Samuel Paty : chronique d'une mort annoncée
Le journaliste Stéphane Simon est notre invité, il est l'auteur de “Les derniers jours de Samuel Paty” (éditions Plon).
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Transcript
00:00 [Musique]
00:11 – Bonjour Stéphane Simon, je vous en prie installez-vous.
00:14 – Merci.
00:14 – Merci beaucoup d'être avec nous, vous êtes journaliste, auteur de ce livre.
00:17 "Les derniers jours de Samuel Paty" enquête sur une tragédie
00:20 qui aurait dû être évitée, c'est chez Plon.
00:22 Et ça raconte évidemment ses 11 jours avant la mort de Samuel Paty.
00:27 On va longuement en parler.
00:28 Aujourd'hui, ça fera trois ans que Samuel Paty a été assassiné.
00:32 Est-ce qu'on est au-delà d'un acte terroriste ?
00:34 On est sur un scandale d'État ?
00:36 – On est… En fait, c'est vraiment une affaire qui dépasse le cadre d'un fait divers.
00:42 C'est beaucoup plus que ça, c'est une atteinte évidemment à la République
00:48 puisque ce crime va s'attaquer à l'un d'entre eux, à l'un de ses serviteurs, un professeur.
00:55 C'est un acte, je dirais aussi, de guerre de l'islamisme politique
01:03 contre la République française.
01:05 Et évidemment, c'est au-delà de cela, puisqu'on voit qu'il y a, vous savez,
01:13 des criminels qui sont l'assassin, ses complices,
01:18 mais il y a aussi à faire l'examen de toutes les responsabilités
01:22 qui ont conduit beaucoup de gens à ne pas agir.
01:24 Parce qu'évidemment, dans ce type d'affaires, il y a ceux qui agissent
01:28 et qui se rendent coupables de crimes, d'assassinats.
01:31 En l'occurrence, on se souvient de l'horreur de cette décapitation,
01:35 mais il y a aussi tous ceux qui n'ont pas permis d'empêcher ce drame.
01:40 – Et c'est ce que raconte votre livre, c'est aussi le renoncement de notre société
01:43 dans la lutte contre l'islamisme.
01:45 – C'est-à-dire, c'est à la fois du lynchage de certains islamistes,
01:51 on le montre dans ce livre, c'est aussi du lâchage de certains de ses collègues,
01:56 pas tous, moi je ne stigmatise pas l'ensemble des professeurs,
01:59 mais il se trouve que certains d'entre eux n'ont pas eu une attitude
02:02 à la hauteur des circonstances, certains se sont comportés convenablement,
02:08 mais beaucoup ont regardé leurs chaussures durant cette période,
02:12 puis certains même ont contribué à salir Samuel Paty.
02:16 Donc évidemment, c'est aussi le procès de ces lâchetés, de ses collègues,
02:23 de la hiérarchie qui n'a pas mis en œuvre ce qui aurait dû être mis en œuvre
02:26 que l'on dénonce dans ce livre.
02:28 – On va en parler évidemment dans le détail,
02:29 elle a été dure à faire cette enquête pour vous ?
02:31 – Elle a été longue, elle a été dure,
02:33 elle prend le pas aussi de l'enquête du parquet antiterroriste,
02:37 car nous avons eu accès à un certain nombre de documents,
02:41 on a pu consulter beaucoup de documents de l'instruction,
02:44 et évidemment c'est une enquête qui n'est pas simple,
02:47 parce que d'une part, il y a des gens qui n'ont pas envie de parler de cela,
02:51 je dirais que l'essentiel, même des acteurs de ce drame
02:55 n'ont pas envie qu'on en parle plus que cela,
02:58 puisqu'il y a des irresponsabilités, voire des fautes qui ont été commises,
03:03 et évidemment ce n'est jamais très agréable.
03:05 Et puis du côté du collège du Bois d'Aulme, à Conflans-Saint-Honorin,
03:08 il y a des tas de gens qui n'ont plus tellement envie,
03:10 qui ont envie soit de tourner la page,
03:12 parce que c'est quand même une période très douloureuse à essayer d'évacuer,
03:16 puis il y a un certain nombre de collègues qui n'ont pas non plus envie
03:19 qu'on leur rappelle qu'ils n'ont pas tous été exemplaires.
