Mardi 5 novembre 2024, ART & MARCHÉ reçoit Léopold Vassy (Juriste en droit du marché de l'art) et Nicolas Chwat (Directeur, CC ART)
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00:08Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art & Marché, votre émission hebdomadaire consacrée au marché de l'art.
00:13La ministre de la Culture Rachida Dati a refusé d'accorder le certificat d'exportation à une suite de 6 panneaux peints par le jeune Édouard Villar.
00:21Le juriste en droit du marché de l'art Léopold Vassy nous donnera plus d'informations sur ce cas en début d'émission.
00:27Et puis pour l'interview de la semaine, nous recevrons Nicolas Schfatt, directeur de CCR, un département du Crédit Municipal de Paris,
00:34qui se développe et qui réalise des prêts garantis par œuvre d'art.
00:38Merci à vous toutes et tous qui nous rejoignez. Tout de suite, c'est Art & Marché.
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00:466 panneaux peints par le jeune artiste Édouard Villar en 1892 ne peuvent pas être vendus à l'étranger.
00:53C'est la décision de la ministre de la Culture Rachida Dati, qui a refusé d'accorder son certificat d'exportation à cet ensemble d'œuvres.
01:01Léopold Vassy, qui est juriste en droit du marché de l'art, est avec nous en visio pour nous en dire plus.
01:06Merci beaucoup d'être avec nous.
01:07Est-ce que vous pouvez tout d'abord nous expliquer pourquoi cet ensemble d'œuvres a été jugé exceptionnel ?
01:13Bien sûr, parce que ces panneaux réalisés par Villar présentent un intérêt majeur pour le patrimoine national
01:22du point de vue de l'histoire de l'art.
01:24C'est ce qu'a estimé à l'unanimité la Commission consultative des trésors nationaux,
01:29et dont l'avis a été ensuite suivi par la ministre de la Culture Rachida Dati.
01:34Cette notion d'intérêt majeur est fondamentale.
01:37C'est elle qui justifie le classement comme trésor national,
01:42et c'est donc de ce classement dont découle le refus d'exportation.
01:47Plusieurs éléments ont été avancés pour justifier justement ce classement.
01:52Le premier tient très certainement à l'intégralité de la conservation de cette œuvre,
01:57puisque c'est aujourd'hui, ces six panneaux sont les seuls,
02:01si vous voulez, ensembles décoratifs peints par Villar qui y sont encore complets à ce jour.
02:07D'autre part, on peut noter la provenance aussi, puisqu'il s'agit de la première commande passée à l'artiste en 1892.
02:15C'est une œuvre de jeunesse,
02:17et donc c'est les époux des marais qui souhaitaient que cette œuvre soit réalisée pour orner leur hôtel particulier parisien.
02:28La troisième raison tient bien évidemment à la virtuosité de son exécution,
02:35à ses qualités esthétiques, puisqu'elle témoigne d'un talent aussi grand que précoce,
02:41d'une certaine maturité et d'une parfaite assimilation des concepts navis
02:46qui, selon les termes de Rachida Dati, ont fait un véritable manifeste navis.
02:53Et puis enfin, c'est une période qui est charnière pour l'artiste.
02:56On est à l'orée de sa carrière, dans le début des années 1890,
03:01ce sont ces années où le peintre commence la peinture décorative,
03:06ce sont ces années où le peintre rejoint le mouvement navis,
03:10et c'est au contact de ses membres qu'il finalement délaisse sa formation académique
03:16pour explorer l'avant-gardisme, pour explorer la doctrine du synthétisme.
03:24Et donc finalement, c'est comme ça qu'il rentre dans l'avant-gardisme.
03:29C'est un témoignage qui est exceptionnel,
03:32qui permet à la fois, si vous voulez, d'apporter une meilleure compréhension de l'œuvre de l'artiste,
03:38mais aussi une meilleure compréhension du post-impressionnisme.
03:42Et donc c'est pour toutes ces raisons qu'il a été décidé
03:46que ces panneaux seraient classés comme trésor national.
03:49Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que c'est que cette procédure de refus d'exportation d'une œuvre d'art ?
03:56Bien sûr. En fait, ce classement s'inscrit dans une musique de protection patrimoniale.
04:03Comme vous le savez, l'État dispose d'un droit de regard et un droit d'entrade
04:07sur la circulation des biens culturels,
04:09et peut donc, à ce titre, s'opposer à une vente à l'étranger.
04:13C'était ici la demande de certificat d'exportation
04:19qui a été refusée parce qu'elle a été classée comme trésor national.
04:22Alors il faut savoir que c'est une procédure exceptionnelle.
04:25Chaque année, il y a environ 10 000 demandes de certificat d'exportation,
04:28et seule une dizaine sont obligées d'un refus lorsqu'il y a cet intérêt majeur.
04:34Et donc, une fois qu'il y a ce refus,
04:38on a un délai de 30 mois qui va permettre à l'État d'essayer d'acquérir l'œuvre
04:42pour éviter qu'elle ne soit vendue à l'étranger.
