• l’année dernière
L'école, lieu de transmission des savoirs et d'apprentissage peut être un enfer pour certains enfants et adolescents. Ennui, difficultés scolaires et sociales, isolement... c'est ce que subissent certains enfants HPI (Haut potentiel intellectuel). Ces dernières années plusieurs associations et organismes alertent sur la nécessité de prévention auprès des écoles et des familles et particulièrement sur la nécessité de formation des enseignants à comprendre ces élèves afin de mieux les accompagner. Pour en débattre, Alexandre Bitoun réalisateur du documentaire, Marie-Pierre Rixain, députée Renaissance de l'Essonne et Arielle Adda, psychologue spécialiste de la douance intellectuelle.LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.

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Transcription
00:00:00 Générique
00:00:02 ...
00:00:15 -Bienvenue à tous. Il serait environ 200 000 en France.
00:00:18 "Débat d'oct'", s'intéresse aux élèves
00:00:20 à haut potentiel intellectuel,
00:00:22 ceux que l'on a souvent appelés les surdoués,
00:00:25 avec, pour commencer, un documentaire réalisé
00:00:28 par l'un d'entre eux, Alexandre Bittoun,
00:00:30 et intitulé "La dure vie des surdoués".
00:00:33 Enfant, son haut potentiel lui a valu
00:00:35 une scolarité douloureuse.
00:00:37 Son regard s'est porté sur des élèves
00:00:39 présentant aujourd'hui le même profil,
00:00:41 histoire de voir si, des années plus tard,
00:00:44 leur parcours scolaire s'avère toujours aussi chaotique.
00:00:48 Je vous laisse découvrir la réponse avec ce film,
00:00:51 puis Alexandre Bittoun sera avec nous sur ce plateau,
00:00:54 en compagnie de la députée Marie-Pierre Rixin
00:00:57 et de la psychologue Arielle Haddad.
00:01:00 Avec eux, nous débattrons des moyens mis en oeuvre
00:01:03 pour réussir l'intégration des élèves
00:01:05 à haut potentiel intellectuel
00:01:07 au sein de notre système scolaire.
00:01:09 Bon doc.
00:01:10 -Si je devais retourner à l'école,
00:01:24 je m'y opposerais de toutes mes forces.
00:01:27 Mon parcours a été biaisé.
00:01:29 Pendant ma scolarité, de nombreuses incompréhensions
00:01:32 ont fortement contribué à mon décrochage.
00:01:34 Aujourd'hui, j'assimile cette époque à des expériences épineuses,
00:01:38 particulièrement dans mon rapport avec les autres.
00:01:41 Je ne supportais pas le bruit,
00:01:43 la communication avec mes camarades était difficile.
00:01:46 Pour moi, impossible de faire du par coeur
00:01:48 ou de poser des équations sans leur donner du sens.
00:01:52 Comportement atypique, attitude taciturne,
00:01:56 je passais pour inadapté, retardé, voire déficient.
00:01:59 Au fil de ces années,
00:02:00 mon désir d'apprendre au sein de cet environnement
00:02:03 s'est peu à peu dissipé.
00:02:05 Aux yeux des enseignants et de mes camarades,
00:02:07 les signes d'un haut quotient intellectuel étaient insoupçonnables.
00:02:11 Pourtant, le diagnostic avait bien été posé.
00:02:14 Le monde devenait brutal pour moi,
00:02:16 semant le doute sur mes capacités.
00:02:18 (Musique douce)
00:02:20 (Musique douce)
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00:02:45 (Musique douce)
00:02:48 (Musique douce)
00:02:50 -Est-ce que c'est important de savoir lire et écrire ?
00:02:53 -Oui. -Qu'est-ce qu'on peut faire
00:02:54 quand on sait lire ? -On peut raconter des histoires
00:02:57 aux enfants.
00:02:59 (Rires)
00:03:00 -La plupart des enfants,
00:03:01 quand ils sont d'origine socioéconomique modeste,
00:03:04 même s'ils sont précoces à l'âge de 5 ans,
00:03:08 eh bien, échouent.
00:03:10 Dans plus de 50 % des cas,
00:03:12 ce sont des enfants voués à l'échec.
00:03:14 Quand un enfant intelligent s'ennuie en classe,
00:03:17 d'autres s'endorment.
00:03:18 C'était simplement des enfants qui s'ennuyaient
00:03:21 et qui avaient besoin qu'on leur propose, à leur rythme,
00:03:24 des activités qui les amusent
00:03:25 et qui les alimentent sur le plan intellectuel.