03:22 Donc évidemment, ce n'est pas facile de faire des enquêtes dans ces conditions.
03:28 Et puis après, il y a l'enquête du voisinage,
03:31 et c'est vrai que Samuel Patié était un homme exemplaire,
03:35 mais taiseux, c'était un homme discret, c'était un professeur tout à sa tâche,
03:39 et qui n'était pas un exubérant.
03:42 Donc si vous voulez, ça fait que l'enquête a été difficile à mener,
03:47 mais on l'a voulu la plus précise possible.
03:49 C'est une enquête clinique qui ne porte pas de jugement,
03:52 qui est là vraiment comme une autopsie.
03:55 Il a été assassiné, autopsions les faits qui ont rendu possible cet assassinat.
04:01 – Et effectivement, votre livre c'est un récit très factuel,
04:03 une enquête minutieuse, un récit glaçant de ces 11 jours
04:06 qui ont précédé la mort de Samuel Patié.
04:08 Ça commence le lundi 5 octobre 2020, avec ce cours d'éducation civique
04:12 sur les libertés fondamentales, au cours duquel il montre les caricatures de Marmé.
04:16 – Oui, comme il le refera le lendemain, mais il fait tout cela, je dirais,
04:20 dans un cadre parfaitement autorisé, et il n'y a rien de très original dans son cours.
04:26 C'est un cours que la plupart des professeurs d'histoire-géographie font.
04:29 Il le fait à sa manière, parce que c'est un professeur
04:31 qui a à cœur d'être très pédagogue et de rendre ses cours vivants.
04:35 Et c'est en cela qu'il est allé chercher les caricatures.
04:38 Ce cours est consacré à la liberté d'expression,
04:40 mais dans ce cours, il y a une partie consacrée à Charlie.
04:44 Être ou ne pas être Charlie ? Colonne de gauche, être Charlie,
04:47 qu'est-ce que ça veut dire ? Voilà, ne pas être Charlie,
04:51 pourquoi ça peut blesser aussi les démarches, les caricatures de Charlie ?
04:54 Il le fait, comme je dirais, vraiment de façon très équilibrée, très balancée.
04:59 – Ce que vous dites, les caricatures de Marmé, c'est une toute petite partie du cours.
05:02 Ça ne dure que quelques secondes, ça dure deux minutes à tout le plus.
05:05 Et pendant ces deux minutes, il a en plus, je dirais, la sensibilité de se dire
05:11 que si certains veulent s'absenter pour ne pas regarder ces caricatures,
05:16 ils peuvent le faire.
05:17 Le lundi, ils pourront le faire, il y a une assistante de vie scolaire
05:20 qui va accompagner cinq élèves à l'extérieur du cours.
05:24 Le lendemain, le mardi, il n'y a pas d'assistante de vie scolaire.
05:27 Donc en fait, il va demander aux élèves simplement de tourner la tête
05:31 dans l'ensemble de son cours.
05:32 – Et vous le dites bien, ça, il croyait bien faire.
05:34 – Oui, bien sûr, il croyait bien faire en faisant cela,
05:37 mais il faut quand même rappeler que tout ça, ce n'est pas le problème, en vérité.
05:41 Le problème, c'est aussi un mensonge.
05:43 C'est le mensonge d'une gamine qui est une gamine.
05:46 – On y vient parce que vous le racontez, le cours se passe bien.
05:49 – Le cours se passe très bien.
05:50 – Il n'y a pas de problème avec les élèves.
05:51 – Il n'y a pas de problème.
05:52 – Vous racontez aussi le témoignage des AESH qui étaient avec les cinq élèves
05:55 justement dehors et qui disent qu'elles n'ont rien entendu pendant le cours.
05:59 Mais derrière, ça commence par une plainte d'une mère d'élèves qui appelle la principale
06:04 et ensuite le mensonge de cet élève et là c'est le début de l'endroit là.
