• l’année dernière
Vendredi 3 novembre 2023, ART & MARCHÉ reçoit Pauline Chanoit (Experte, Chanoit expertise) et Marine Le Bihan (Avocate, Barreau de Paris)

Category

🗞
News
Transcription
00:00 *Générique*
00:07 Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans l'émission Art et Marché,
00:10 votre émission hebdomadaire consacrée au marché de l'art.
00:13 Pour commencer, on parlera de l'actualité de la semaine.
00:17 Le dessin de Léonard de Vercy obtient enfin son certificat d'exportation.
00:21 Rappel des faits avec Marine Le Bianc, avocate au cabinet MAPG Avocat.
00:26 Pour l'interview de la semaine, on s'intéressera à la cote de Picasso.
00:30 Peut-elle encore progresser ?
00:32 Est-il intéressant de se tourner vers des œuvres plus accessibles
00:35 comme des lithographies, des céramiques, des dessins ?
00:37 Autant de questions que nous poserons à l'experte en art moderne Pauline Chanois
00:42 du cabinet Chanois Expertise.
00:43 Tout de suite, c'est Art et Marché.
00:45 *Générique*
00:49 C'est l'actualité de la semaine, nous sommes en visio avec Marine Le Bianc
00:52 qui est avocate au cabinet MAPG Avocat.
00:55 Bonjour, merci beaucoup d'être avec nous.
00:57 Un collectionneur a sollicité en 2016 un certificat d'exportation
01:02 pour un dessin attribué à Léonard de Vercy intitulé
01:04 "Études pour un Saint Sébastien dans un paysage".
01:07 Mais tout ne s'est pas passé comme prévu.
01:09 Est-ce que Marine Le Bianc, vous pouvez nous faire un bref rappel des faits ?
01:14 Pour pouvoir exporter un bien culturel hors du territoire national,
01:18 donc un bien culturel c'est un bien qui présente un intérêt
01:21 d'un point de vue de l'art, de l'histoire ou de l'archéologie.
01:24 Pour exporter un tel bien, il faut solliciter auprès du ministère de la Culture
01:27 un certificat d'exportation si le bien complit certaines conditions,
01:31 notamment d'ancienneté et de valeur.
01:34 Donc en 2016, un propriétaire d'un dessin de Léonard de Vercy
01:38 sollicite ce certificat auprès du ministère de la Culture
01:41 pour pouvoir l'exporter hors de France.
01:43 Là-dessus, le ministère de la Culture refuse ce certificat d'exportation.
01:48 Dans ce cas, le certificat n'est pas octroyé
01:51 et l'œuvre ne peut pas quitter le territoire français.
01:53 Pendant un délai de 30 mois,
01:56 l'État français peut faire une offre d'acquisition de l'œuvre
02:00 et c'est ce qui s'est passé.
02:01 L'État français a offert pour 10 millions d'euros
02:05 d'acheter le dessin de Léonard de Vercy.
02:08 Le propriétaire, à l'époque, a refusé cette offre
02:11 à hauteur de 10 millions d'euros.
02:12 Et donc s'est mise en place une procédure d'expertise
02:17 pour pouvoir fixer la valeur de l'œuvre.
02:20 Le propriétaire du dessin d'une part
02:23 et l'État français d'autre part ont désigné chacun un expert
02:26 et ces deux experts ont fixé la valeur de l'œuvre
02:29 à hauteur de 15 millions d'euros.
02:31 Donc l'État français pouvait accueillir l'œuvre pour 15 millions d'euros.
02:35 Donc ça veut dire que la personne qui a acheté l'œuvre
02:37 a le droit de refuser le montant proposé par l'État.
02:41 Ça ne se fait pas automatiquement à hauteur de l'œuvre
02:45 lorsque la personne l'a achetée en fait ?
02:48 Alors en fait c'est le propriétaire qui refuse
02:50 l'offre qui est faite par l'État français.
02:52 À ce moment-là, dans cette affaire de Guélon-Ardevinci,
02:55 l'œuvre n'était pas vendue.
02:56 Donc le propriétaire avait la possibilité de le vendre à l'État français
03:00 au départ pour 10 millions d'euros.
03:02 Il a refusé en estimant que le prix était trop faible
03:05 et l'expertise qui a été organisée entre l'État d'une part
03:08 et le propriétaire d'autre part a amené à la conclusion
03:11 que le prix devait être fixé à 15 millions d'euros.
03:15 Et là l'État français pouvait acheter l'œuvre pour 15 millions d'euros.