00:03:29 -En France, ce sujet du haut potentiel
00:03:31 a eu beaucoup de mal à percer.
00:03:34 En fait, à la suite de mai 68,
00:03:36 on a considéré que s'intéresser aux enfants
00:03:39 qui seraient les plus intelligents,
00:03:41 c'était faire une forme d'élitisme.
00:03:43 -Jean-Charles Terassier,
00:03:45 psychologue pionnier en France dans la problématique du haut potentiel,
00:03:49 met en place un dispositif d'intégration
00:03:51 à l'attention de ses enfants.
00:03:53 Selon les académies, il représente un élève sur 20,
00:03:56 soit un à deux élèves par classe.
00:03:58 C'est dans un quartier populaire de Nice
00:04:00 qu'une classe spécifique voit le jour en 1987,
00:04:03 une première prise de conscience.
00:04:06 C'est seulement 20 ans plus tard
00:04:08 que le dispositif d'intégration des élèves à haut potentiel
00:04:11 se développe sous sa forme actuelle.
00:04:13 "À cette époque, j'achevais ma scolarité.
00:04:17 "Mon envie de découvrir la situation de ces élèves aujourd'hui
00:04:21 "et les différents échecs rencontrés au cours de ces années
00:04:24 "m'ont longtemps interrogé.
00:04:26 "L'encadrement proposé m'aurait-il permis d'envisager autrement
00:04:29 "l'histoire douloureuse que j'ai entretenue
00:04:32 "avec le système scolaire ?"
00:04:33 Musique douce
00:04:35 ...
00:04:38 -L'égalité des chances, c'est pas toujours
00:04:40 essayer de faire rentrer tout le monde dans le moule,
00:04:43 mais respecter le rythme de développement de chacun.
00:04:46 L'intelligence, ça se mesure pas comme la température.
00:04:49 C'est pas une mesure qui est sûre.
00:04:51 ...
00:04:53 Y a pas vraiment de consensus dans la façon de les appeler.
00:04:56 On peut entendre "précoce", "surdoué".
00:04:58 Depuis quelques années, c'est plus haut potentiel intellectuel
00:05:02 qui est privilégié.
00:05:03 -Moi, ce que j'observe, c'est qu'il y a, d'un côté,
00:05:06 les compétences intellectuelles,
00:05:08 et de l'autre côté, la souffrance psychique.
00:05:10 -Le haut potentiel ne génère pas de souffrance
00:05:14 parce que le haut potentiel ne parle que d'intelligence,
00:05:18 et l'intelligence ne génère pas d'anxiété.
00:05:21 -Je dérangeais mes camarades
00:05:23 parce que je m'ennuyais, en fait.
00:05:27 -Je suis pas super intelligent, je suis pas le premier de ma classe,
00:05:30 j'ai juste la moyenne de ma classe.
00:05:32 -Y a des enfants précoces qui ont de très mauvaises notes,
00:05:36 y a des enfants précoces qui ont de très bonnes notes,
00:05:39 mais moi, personnellement, faut que je travaille pour les avoir.
00:05:42 -Pour beaucoup, précocité égale très bon élève.
00:05:46 Et c'est parfois le cas,
00:05:49 mais c'est pas toujours le cas.
00:05:51 Musique douce
00:05:54 ...
00:05:55 -J'ai grandi dans les années 90,
00:05:57 dans une petite banlieue de la région parisienne.
00:06:00 C'est à cette époque que j'ai commencé à développer mon imaginaire.
00:06:04 ...
00:06:06 Très vite, je me suis rendu compte
00:06:08 de la nécessité de me fondre dans le moule,
00:06:10 en ayant des sans-intérêts communs avec mes camarades.
00:06:13 ...
00:06:15 Sauf que se déguiser est comme mettre un masque.
00:06:18 Mon attitude taciturne me trahit, je m'isole de plus en plus
00:06:22 et je me fais oublier.
00:06:24 De nombreuses désillusions sont apparues,
00:06:26 laissant place à un grand sentiment d'échec et d'isolement.
00:06:29 ...
00:06:37 C'est ainsi que cette période s'est déroulée.
00:06:39 Parfois, j'entends encore ces voix qui résonnaient le dimanche midi.
00:06:43 -Qu'est-ce que tu as encore fait ? -Un nom, hein ?
00:06:46 -Ca va pas toujours être comme ça. -Y en a marre, hein ?
00:06:49 Tu pourrais faire des efforts. -Qu'est-ce qu'on va faire de lui ?