06:07 – Bien sûr, en fait, si vous voulez, les élèves n'ont pas été heurtés,
06:11 il n'y a pas eu d'incident pendant les cours de Samuel Paty.
06:14 Il se trouve que parmi les élèves de Samuel Paty, il y a une certaine Zeyna
06:19 et cette Zeyna, elle, va faire des problèmes à la maison.
06:24 Elle s'est fait virer par la direction du collège, qui n'a rien à voir avec Samuel Paty.
06:31 Ce n'est pas Samuel Paty qui décide de son exclusion.
06:33 Il se trouve qu'elle a eu déjà 11 inscriptions en l'espace d'un mois,
06:38 11 inscriptions sur son cahier de correspondance,
06:41 dont elle déchire soigneusement les pages pour pas que ses parents voient les problèmes.
06:44 – Et vous dites que c'est le cauchemar des profs.
06:45 – C'est le cauchemar des profs.
06:46 C'est quelqu'un qui se bat à la cantine avec la nourriture,
06:49 c'est quelqu'un qui ne veut pas porter le masque pendant la période
06:54 dont on se souvient des précautions sanitaires qu'il y a pendant le Covid.
06:57 Donc c'est une élève problématique et en rentrant chez elle,
07:01 plutôt que de dire qu'elle s'est fait virer pour indiscipline,
07:04 elle va dire qu'elle s'est fait virer parce qu'elle a refusé de regarder
07:08 les caricatures de Charlie durant le cours de Samuel Paty.
07:13 Et là, c'est la colère du père de famille,
07:15 c'est la colère de tous ceux qui entourent le père de famille
07:18 et qui vont, dès le lendemain, aller se plaindre à la principale
07:22 et demander immédiatement l'exclusion de ce voyou de Samuel Paty.
07:27 Voilà où on en est et évidemment, là commencent les problèmes
07:30 parce qu'il aurait fallu maintenir, je pense, cette famille un peu à distance,
07:35 lui inculquer les principes d'autorité qui font qu'on ne va pas claquer
07:39 la porte de la principale comme ça, on prend rendez-vous,
07:42 on commence par prendre rendez-vous.
07:43 Et moi, je suis un fils de prof, petit-fils de prof, arrière-petit-fils de prof
07:46 et je me souviens qu'à la maison, mes parents avaient soin de dire
07:50 que quand les parents pouvaient poser problème, les parents d'élèves,
07:53 eh bien on faisait attention à ce qu'il y ait un peu d'autorité,
07:57 qu'ils soient, comment dirais-je, respectueux de cette autorité.
08:01 Et là, on a une famille qui ne respecte pas l'autorité,
08:05 qui ne respecte pas la principale, qui demande l'exclusion d'un professeur.
08:08 – Mais la principale les reçoit.
08:11 – Mais la principale les reçoit avec beaucoup d'égard pour entendre en plus,
08:14 puisqu'ils ont attendu une demi-heure, ce qui n'est quand même pas grand-chose
08:17 pour quelqu'un qui n'a pas pris rendez-vous, pour s'entendre dire
08:21 "si nous avions été juifs, nous aurions été reçus immédiatement,
08:25 nous sommes donc déjà victimes d'islamophobie".
08:28 Et c'est bien tout le drame, c'est des gens qui utilisent le prétexte
08:33 d'une hypothétique et mensongère islamophobie pour se placer en victime
08:40 et pour réclamer et pour dire que ce voyou de Samuel Paty, etc.
08:46 – Et juste parce qu'il y a quelque chose qui est quand même important,
08:49 quand elle les reçoit, ce qu'on apprendra après,
08:52 c'est que l'élève en question, Zeyna, n'a pas assisté au cours de Samuel Paty.
08:56 Elle avait séché toute cette journée-là.
08:58 Sauf que la principale ne le sait pas, c'est déjà un premier dysfonctionnement.
09:01 – Voilà, et si vous voulez, ce qui est malaisant à travers notre enquête,
09:05 c'est qu'on se rend compte qu'à peine Samuel Paty est pointé du doigt
09:09 par ces islamistes, qu'on lui demande de présenter des excuses.
