Mardi 19 novembre 2024, ART & MARCHÉ reçoit Vincent Sarrou (Commissaire-Priseur, Vice-président du SYMEV) et Marine Le Bihan (Avocate, Barreau de Paris)
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00:00Générique
00:08Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art et Marché,
00:10votre émission hebdomadaire consacrée au marché de l'art.
00:13Point réglementation en début d'émission.
00:16Si vous réalisez un achat à distance ou hors établissement,
00:19vous disposez normalement d'un droit de rétractation,
00:22mais ce n'est pas valable lors d'achat dans des foires et des salons.
00:25Deputés et sénateurs ont proposé de faire évoluer cette réglementation.
00:30Maître Marine Lebien sera notre invité pour nous donner plus de détails sur cet aspect.
00:34Et puis pour l'interview de la semaine, nous recevrons Vincent Sarrou,
00:37commissaire priseur et vice-président du CIMEV,
00:40Syndicat National des Maisons de Vente Volontaires.
00:43Ils réalisent leur convention annuelle.
00:46Nous allons voir avec lui quels sont les principaux chantiers des commissaires priseurs cette année.
00:51Merci à toutes et tous qui nous rejoignez.
00:53Tout de suite, c'est Art et Marché.
00:59Si vous faites un achat directement en foire ou en salon et que vous le regrettez,
01:04vous ne pouvez pas vous rétracter.
01:07Pourtant, ce droit de rétractation est possible dans différentes situations,
01:11mais sénateurs et députés ont fait cette proposition de loi pour changer cela.
01:16Maître Marine Lebien, avocate spécialisée dans le droit de l'art,
01:20est notre invité pour nous apporter un éclairage sur cette question.
01:24Merci beaucoup d'être avec nous.
01:25Est-ce que vous pouvez nous expliquer quels sont les changements que souhaitent apporter ces sénateurs,
01:30notamment Cédric Chevalier qui porte cette proposition, et certains députés ?
01:36Merci, Sybille.
01:38Je vais peut-être déjà rappeler en quoi consiste le droit de rétractation en droit commun,
01:42en droit de la consommation en France.
01:45C'est le droit qu'a en particulier un consommateur d'annuler une vente
01:50sans avoir à motiver sa décision lorsque le vendeur est un professionnel.
01:54Le Code de la consommation précise que ce droit peut être exercé
01:58dans le cas soit d'un contrat conclu à distance,
02:02soit dans le cas d'un démarchage téléphonique,
02:04ou bien dans le cas d'un achat hors établissement.
02:08Le contrat à distance, c'est le contrat qu'on connaît tous,
02:10typiquement le contrat sur Internet.
02:13Lorsqu'un consommateur, dans le cas de l'e-commerce,
02:15achète sur le site Internet d'un vendeur professionnel,
02:19le démarchage, on comprend également,
02:21la difficulté se situe autour de cette notion de vente hors établissement.
02:27La vente hors établissement, c'est la pratique commerciale
02:30qui consiste, de la part d'un professionnel,
02:33à solliciter un particulier chez lui ou sur son lieu de travail
02:36afin de lui faire souscrire un contrat pour l'achat d'un objet.
02:39Donc le contrat est signé en présence des parties,
02:42mais pas dans un lieu qui est le lieu habituel où le vendeur exerce son activité.
02:47Et actuellement, en droit français,
02:51les contrats conclus dans les foires et salons
02:53ne sont pas considérés comme des contrats conclus hors établissement.
02:58Alors, en droit du marché de l'art, qu'est-ce que cela veut dire pour nous ?
03:02Il y a déjà deux situations bien connues
03:04dans lesquelles le droit de rétractation ne s'applique pas.
03:07Ce sont les ventes publiques aux enchères
03:09et les ventes de gré à gré dans les galeries ou chez les antiquaires
03:12lorsqu'on est dans la boutique, dans le commerce des galeries ou des antiquaires.