00:06:52 -T'exagères.
00:06:53 ...
00:06:56 -Un sentiment d'incompréhension, d'injustice me poussait à l'abandon,
00:07:00 au désinvestissement de l'apprentissage.
00:07:02 De fil en aiguille, je collais à l'image qu'on se faisait de moi
00:07:05 en rentrant des copies blanches.
00:07:07 Malgré les apparences, quand j'avais 10 ans,
00:07:10 j'écoutais des émissions politiques à la radio toute la nuit.
00:07:13 Je suivais les élections
00:07:15 et me passionnais pour les films de campagne électorale.
00:07:18 Pendant que mes camarades regardaient des dessins animés,
00:07:21 je lisais "Libération", "L'équipe", "Mozart", "Beethove", "Vivaldi".
00:07:24 J'étais incollable sur les compositeurs de musique classique.
00:07:28 -Certains enfants vont tomber dans une forme de conformisme.
00:07:32 J'ai des jeunes garçons à haut potentiel
00:07:35 qui s'imposent d'apprendre par coeur des équipes de joueurs de foot
00:07:38 parce qu'un garçon en primaire qui ne s'intéresse pas au foot,
00:07:41 ce n'est pas un garçon.
00:07:43 -Le DIEP, c'est le dispositif d'intégration des élèves à haut potentiel.
00:07:49 Ils se retrouvent dans des classes ordinaires,
00:07:51 c'est-à-dire qu'ils ne sont pas regroupés dans une classe particulière.
00:07:54 Pour faire partie du dispositif, il faut avoir fait le test.
00:08:00 -Il y a un incontournable,
00:08:02 c'est la passation d'une épreuve d'intelligence de Wechsler.
00:08:05 C'est une épreuve internationale
00:08:08 qui est reconnue dans tous les pays.
00:08:10 On va explorer différents domaines de l'intelligence,
00:08:13 la compréhension verbale, le raisonnement visio-spatial,
00:08:16 le raisonnement fluide, la logique mathématique,
00:08:19 la mémoire de travail aussi et la vitesse de traitement.
00:08:22 -Il faut avoir une moyenne de 130 au test WISC,
00:08:26 mais c'est une condition nécessaire, mais pas suffisante.
00:08:29 -Pour être admis dans le dispositif, il faut avoir eu des soucis,
00:08:34 et parfois avec des enseignants ou des camarades,
00:08:36 ils ont pu être harcelés.
00:08:38 On reçoit des profils très variés,
00:08:39 mais ils ont tous eu ce point commun,
00:08:41 c'est-à-dire une histoire un peu douloureuse
00:08:44 avec l'école ou primaire.
00:08:46 -C'est par le versant des difficultés
00:08:48 que l'école, l'éducation nationale,
00:08:50 on est arrivé à aborder le sujet.
00:08:52 Alors, le revers de la médaille, c'est qu'à partir des années 90,
00:08:57 il y a eu beaucoup de publications plus ou moins scientifiquement fondées,
00:09:01 mais justement mettant l'accent sur les difficultés,
00:09:04 au point que récemment,
00:09:06 on a pu accuser tout ce qui avait été publié
00:09:10 de pathologiser l'europotentiel, d'oublier aussi,
00:09:14 et c'est vrai, qu'il y a des personnes à europotentiel qui vont très bien.
00:09:17 -Ca a sorti de l'ombre des cancres, en fait,
00:09:20 de réenvisager les enfants avec un bonnet d'âne au fond de la classe
00:09:25 comme des enfants potentiellement plus valeureux,
00:09:27 qui pouvaient cacher des merveilles.
00:09:28 -Certes, certaines personnes à europotentiel vont très bien,
00:09:32 et par contre, c'est vrai qu'il y en a d'autres qui ont des difficultés.
00:09:35 C'est important de les accompagner.
00:09:36 -CME, c'était un peu...
00:09:45 Je compare un peu à un jour sans fin.
00:09:48 Niveau scolaire, ça allait,
00:09:51 mais je m'ennuyais un petit peu en classe.
00:09:55 Parfois, je me faisais des amis, mais il y a eu quelques histoires.
00:10:00 "Je veux plus être ton ami, je veux redevenir ton ami."
00:10:03 Je me suis dit, "C'est pas possible, on est dans une...
00:10:08 C'est un film, c'est une pièce de théâtre,
00:10:12 c'est pas possible, c'est une comédie."
00:10:15 Oui, c'est pas possible que ça fasse...
00:10:17 Il y a eu des moments où c'était un peu comme ça dans ma tête.