09:15 – Dès la première plainte de la mère de l'élève.
09:17 – Dès la première plainte. – Avant même d'avoir laissé son père.
09:20 – Et au prétexte que présenter des excuses, ce n'est pas très engageant.
09:23 "Allez, M. Paty, on a compris, présentez vos excuses, ça va apaiser tout le monde".
09:29 Ce qui est absolument sidérant, si vous voulez, on n'a pas à s'excuser
09:32 de problèmes que l'on n'a pas généré.
09:35 Donc on demande plus rapidement à ce professeur de s'excuser
09:40 plutôt que de lui demander sa version des faits, ce qui est absolument incroyable.
09:44 Et d'ailleurs la principale va attendre le jeudi soir pour avoir bien compris,
09:50 enfin, que cet élève n'était pas en cours.
09:53 Et donc qu'elle rapporte des propos qui sont erronés.
09:56 Et tout ça, évidemment, ne participe pas à un climat serein.
10:00 Et on se met dans la tête de ce professeur qui est désavoué
10:03 avant même d'avoir pu s'expliquer.
10:05 – Et vous le dites, il y a le manque de soutien de la hiérarchie,
10:08 parce qu'effectivement la principale lui demande de s'excuser.
10:10 Et vous racontez aussi quelques jours après qu'une de ses collègues,
10:13 professeure d'histoire-géo, dit en salle des profs "Samuel, il a merdé".
10:19 – Samuel a merdé, c'est-à-dire qu'il va se faire accueillir plus tard
10:23 par deux de ses collègues de façon extrêmement violente.
10:27 Ses collègues qui devraient serrer les coudes dans l'épreuve.
10:30 Quand le collège est menacé, la moindre des choses,
10:33 enfin dans une boîte privée, vous savez, on dit "il faut avoir l'esprit corporate".
10:36 Ben là, il n'y a pas d'esprit corporate, croyez-moi.
10:39 – Et pire, elle veut même écrire à l'inspection d'académie
10:42 pour se désolidariser de Samuel Paty.
10:44 – Exactement, plutôt que d'accueillir avec bienveillance
10:47 un professeur dans la tourmente, et bien c'est le contraire.
10:49 On le pointe du doigt, on dit qu'il a merdé,
10:52 et on menace d'écrire à l'inspection académique pour dénoncer son collègue.
10:56 Ce n'est pas reluisant si vous voulez, quand on va par là.
10:59 Alors évidemment, ce n'est pas l'attitude de tous ses collègues.
11:02 Attention, je fais bien le distinguant.
11:04 – Oui, vous parlez d'un professeur particulièrement qu'il soutient.
11:06 – Oh que oui !
11:07 Et je pense d'ailleurs que ce professeur aura quelques problèmes
11:10 quand le procès va démarrer, où on va entendre aussi
11:14 ce que les élèves ont dit de l'attitude de ce collègue de Samuel Paty.
11:18 – Au début, on a un peu l'impression que Samuel Paty ne comprend pas la polémique.
11:23 Il ne voit pas en tout cas venir l'ampleur du problème.
11:27 Vous racontez ce moment où la principale et son fameux collègue,
11:30 inquiets de ne pas le voir, inquiets qu'il ait fait une connerie,
11:33 vont chez lui et qu'il le trouve en train d'aller jouer au tennis,
11:36 lui-même surpris de les voir débarquer.
11:38 – Alors il se trouve que le vendredi, donc qui suit le premier vendredi,
11:42 puisque le second ce sera le jour de son assassinat,
11:44 ce premier vendredi, le référent laïcité va débarquer.
11:49 Vous savez, quand il y a un problème, une atteinte à la laïcité,
11:51 la procédure qui a été mise en place par Jean-Michel Blanquer
11:54 prévoit de signaler un fait d'établissement
11:57 et donc de dépêcher sur place un référent de la laïcité.
