• l’année dernière
Mardi 29 août 2023, ART ET MARCHÉ reçoit Cyrielle Gauvin (avocate)

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Et tout de suite, on retrouve Cyrielle Gauvin en visio.
00:06 Bonjour Cyrielle.
00:07 Bonjour Cybile.
00:08 Alors, vous êtes avocate et cofondatrice du cabinet AED
00:12 et vous allez nous aider à comprendre un petit peu ce qui s'est passé dans l'actualité.
00:16 Est-ce que d'abord, vous pouvez nous exposer le contexte de cette prise de décision
00:20 du tribunal fédéral de Washington ? Quel était le litige ?
00:23 Bien sûr.
00:24 Alors, vous avez raison.
00:25 Un scientifique et inventeur, M. Stephen Taylor,
00:28 est à l'origine de plusieurs programmes informatiques
00:31 comprenant des systèmes d'intelligence artificielle
00:34 capables notamment de générer des œuvres d'art visuelles.
00:37 L'un de ces systèmes d'intelligence artificielle,
00:40 qu'il a appelé Creativity Machine,
00:42 a produit l'œuvre intitulée "A recent entrance to paradise".
00:46 Après la création de cette œuvre, il a tenté d'enregistrer cette œuvre
00:50 auprès du Copyright Office américain,
00:52 que l'on peut traduire comme le Bureau de droit d'auteur.
00:54 Et dans le cadre de cette demande d'enregistrement,
00:57 il a identifié expressément comme auteur de cette œuvre
01:00 la Creativity Machine en expliquant que cette œuvre avait été créée
01:04 de manière totalement autonome par un algorithme informatique
01:08 et donc sans son intervention.
01:10 Petit aparté très rapide sur cette formalité
01:12 avant de voir quelles suites ont été données par le Bureau,
01:15 mais en droit américain, un auteur peut bénéficier du droit d'auteur
01:18 dès lors qu'il crée une œuvre originale
01:20 ou qu'elle est créée sous son contrôle.
01:22 Comme en droit français d'ailleurs, où la protection s'obtient
01:24 du seul fait de la création d'une œuvre de l'esprit originale.
01:27 Il n'y a pas d'enregistrement nécessaire pour bénéficier
01:30 de la protection au titre du droit d'auteur.
01:32 En revanche, en droit américain, il y a cette formalité d'enregistrement
01:35 qui est possible, qu'on n'a pas en droit français
01:37 et qui permet l'octroi de droit additionnel.
01:39 Et c'est dans le cadre de cette formalité
01:42 qu'est né un différend concernant la protection
01:44 de l'œuvre en cause par le droit d'auteur
01:46 parce que le Copyright Office a rejeté la demande de M. Taylor
01:50 au motif notamment que le droit d'auteur ne s'applique qu'aux œuvres
01:53 créées par des êtres humains ou sur leur contrôle, sous leur tutelle.
01:58 Et donc en l'occurrence, l'œuvre n'avait pas la paternité humaine
02:01 nécessaire pour justifier l'existence de droit d'auteur.
02:04 Et en l'absence de droit d'auteur, il n'y a pas d'enregistrement possible
02:07 auprès du Copyright Office.
02:09 Et c'est pour ces raisons que M. Taylor, après des demandes
02:13 de réexamens infructueuses, a contesté cette décision devant la Cour,
02:18 soulevant ainsi la question que tout le monde se pose,
02:21 une œuvre générée de manière autonome par un système d'intelligence artificielle
02:25 est-elle protégeable au titre du droit d'auteur ?
02:28 Et donc le Copyright Office avait-il raison de refuser cette demande ?
02:31 Et donc voilà, la décision c'était non.
02:33 Donc ça veut dire qu'en fait, une œuvre d'art réalisée tout simplement par l'IA,
02:37 elle n'a pas de droit d'auteur, chacun peut l'utiliser comme ça ?
02:41 Alors la Cour confirme en effet la position du Copyright Office.
02:45 Donc elle dit que le refus de la demande d'enregistrement de l'œuvre
02:49 était bien justifié, et elle était bien justifiée par l'absence
02:52 d'intervention totale humaine dans la création de l'œuvre.
02:56 Et donc la notion en droit d'auteur américain du caractère humain
03:01 de cette auteure est une notion très importante et au cœur du droit d'auteur.
03:05 Et donc en l'occurrence, puisque M. Taylor avait écrit expressément
03:11 que l'œuvre était créée uniquement par machine,
03:14 eh bien on ne pouvait considérer qu'il y avait une intervention humaine
03:17 ou sous son contrôle. Donc en effet, au regard de cette décision,
03:21 on peut considérer qu'une œuvre générée de manière autonome,
03:24 sans intervention humaine, par un système d'intelligence artificielle,
03:26 n'est a priori pas protégeable par le droit d'auteur américain.
03:29 Et je dis a priori parce que M. Stephen Taylor entend interjeter
03:33 appel de cette décision, si ce n'est pas déjà fait,
03:35 et de sorte qu'elle n'est pas encore définitive.
03:38 Et vous pensez que ça va avoir un impact, c'est vrai qu'on se pose
03:41 beaucoup de questions sur les œuvres, l'intelligence artificielle,
03:44 le droit d'auteur, etc. Est-ce que vous pensez que ça va avoir un impact
03:47 sur le monde de l'art en quelques secondes, rapidement ?
03:50 Écoutez, oui, ça peut en avoir un, effectivement.
03:54 Alors après, il faut remettre les choses dans leur contexte aussi.
03:57 L'intelligence artificielle, lorsqu'elle est utilisée comme un outil,
04:01 comme une assistance à la création et qu'il y a toujours une intervention
04:07 de l'homme, que ce soit en droit américain, a priori,
04:11 de ce qu'on lit de cette décision, ou même en droit français,
04:14 la protection devrait toujours être octroyée.
04:17 Après, la question, c'est de savoir quelle est la limite d'intervention
04:21 de cette intelligence artificielle et quel est le degré d'intervention,
04:26 si je puis dire, de l'homme dans la création pour pouvoir bénéficier
04:30 du droit d'auteur.
04:31 Merci beaucoup, Sirguel Gauvin. Je rappelle que vous êtes avocate
04:34 et cofondatrice du cabinet AED. Merci de nous avoir apporté
04:37 un éclairage sur cette décision.
04:39 décision et tout de suite on passe à l'interview.

Recommandations