00:10:21 ...
00:10:31 -En fait, ça commence par la maternelle,
00:10:34 qui s'est pas bien passée pour Césaire.
00:10:36 Euh...
00:10:39 Beaucoup de difficultés dans ses rapports avec ses camarades,
00:10:43 dans ses rapports avec ses institutrices.
00:10:45 -On était embêtés, quand même.
00:10:47 Il commençait à être malheureux.
00:10:49 -Ils revenaient et disaient, "J'ai passé une journée...
00:10:52 Pourrie, comment tu disais ? J'ai passé une horrible journée."
00:10:55 -Ouais, ouais. -Donc, bon...
00:10:58 On peut essayer de le travailler, ça,
00:11:00 mais à un moment, il y a quelque chose qui va pas, quoi.
00:11:03 -Et puis, dans ce cas-là, souvent, le regard sur les parents
00:11:06 est un peu suspicieux, parce qu'on imagine que...
00:11:10 Enfin, moi, c'est ce que je ressentais.
00:11:12 Euh...
00:11:14 Que les parents ne poussent pas leurs enfants à suivre, à écouter.
00:11:19 Moi, on m'a plusieurs fois dit, "Laissez-le grandir."
00:11:22 -Oui, on sait qu'il se stresse quand il a pas de temps,
00:11:26 il se stresse quand il pense qu'il a pas assez préparé quelque chose.
00:11:31 Euh...
00:11:32 Mais bon, ça, on...
00:11:35 On travaille, quoi, et puis on lui dit que c'est pas très important.
00:11:39 Pour revenir, il y avait un isolement, quand même,
00:11:42 avant le diap, quand même.
00:11:43 -Donc, rien jusqu'à cette fameuse rencontre
00:11:49 en CE2 où il a été détecté.
00:11:51 -En sixième, pour me réorienter,
00:11:53 on me fait passer des tests psychométriques.
00:11:56 On s'aperçoit que mon quotient intellectuel est de 135.
00:11:59 Je garderai toujours en mémoire la confusion créée par ces résultats.
00:12:03 Autant pour moi que pour la psychologue scolaire
00:12:06 qui ne comprenait pas le décalage avec les remarques de mes professeurs.
00:12:10 Mais c'était trop tard.
00:12:12 J'avais beau avoir surinvesti le domaine de la pensée,
00:12:15 j'étais en pro au doute.
00:12:16 J'ai développé, durant mon enfance,
00:12:18 une capacité relationnelle, organisationnelle.
00:12:21 Les attitudes qui ont découlé me faisaient craindre le jugement des autres,
00:12:25 renforçant mes incertitudes.
00:12:27 ...
00:12:34 Quand j'étais jeune psychologue,
00:12:36 je vais chercher à la salle d'attente,
00:12:38 un enfant était là avec sa maman,
00:12:40 il était amimique, il exprimait très peu,
00:12:43 et alors, il avait toujours la bouche ouverte.
00:12:46 La première impression que vous avez, c'est qu'il n'est pas très malin.
00:12:50 Il venait, difficulté à l'école,
00:12:52 et je me disais, "Houlà, celui-là, il n'a pas l'air d'être très..."
00:12:56 En moi-même, il n'a pas l'air d'être très fûté.
00:12:59 Dans l'entretien, c'était quelqu'un de très inhibé,
00:13:01 qui ne parlait pas beaucoup.
00:13:03 Je me dis, "Bon, on va quand même pas lui repasser un test."
00:13:06 ...
00:13:18 Et en fait, le gars, il a fait plus de 120 de QI.
00:13:21 Et ça, ça m'a fait réfléchir, parce que je crois qu'il faut être très prudent,
00:13:26 parce que j'entends parfois des gens qui me disent,
00:13:28 "Moi, je vois tout de suite si vous êtes au potentiel ou pas."
00:13:31 Ils se voient comme ça, ils ont l'impression d'être des devins.
00:13:35 Ils oublient, et c'est quelque chose que j'ai appris,
00:13:37 que l'être humain n'est pas un très bon observateur.
00:13:41 -C'est pas du tout une solution magique. C'est au cas par cas.
00:13:44 Donc, il faut avoir une démarche très déontologique
00:13:48 dans l'administration des tests,
00:13:50 qui, quand même, ont été créés pour débusquer
00:13:54 des précisions sur les difficultés,
00:13:56 donc les déficiences, les entraves cognitives
00:13:59 des élèves, au départ.
