Vendredi 3 novembre 2023, SMART BOURSE reçoit Olivier Delooz (Associé gérant, Clartan Associés)
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00:00 Le dernier quart d'heure de Smart Bourg, chaque soir, c'est le quart d'heure thématique
00:13 et chaque début de mois, le vendredi, nous avons rendez-vous avec les équipes de Clartent
00:17 Associés pour étudier, décrypter un cas d'investissement.
00:21 Le cas du jour s'appelle Richemont, bien connu dans le secteur du luxe.
00:26 Et c'est Olivier Delos qui est avec nous en plateau pour en parler, associé gérant
00:29 chez Clartent Associés.
00:30 Bonsoir Olivier.
00:31 Bonsoir Grégoire.
00:32 Merci beaucoup d'être avec nous et de venir évoquer le cas de Richemont, groupe suisse,
00:37 coté en Suisse, en tout cas dans le monde du luxe au sens large et de la joaillerie,
00:43 de la haute joaillerie plus précisément.
00:45 On va détailler évidemment le positionnement du groupe mais je voulais qu'on prenne le
00:49 temps quand même de refaire un peu l'histoire de ce groupe Richemont.
00:51 Je ne suis pas sûr que tous ceux qui nous écoutent ou nous regardent aient en tête
00:54 que l'histoire de Richemont qui a commencé il y a plusieurs décennies en arrière a
00:59 débuté avec des activités totalement en dehors de ce qui sont les activités-cœur
01:04 aujourd'hui de Richemont.
01:05 Oui absolument.
01:06 Alors c'est amusant parce qu'en fait il y a pas mal de groupes, de grands groupes du
01:09 luxe qui ont un peu commencé avec des activités finalement qui n'avaient rien à voir avec
01:13 le luxe.
01:14 Et Richemont alors qu'on connaît plus dans les grandes marques, c'est-à-dire Cartier,
01:18 Van Cleef & Harpels, Buccellati et puis des montres dont on parlera aussi tout à l'heure,
01:24 et bien en fait à ses sources en Afrique du Sud, lorsqu'un entrepreneur assez jeune
01:29 dans les années 40 avait constaté que dans la grande dépression, la grande dépression
01:34 des années 30, il y avait deux secteurs finalement qui avaient très bien résisté, c'était
01:38 les spiritueux et puis le tabac.
01:39 Et Anton Ruppert, donc qui est cet entrepreneur assez génial, voulait faire l'origine des
01:46 études de médecine et n'ayant pas assez d'argent, il s'est retourné vers l'entrepreneuriat
01:52 et il a eu l'idée de constituer une petite entreprise de fabrication de cigarettes.
01:58 Et avec quelques associés, donc il a commencé comme ça une petite entreprise et elle a
02:03 prospéré assez rapidement.
02:05 Et dans les années 60, il avait identifié une marque à Paris, magnifique, qui faisait
02:12 des très beaux briquets en or, qui s'appelait Cartier.
02:16 Et son idée, c'était tout simplement d'arriver à avoir la licence de Cartier pour faire
02:20 des cigarettes.
02:21 Et l'un de ses associés a négocié ça avec la famille Cartier à l'époque en disant
02:27 "écoutez, si on prend une petite participation dans l'une de vos filiales, est-ce que vous
02:31 nous laissez l'exploitation de la licence de cigarette ?"
02:34 Et donc Anton Ruppert l'a eu, il a pris 20% du capital de Cartier dans les années 60
02:41 et après l'activité a continué à se développer en parallèle.
02:45 Et après ça, il y a eu une deuxième étape dans le développement de ce qui n'était
02:51 pas Richemont à l'époque, ce qui s'appelait pas Richemont.
02:54 Ça a été la succession de l'entreprise Cartier à proprement dit.
02:58 C'est-à-dire que lorsqu'une famille a décidé de vendre, elle s'est dit "qu'est-ce qui
03:02 va pouvoir prendre une participation majoritaire ?"
03:04 Et elle s'est tournée assez légitimement vers Anton Ruppert qui, à ce moment-là,
03:08 a pris plus de 60% du capital.
03:11 Là, on est à la fin des années 60.
03:13 Et Anton Ruppert a continué à étendre ses activités, pas que dans le luxe à cette
03:17 époque-là, également dans l'audiovisuel.
03:21 C'est devenu très diversifié à cette époque-là.
03:24 Et en 88, à la fin, lorsque toute la question de la fin de l'apartheid a commencé à se
03:29 poser, il s'est dit "il va peut-être falloir quand même que je distingue mes activités
03:34 purement sud-africaines des activités mondiales".