03:18 Il se trouve qu'en 2020, l'État français a renoncé à acquérir l'œuvre
03:22 pour 15 millions d'euros.
03:23 À ce moment-là du coup, le propriétaire a sollicité
03:27 à nouveau un certificat d'exportation
03:29 puisque son but était toujours de pouvoir exporter l'œuvre
03:32 hors du territoire national.
03:34 Et l'État français ne pouvait plus refuser ce certificat.
03:37 Mais il y avait une autre astuce pour refuser le certificat,
03:41 c'était d'aller sur le terrain de l'irrecevabilité
03:43 de la demande formée par le propriétaire.
03:45 Et cette fois, l'État français a estimé que le propriétaire
03:49 ne justifiait pas de sa légitime propriété
03:53 et finalement a excité d'une provenance douteuse
03:57 qui proviendrait d'un vol.
03:59 Donc l'État français a demandé au propriétaire du dessin
04:02 de justifier qu'il en était bien le légitime propriétaire,
04:05 ce que le propriétaire du dessin a fait.
04:07 Et estimant que dès lors, plus rien ne s'opposait
04:10 à sa demande de certificat d'exportation.
04:12 Pour autant, l'État français a gardé le silence
04:15 et n'a pas fait droit à la deuxième demande de certificat
04:19 du propriétaire.
04:20 Donc le propriétaire du dessin, cette fois,
04:22 a saisi le tribunal administratif pour faire injonction
04:26 au ministère de la Culture de lui délivrer
04:27 un certificat d'exportation.
04:29 Le ministère de la Culture s'est défendu toujours
04:31 en excipant de l'existence d'un vol de ce dessin.
04:36 Et pour autant, le tribunal administratif,
04:38 dans sa décision du 20 octobre 2003,
04:40 a estimé que l'État français avait excité d'une plainte
04:45 qui était sans lien avec le dessin de Léonard de Vinci
04:49 et a donc fait injonction au ministère de la Culture
04:52 de délivrer le certificat dans un délai de deux mois.
04:55 Donc désormais, plus rien ne s'oppose à ce que l'État français,
04:58 à ce que le ministère de la Culture délivre ce fameux certificat.
05:01 Et donc ce dessin va sûrement quitter le territoire français,
05:04 mais un tel va et vient, comme ça, c'est exceptionnel ?
05:08 C'est assez exceptionnel.
05:09 Alors en fait, le dessin, pour l'instant,
05:12 va être autorisé à quitter le territoire français.
05:16 Ça ne veut pas dire qu'il va forcément le quitter.
05:19 Peut-être que son propriétaire n'a pas l'intention
05:21 de s'en dessaisir pour l'instant.
05:23 Peut-être qu'il a l'intention de le vendre.
05:24 Et dans ce cas-là, les potentiels acquéreurs seront rassurés.
05:28 Les potentiels acquéreurs étrangers seront rassurés
05:30 parce qu'ils pourront acquérir l'œuvre
05:32 et la faire sortir du territoire français.
05:34 Donc on attend une vente.
05:36 Voilà, on attend une vente.
05:38 C'est ça.
05:38 Merci beaucoup Marine Lebihan.
05:39 Je rappelle que vous êtes avocate au cabinet MAPG Avocat.
05:43 Merci de nous avoir éclairé sur cette histoire.
05:45 Et tout de suite, on passe à l'interview de la semaine.
05:47 Et tout de suite, c'est l'interview de la semaine.
05:52 Alors 2023 représente les 50 ans de la mort de Pablo Picasso.
05:56 Les œuvres du peintre mondialement connu
05:58 sont au cœur de de très nombreuses expositions.
06:00 Il y a aussi énormément de céramique,
06:01 dessin, lithographie au sein de ventes.
06:05 Certains prix sont bien sûr mirobolants.
06:07 Est-ce qu'ils peuvent aller encore plus haut ?
06:08 Est-ce que la cote de l'artiste est à son apogée ?
06:11 Ce sont des questions que nous allons poser
06:12 à l'experte en art moderne Pauline Chanois,
06:14 qui est experte au cabinet Chanois Expertise.
06:17 Merci beaucoup d'être présente avec nous.
06:19 Bonjour.
06:19 Bonjour Sybille.
06:20 Alors il y a quelques mois,
06:22 vous avez expertisé un tableau de Pablo Picasso
06:24 intitulé "Le peintre", un tableau de 1967.
06:27 Alors son estimation était à 1,5 million, 2 millions.
06:30 Elle a été adjugée à 2,3 millions d'euros.
06:33 Comment s'est passé l'expertise ?
