Vendredi 27 octobre 2023, ART & MARCHÉ reçoit Ronan Grossiat (Secrétaire général, ADIAF) et Ophélie Guillerot (Directrice du département art contemporain, Aguttes)
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00:00 Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art & Marché, votre émission hebdomadaire
00:11 consacrée au marché de l'art.
00:13 On commence par l'actualité de la semaine.
00:15 ArtPrice a publié son nouveau rapport sur l'art contemporain et l'art ultra contemporain.
00:20 Nous analyserons les principales conclusions avec Ophélie Guilleraud qui est directrice
00:24 du département Art Contemporain chez Agut.
00:27 On passera ensuite à l'interview de la semaine, on retournera dans les coulisses
00:31 du prix Marcel Duchamp, l'un des plus prestigieux prix français.
00:34 Un prix porté par l'Association pour la diffusion internationale de l'art français,
00:40 l'ADIAF.
00:41 Nous recevrons son secrétaire général, Ronan Grossia.
00:43 On vous en dit plus tout de suite dans Art & Marché.
00:46 Le nouveau rapport ArtPrice sur le marché de l'art contemporain et ultra contemporain
00:54 a été publié juste après la semaine de l'art à Paris.
00:57 A noter, les chiffres sont calculés entre juillet 2022 et juillet 2023.
01:02 Ophélie Guilleraud, qui est directrice du département Art Contemporain chez Agut, est
01:07 avec nous en visio pour analyser les principales conclusions.
01:11 Bonjour Ophélie, merci d'être avec nous.
01:12 Est-ce que vous pouvez nous dire quelles sont les principales évolutions du marché qu'on
01:16 peut constater entre l'exercice 2021-2022 et 2022-2023 ?
01:21 Bonjour Sybille, oui absolument.
01:25 Tout d'abord, on remarque que le marché en 2023 continue d'affirmer cette position depuis
01:34 les années 2000 qui est vraiment une augmentation du volume de lots d'artistes et puis bien
01:41 sûr de collectionneurs.
01:42 On est passé de 103 millions dans les années 2000 à 2,3 milliards en 2023.
01:50 On voit également cette année une résilience face aux événements politiques, économiques
01:57 et environnementaux de l'art contemporain avec des artistes phares dont la cote ne baisse
02:08 pas, comme je dirais par exemple Soulages ou encore Basquiat, et de nouveaux secteurs
02:14 comme le secteur des artistes femmes.
02:17 On a pu le voir à travers les ventes de l'artiste Fabienne Verdier par exemple ou Anna Eva Bergman
02:23 exposée au musée d'art moderne de la ville de Paris il y a quelques mois ou encore Shirley
02:29 Jaffey qui est contemporaine d'une grande artiste qui a été exposée à la fondation
02:37 Louis Vuitton.
02:38 On voit vraiment ces nouveaux secteurs, donc là ce sont les artistes femmes, bien sûr
02:45 l'ultra contemporain, secteur auquel je reviendrai dans quelques instants, et puis vraiment
02:54 de nouveaux horizons je dirais avec une augmentation des artistes venant d'Afrique, en tout cas
03:01 de leur cote, d'Europe de l'Est et d'Asie.
03:05 Pour l'ultra contemporain, nous avons un rapport très détaillé dans ce rapport 2023
03:10 fait par Artprice.
03:11 Pendant les grandes années après Covid, l'ultra contemporain chaque semestre enregistrait
03:22 des résultats à plus de 200 millions d'euros.
03:25 Cette année au premier semestre 2023, on remarque un résultat à 123 millions.
03:34 C'est vraiment dû au resserrement des ventes à plus de 100 000 et 1 million d'euros,
03:42 mais le nombre de lots à juger reste constant et c'est un marché qui reste très dynamique.
03:51 On remarque quand même que Thierry Herrmann note qu'il y a moins de 17% sur l'exercice
03:58 en 2021-2022, il dit cette phrase "le marché de l'art contemporain est en train d'arriver
04:05 dans une phase essentielle et très attendue d'ajustement".
04:07 Est-ce que c'est ce que vous constatez également de votre côté ?
04:11 Exactement, on passe de 2,7 milliards à 2,3 milliards, mais les artistes phares restent
04:19 stables, on voit simplement une baisse de lots à 6 et 7 chiffres vendus.
04:28 Merci beaucoup Ophélie Guayrault, je rappelle que vous êtes directrice du département
04:33 art contemporain chez Agut et tout de suite on passe à l'interview de la semaine.
04:36 Et c'est l'interview de la semaine avec Renan Grossiak, secrétaire général de
04:44 l'ADIAF, merci beaucoup d'être avec nous.
04:47 Bonjour Sybille.
04:48 Alors je rappelle, l'ADIAF c'est l'association pour la diffusion internationale de l'art
04:51 français qui décerne chaque année le prix Marcel Duchamp et celui-ci a été remis
04:55 il y a quelques jours à Tariq Kiwanson.