00:14:00 Wechsler, etc., ils n'ont pas du tout créé des tests
00:14:03 pour alimenter le fantasme narcissique
00:14:06 de parents qui seraient en quête d'un enfant surdoué
00:14:09 ou celui de psypo-scrupuleux
00:14:12 qui viendraient s'enrichir sur le dos d'un fantasme.
00:14:14 ...
00:14:19 -Sur la socialisation des enfants,
00:14:21 on a une salle, qu'on appelle la salle du DIEP,
00:14:24 qui est vraiment le refuge.
00:14:26 ...
00:14:28 -C'est bien d'avoir une relation un peu de confiance,
00:14:30 quand même, à l'intérieur du collège.
00:14:33 ...
00:14:34 -J'ai le droit d'accéder à une salle, une salle du DIEP.
00:14:37 ...
00:14:41 -Quand je suis un peu énervé ou quand je me sens pas bien,
00:14:44 je peux aller au DIEP.
00:14:45 ...
00:14:53 Je pouvais parler, je pouvais m'exprimer,
00:14:58 et du coup, me calmer et revenir en cours un peu plus tard
00:15:02 pour relâcher la pression.
00:15:03 -Ils peuvent y aller quand ils veulent,
00:15:06 pendant la récréation, le midi,
00:15:08 mais même si en cours, ils éprouvent le besoin de sortir
00:15:12 parce qu'émotionnellement, c'est compliqué,
00:15:15 ils peuvent aller dans cette salle.
00:15:17 C'est un peu la salle où ils retrouvent un assistant d'éducation,
00:15:20 mais ils se retrouvent entre eux aussi.
00:15:23 -Tu avais vraiment le droit. -Parfait.
00:15:25 -Alors, on va faire un petit pâté.
00:15:27 ...
00:15:31 -Quand je suis arrivé, j'avais quand même une meilleure idée
00:15:34 des problématiques, soit des élèves très insolents
00:15:38 ou multi-exclus qui venaient souvent dans la salle,
00:15:42 ou des élèves qui seraient assez discrets,
00:15:46 voire harcelés.
00:15:47 ...
00:15:51 -Oui, c'est Adrien.
00:15:52 C'était pour te dire, les Pavlovas,
00:15:54 ils ont cours le jeudi après-midi de 14h à 18h.
00:15:57 ...
00:16:03 -En fait, ce qui est paradoxal, c'est d'essayer de faire en sorte
00:16:06 qu'ils soient le moins ici possible.
00:16:08 Quand ils viennent en traînant des pieds,
00:16:10 alors que ça a sonné depuis une minute en disant "on m'a pas accepté",
00:16:14 c'est d'essayer de voir que ce cas-là
00:16:16 soit pas non plus récurrent.
00:16:20 Ça, c'est un des problèmes,
00:16:23 et un des autres soucis,
00:16:26 c'est parfois de la gestion émotionnelle.
00:16:29 Il y a des élèves qui explosent,
00:16:32 un peu comme des petites bombes à retardement.
00:16:35 -À peine la sonnerie retentit, c'est déjà la fin de la récré.
00:16:39 Les groupes d'élèves se forment dans les couloirs,
00:16:42 pourvu que la classe soit déjà ouverte.
00:16:44 ...
00:16:50 Saisi par le brouhaha qui augmente, on ne peut plus reculer maintenant.
00:16:54 Il n'y a pas le choix.
00:16:56 Restez calmes.
00:16:57 Surtout, restez calmes.
00:16:59 ...
00:17:03 ...
00:17:06 ...
00:17:25 -C'est compliqué, la frontière entre ce qu'on peut accepter
00:17:28 et ce qu'on ne peut pas accepter.
00:17:30 Ils ont une caractéristique qui peut engendrer des crises.
00:17:34 Jusqu'où on...
00:17:36 -Moi, je ne peux pas faire en sorte de crise.
00:17:40 -Les gamins sont souvent anxieux.
00:17:42 Il y a une gamine qui fabrique des bracelets.
00:17:44 Les collègues l'autorisent à faire,
00:17:47 mais à condition qu'elle suive le cours.
00:17:49 Il y a toujours la condition.
00:17:51 Elle n'a pas son truc et un autre.
00:17:53 Elle a le droit de faire ses bracelets.
00:17:56 Ça laisse prendre le vent,
00:17:58 ça l'aide à ce qu'elle puisse se concentrer.
00:18:01 J'avais les ongletins de notes,
00:18:03 je la suis en tout à l'heure,
00:18:05 elle est de 18, de moyenne,
00:18:07 et pourtant, elle fait ses bracelets.