06:35 Comment est-ce qu'on tombe sur ce prix notamment d'estimation ?
06:39 Alors, c'est vrai qu'avant d'estimer un tableau,
06:48 il y a tout un processus d'authentification.
06:51 C'est vrai qu'on préfère être sûre que l'oeuvre est bien authentique.
06:54 C'est une oeuvre qui a été découverte dans une collection particulière
07:00 où il y avait également des tableaux d'une peintre portugaise
07:04 qui s'appelle Viera da Silva.
07:05 La collection était très belle.
07:07 Il y avait ce tableau dans le salon.
07:10 Et donc on est tout de suite tombé amoureux du tableau.
07:14 Il représentait un mousquetaire.
07:15 Voilà, c'était une oeuvre de la fin de vie de l'artiste.
07:18 Et ce tableau qui était très spectaculaire,
07:20 on a eu la chance, il a été reproduit dans le catalogue "Raisonné"
07:23 rédigé par Zervos.
07:25 Donc un catalogue "Raisonné", c'est un ouvrage
07:28 qui répertorie toutes les oeuvres de l'artiste.
07:30 Donc déjà, il y avait des preuves, des responsabilités.
07:33 Et ce qui est intéressant, c'est que notre tableau était signé,
07:37 or dans le catalogue "Raisonné" établi par Zervos.
07:40 Un catalogue établi en 26 volumes,
07:42 puisque Picasso est un artiste extrêmement prolifique.
07:45 Il a produit plus de 50 000 oeuvres.
07:48 Rien que quand vous placez les différents volumes du catalogue "Raisonné",
07:51 vous avez à peu près pour 1,20 m de livres, les uns à côté des autres.
07:56 Donc cette oeuvre était reproduite dans le catalogue "Raisonné" de Zervos,
07:59 non signée.
08:01 C'est très intéressant.
08:01 Il faut savoir que Picasso, tant que les oeuvres n'étaient pas sorties de son atelier,
08:05 ne signait pas les tableaux.
08:07 D'accord.
08:08 Le tableau a un historique,
08:10 puisqu'il est passé par la galerie Louise Lérisse,
08:13 qui était la galerie de Picasso à la fin de sa vie.
08:17 Et si vous voulez, Picasso,
08:19 qui a confié ce tableau à la vente à la galerie Louise Lérisse,
08:23 a évidemment signé le tableau.
08:24 Donc là, c'était bon, c'était un bon tableau.
08:26 Exactement.
08:27 Et comment est-ce qu'on s'arrête sur ce prix ?
08:28 Pourquoi ?
08:29 C'est vrai que là, il y a une vente bientôt,
08:31 Émilie Ficher-Lando, avec un magnifique tableau de Picasso
08:34 qui est estimé à 120 millions d'euros.
08:37 Comment est-ce qu'on tombe sur ce genre de prix ?
08:39 Là, pourquoi 1,5 million ?
08:41 Pourquoi là, 120 millions ?
08:43 Alors, pour juste revenir en arrière sur le processus d'authentification,
08:49 pour terminer en dehors du catalogue "Raisonné" de Zervos,
08:52 j'ai eu la chance d'ailleurs de connaître Maya Picasso,
08:55 qui a travaillé sur l'oeuvre de son père
08:58 et qui établissait des certificats d'authenticité
09:00 puisque toutes les oeuvres ne sont pas répertoriées dans le Zervos.
09:04 Et après Maya Picasso, il y avait également Claude Picasso
09:06 qui a monté le comité Picasso,
09:08 qui malheureusement nous a quittés cette année.
09:11 Et vous avez donc Paloma Picasso qui reprend les expertises
09:15 et le comité Picasso, toujours en collaboration avec Christine Pinault,
09:18 une personne qui connaît extrêmement bien l'oeuvre de Picasso.
09:21 Et donc, nous avons quand même soumis notre tableau au comité
09:24 qui nous a bien confirmé que le tableau que nous avions entre les mains
09:27 était bien le même que celui qui était reproduit dans le catalogue de Zervos.
09:31 Pour revenir à votre question,
09:32 c'est vrai qu'il y a plusieurs éléments pour estimer une oeuvre d'art.
09:36 Donc effectivement, il y a la période, la datation,
09:39 il faut resituer l'oeuvre dans la vie de l'artiste.
09:44 Il y a également le format, le sujet, la technique,
09:51 c'est-à-dire qu'une toile est toujours beaucoup plus chère qu'un dessin.
09:55 Et justement, c'est vrai que pour des collectionneurs
09:58 avec pas forcément autant de budget,
10:01 il y a quand même pas mal d'oeuvres qui sont très prolifiques.