04:44En fait, c'est cette logique de protection du patrimoine national.
04:48Merci beaucoup Léopold Vassil,
04:50je rappelle que vous êtes juriste spécialisé dans le droit du marché de l'art.
04:53Merci à vous de nous avoir expliqué cette procédure de certificat d'exportation,
04:58et tout de suite, on passe à l'interview de la semaine.
05:00Le Crédit Municipal de Paris, établissement bancaire de crédit parisien,
05:08possède également un département de prêt garanti par œuvre d'art intitulé CCArt.
05:14Nicolas Chfat, vous êtes directeur de CCArt, vous êtes notre invité.
05:18Merci beaucoup d'être avec nous.
05:19Merci de me recevoir.
05:21Alors, CCArt a été lancé il y a environ 7 ans au sein du Crédit Municipal de Paris.
05:28Est-ce que vous pouvez nous dire comment c'est passé, comment a été créée cette initiative ?
05:34En fait, l'idée, c'était de pouvoir accompagner des collectionneurs
05:36qui ont des œuvres d'art ou des objets de valeur de qualité,
05:40et qui nécessitent une approche qui est plus spécifique en termes de « due diligence »,
05:46c'est-à-dire tout ce qui est vérification nécessaire pour l'authentification, pour la valorisation.
05:52Il y avait aussi l'idée de pouvoir conserver les œuvres dans un cadre muséal,
05:57dans des conditions muséales, que ce soit dans des réserves privatives ou collectives,
06:02et donc de pouvoir accompagner les collectionneurs sur ce sujet.
06:05Et puis, CCArt, c'est en plein cœur de Paris, donc avoir des zones de stockage au centre de Paris, c'est rare.
06:12Mais là, la nouveauté depuis ces 7 ans, c'est que, justement,
06:15vous proposez un accompagnement encore plus élaboré, on va dire ?
06:20Absolument, on propose un accompagnement qui est 360.
06:24C'est-à-dire qu'il y a en effet cette offre de conservation d'œuvres d'art,
06:29dans des conditions idoines et en fonction des typologies des œuvres qui nous sont déposées.
06:35Vous avez aussi plein d'accompagnements sur la restauration, sur l'encadrement, sur les descriptifs,
06:41des visuels haute définition qui peuvent permettre d'avoir aussi de contribuer à la valorisation de l'œuvre.
06:47Et puis aussi, on a cette offre de prêts sur œuvres d'art,
06:52où l'œuvre d'art va être le collatéral.
06:55On a accompagné l'année dernière à peu près 217 clients sur ce sujet.
07:03C'est le sujet des garanties.
07:05Absolument, et c'est quelque chose qui se porte bien parce qu'au 31 juillet,
07:09on avait déjà accompagné le même nombre de clients.
07:13Donc, on a cette offre aussi, on essaye d'être ultra rapide.
07:19On accompagne uniquement les particuliers et on est capable d'offrir une estimation entre 5 à 7 jours ouvrés.
07:29Et puis après, vous avez tout le système de crédit qui se met en œuvre.
07:36Mais on a toute une clientèle de collectionneurs qui ont besoin d'avoir un cash flow qui est rapide
07:44quand une œuvre apparaît sur le marché, par exemple.
07:46Et donc, on propose aussi de faire toutes les due diligence en amont
07:51avant d'avoir besoin de cette ligne de crédit pour pouvoir l'activer en 48 heures quand le client en a besoin.
07:58Est-ce que vous avez senti le besoin de faire cette proposition de A à Z ?
08:03Est-ce que le collectionneur envisage son patrimoine culturel différemment ?
08:10Est-ce que ça a évolué depuis ces dernières années ?
08:13Oui, le collectionneur envisage son patrimoine de façon culturelle, de façon différente.
08:18En tout cas, il y a une financiarisation et l'approche du collectionneur, de l'œuvre en tout cas,
08:25est beaucoup plus perçue comme un collatéral qui peut être utilisé à un moment ou à un autre,
08:30que ce soit pour injecter des fonds dans une entreprise entrepreneurial
08:36ou pour enrichir une collection ou pour des événements de vie.
08:41Donc ça, c'est quelque chose qui est assez nouveau et qui s'étend sur toutes les tranches d'âge.
08:48À mon avis, le fait que ça s'étend sur toutes les tranches d'âge, c'est vraiment intéressant
08:52parce que ça montre que ce système est poreux, en tout cas a été intégré par tous les collectionneurs.
08:59L'art lending est quelque chose qui se développe de façon importante, surtout dans les pays anglo-saxons.
09:06Le Deloitte Art Report 2021 envisageait le prêt adossé sur les œuvres d'art entre 24 et 28 milliards d'euros.
09:17Et c'est quelque chose qui touche principalement les personnes physiques
09:22parce que sur ces 24 à 28 milliards, à peu près 21 à 24 milliards concernent des personnes physiques
09:31et vous n'avez que 2,5 milliards qui vont concerner des personnes morales,
09:36qui vont être principalement des galeries ou des structures qui travaillent dans le marché de l'art.