03:37 Les activités mondiales qui continuent effectivement à pas mal prospérer.
03:40 Et là, son fils, Johann Ruppert, qui est le patron emblématique de Richemont en ce
03:46 moment et qui était banquier chez Lazare à l'époque, a dit à son père "on va
03:52 séparer les deux activités.
03:54 On va créer une holding qui va s'appeler Richemont en 1988 et qu'on va coter en Suisse
04:00 et dans laquelle on va mettre toutes les activités internationales".
04:03 Pas mal d'acquisitions ont ensuite suivi.
04:07 Il y a eu après évidemment les montres un peu plus tard.
04:12 Van Cleef a été racheté à la fin des années 90 et Johann Ruppert a vraiment restructuré
04:20 totalement ce holding.
04:21 C'est sous le mandat de Johann Ruppert, c'est avec la génération Johann Ruppert
04:26 que le groupe de luxe s'est constitué tel qu'on le connaît aujourd'hui.
04:29 Exactement.
04:30 Et donc il a vendu tout ce qui n'était pas luxe et c'est pas sans rappeler évidemment
04:34 les magnifiques histoires d'LVMH, de PPR devenu Kering entre temps, où ils ont façonné
04:40 des pépites à partir d'empires industriels à l'origine et en gardant les activités
04:46 les plus rentables et celles qui ont le plus de potentiel.
04:50 Johann Ruppert qui est toujours en poste aujourd'hui.
04:53 Il est parti à un moment mais il est revenu.
04:56 Il est absolument en manette.
04:57 La question de sa succession se pose.
04:59 Mais en tout cas c'est lui qui a constitué Richemont tel qu'on le connaît aujourd'hui.
05:04 Bon, justement, qu'est-ce qu'on peut dire du Richemont tel qu'on le connaît aujourd'hui
05:07 et de son positionnement dans un univers du luxe ?
05:10 J'allais dire qu'il est de moins en moins homogène.
05:13 On voit dans les acteurs notamment cotés mais non cotés également des positionnements
05:17 de plus en plus spécifiques, de plus en plus différents.
05:19 Qu'est-ce qui caractérise justement le positionnement de Richemont dans cet univers ?
05:24 Oui, alors il y a des stratégies effectivement assez différentes dans l'univers du luxe.
05:27 L'idée de Richemont c'est de faire du luxe le plus haut de gamme.
05:33 C'est l'extra-luxe, c'est le hard luxury.
05:37 C'est vraiment ce qu'il y a de plus fin, de plus unique.
05:41 Et on voit que l'industrie du luxe, d'ailleurs dans sa grande tendance, est en train de se
05:46 recentrer en termes de croissance vers ce qui est le plus au sommet de la pyramide de
05:50 Maslow finalement.
05:51 Et les riches, les personnes qui ont vraiment un capital important, veulent se différencier
05:58 de plus en plus par leur consommation.
06:00 Et donc ce qui est le luxe abordable finalement, c'est une première étape.
06:05 Mais ce qui fait l'essentiel de la croissance, 30 à 40% de la croissance, c'est probablement
06:09 les 2% des consommateurs les plus dotés.
06:13 Et Richemont a fait vraiment le choix d'un investissement très long terme là-dessus.
06:19 Donc ça c'est évidemment la Haute Joaillerie à travers Cartier qui est une marque emblématique,
06:23 Van Cleef & Harpels qui revient vraiment très très fort sur le devant de la scène, Buccellati
06:28 aussi.
06:29 Donc ces trois marques de Haute Joaillerie, aujourd'hui c'est 60% du chiffre d'affaires
06:34 de Richemont et sont des marges entre 35 et 40%.
06:38 Donc c'est absolument fantastique.
06:40 Et à côté de ça, il y a quelques très belles marques de Haute Horlogerie également,
06:46 IWC, Vacheron Constantin, Gégère Lecoute qui est plus classique mais peut-être plus
06:52 abordable, Panarail également.
06:54 Des belles marques, piagées bien sûr, qui pour certaines de ces mondes d'ailleurs,
07:00 on peut le dire, sont de l'extra-luxe, c'est assez clair.
07:04 C'est de la pièce unique quasiment.
07:05 C'est une pièce unique, c'est une pièce de collectionneur.
07:06 Mais c'est structurellement moins rentable, on ne parle que de marge entre 17 et 20%.
07:12 Donc on n'est pas dans la Haute Joaillerie mais c'est effectivement un positionnement
07:18 qui est très unique dans l'environnement du luxe.
