29:46 L'homme a accepté que nous filmions la transaction sous couvert d'anonymat.
30:05 - Ça fait combien ça ? - 24,2.
30:08 - Donc il y a plusieurs façons de se procurer des produits, soit des gens dans la chaîne de distribution.
30:24 - Dans les salles de sport, dans la distribution, dans les pharmacies.
30:31 Il suffit d'être un petit peu dans le milieu et tu as tous les contacts.
30:37 Tu peux toujours en avoir. Il suffit de te connaître et tu y vas.
30:42 - Donc c'est un pharmacien qui t'en vend et t'en vend quoi ?
30:45 - Oui.
30:47 Les produits peuvent venir de France, mais aussi de filières étrangères.
30:54 - Beaucoup de pays de l'Est. Il y a l'Espagne, il y a le Portugal.
31:00 Mais énormément de pays de l'Est.
31:03 - Ouais. - Et l'Asie.
31:05 - Et l'Asie. - Ouais.
31:07 Reste le plus rapide, la pharmacie de votre quartier.
31:11 Nous essayons d'acheter des médicaments qui facilitent la respiration pour les chevaux.
31:15 Ce sont des produits dopants très utilisés par les sportifs.
31:19 Ils sont exclusivement disponibles sur ordonnance vétérinaire, mais nous n'en avons pas.
31:24 Nous tentons notre chance dans deux pharmacies sans succès.
31:28 La troisième est la bonne.
31:30 - Bonjour madame, je cherche de la ventipulmine.
31:33 - Ventipulmine ? - Oui, ventipulmine, c'est pour chevaux.
31:36 - Je sais, je ne m'avais pas rendu l'ordonnance. - Est-ce qu'on peut le commander ?
31:40 - Elle est là ? - Elle est là.
31:42 - Ah, c'est parfait.
31:44 - Non, c'est la sous-pulmine, normalement, on peut la prendre dans la main.
31:47 - Ah bah écoutez, ce serait bien comme ça, ça me permet de rentrer directement ce week-end.
31:51 - D'accord.
31:56 - Parfait. - Voilà. - Merci beaucoup, au revoir.
31:59 - Au revoir.
32:01 Nous repasserons le lendemain pour prendre livraison d'une boîte de ventipulmine.
32:08 Un médicament fabriqué par un laboratoire allemand.
32:12 Les grands laboratoires alimentent-ils en toute connaissance de cause le marché des produits dopants ?
32:23 En Italie, un spécialiste l'affirme.
32:27 Nous sommes à Rome.
32:29 Sandro Donazzi est l'ancien entraîneur de l'équipe nationale d'athlétisme italienne.
32:35 Après avoir raccroché, il est devenu le spécialiste du dopage dans son pays.
32:41 Aujourd'hui, il sensibilise les collégiens au problème.
32:45 Il dénonce la stratégie marketing de certains grands laboratoires.
32:50 Son intervention commence par une anecdote.
32:53 - Alors, les enfants, je commencerai le cours comme ça.
33:00 Il y a quelques années, un des directeurs marketing d'une entreprise pharmaceutique multinationale, Merck...
33:08 Bref, ce directeur, c'était en 1994, soit il y a 13 ans, a dit cette phrase.
33:16 "Mon rêve est de vendre dans un futur proche des médicaments aux personnes en bonne santé. Pensez-y bien."
33:26 Sandro Donazzi s'est spécialisé dans l'étude des trafics de médicaments.
33:32 Il a été consultant pour le procureur de la République de Bologne et il a travaillé sur de nombreuses enquêtes internationales.
33:39 Il a notamment étudié la vente de l'hormone de croissance dans le monde. C'est actuellement le produit dopant à la mode.
33:46 A l'origine, un médicament bien spécifique destiné aux enfants de très petite taille.
33:53 - J'ai calculé que la vente de l'hormone de la croissance est 7 fois plus grande que la nécessité des malades.
34:03 - Dans le monde ? - Dans le monde.
34:05 - Sur quelle... - Sur quelle base ?
34:09 - C'est très simple, parce qu'il y a dans chaque pays un registre officiel des petits-enfants qui ont besoin de l'hormone de la croissance.
34:17 Un nombre très réduit, par exemple, en Italie, ce sont 2600.
34:22 Sur 7 hormones de croissance vendues dans le monde, 6 seraient destinées à des personnes non malades, notamment des sportifs.
34:30 Un résultat qui pourrait être bien en dessous de la réalité, car Sandro Donati n'a pris en compte la production que d'une partie des grands laboratoires.