03:17Donc le cas des foires et salons, jusqu'à présent, suit le même régime,
03:21c'est-à-dire pas de droit de rétractation.
03:24Alors, une petite précision quand même,
03:26les exposants vendeurs professionnels sur ces salons et sur ces foires d'art
03:32ont l'obligation d'informer le potentiel acquéreur-consommateur
03:37qu'il ne dispose pas d'un délai de rétractation
03:40et il doit mentionner en entête du contrat dans un encadré apparent
03:44l'absence de ce droit de rétractation.
03:46Et enfin, il doit installer sur son stand un panneau
03:48qui rappelle l'absence de ce droit de rétractation.
03:51Donc ça, c'est le droit applicable à toutes les foires et les salons.
03:55Alors, ce sénateur, et il y a également une députée
03:58qui a déposé une proposition de loi en 2024,
04:01ce sont des propositions de loi qui reviennent régulièrement
04:04au Parlement depuis 2019.
04:07Cette proposition de loi vise à instaurer un droit de rétractation
04:10pour tous les achats effectués dans les foires et salons.
04:14Néanmoins, le sénateur et la députée proposent en l'occurrence
04:17de limiter ces achats à 1 000 euros.
04:21C'est-à-dire qu'en dessous de 1 000 euros,
04:23ce droit de rétractation ne s'appliquerait pas.
04:26Et donc, ce qui est nouveau, c'est que si cette proposition de loi
04:29devait être adoptée, les acquéreurs-consommateurs
04:34pourraient se rétracter à l'issue de la vente
04:38dans un délai de 14 jours, ce qui n'est pas le cas actuellement.
04:41Vous pensez que là, ça a eu une chance ?
04:43Parce que vous disiez que c'était depuis 2019
04:45que ce genre de loi essayait d'être passé.
04:47Est-ce que vous pensez que là, ça a eu une chance
04:48d'être vraiment mis en application ?
04:51Et est-ce que vous pensez du coup que ça aurait un impact
04:53important sur le marché de l'art ?
04:56Alors, la précédente proposition de loi en 2023 proposait
04:59que ce droit de rétractation s'applique aux biens de plus de 100 euros.
05:05Donc, on était sur un champ d'application beaucoup plus large
05:08qui, en fait, remettait en cause, pouvait remettre en cause
05:11toutes les ventes effectuées sur des salons et foires.
05:14Là, le montant minimal serait de 1 000 euros,
05:17ce qui est quand même un peu plus acceptable
05:18tout en étant très protecteur du consommateur.
05:21Il faut savoir que derrière cette proposition de loi,
05:23l'idée des parlementaires, ce n'est pas de viser le marché de l'art,
05:26c'est de viser davantage les commerciaux qui vendent sur ces salons
05:31des postes de panneaux solaires photovoltaïques
05:34que quelques jours plus tard, les consommateurs regrettent d'avoir fait.
05:38Donc, quand on parle de pratiques commerciales un petit peu abusives,
05:43agressives, ce ne sont pas les marchands d'art qui sont visés,
05:47mais de facto, cette loi ne distingue pas entre les types d'objets
05:50qui pourraient être concernés.
05:53Donc, cette loi s'appliquerait également aux marchands d'art.
05:57Maintenant, elle aura un impact évident sur le marché de l'art
06:01puisque offrir la possibilité de se rétracter,
06:05c'est laisser les marchands dans l'incertitude
06:07pendant un délai de 14 jours sur l'effectivité de la vente.
06:12Et si le délai de rétractation s'applique et que le droit est exercé,
06:17les marchands qui ont quitté entre-temps la foire
06:21perdent l'opportunité de vendre l'objet, l'œuvre d'art,
06:24à un autre consommateur intéressé.
06:26Donc oui, l'impact serait significatif.
06:29Merci beaucoup, maître Marine Lebihan.
06:31Je rappelle que vous êtes avocate spécialisée dans le droit de l'art.
06:34Tout de suite, on passe à l'interview de la semaine.