07:21 Qu'est-ce qu'on donne comme perspective un peu globale pour ces segments-là spécifiques
07:26 de la Haute Joaillerie, de la Haute Horlogerie, Olivier ? Qu'est-ce que ça représente comme
07:32 marché et quelles sont les dynamiques de croissance des consommateurs ou du segment
07:37 des consommateurs qui peuvent se permettre de s'intéresser à ce type d'objet ?
07:41 Alors le luxe, ce n'est pas simple de voir exactement quelles sont les parts de marché.
07:45 Mais ce qu'on peut constater c'est qu'un richemont par exemple doit avoir à peu près
07:49 entre 7 et 10% de parts de marché sur le marché sur lequel ils sont positionnés.
07:56 Donc ce n'est pas beaucoup.
07:57 Et ce qui est très intéressant c'est de voir que c'est un marché qui croît.
08:00 On pense qu'il y a à peu près 400 millions de personnes aujourd'hui dans le monde qui
08:04 peuvent avoir accès à ce marché.
08:06 Qui sont des clients potentiels.
08:07 Potentiels.
08:08 D'accord.
08:09 Et d'ici 2030 ça va passer à 500 millions.
08:10 Donc ça veut dire que c'est vraiment l'élévation du niveau de vie au niveau global.
08:15 L'Inde est un marché potentiel.
08:17 On va voir si vraiment ils arrivent à rentrer dans ces codes de consommation.
08:22 Ce n'est pas quelque chose qui est tout à fait acquis.
08:24 Et le deuxième élément qui est assez intéressant c'est de voir que les jeunes générations,
08:28 les générations Y et Z sont extrêmement friandes de ce genre de produits.
08:34 Et de plus en plus tôt.
08:35 Avant on pensait peut-être s'acheter ce genre de biens et d'ailleurs plutôt les offrir.
08:42 Comme on disait si tu n'as pas de Rolex à 50 ans c'est ça.
08:45 Maintenant c'est à 30 ans.
08:46 C'est ça Olivier ?
08:47 Il faut effectivement.
08:48 Aujourd'hui il y a une vraie aspiration de ces générations de plus en plus jeunes
08:55 à avoir des produits de grande qualité, des produits qui gagnent de la valeur dans le temps.
08:59 Avec un marché secondaire.
09:00 Donc ça c'est un deuxième élément qui est assez décisif.
09:04 C'est une grande distinction entre le hard luxury comme vous dites et le fashion, la mode aussi haut de gamme soit-elle.
09:10 Oui exactement.
09:11 C'est vraiment de plus en plus le produit unique.
09:14 Faire un haut, un bijou Van Cleef et Cartier c'est des années de travail, c'est des années
09:21 de liste d'attente et c'est des produits qu'on ne trouve absolument nulle part ailleurs.
09:25 Il n'y en a qu'un dans le monde.
09:26 Donc ça fait vraiment leur unicité.
09:27 Et de ce point de vue le mouvement stratégique de LVMH à mon avis est très intéressant.
09:31 C'est à dire que l'acquisition de Tiffany c'est pas uniquement rajouter une marque
09:36 de plus au portefeuille.
09:39 Et si on regarde les grandes activités, les grandes acquisitions récentes, il y a eu Bulgari,
09:43 il y a Tiffany & Co.
09:45 Et Tiffany & Co c'est bien sûr pour s'ouvrir le marché américain mais c'est aussi pour
09:50 commencer à préparer l'avenir, d'être moins exposé à la maroquinerie et de commencer
09:56 à pousser les feux sur ce marché qui est extrême.
10:00 Au plus haut de la pyramide.
10:01 Au plus haut de la pyramide et où le pricing power est quasi illimité et où la rentabilité
10:07 est la plus forte.
10:08 Et donc ça, ça va être très très bon pour les grands acteurs de la haute joaillerie
10:10 parce que…
10:11 Pour Richemont c'est bon que LVMH ait racheté Tiffany, c'est bon pour Richemont et pour
10:15 son positionnement ?
10:16 Ce qu'on ne comprend pas c'est que lorsqu'il y a un marché qui est comme ça en croissance,
10:20 plus vous êtes d'acteurs à pousser le marketing et la publicité, plus vous en bénéficiez.
10:25 Et ce marché aujourd'hui est encore contrôlé à au moins 70% par ce qu'on appelle des
10:30 no-names.
10:31 C'est-à-dire des marques qu'on ne connaît pas.
10:33 Le joaillier artistique du quartier.
10:36 Et donc là il y a des parts de marché à gagner et l'ensemble de ces grands groupes
10:41 avec toute leur puissance de frappe marketing va contribuer effectivement à cette croissance.