34:41 Notre enquête nous conduit aux États-Unis, plus précisément à New York.
34:45 Un géant de l'industrie pharmaceutique a été mis en cause par un de ses anciens cadres.
34:51 En 2002, Peter Rost vient d'être nommé directeur marketing du groupe Pharmacia, à l'époque numéro 9 mondiale.
34:59 Ce laboratoire produit notamment une hormone de croissance, la génotropine, en trop grande quantité pour être honnête.
35:08 - Oui, I'll find it.
35:10 Il y a beaucoup de pages là-dedans, mais je sais qu'il y en a une ou deux qui peuvent vous intéresser.
35:19 Peter Rost a archivé dans son ordinateur les dérives qu'il a constatées à l'époque chez Pharmacia.
35:26 - C'était inscrit dans les plans stratégiques de Pharmacia et ses objectifs de vente.
35:34 Il fallait augmenter les ventes d'hormones de croissance pour usage non autorisé.
35:39 Les ventes de médicaments pour rester jeunes et de médicaments pour les sportifs.
35:47 Il était aussi précisé que les commerciaux devaient démarcher par téléphone les médecins pour qu'ils prescrivent illégalement.
35:56 Et bien sûr, Pharmacia donnait des primes aux commerciaux qui vendaient le mieux.
36:03 Le but c'était de s'assurer que les commerciaux allaient bien appeler les médecins.
36:09 Ils vendaient même parfois directement à certains médecins en leur faisant un prix.
36:14 L'objectif c'était de booster les ventes.
36:18 La société de Peter Rost est alors en train de négocier son rapprochement avec le plus grand laboratoire du monde, Pfizer.
36:28 - D'abord j'en ai parlé à mon supérieur.
36:31 Une enquête a été lancée et tout le monde a été interrogé.
36:35 Mais la société n'a pas pris les mesures nécessaires.
36:38 C'est pour cela que je suis remonté jusqu'à Pfizer pour faire part de mes inquiétudes.
36:42 Pfizer s'apprêtait alors à prendre le contrôle de Pharmacia.
36:46 Peter Rost envoie alors des mails à des cadres dirigeants de Pfizer, comme celui-ci, daté du 21 janvier 2003.
36:55 Il insiste sur les risques encourus par Pfizer à acquérir Pharmacia.
37:01 - C'est une violation des règles fédérales de distribuer des hormones de croissance détournées de leur usage.
37:10 Avant leur achat officiel, Pfizer est donc informé des pratiques douteuses de Pharmacia.
37:16 Ce qui n'empêche pas cette acquisition.
37:18 Trois mois plus tard, pour la somme de 60 milliards de dollars,
37:22 le groupe Pfizer-Pharmacia renforce ainsi sa place de leader mondial de l'industrie pharmaceutique.
37:28 Un événement à la bourse de New York.
37:30 Le directeur financier de Pfizer s'en félicitera en conférence de presse.
37:35 - C'est une grande opportunité de pouvoir rassembler les deux compagnies les plus dynamiques de notre industrie
37:41 et ainsi créer une entreprise encore plus forte.
37:44 Pris à payer pour cette acquisition, une amende.
37:48 Objectif, éviter toute condamnation pénale comme la loi le permet aux Etats-Unis.
37:53 Un mois après la fusion, Pfizer reconnaît les dérives de Pharmacia.
37:57 Les deux laboratoires plaident coupables devant la justice américaine.
38:01 En 2007, les deux géants de l'industrie pharmaceutique paient à l'Etat une amende de 35 millions de dollars
38:08 pour promotion illégale d'hormones de croissance.
38:11 - Vous savez, Pfizer fait un chiffre d'affaires d'environ 50 milliards de dollars par an.
38:18 Et un profit de 12 à 13 milliards.
38:21 Alors, une amende de 35 millions de dollars, ça équivaut à une amende pour excès de vitesse.
38:27 Nous avons sollicité les dirigeants du groupe Pfizer-Pharmacia pour une interview.
38:32 Sans succès.
38:34 La tâchette presse nous a simplement fait savoir que Pfizer assumait tout le passif de Pharmacia.
38:40 Selon un rapport commandé par les plus hautes autorités mondiales antidopage,
38:45 les grands laboratoires alimentent directement le quart du marché pharmaceutique.
38:51 Selon un rapport commandé par les plus hautes autorités mondiales antidopage,
38:57 les grands laboratoires alimentent directement le quart du marché des produits dopants dans le monde.
39:04 Face au dopage, les instances de contrôle sont désarmées.