12:00 Alors, on peut être frappé par le côté très savant de ce référent de la laïcité
12:06 qui donne des leçons, qui cite Jules Ferry abondamment
12:10 et puis qui demande tout de suite aussi à Samuel Paty de ne surtout rien faire,
12:16 de ne surtout plus se mêler de son affaire finalement, ce qui est assez…
12:20 – Oui, parce que là, pardon, on est surtout frappé quand vous racontez le récit
12:23 par le fait qu'en fait il fait une leçon de laïcité à Samuel Paty
12:26 en lui disant qu'il n'a rien compris à la laïcité.
12:28 – Absolument, et donc il lui demande de se tenir à l'écart de tout cela,
12:33 de ne surtout pas venir parler aux parents d'élèves, etc.
12:38 Donc Samuel Paty, j'imagine assez agacé par cette situation,
12:42 mais là je ne veux pas le faire parler, paix à son âme,
12:44 va quitter l'établissement et va rentrer chez lui,
12:48 il sait qu'il a une partie de tennis à disputer et ça va lui changer les idées.
12:53 Mais l'improviseur se rend compte au bout d'un moment qu'il n'est plus là
12:57 et elle a immédiatement ce qui veut dire qu'elle sait finalement qu'il est menacé,
13:02 c'est qu'elle va être un peu en stress et elle va demander à un de ses collègues
13:06 de l'accompagner et d'aller voir où est-ce qu'il est
13:08 et ils vont le retrouver près de chez lui, sortant avec son sac de sport,
13:13 il vient de disputer une partie de tennis, il dit que tout va bien,
13:16 mais on voit bien que la principale, pardon,
13:19 elle sent, elle sait que Samuel Paty est menacé.
13:22 Et à partir de ce moment-là, on voit bien que l'engrenage
13:25 de toute façon est lancé sur les réseaux sociaux,
13:27 les islamistes partagent les vidéos du père de famille.
13:31 – Mais c'est ça aussi, parce que le père de famille,
13:33 ce n'est pas n'importe qui entre vous, c'est pas le père de famille lambda,
13:36 ça vous le racontez.
13:37 – Oui, Brahim Chinina, le père de famille, c'est un excité,
13:42 c'est quelqu'un qui fait du ramdam régulièrement,
13:45 j'en ai appris d'ailleurs beaucoup à son sujet depuis cette enquête,
13:48 puisqu'il y a des langues qui se sont déliées,
13:50 mais il est allé à l'école aussi avec une bien troublante personnalité
13:55 qui est M. Seyfrioui, qui a, petite incidente,
13:59 participé à la création du collectif pour le cher Yassine,
14:04 qui est la délégation du Hamas en France, donc ce n'est pas rien.
14:09 Et donc ces deux hommes ont fait des vidéos,
14:12 fait des vidéos qui sont partagées sur les réseaux sociaux,
14:15 et à partir du moment où la mosquée de Pantin,
14:18 qui est une mosquée connue pour des prises de position très rigoristes,
14:22 partage les vidéos de ses parents d'élèves,
14:26 et bien d'un seul coup c'est des centaines de milliers de personnes,
14:29 il y a 100 000 followers qui poursuivent le compte Facebook
14:34 de la mosquée de Pantin, donc si vous voulez…
14:36 – Ou le nom, je vous dis pardon, sur les réseaux sociaux,
14:38 le nom de Samuel Paty, son adresse, son collège,
14:40 ils se sont divulgués.
14:42 – Exactement, comme vous le dites, bravo, et tout ça est partagé,
14:44 et d'un seul coup, évidemment, c'est une quantité de personnes
14:47 absolument "insurveillables" qui sont sensibilisées
14:52 à ce qui vient de se passer au collège du Bois-d'Aume,
14:54 et parmi ces personnes, il y a un certain Abdoula Kanzeroff
14:58 qui habite à Évreux, donc ce n'est pas la porte à côté,
15:00 qui va être sensibilisée et qui va prendre contact
15:03 avec le père de Samuel Paty.