06:38Le syndicat national des maisons de vente volontaires, le CIMEV,
06:41tient sa journée de conférence annuelle autour des enjeux de la profession.
06:45Maître Vincent Sarrou est notre invité.
06:47Vous êtes commissaire-priseur et vice-président du CIMEV.
06:49Merci beaucoup d'être avec nous.
06:50Avec plaisir. Bonjour.
06:51Alors, une des premières tables rondes de cette journée
06:55concerne la nouvelle génération des commissaires-priseurs.
06:58Est-ce que vous remarquez une différence générationnelle
07:03entre les professionnels du métier qui sortent d'école et...
07:07La différence, c'est qu'ils sont plus jeunes que moi.
07:09Non, ce qu'on remarque, c'est qu'il y a beaucoup de jeunes qui s'installent.
07:13Et ça, je crois que c'est une bonne chose par rapport à des jeunes
07:16qui pouvaient rester assez longtemps dans une maison de vente
07:19ou aller d'une maison de vente à une autre.
07:21Et je crois que c'est bien d'avoir, sinon, le courage,
07:24du moins l'enthousiasme et l'envie de s'installer.
07:27Quand vous disiez s'installer, c'est-à-dire, c'est juste...
07:29Créer sa propre maison de vente et voler de ses propres ailes
07:33et ne pas avoir de supérieur et donner le ton
07:36qu'on a envie de donner à sa maison de vente.
07:39Avec tous les outils qui sont offerts aujourd'hui,
07:41que ce soit des ventes en ligne, que ce soit des ventes en présentiel,
07:45voilà, chacun peut choisir.
07:48Et je crois que les jeunes gens qui ont leur diplôme,
07:51effectivement, sont tout à fait à même de...
07:54Oui, de plus en plus nombreux.
07:56Et vous pensez qu'il y a quoi ?
07:58C'est au fait qu'il y ait plus d'outils ou aussi,
08:01peut-être que les grandes maisons font un peu moins rêver les jeunes
08:04parce qu'ils veulent leur propre dépendance ?
08:06Alors, ça, je ne peux pas parler pour eux,
08:08mais je pense qu'effectivement, je pense que l'outil Internet
08:11est souple, peut-être plus souple que l'outil traditionnel
08:16de la salle de vente telle qu'on l'entend
08:19chez un commissaire priseur ou à Dros,
08:22dans une grande maison de vente, effectivement.
08:24Je pense que cette souplesse, peut-être, incite davantage
08:29les nouveaux entrants à se lancer.
08:32Il n'y a pas beaucoup de frais de fonctionnement,
08:35donc il n'y a pas d'investissement pécuniaire très important.
08:39Et je pense que c'est certainement, en tout cas,
08:42un facteur qui favorise l'installation immédiate.
08:45Et en termes de paysage des commissaires priseurs,
08:48est-ce que vous avez quelques éléments à nous donner,
08:52peut-être sur la répartition géographique ?
08:55Est-ce qu'il y a une plus grande féminisation ?
08:58Comment se développe le métier en 2024 ?
09:02Sur la géographie, je crois que je serai un peu en peine
09:06pour vous répondre.
09:08Quant à la féminisation, oui, il y a peut-être un peu plus
09:12de filles qu'avant, mais j'ai le souvenir, malgré tout,
09:17qu'il y avait déjà beaucoup de filles commissaires priseurs
09:21qui avaient du talent et qui s'installaient également.
09:25Après, peut-être que la part est un petit peu plus importante,
09:29mais ça a toujours été assez égal.
09:32Et en termes de nombre de commissaires priseurs,
09:35ça, pour le coup, on reste...
09:37Oui, on reste à peu près stable, parce qu'il y a beaucoup
09:40de maisons qui se créent.
09:42Après, malheureusement, il y en a quelques-unes qui ferment,
09:45mais on reste à peu près stable.