09:41Expliquez-nous un petit peu comment ça se passe.
09:43Alors justement, je suis collectionneur. Quel type d'œuvre d'art vous allez accepter ?
09:47Quel est le montant du prêt par rapport au montant de l'œuvre ?
09:52Alors on va accepter en fait tous les collectibles, c'est-à-dire que tout ce qui a une valeur.
09:57Ça peut être du vin, des produits de haute maroquinerie, des œuvres d'art, des instruments de musique.
10:05On va forcément s'attacher sur le second marché parce que les prix publics apparaissent lors des ventes aux enchères.
10:12Donc les prix en galerie sont des prix qui restent discrets voire secrets.
10:17Donc ça va être notre base en fait de référence et d'estimation.
10:23Mais si j'ai une œuvre de premier marché, vous pouvez quand même l'accepter ?
10:26On peut l'accepter à partir du moment où elle a une cote qui est installée.
10:31C'est-à-dire qu'un artiste qui est très cutting edge, on ne va pas vraiment être capable de vous accompagner.
10:35En revanche, un artiste qui commence à être perçu comme intéressant par le marché,
10:40là on va être en mesure d'accompagner un collectionneur.
10:43Et sur l'estimation que l'on détermine, on va passer entre 50% et 66%.
10:50La plupart du temps, on est sur 70%.
10:53Donc on est largement au-dessus de ce que les autres entreprises dark lending font.
11:00On est sur un taux qui est à 5,30%.
11:03C'est un prêt qui est remboursable in fine, donc à la fin du prêt.
11:09Et nos prêts ont une durée d'un an qui peuvent être interrompus à tout moment sans aucune pénalité
11:14et qui peuvent être reconduits à l'issue des 12 mois écoulés.
11:18Si en plus l'estimation peut évoluer, chaque année vous pouvez revoir avec le collectionneur ?
11:25C'est très vrai.
11:26C'est-à-dire qu'à l'issue de ces 10 mois, on va toujours refaire les due diligence et cette estimation,
11:32en tout cas cette évaluation.
11:34Et puis en fonction des résultats, on va pouvoir accompagner le collectionneur,
11:39lui proposer plus ou moins,
11:41sachant de toute façon que quand on fait une estimation,
11:44on envisage toujours le court et le moyen terme,
11:47voire le long terme pour pouvoir accompagner le collectionneur de façon la plus intéressante possible
11:53et d'avoir le prix le plus stable possible.
11:56Et comment est-ce que vous arrivez à estimer aussi la liquidité de l'offre ?
12:00C'est vrai que parfois il y a des offres qui sont difficilement revendables en cas de garantie.
12:07Pour toute cette liquidité, il y a en effet le courant, l'artiste, le médium.
12:12Le médium, c'est quelque chose d'important.
12:14Une installation sera forcément moins liquide qu'une peinture.
12:19Mais ça en fait, je dirais que c'est tout le rôle des experts avec lesquels on travaille,
12:24de pouvoir apprécier cette liquidité.
12:28Il y a aussi les tendances du marché, parce que le marché de l'art ne fait pas exception.
12:34Il a des tendances de fond qui sont importantes.
12:40En général, ces tendances, à cinq ans, on est quand même assez capable de les mesurer et de les anticiper.
12:46Sur le plus long terme, c'est peut-être un petit peu plus compliqué,
12:49hormis pour les blue chips, qui sont les plus belles œuvres, les plus importantes.
12:53Mais ça, c'est notre rôle de pouvoir le faire.
12:56La condition et l'état de l'œuvre est aussi quelque chose de très important.
13:00Et les collectionneurs vous racontent parfois quel est leur projet derrière ?
13:06Oui, en fait, de toute façon, c'est le sel de ce métier.
13:09C'est, un, de voir des œuvres.
13:11On a beaucoup d'œuvres qui n'apparaissent pas sur le marché.
13:14Et la discrétion dans notre métier est quelque chose de très important.
13:18Et que le marché ne soit pas au courant, c'est aussi quelque chose de très important.
13:22Et les collectionneurs partagent en effet le pourquoi de leurs besoins de fond.
13:28On a des histoires qui sont assez jolies.
13:30Par exemple, on a un couple de collectionneurs qui avaient acheté un soulage dans les années 70.
13:35Très beau, belle période, beau format.
13:39Et ils avaient cette volonté, cette envie avec leurs enfants,
13:42de soutenir ou de créer une collection pour des artistes français émergents.
13:47Et ils ont gagé le soulage pour avoir les fonds pour débuter cette collection.
13:53Le soulage a été récupéré ensuite.
13:56Mais oui, on a pas mal d'histoires qui sont assez sympathiques comme ça.
14:02Et c'est vrai que sur notre créneau en plus, les œuvres sont quasiment toujours récupérées.
14:07Donc on a toujours des belles histoires en fait.
14:09Merci beaucoup Nicolas Schfatt.
14:11Je rappelle que vous êtes directeur de CC Art.
14:13Et vous étiez notre invité dans Arrêt Marché.
14:15Merci beaucoup.