15:05 – Et dont vous dites, c'est l'assassin de Samuel Paty,
15:07 dont vous dites que l'enquête a prouvé qu'il n'y a eu jamais aucun contact,
15:11 qu'ils ne le connaissaient pas, qu'ils n'avaient jamais aucune relation.
15:14 – Il y a des contacts mais qui sont…
15:16 – Mais il n'y avait aucune relation entre eux.
15:18 – Aucune relation entre Samuel Paty et son assassin,
15:20 ils ne se sont jamais vus, jamais croisés,
15:23 il n'y aura que des contacts téléphoniques avec le père de famille,
15:28 qui derrière des politesses, on va dire religieuses,
15:33 va lui partager que tout ça ne restera pas impuni.
15:37 Et donc ce tueur, si on entend bien ce que veut dire
15:43 le ministre de l'intérieur de l'époque, Gérald Darmanin,
15:46 on ne pouvait pas prévoir, on ne pouvait pas prévoir.
15:48 Ce que l'on pouvait prévoir en revanche, c'est que Samuel Paty était menacé,
15:51 on ne pouvait pas savoir celui qui allait émerger,
15:53 qui aura été signalé plusieurs fois sur le réseau Pharoz
15:58 comme étant un dangereux activiste, comme proférant la haine,
16:02 la haine des homosexuels, la haine des femmes,
16:05 enfin c'est un personnage abject ce tueur, ce Tchétchène de 19 ans,
16:10 mais si on ne pouvait pas savoir que c'était lui
16:12 qui allait être la main armée du crime,
16:14 en revanche on peut prévoir que Samuel Paty est menacé.
16:17 Et là, il y a une faille, c'est que normalement,
16:20 vous avez plusieurs possibilités pour protéger un professeur
16:23 ou une personnalité menacée, vous pouvez lui mettre
16:26 une protection particulière, mais vous pouvez aussi
16:28 faire des choses extrêmement simples.
16:30 On peut faire un coup de fil de la DGSI, d'un agent de la DGSI
16:33 pour dire à Samuel Paty "n'allez plus en cours,
16:36 on est à quelques jours des vacances de la Toussaint,
16:38 profitez-en pour aller chez vos parents ou chez des amis,
16:41 ne venez plus à l'école, on n'est pas sûrs
16:44 de pouvoir assurer votre sécurité".
16:46 – Oui, on voit dans votre livre, c'est aussi la faillite des renseignements.
16:48 – On voit là la faillite totale des renseignements,
16:50 qui ne voit pas les signalements sur la plateforme Pharoz
16:55 de Abdoulakane Zorog, qui est un convidé…
16:57 – Qui est la plateforme du ministère de l'Intérieur
16:58 qui est chargée de surveiller les réseaux sociaux
17:00 et de signaler les messages à l'interne.
17:02 – Qui est chargée de surveiller les réseaux sociaux.
17:04 Cette plateforme est totalement débordée,
17:07 et il se trouve que tous les signalements,
17:09 il y en a eu 14 je crois, dont 4 la semaine précédente
17:13 sur ce Abdoulakane Zorog, et bien rien n'a été exploité
17:16 par la DGSI, et par ailleurs la DGSI n'a absolument rien fait
17:20 pour protéger Samuel Paty, alors qu'une simple mesure
17:25 d'éloignement, qui est aussi facile qu'un coup de fil,
17:28 aurait suffi à sauver la peau de Samuel Paty.
17:32 – Et vous racontez justement, c'est le début de votre livre,
17:35 le jour de l'assassinat, que Samuel Paty, se sentant menacé,
17:38 il avait toujours un marteau dans son sac,
17:41 et là ça en est presque émouvant de se dire qu'il se sentait
17:43 tellement seul qu'il s'est retrouvé avec un outil finalement
17:46 de bricolage, pensant qu'il pouvait le protéger.
17:48 – C'est poignant, d'autant que j'ai appris depuis
17:50 que ce petit marteau, qui est un marteau insignifiant
17:52 de bricolage, lui avait été offert par son père.
17:56 Son père lui avait procuré ce petit marteau
17:59 quand il était étudiant, pour bricoler dans sa chambre,
18:01 poser un cadre, un poster, ou je ne sais quoi.