04:57 Est-ce que vous pouvez déjà nous rappeler quelle est la mission de l'ADIAF ?
05:02 Oui, la mission c'est de soutenir la scène française à l'international, en particulier
05:08 à l'international et par scène française on entend tous les artistes qui vivent et
05:14 travaillent en France.
05:15 L'axe principal c'est bien sûr le prix Marcel Duchamp mais c'est peu connu, une
05:20 des activités fortes de l'ADIAF c'est aussi d'organiser des expositions en partenariat
05:26 avec des institutions à l'international.
05:28 Il y a bien sûr le soutien régulier depuis le démarrage du Centre Pompidou qui expose
05:34 régulièrement les finalistes du prix Marcel Duchamp mais il y a une demi-douzaine d'expositions
05:38 à l'étranger chaque année qui permet de diffuser les oeuvres de la totalité des finalistes
05:45 depuis le début du prix Marcel Duchamp, c'était déjà l'année 2000.
05:48 On est à plus d'une centaine de finalistes qui sont régulièrement réexposés.
05:53 Et l'association, qui sont les personnes, les membres ?
05:56 Il y a 350 collectionneurs et messères qui sont des adhérents.
06:02 Ce sont des collectionneurs d'art contemporain, ce sont les adhérents du prix Marcel Duchamp,
06:07 ce sont elles et eux qui soutiennent financièrement le prix et le prix est possible évidemment
06:13 grâce aussi à des partenaires privés, des entreprises.
06:16 Vous avez cité tout à l'heure ArtPrize, c'est un des partenaires, le Comité Professionnel
06:20 des Galeries d'Art en est un autre, Catawiki pour la jeune scène émergente notamment.
06:25 Nos partenaires sont clés et nous accompagnent depuis le début dans l'organisation du prix
06:32 Marcel Duchamp.
06:33 Et pour devenir membre, il faut être collectionneur, c'est ça la principale condition ?
06:38 Oui, c'est la seule condition.
06:39 C'est-à-dire avoir déjà son œil sur ce monde de l'art contemporain, parce que ça
06:45 va déterminer un peu après les conditions du prix Marcel Duchamp.
06:49 Oui, avec quand même un élément, c'est que chacun peut avoir un œil neuf sur l'art
06:56 contemporain.
06:57 Il n'y a pas d'ancienneté requise, on est très attaché à régulièrement renouveler
07:02 les adhérents, adhérentes, à accueillir les nouvelles générations et on peut être
07:06 collectionneur d'art contemporain à des niveaux de prix très raisonnables, notamment en collectionnant
07:11 les artistes émergents, en démarrant par exemple avec des éditions, en démarrant
07:16 par exemple avec des lithographies.
07:19 Donc le terme collectionneur n'est pas forcément réservé à des personnes qui auraient des
07:24 moyens financiers très importants.
07:25 Oui, c'est plus le regard qui est important.
07:28 Et le prix Marcel Duchamp, qu'est-ce que vous avez voulu mettre en lumière à travers
07:33 ce prix ?
07:34 Alors l'idée de démarrage du fondateur de la DIAF et le créateur du prix Marcel
07:41 Duchamp, Gilles Fouques, était de soutenir grâce au prix la scène française en lui
07:47 apportant une visibilité additionnelle.
07:50 Lorsque le prix a été créé au début des années 2000, la scène française n'avait
07:55 pas la visibilité qu'elle a aujourd'hui.
07:58 Le prix a été probablement la première grande création qui était effectuée avec
08:05 un total esprit d'équipe.
08:07 Les collectionneurs étaient les premiers soutiens des artistes dans ce prix, mais très
08:12 tôt il y a eu la volonté de s'associer à une institution publique de renommée, le
08:16 Centre Pompidou, qui nous a accompagnés depuis le démarrage et qui expose maintenant la
08:21 totalité des finalistes.
08:22 Être accompagné aussi des galeries, ça a toujours été important pour nous, et
08:29 d'un certain nombre d'entreprises privées mécènes.
08:31 Dès le départ, le prix a été créé avec la volonté d'en faire un vrai partenariat
08:38 public-privé rassemblant l'ensemble des acteurs de la scène française.
08:42 Ça a été une vraie initiative dans le domaine précurseur et qui a accompagné les
08:50 évolutions très positives de la scène française depuis maintenant 20 ans.
08:54 - Est-ce que vous pouvez nous raconter comment se passe la sélection des artistes jusqu'au
09:02 lauréat ?
09:03 - C'est un process intéressant parce qu'au sein des grands prix internationaux d'art
09:10 contemporain, c'est probablement le process le plus long.
09:13 La longueur de ce processus, qui est sur plus d'un an, est aussi une des conditions de sa
09:20 qualité et c'est un des moyens d'éviter les conflits d'intérêts.
09:24 - C'est tout ce qu'on pourrait se dire à travers une association de collectionneurs
09:29 qui vont choisir des artistes.