39:12 En France, c'est l'AFLD, l'agence française de lutte contre le dopage, qui est chargée de cette mission.
39:20 Elle est fonctionnaire, elle est financée par l'Etat.
39:23 Elle a le plus grand mal à combattre les tricheurs.
39:27 On a mis des fuites, là, je peux vous dire, on a mis des fuites,
39:30 et on savait pas que des médecins étaient impliqués au niveau local dans une discipline.
39:36 Et quand on a déclenché un contrôle sur cette discipline, les gens étaient prévus.
39:41 Nous avons pu suivre un contrôle, un contrôle surprise, en banlieue parisienne.
39:47 Si ces contrôles sont monnaie courante chez les professionnels, ils sont très rares chez les amateurs, faute notamment de moyens.
39:55 Ça marche pas, moi. Il marche pas, il marche pas le mien. Il marche pas le mien.
40:03 Le directeur des contrôles est accompagné de deux médecins.
40:06 Aujourd'hui, il débarque à l'improviste à l'INSEP, l'Institut national du sport et de l'éducation physique.
40:13 Vas-y.
40:16 Dans ces bâtiments, tous les sports sont représentés.
40:21 Comme Sébastien Groussel, ces jeunes ne vivent pas de leur passion.
40:27 Ils rêvent simplement de devenir les champions de demain.
40:31 Il doit y avoir techniquement une séance d'entraînement, je pense.
40:33 On n'a pas de renseignements, donc on va bien voir.
40:35 Donc on va à la salle de l'entraînement, où elle est l'entraînement.
40:38 Et donc je vais notifier un certain nombre de sportifs pour un contrôle antidopage.
40:43 Le docteur Grondin commence par la salle d'haltérophilie.
40:48 Bonjour. Bonjour.
40:51 Docteur Grondin. D'accord.
40:53 Je suis missionné par l'AFLD aujourd'hui pour un contrôle antidopage inopiné d'entraînement.
40:57 D'accord. Donc je vais sélectionner quelques-uns de vos sportifs.
41:00 Oui, Olivier, t'en es où ?
41:02 Donc Olivier pour Jean-Pierre, là je suis à l'haltérophilie, donc on va notifier trois sportifs.
41:10 Vous avez peut-être entendu, donc je suis le docteur Grondin.
41:13 Je suis missionné par l'AFLD, donc pour un contrôle antidopage.
41:16 Je suis porteur d'un ordre de mission, vous connaissez ça.
41:19 Donc voilà, ça c'est mon ordre de mission, qui m'autorise à faire aujourd'hui à l'INSEP un certain nombre de contrôles inopinés d'entraînement.
41:27 Et je peux sélectionner les sportifs à mon choix.
41:29 D'accord, ça c'est ma carte de préleveur.
41:31 Donc on va remplir la notification, là il est 11h15.
41:35 Le sportif a une heure pour se présenter au contrôle.
41:38 Le docteur Grondin enchaîne les convocations.
41:41 C'est un peu une course contre la mande.
41:43 Effectivement, il faut agir rapidement pour éviter toute tentative d'errobate au contrôle.
41:52 Le risque, c'est que les sportifs, avertis de l'arrivée du médecin, se sauvent.
41:57 Direction cette fois la salle de gymnastique.
42:00 Bonjour, docteur Grondin.
42:03 Bonjour.
42:04 Je vais vous déranger à l'entraînement, je suis désolé.
42:06 Donc je suis missionné par AFLD, l'agence française de lutte contre le DOPA.
42:10 Je prends un contrôle inopiné à l'entraînement, c'est un contrôle urinaire.
42:13 Donc je vous laisse terminer votre entraînement, on va signer la notification.
42:16 D'accord.
42:17 Je vous explique où ça se passera, ça se passera sous le stade couvert.
42:20 Voyez où est-ce ?
42:21 Oui.
42:22 Descendez les marches.
42:23 Si le sportif ne se présente pas dans l'heure, il est considéré comme positif et risque donc une suspension.
42:32 C'est dans ce stade couvert que tout le monde a rendez-vous pour venir uriner dans un bocal.
42:37 L'autre médecin, le docteur Lostria, a déjà commencé à rameuter les troupes.
42:47 Le vestiaire fait office de salle d'attente improvisée.
42:52 Le docteur Lostria enchaîne les prélèvements.
42:55 Allez, t'en petit peu, vas-y.
42:59 Ouais, t'es bon là, de toute façon, déjà.
43:01 Allez.
43:02 Ouais, très fort.
43:05 Premier contrôle, premier coup.