18:03 Et il se trouve que Samuel Paty, qu'il se sait menacé,
18:06 il suffit de regarder les réseaux sociaux pour voir
18:08 les commentaires haineux qui se comptent par dizaines,
18:11 pour savoir donc qu'il est menacé. D'ailleurs il le dit,
18:13 il l'écrit à ses collègues, nous produisons le mail,
18:16 le contenu du mail qu'il adresse à tous en disant
18:18 qu'il est menacé par des islamistes locaux.
18:21 Eh bien, il n'a plus lui comme ressource,
18:23 comme ce n'est pas du tout le genre à aller s'armer
18:26 ou acheter un couteau ou quoi ou qu'est-ce,
18:29 il prend ce petit marteau en se disant que peut-être
18:31 il en aura besoin si jamais d'aventure, on venait à menacer sa vie.
18:35 Et il le met dans son sac à dos.
18:37 Il ne pourra évidemment pas l'utiliser,
18:39 il sera frappé de dos par son criminel.
18:41 – Alors votre livre, on l'a dit, ça raconte beaucoup de faillites.
18:44 La faillite des renseignements généraux, la lâcheté
18:46 de certains collègues de Samuel Paty et de sa hiérarchie,
18:49 et peut-être aussi les failles béantes de l'éducation nationale.
18:52 Parce que vous dites Jean-Michel Blanquer,
18:53 qui était le ministre de l'éducation nationale à l'époque,
18:55 il a entendu parler de Samuel Paty uniquement le jour de sa mort,
18:58 alors que des signalements avaient été faits.
19:00 – Oui, oui, il y a beaucoup de signalements qui ont été faits,
19:05 la plupart sont montés au niveau de l'académie,
19:08 mais on sait très bien que ces signalements de niveau 3,
19:11 eh bien ils remontent aussi au ministère.
19:14 Et le problème c'est que malheureusement, Jean-Michel Blanquer,
19:17 pourtant un des ministres qui a voulu réaffirmer les valeurs de la République,
19:21 c'est un ministre volontaire, c'est quelqu'un qui a conscience
19:24 des atteintes à la laïcité à l'intérieur des enceintes de l'école,
19:28 eh bien malgré tout, il a mis en place des procédures
19:31 qui sont lourdes et qui remontent tellement de signalements
19:35 qu'ils ne sont pas traités.
19:36 Et il m'a dit les yeux dans les yeux que, oui, Samuel Paty
19:40 n'en avait entendu parler que le jour de son assassinat
19:43 et qu'auparavant, je lui faisais remarquer
19:45 qu'il y avait une trentaine ou une quarantaine, une cinquantaine,
19:49 pas de signalement sur l'affaire Paty,
19:51 mais qu'il y avait des signalements réguliers à son ministère
19:53 et donc ça faisait en partie.
19:54 Et il m'a dit "mais vous vous rendez compte ?".
19:56 Oui, peut-être, mais enfin 30 à 40 signalements comme ça,
19:59 on ne peut pas tout traiter.
20:00 Eh bien alors, à quoi sert de faire des procédures de signalement
20:03 s'ils ne sont pas traités derrière ?
20:05 Est-ce que c'est juste pour avoir des déclenchements de signaux ?
20:08 Vous savez, c'est comme quelqu'un qui installe dans sa voiture une alarme,
20:13 on vient fracturer son alarme, ça sonne,
20:15 mais bon, au bout d'un moment, il se rend compte
20:17 que c'est simplement, ça se déclenche à tout bout de champ,
20:20 donc finalement, il ne tient plus compte de l'alarme.
20:22 Donc c'est exactement ça ce qui se passe
20:24 et malheureusement, l'éducation nationale n'a pas non plus
20:27 pris les mesures nécessaires et utiles.
20:30 – Votre livre, c'est aussi le récit et même une alerte, j'allais dire,
20:34 sur l'entrisme de l'islamisme dans les écoles,
20:37 parce que vous le dites très bien, les écoles, c'est la jeunesse,
20:40 c'est au moment où se forment les esprits
20:42 et c'est le meilleur vecteur pour l'islam.