00:18:09 Ça ne pénalise pas,
00:18:10 vu qu'elle a cette capacité à tout retenir rapidement.
00:18:14 C'est une partie des trucs qu'on peut accepter.
00:18:16 On a un élève qui a besoin de faire du rubik's cube.
00:18:19 -Tiens.
00:18:20 Toujours la même consigne,
00:18:22 vous m'inventez une petite phrase
00:18:24 qui contient une assonance en "i".
00:18:27 Qu'est-ce qu'il y a ?
00:18:29 ...
00:18:36 -William est son frère Arthur.
00:18:38 William a 14 ans, Arthur, 11.
00:18:41 À l'école primaire, William était timide
00:18:44 et parfois bagarreur.
00:18:45 Son attitude inquiète à l'école, comme au sein de sa famille.
00:18:49 Parents et enseignants présentent un parcours très chaotique.
00:18:53 Un ultime incident a amené son entourage à trouver une solution.
00:18:57 ...
00:19:01 -Je sais plus de quoi c'est parti.
00:19:03 On s'est bagarré avec un élève.
00:19:05 Il y avait deux animateurs pour me retenir, en fait,
00:19:08 dans ce bureau.
00:19:09 Et en fait, à un moment donné,
00:19:11 j'ai réussi à m'évader, à m'enfuir,
00:19:14 et de là, je voulais absolument me...
00:19:17 "venger", entre guillemets, du...
00:19:20 de la personne en question.
00:19:24 Au final, il a fallu trois adultes pour me maîtriser.
00:19:27 -On avait carrément enfermé l'élève qui avait embêté William
00:19:30 dans une salle.
00:19:32 -Pour le protéger.
00:19:33 -Ce moment qui m'a vraiment fait comprendre
00:19:37 qu'il y avait un problème avec William,
00:19:40 qu'il n'était pas comme les autres.
00:19:42 Je l'avais déjà remarqué, mais maintenant, j'en étais sûre.
00:19:45 Musique douce
00:19:47 -Au cours de mon enfance,
00:19:48 j'ai le souvenir d'avoir énormément intériorisé au quotidien.
00:19:52 Tout comme William, mon esprit tourmentait,
00:19:55 rebutait mes camarades, me poussant à la faute.
00:19:57 Je ne trouvais pas le moyen d'expulser sainement mes colères.
00:20:01 À l'école, l'autorité était la règle.
00:20:04 Aucune possibilité d'être écoutée.
00:20:06 En tout cas, c'est ce que je ressentais.
00:20:09 Musique douce
00:20:11 -Je sais que j'ignore,
00:20:12 mais le problème, c'est que vu que j'ai changé de place,
00:20:15 je suis juste en place.
00:20:17 -C'est de la place.
00:20:18 -Chaque élève du dispositif a un tuteur,
00:20:21 qui est en général un de ses professeurs.
00:20:23 Il y a une familiarité qui se fait
00:20:25 entre le tuteur et l'élève au fil de l'année.
00:20:27 Musique douce
00:20:29 -Je regarde la dernière note et je vois 6/10.
00:20:32 Et je me dis, bon, j'aurais pu faire mieux, etc.
00:20:37 J'ai été un... J'ai un peu pleuré, à un moment.
00:20:41 -On a tous le droit de pleurer,
00:20:43 mais essayez de prendre de plus en plus sur vous
00:20:46 pour intégrer la crise.
00:20:48 Essayez d'écrire comment vous avez réussi à gérer. D'accord ?
00:20:52 -Là, il a l'occasion d'exprimer tout ce qu'il ressent
00:20:55 par rapport à sa scolarité.
00:20:57 La parole est libre.
00:20:58 Le rôle du tuteur, c'est d'écouter l'élève.
00:21:01 -Hippolyte a sauté deux classes,
00:21:03 donc c'est difficile pour les anniversaires.
00:21:05 Il a des amis en une première classe,
00:21:09 il en a dans une autre classe,
00:21:11 et il en a encore des en sixième.
00:21:14 -Son rôle, aussi, consiste à jouer
00:21:17 le rôle d'intermédiaire avec d'autres professeurs
00:21:20 quand il y a des malentendus, même si la plupart des enseignants
00:21:23 sont aux faits des problématiques de la précocité.
00:21:26 -Les adultes, surtout mon tuteur,
00:21:29 pour qu'on comprenne qu'il n'y a pas de sujet tabou.
00:21:32 Je peux lui parler de tout.
00:21:34 -Ca allait mieux ? Hier, ça allait pas du tout.