10:48 Qu'est-ce qu'on peut dire du cas d'investissement ?
10:50 Peut-être à travers la séquence 2020 jusqu'à aujourd'hui, Olivier, je crois que c'était
10:57 le terme du CFO de LVMH à l'occasion de la publication des résultats qui montrait
11:00 la normalisation de la croissance.
11:02 Oui, 2020-2023 ça a été les années folles.
11:04 Richemont, comme les autres, a profité j'imagine de ces années folles.
11:10 Comment vous regardez le cas d'investissement sur cette période et spécifiquement aujourd'hui
11:16 en novembre 2023 ?
11:17 Chez Clairefont, ce qu'on cherche c'est vraiment d'avoir des détentions long terme
11:21 dans des très belles sociétés.
11:23 Et donc Richemont en fait incontestablement partie.
11:26 C'est vraiment dans notre univers d'investissement l'une des pépites qu'on cherche et qu'on
11:31 a eues par le passé.
11:33 On en a eues jusqu'à l'avant Covid.
11:36 A ce moment-là, il nous semblait quand même que c'était des niveaux de valorisation qui
11:39 commençaient à être plus que copieux.
11:41 Donc on a eu tendance à complètement vendre nos participations à ce moment-là.
11:44 Et on ne peut réinvestir sur ce genre de valeur que lorsqu'il y a des doutes conjoncturels
11:50 ou qu'il y a des crises.
11:51 C'est-à-dire grosso modo au moment de la grande crise Lehman et puis au moment du
11:56 Covid.
11:57 Et c'est logique, on s'est dit à ce moment-là normalement c'est une activité qui va énormément
12:01 souffrir.
12:02 Mais paradoxalement on a été dans l'une des seules crises de l'histoire où le pouvoir
12:06 d'achat du consommateur a cru.
12:07 Ce qui est absolument incroyable mais c'est comme ça que ça s'est passé.
12:10 Et donc lié en fait à un bon développement digital de toutes ces sociétés, le consommateur
12:15 a pu continuer finalement à accéder à ces produits.
12:19 Donc nous on a acheté à ce moment-là, on a investi assez massivement dans l'enrichement.
12:23 On a bien vu qu'il y avait une espèce de bulle qui s'est formée sur le luxe et sur
12:28 tout le secteur de finalement toute la fin de l'année 2022 jusqu'au printemps cette
12:34 année.
12:35 Là après une baisse de 30% ça nous semble être vraiment des points intéressants parce
12:38 qu'aujourd'hui Richemont ça vaut...
12:40 C'est depuis cet été, c'est ça que ça a rebaissé comme l'ensemble du secteur ?
12:43 Oui depuis quasiment le printemps.
12:44 Depuis le printemps.
12:45 Et on a eu une correction d'un peu plus de 30% sur la valeur.
12:48 Le PE est d'aujourd'hui entre 14 et 15 fois les résultats.
12:52 Donc ça veut dire 40% des cotes par rapport au PE historique.
12:55 On a 2,5% de rendement de dividende.
12:58 C'est une société qui a 8 milliards de francs suisses de cash net en portefeuille.
13:02 C'est l'un des seuls acteurs avec Hermès.
13:05 Il y a sûrement d'autres plus petits acteurs qui ont beaucoup de cash en portefeuille mais
13:08 les autres sont plutôt endettés.
13:09 Donc on pense qu'on a vraiment une bonne opportunité là pour un investisseur long terme.
13:13 Même si les prochains trimestres peuvent être un peu plus normalisés.
13:16 On ne va pas croître à 20% de manière normative.
13:19 En tout cas là on a une bonne opportunité pour un investisseur long terme.
13:23 Et en plus ce qui est très intéressant c'est de voir que par exemple le dividende entre
13:28 2014 et aujourd'hui a été multiplié par 3,5.
13:32 Donc on avait 1 franc suisse de dividende en 2014, on en a 3,5 aujourd'hui.
13:37 Donc il ne faut pas regarder uniquement le dividende instantané.
13:39 Il est très probable qu'on ait une forte croissance du dividende dans les prochaines années.
13:44 Merci beaucoup Olivier.
13:45 Merci d'être venu détailler pour nous ce cas passionnant qui est le cas richement dans
13:49 le monde de la haute joaillerie et du hard luxury.
13:52 Comme vous dites Olivier Delose, associé gérant chez Clartemps Associés qui était
13:55 avec nous dans ce quart d'heure thématique de Smart Bourse ce soir.
13:58 Merci.
13:59 Merci à vous.
14:00 Au revoir.
14:00 Au revoir.