43:07 Le règlement stipule qu'il faut un minimum de 75 ml d'urine.
43:12 Alors il y a parfois des contre-temps à cette mécanique bien huilée.
43:16 On va la faire.
43:19 Non mais écoute, on serait tentatif tout à l'heure.
43:22 Ce lutteur par exemple devra patienter.
43:25 C'est pas un problème ?
43:28 Qu'est-ce qui se passe ?
43:29 J'arrive plus à pisser, comme on dit, à la toilette.
43:33 Donc j'ai du mal à remplir le flacon.
43:35 C'est longtemps que vous attendez ?
43:37 Non, ça fait environ une heure.
43:39 On y va ?
43:40 Ouais.
43:41 Là-bas ou en face ?
43:42 Je peux me mettre là-dedans ?
43:47 D'accord.
43:48 Tu peux où tu veux, ouais, tu peux essayer.
43:49 Mais finalement, des fois ça marche peu quand on va dans les vraies toilettes, je sais pas ce que...
43:54 Le docteur Lostria est vigilant quand les sportifs urinent.
43:58 Il veut éviter toute forme de tricherie.
44:01 Là, c'est un judoka qui passe l'épreuve.
44:04 Excusez-moi docteur, vous regardez...
44:10 Je vais peut-être...
44:11 Oui, oui, oui, absolument.
44:13 Tu vois ?
44:14 Je suis en train de te regarder, voilà ce que je suis en train de dire.
44:17 Et bien pour être sûr que c'est bien ces urines qui...
44:21 Qui sont émises dans le flacon.
44:23 Parce que les tricheries classiques sont les sondes qu'on cache soit là,
44:26 dans les poches urines qu'on cache soit sous le bras avec des sondes,
44:29 ou soit, lorsqu'on a aussi vu les techniques plus modernes, c'est dans l'anus.
44:33 Après qu'ils ont les sportifs qui ont des sondes dans l'anus,
44:36 la sonde qui passe dans l'entrejambe et une sonde cachée derrière le pénis,
44:41 voilà pour être clair, et puis...
44:43 C'est bon, je crois que t'as ce qu'il faut là.
44:46 On va vérifier.
44:48 Donc voilà, il faut que nous on s'assure que ça soit bien le...
44:51 Tu te lèves ?
44:54 Ouais, t'en as encore un peu ?
44:55 T'as encore trois, quatre gouttes, non ?
44:56 75.
44:57 Voilà, t'as juste... Ok, on est juste...
44:59 Ça devait déjà arriver de confronter un des trichers ?
45:02 Moi personnellement, ça m'est arrivé une fois,
45:07 où la personne en fait a pas voulu que je le suive dans les toilettes, là,
45:10 et elle avait l'air très étonné que je rentre dans les toilettes avec elle.
45:14 Vas-y, va en...
45:15 Et donc en fait, il avait préparé son petit flacon.
45:19 Il était pas très bien équipé lui, parce qu'il y avait juste son truc dans la poche
45:22 et il pensait qu'il pourrait le mettre là-dedans.
45:25 Et donc voilà, ça c'est... Non, pas de chance, ouais.
45:28 Tu choisis un... Comme ça, un verre sapaque.
45:32 On va ouvrir ici, là, au bout.
45:36 Pour éviter toute contestation,
45:38 le médecin-préleveur doit respecter des règles très précises.
45:42 Et pour les amateurs, ce protocole est le même que pour les professionnels.
45:47 Donc t'as les bitumines rouges, là. Là c'est bon, on a pas besoin de ce qu'il y a dedans.
45:51 Tu le sors, tu vérifies le numéro qu'il y a dessus, il faut que ça soit le même
45:54 et on va noter le numéro sur le PV, là.
45:56 C'est combien, 36...
45:57 36, 34, 10.
45:59 Docteur, tout ça est très protocolaire.
46:03 Vaut mieux.
46:05 Pourquoi vaut mieux ?
46:06 6,5.
46:07 S'ils nous cherchent après des problèmes de vise de forme,
46:09 ce que font des avocats qui sont un peu au courant fond,
46:11 il vaut mieux avoir fait les choses dans les règles, même si bon, je pense que... Voilà.
46:15 Donc tu nous verses d'abord dans le verre, juste au-dessus de l'étiquette.
46:19 Le judoka doit ensuite verser lui-même son urine dans deux récipients différents.
46:24 Ce sont les échantillons A et B.
46:27 C'est juste au-dessous de l'étiquette, là, par contre.
46:30 Donc l'échantillon A, c'est pour un contre-expertise ?