09:47On aurait pu penser qu'il y aurait une explosion
09:50à la suite de la libéralisation,
09:52mais il n'y en a pas tant que ça, en réalité.
09:55Est-ce que... Je remarque qu'il y a eu beaucoup d'actualités
09:58sur, par exemple, Millon, O'Doanams,
10:00qui ont fait une croissance, vraiment un gros développement
10:03pour essayer peut-être d'avoir des poids lourds plus forts
10:06à Paris.
10:08Est-ce que c'est important ?
10:10Vous voyez que chaque maison de vente aux enchères
10:13se consolidait plus pour rendre Paris
10:16comme une place vraiment...
10:18Ce que j'allais vous dire, ce qui est important, c'est que Paris
10:21se porte bien. Après, que ce soit une maison, une autre,
10:24une première, une deuxième, une troisième, je pense
10:27que c'est important qu'il y ait des maisons de vente
10:30effectivement fortes. Après, chaque commissaire priseur
10:33envisage sa façon de travailler et son développement
10:36comme il l'entend. Mais je pense que le plus important,
10:39effectivement, c'est que Paris soit une place
10:42où les quelques dernières années sont assez encourageantes
10:45en ce sens. Et effectivement, après, ça dépend
10:48encore une fois de la façon
10:51dont vous envisagez ce métier.
10:54Et c'est bien qu'il y ait une offre aussi pour les particuliers
10:57et les collectionneurs qui souhaitent aller dans une maison
11:00plus ou moins prestigieuse
11:03ou au contraire intime ou en tout cas discrète
11:06en fonction de ce qu'ils pensent être
11:10le plus efficace, le mieux pour eux
11:13en tout cas et pour leur vente.
11:16Il y a eu aussi des développements, peut-être,
11:19j'ai vu Dros qui s'ouvre à l'immobilier,
11:22peut-être Sousuisse à même de faire des produits
11:25de luxe. C'est important
11:28cette sorte de diversification de chaque maison ?
11:31C'est justement pour avoir un poids encore plus fort ?
11:34Je crois que l'ambition, c'est
11:38le leitmotiv commun de toutes les entités.
11:41Effectivement, Dros,
11:44pour parler de ce que je connais,
11:47a voulu lancer
11:50un Dros immobilier
11:53qui commence à fonctionner très correctement.
11:56Effectivement, il y a eu un tournant
11:59qui a été pris pour faire
12:02que l'accueil et l'offre qui est proposée
12:05par Dros soient un peu plus luxueuses.
12:08Après, le virage
12:11que chacun prend est personnel
12:14à chacun ou à chaque groupe.
12:17Ce qui est important, je crois que c'est
12:20qu'il y ait une liberté de chaque commissaire-préservateur
12:23de travailler comme il l'entend et qu'il y ait encore une fois
12:26une offre qui soit offerte, qui soit diversifiée.
12:29Paris propose plus d'offres qu'avant
12:32Je crois que c'est très positif.
12:35Pour terminer cette interview,
12:38il y a deux acteurs qui représentent les commissaires-préservateurs.
12:41Il y a le CIMEV et le Conseil des maisons de vente.
12:44Vous comprenez bien.
12:47Vous avez employé le terme de représentation.
12:50Le CIMEV est un syndicat de commissaires-préservateurs
12:53qui répond aux questions
12:56que peuvent se poser les commissaires-préservateurs au quotidien.
12:59C'est un syndicat qui oeuvre au quotidien
13:02par l'intermédiaire de son action
13:05et également à moyen et à long terme
13:08pour défendre la profession.
13:11Le Conseil des maisons de vente
13:14s'occupe également
13:17du moyen et du long terme
13:20de la profession
13:23mais est aussi un organe
13:26de réglementation
13:29et de contrôle de la profession.
13:32Ce n'est pas la même casquette.
13:35Merci.
13:38L'entente est excellente.
13:41Merci.
13:44On se retrouve la semaine prochaine
13:47pour un nouveau numéro d'Art et Marché.