00:21:37 -Oui, hier soir, quand je suis rentré, ça allait mieux.
00:21:40 Je pense que c'était la...
00:21:42 La truc d'Espagnol qui me prenait bien la tête.
00:21:45 Hum... Voilà.
00:21:47 Je pense que c'était surtout la fatigue,
00:21:50 en grande majorité.
00:21:52 Mais sinon, je suis pas trop...
00:21:56 -Félicitations. En tout cas, ton intuition,
00:21:58 elle s'est pas vérifiée.
00:22:00 Tu te souviens de ce que tu m'as dit, hier ?
00:22:03 -Non.
00:22:04 -Quand t'étais dans cet état-là,
00:22:06 en général, il y avait des gros incidents qui arrivaient.
00:22:09 -Bah... Écoute, j'ai pris sur moi.
00:22:11 -Hm-hm. Et comment t'as fait ça ?
00:22:14 -Bah, je me suis juste dit...
00:22:17 "Faut te calmer, William, faut pas faire de conneries."
00:22:20 -Moi, j'ai cru vraiment, par contre, au bout d'un moment,
00:22:23 que t'allais commencer à chercher un peu...
00:22:26 À taquiner, voir un peu la bagarre...
00:22:28 -Pas la voir en peinture.
00:22:30 Ouais, mais en fait, je me reconnais en lui,
00:22:32 si tu vois ce que je veux dire.
00:22:34 Je sais ce qui se passe dans sa tête pour qu'il fasse ça.
00:22:37 -Et qu'est-ce qui se passe dans sa tête pour qu'il provoque comme ça ?
00:22:41 -La tension des gens.
00:22:42 -C'est juste pour avoir de la tension ?
00:22:45 -J'étais pareil !
00:22:46 Mais genre trois ans de moins, tu vois.
00:22:48 T'imagines mes profs ?
00:22:50 C'était un... -Avant le collège ?
00:22:52 -Ouais. -T'étais pas un peu comme ça ?
00:22:55 -Bah, j'étais comme ça quand je suis arrivé,
00:22:57 mais j'étais encore pire avant.
00:22:59 Musique douce
00:23:01 ...
00:23:06 -J'avais pas vraiment d'amis en élémentaire.
00:23:08 Il y avait souvent des bagarres ou des disputes.
00:23:12 J'étais souvent dans des histoires, en fait.
00:23:15 J'étais dans aucun groupe, en fait. J'étais tout seul dans mon coin.
00:23:18 -On en parlait avec les enseignants, avec le directeur,
00:23:21 mais on savait pas vraiment par quel côté l'aborder.
00:23:24 -Ce que je trouve aussi assez mystérieux, parfois,
00:23:27 et en tout cas très intéressant,
00:23:29 c'est d'essayer de comprendre comment des élèves
00:23:32 qui ont tout pour réussir à se sentir bien à l'école
00:23:35 rencontrent des difficultés à un certain moment
00:23:37 de leur scolarité.
00:23:39 Ca interroge l'école, ça nous interroge comme enseignants.
00:23:42 -Quand j'étais enfant, j'étais dans les deux difficultés qu'ils ont eues,
00:23:46 difficulté à gérer l'échec, la relation avec les autres.
00:23:49 J'ai redoublé trois fois, ça a été compliqué.
00:23:52 La vie à la maison était pas facile non plus.
00:23:54 J'aurais pu être détecté au potentiel à l'époque.
00:23:57 J'ai fait le test étant adulte, assez tardivement,
00:24:00 l'année dernière.
00:24:01 -T-H-P.
00:24:02 Très haut potentiel.
00:24:03 Il dit "au potentiel", mais non, il est très haut potentiel.
00:24:07 -Je me suis un peu rattrapé sur ma carrière professionnelle.
00:24:10 Tout simplement, mon premier matin de l'air,
00:24:13 j'ai découvert que la vie à l'école, c'était mon truc.
00:24:16 Les sujets qui m'intéressaient étaient soit de niveau lycée
00:24:19 soit de niveau post-bac, alors que j'étais juste au collège.
00:24:22 Le cours continue à avancer, vous vous êtes plus là,
00:24:25 vous écutez plus et vous faites autre chose.
00:24:28 Difficile d'être captivé par un interrupteur et une ampoule
00:24:31 quand on regarde des circuits électroniques
00:24:33 ou le fonctionnement d'une centrale nucléaire.