20:43 – Vous savez, c'est très documenté, les services de renseignement
20:46 savent que l'islam politique considère que c'est dans l'enceinte de l'école
20:51 qu'il faut aussi porter le combat, un combat d'idées,
20:55 un combat finalement pour faire accepter les tenues,
20:59 pour faire reculer un certain nombre d'enseignements,
21:05 je pense à l'enseignement de la Shoah,
21:07 donc tout ça est documenté, on sait que les frères musulmans
21:10 considèrent que c'est le lieu de la fabrication des jeunes esprits
21:13 qui est essentiel et c'est là qu'il faut porter l'effort.
21:16 Donc à partir de ce moment-là, on doit bien se rendre compte
21:20 et faire en sorte de protéger ce qui est une enceinte sacrée
21:25 qui est celle des établissements scolaires.
21:27 – Est-ce que le combat n'est pas déjà perdu ?
21:29 On le voit le jour de l'hommage à Samuel Paty, Emmanuel Macron,
21:31 il avait promis que le collège porterait son nom,
21:33 ce n'est toujours pas le cas.
21:34 – Non.
21:35 – Est-ce que pour vous c'est le signe que ce combat contre l'islamisme,
21:38 notamment à l'école, il est perdu aujourd'hui ?
21:40 – Moi je dis que tant qu'il… vous savez, vous connaissez l'histoire
21:43 tragique du Titanic, et vous savez que dans le Titanic
21:47 il y avait un aquarium et dans cet aquarium il y avait un homard.
21:51 Et il y a eu une bonne nouvelle, c'est que le homard a pu sortir de…
21:55 Vous voyez ce que je veux dire, il y a toujours une parcelle,
21:57 une lueur d'espoir, il ne faut jamais renoncer à un combat.
21:59 Quand on est fort de ses valeurs, je pense qu'il ne faut surtout pas
22:03 se dire "c'est trop tard, il n'y a plus rien à faire, moi je m'écrase".
22:06 J'ai fait ce livre moi aussi pour tous les professeurs,
22:10 étant fils, comme je vous le rappelais, étant fils de prof, etc.
22:13 Mais il se trouve que, je crois que le plus détestable dans cette affaire,
22:17 c'est qu'à l'issue de cette affaire Samuel Paty,
22:20 eh bien un professeur sur deux dit dans le sondage
22:24 qu'il souhaite quitter son job.
22:26 Est-ce que vous connaissez un autre métier aussi,
22:29 comment dirais-je, déprimé aujourd'hui que celui-ci ?
22:32 Un professeur sur deux a envie de quitter sa fonction.
22:35 Et pas parce que c'est mal payé, ça pourrait être une motivation,
22:38 c'est aussi parce qu'il ne se sent plus bien, plus protégé,
22:42 plus assez encadré, plus porté par leur ministère, etc.
22:46 Donc il y a un chantier énorme qui attend Gabriel Attal,
22:49 qui a l'air, lui, pour le coup, un peu plus concerné que son prédécesseur
22:53 par les atteintes à la laïcité dans les enceintes scolaires.
22:56 Donc je ne dis pas "c'est fichu", je fais partie de ceux qui pensent
23:00 qu'une forme de volonté politique est absolument essentielle,
23:05 mais une fois qu'on a manifesté cette volonté politique,
23:07 il faut agir en ce sens et on verra bien ce qui se passera dans les prochains mois.
23:12 – Merci Stéphane Simon, évidemment j'invite tout le monde à lire votre livre
23:15 "Les derniers jours de Samuel Paty", c'est à la fois galasson, évidemment,
23:18 mais riche en enseignement.
23:20 Merci d'avoir été notre invité, je remonte votre livre,
23:22 "Les derniers jours de Samuel Paty", enquête sur une tragédie
23:25 qui aurait dû être évitée, c'est aux éditions Plon, on va le voir.
23:28 on va le voir. Merci beaucoup d'avoir été notre invité, on passe au club des territoires.