46:34 Voilà, l'analyse, le laboratoire, il va analyser l'échantillon A.
46:37 Si c'est négatif, le contrôle est terminé, c'est négatif.
46:40 Si jamais le A est né positif, l'athlète est prévenu
46:43 et la contre-expertise sera faite sur le flacon B,
46:46 en présence de l'athlète ou d'une personne désignée par l'athlète.
46:50 Les échantillons sont mis sous scellés.
46:52 Ils sont ensuite acheminés au laboratoire de Châtenay-Malabry,
46:56 le seul agréé en matière de dopage en France.
47:00 Les 11 contrôles effectués à l'INSEP ce jour-là se sont tous révélés négatifs.
47:05 À l'INSEP, plusieurs centaines d'amateurs,
47:08 c'était le premier contrôle depuis un an.
47:12 Amateurs et professionnels confondus,
47:15 le laboratoire de Châtenay-Malabry ne peut effectuer qu'un maximum
47:19 de 10 000 contrôles par an en France, faute de moyens.
47:23 À l'Agence française de lutte contre le dopage,
47:26 le professeur Rieu est directeur scientifique.
47:28 Il reconnaît l'impuissance de son agence.
47:31 Qu'est-ce que c'est que 10 000 analyses sur 15 millions de licenciés
47:40 et je ne sais combien centaines de milles de compétitions ?
47:44 Tout azimut.
47:46 On est contre le nombre de contrôles qu'il faudrait faire
47:49 pour être vraiment dissuasif avec des sanctions à la clé.
47:54 Il n'y a pas qu'un manque de moyens.
47:57 Le règlement ne manque pas de surprendre.
48:00 Ce document officiel liste les produits interdits.
48:03 Certaines substances sont proscrites en compétition,
48:07 mais curieusement, elles sont autorisées à l'entraînement,
48:10 au grand dam de l'Agence française elle-même.
48:14 Comment peut-on imaginer que trois types de substances
48:21 comme les stimulants, les amphètes, les narcotiques,
48:27 les ruines par exemple, et les corticoïnes
48:32 soient considérées comme "permis" hors compétition,
48:41 c'est-à-dire pendant toute la phase d'entraînement ?
48:43 Je ne comprends pas pourquoi on continue de permettre
48:46 l'utilisation de ces substances hors de la compétition.
48:50 N'importe quoi.
48:52 Car les dopants que vous prenez à l'entraînement,
48:56 si vous permettez de plus vous entraîner, c'est un gain.
48:59 Donc vous trichez.
49:01 Un règlement incompréhensible.
49:04 D'autant que ces substances représentent les deux tiers
49:06 des produits dopants consommés par les amateurs.
49:10 En fait, l'Agence française n'a pas le choix.
49:13 Elle doit se conformer à la liste des produits interdits
49:16 et dictés par la plus haute instance de lutte
49:18 contre le dopage dans le monde,
49:20 l'Agence mondiale antidopage.
49:24 Jean-François Lamour, ancien ministre des sports,
49:27 en est le vice-président.
49:29 Il ne semble pas au courant de ce règlement.
49:33 Si quelqu'un se fait prendre à l'entraînement
49:35 avec des corticoïdes, il n'est pas sanctionné.
49:38 On est bien d'accord ?
49:39 Bien sûr que si, ça fait partie de la liste des produits interdits.
49:42 Vous êtes sûr de ce que vous me dites ?
49:44 Corticoïdes et stimulants autorisés à l'entraînement ?
49:48 Alors, écoutez, il y a une évolution
49:52 dont je ne suis pas au courant, vraiment.
49:56 Il faudrait qu'on revoie ça, tous les deux.
49:59 Quelques semaines après ce tournage,
50:01 Jean-François Lamour nous rappellera pour nous indiquer
50:04 qu'il s'était effectivement trompé.
50:11 La lutte antidopage chez les amateurs
50:13 est-elle vraiment une priorité ?
50:15 Pas sûr.
50:16 Le danger, lui, est pourtant bien là.
50:18 On se doperait de plus en plus jeunes.
50:22 Une étude américaine a même révélé un cas surprenant.
50:25 Cet étostéroïde anabolisant,
50:28 il s'agissait d'un enfant d'huit ans.
50:32 Sous-titrage Société Radio-Canada
50:36 Un film par Jean-François Lamour
50:40 Sous-titrage Société Radio-Canada
50:44 Sous-titrage Société Radio-Canada
50:47 Sous-titrage Société Radio-Canada
50:50 Sous-titrage Société Radio-Canada

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