10:04 Justement, il y a pas mal de dessins, pas mal de céramique, de lithographie.
10:07 Est-ce que pour vous, c'est intéressant de se tourner vers ce type d'oeuvres ?
10:09 Est-ce que ça peut prendre autant de valeur que certains tableaux ?
10:14 Ou justement, comme c'est un artiste très prolifique,
10:18 parfois on peut se dire qu'il y en a plein ?
10:20 C'est vrai que ce qui est intéressant,
10:22 c'est que souvent on dit que la cote d'un artiste
10:25 peut être basée aussi sur le fait qu'il y ait une production faible.
10:29 Par exemple, Vermeer, il y a très peu de tableaux répertoriés.
10:31 Vinci, il y a le fameux tableau de Samuel Talmudic
10:34 qui a été adjugé à 450 millions d'euros.
10:37 Il faut dire que pour Picasso, c'est absolument un contre-exemple,
10:40 puisque lui, c'est le contraire.
10:41 Il y a une production absolument énorme.
10:43 Et malgré ça, il est toujours au podium,
10:46 toujours de l'artiste, c'est l'artiste le plus vendu au monde.
10:49 Il y a toujours des résultats absolument exceptionnels,
10:52 souvent millions d'euros, pour les tableaux.
10:53 Ce qui est intéressant dans votre question,
10:55 effectivement, un acquéreur avec quelques milliers d'euros
10:59 peut se faire plaisir et acheter un dessin,
11:03 une œuvre originale,
11:05 peut être en vente publique auprès d'une galerie.
11:08 Sinon, vous pouvez aussi acquérir une lithographie ou une céramique.
11:11 Picasso a réalisé avec les ateliers Madura des céramiques.
11:17 C'est vrai que ce sont des éditions à 150, 250, 300 exemplaires.
11:20 Vous pouvez vous faire plaisir pour entre 1 500.
11:23 Et vous avez des céramiques qui peuvent se vendre même jusqu'à 100 000 euros.
11:25 Et ça, ça peut prendre de la valeur, vous pensez ?
11:28 Écoutez, depuis une vingtaine d'années,
11:30 on a constaté que la cote de Picasso était très stable,
11:33 voire elle est vraiment montée depuis un certain nombre d'années.
11:36 Oui, c'est possible.
11:37 Ce serait très prétentieux de prédire,
11:39 mais je pense que c'est quand même un artiste,
11:43 c'est un nom qui est familier à tout le monde et surtout à l'international.
11:46 C'est-à-dire que les ventes sont exceptionnelles à New York,
11:50 en Angleterre, à Paris.
11:53 Et vous avez aujourd'hui des musées chinois privés
11:56 qui achètent des œuvres de Picasso,
11:59 comme elles achètent aussi des œuvres de Gauguin, Modigliani.
12:02 C'est vrai que son nom est tellement partout
12:04 qu'on se demande à quel point ça peut aller encore plus.
12:06 Est-ce que ce ne serait pas du coup une apogée
12:08 pour que du coup, dans peut-être 10, 15 ans,
12:11 voire plus, ça perde un petit peu de sa superbe ?
12:16 Ou alors vous pensez que ça peut encore aller encore plus haut ?
12:20 C'est difficile de répondre à votre question.
12:22 Maintenant, je pense que c'est un artiste,
12:25 c'est tellement un maître, un contesté du XXe siècle
12:28 que je doute fort que sa cote baisse.
12:31 Et je pense qu'elle devrait rester stable,
12:33 voire continuer à monter encore un peu,
12:35 malgré le fait qu'il y ait beaucoup d'œuvres
12:37 qui puissent apparaître sur le marché.
12:38 Et il faut dire aussi que Picasso a quand même un musée à Paris,
12:45 le musée national Picasso.
12:47 Vous avez un musée à Valoris,
12:49 vous avez une fondation à Malaga.
12:52 C'est quand même un artiste qui a aussi
12:54 eu des rétrospectives de son vivant.
12:56 Il y a une exposition au Palais des Papes en Avignon,
13:00 il a été exposé au Grand Palais,
13:02 au Petit Palais de son vivant.
13:03 C'est un artiste qui a une reconnaissance internationale.
13:08 Merci beaucoup Pauline Chanoy.
13:10 Je rappelle que vous êtes experte en art moderne
13:12 au cabinet Chanoy Expertise.
13:14 Merci à vous de nous avoir regardés
13:16 et on se retrouve la semaine prochaine
13:17 pour un nouveau numéro d'Art et marché.
13:20 [Musique]