09:30 - Vous verrez que les collectionneurs prennent du recul au fur et à mesure qu'avance le
09:37 processus et donnent les clés à d'autres.
09:40 C'est ça qui est extrêmement intéressant.
09:41 C'est un processus en six étapes.
09:44 La première étape, ce sont les visites d'ateliers.
09:47 Les adhérents de la DIAF rencontrent à peu près une centaine d'artistes chaque année.
09:52 Ensuite est établie une liste d'artistes qui ont une visibilité importante à l'international.
09:57 Soit par leur présence en biennale d'art à l'international, en institutions internationales.
10:01 On arrive à environ 70 noms.
10:04 Ensuite on aboutit au vote des adhérents adhérentes.
10:06 Les adhérents adhérentes sont totalement libres de leur choix.
10:10 Ils définissent quatre noms et à partir de leur vote, on réduit la liste à une quarantaine
10:17 de noms d'artistes.
10:19 Cette étape se poursuit ensuite avec un comité de sélection.
10:23 Le comité de sélection, c'est une douzaine de membres de la DIAF qui changent chaque
10:27 année pour assurer là aussi plus d'impartialité, pour éviter des proximités qui pourraient
10:35 exister.
10:36 Les adhérents qui sont nommés pour être membre de ce comité de sélection ne doivent
10:42 pas être professionnels marchands du monde de l'art.
10:45 Ça ne peut pas être des galeristes, des art-advisors, etc.
10:48 Ensuite on aboutit à l'exposition en elle-même des quatre finalistes puisque ce comité de
10:54 sélection définit les quatre finalistes.
10:56 Au sein de cette exposition, à côté, dans les mêmes locaux du centre Pompidou, est
11:01 organisée ce qu'on appelle la séance des rapporteurs.
11:03 Ce ne sont que des philosophes, sociologues, historiens de l'art.
11:07 Les professions sont très variées.
11:09 Ils vont présenter chacun des quatre artistes finalistes à un jury.
11:14 C'est là la dernière étape.
11:15 Le principe est que le jury doit être extérieur à la DIAF.
11:20 Il est composé de responsables d'institutions internationaux, de collectionneurs internationaux.
11:26 Récemment, le président Claude Bonin de la DIAF a annoncé qu'il allait être étendu
11:31 également à des artistes, l'idée étant que les membres de la DIAF laissent à d'autres
11:37 le choix final de l'artiste lauréat ou lauréate.
11:41 - Est-ce que vous avez une visibilité sur le suivi des artistes ?
11:47 Comment est-ce qu'ils ont évolué ?
11:49 Parce que la première scène du champ a quand même une vingtaine d'années.
11:51 On voit comment chacun a évolué dans sa carrière suite aux premières scènes du champ.
11:55 - Oui, il y a quatre facteurs qui permettent de faciliter les évolutions des artistes.
12:03 Le premier, il est e-médias, c'est l'extrême relais presse-médias lié au prix Marcel Duchamp.
12:09 C'est le prix d'art contemporain en France qui est de loin le plus relayé dans les médias
12:16 européens et dans les médias hors-Europe.
12:18 Le deuxième point, c'est le soutien de la DIAF dans la durée.
12:21 Puisque là aussi, les adhérents s'engagent à réexposer les artistes via des partenariats
12:27 avec des institutions internationales.
12:29 C'est aussi un atout pour l'ensemble des finalistes.
12:32 Évidemment, le soutien du Centre Pompidou est clé.
12:35 Le Centre Pompidou, non seulement s'engage dans l'exposition, mais sur le passé, a eu
12:40 un vrai effort d'acquisition, pas seulement des lauréats, lauréates, mais aussi de l'ensemble
12:45 des finalistes.
12:46 Et c'est un des éléments déterminants d'être présent dans une des trois grandes institutions
12:51 muséales au monde.
12:52 Ça porte tout de suite un label d'institution.
12:55 Absolument.
12:56 Et puis, il y a un élément que je garde toujours au cœur en termes d'évolution, c'est le
12:59 potentiel des artistes.
13:00 C'est-à-dire que ce processus-là, extrêmement long, il détecte aussi des potentiels qui
13:06 sont assez hors normes.
13:07 Et là, c'est vraiment les artistes qui font leur carrière, qui font leur parcours.
13:12 Et les artistes ont eu une très belle progression quand on regarde l'ensemble des lauréats,
13:17 lauréates, mais aussi des finalistes.
13:18 Mais c'est avant tout leur travail.
13:20 Et c'est probablement que les jurys précédents ont assez bien identifié des potentiels.
13:27 Merci beaucoup d'avoir répondu à nos questions.
13:30 Renan Coetze rappelle que vous êtes secrétaire général de l'ADIAF.
13:32 Et quant à nous, on se retrouve la semaine prochaine pour une nouvelle édition d'Art
13:36 et Marché.
13:36 [Musique]