00:24:36 Il y a eu un moment où j'étais au fond du trou,
00:24:39 j'ai eu un problème de réveil et j'ai eu un enseignant
00:24:41 qui m'a remis le pied à l'étrier, ça a tenu 2-3 ans,
00:24:44 ça m'a permis de reprendre confiance.
00:24:47 Du jour où j'ai eu ça...
00:24:48 -Tsssiu !
00:24:49 -Parfois, on a eu tendance à faire tout de suite
00:24:54 un lien de causalité en disant "il a ces difficultés-là
00:24:57 "parce qu'il est à haut potentiel."
00:24:59 Je trouve ça très dangereux.
00:25:01 -C'est sûr que c'est beaucoup plus consensuel de dire à une famille
00:25:05 "Monsieur, madame, votre enfant est surdoué."
00:25:08 C'est beaucoup plus facile de dire ça à des parents.
00:25:11 La raison de tout ce malheur, c'est une qualité.
00:25:14 Nous, psys, nous ne rencontrons que des enfants en souffrance.
00:25:17 Donc, on a le sentiment, enfin, certains psys,
00:25:20 pas très rigoureux, ont véhiculé cette association
00:25:23 entre l'intelligence élevée et le malheur,
00:25:26 mais c'est tout à fait injustifié.
00:25:28 -Il y a des sujets qui, parfois, gâchent leur potentialité
00:25:31 pour des facteurs, à cause de facteurs
00:25:34 qui n'ont rien à voir avec l'intelligence.
00:25:36 ...
00:25:39 -Comme si c'était hier.
00:25:41 J'ai 5 ans.
00:25:42 Depuis l'arrière de la voiture,
00:25:44 je perçois l'inquiétude de mon père dans son regard.
00:25:48 ...
00:25:55 Ses lunettes s'arrachent de son visage.
00:25:57 ...
00:25:59 Ca tourne, je me cramponne.
00:26:02 ...
00:26:04 Verrai-je la fin de cette journée ?
00:26:06 ...
00:26:16 Ma petite sœur n'est pas avec nous.
00:26:19 Elle fait la sieste à la maison.
00:26:21 ...
00:26:22 Juste à côté de moi,
00:26:24 les bris de verre transpercent son petit siège auto.
00:26:27 A partir de là, rien ne sera plus comme avant.
00:26:31 ...
00:26:33 L'insouciance de l'enfance
00:26:35 a laissé place à une anxiété permanente.
00:26:37 ...
00:26:44 -Koena, elle a su parler très tôt.
00:26:46 Et quand elle a commencé à parler,
00:26:48 elle posait beaucoup de questions autour de la mort,
00:26:52 des questions autour de l'existence de la Terre,
00:26:55 de la création du monde, des choses assez mystiques.
00:26:58 Quand j'ai su Koena,
00:27:00 quand le diagnostic a été posé,
00:27:02 même si j'avais de fortes doutes,
00:27:05 sinon je ne serais pas allée la faire tester,
00:27:07 je ne l'ai pas du tout pris comme une bonne nouvelle.
00:27:10 J'ai perdu mon père avant que Koena soit née.
00:27:12 ...
00:27:14 Elle était très affectée de ne pas connaître son grand-père.
00:27:17 Un jour, elle avait 3 ans et quelques,
00:27:20 Koena a fait une réflexion autour de ça en me disant
00:27:23 qu'elle ne l'avait pas connue,
00:27:25 qu'il ne pouvait pas exister en elle
00:27:27 puisqu'elle ne l'avait pas connue, puisqu'elle n'existait pas.
00:27:31 Et tout d'un coup, elle m'a regardée et elle m'a dit
00:27:34 que si j'existais déjà,
00:27:36 puisque avant de m'avoir, papa et toi m'aviez imaginé.
00:27:40 Elle avait 3 ans.
00:27:41 Je suis restée un peu estomaquée de voir un truc pareil.
00:27:45 Je trouvais qu'elle avait raison.
00:27:47 Elle avait raison, elle existait déjà,
00:27:49 puisqu'elle existait dans notre imaginaire.
00:27:51 Je pense que ça a été la réflexion
00:27:54 qui a un peu déclenché le fait que je me suis dit
00:27:57 qu'il fallait faire un bilan.
00:28:00 -Ils vont se poser des questions métaphysiques
00:28:04 à un âge où ils ne sont pas toujours prêts
00:28:06 à pouvoir faire face à l'angoisse vertigineuse, par exemple,
00:28:11 de l'infini, des questions de la mort et après la mort,
00:28:16 des choses comme ça.
00:28:17 Quand vous vous posez ces questions-là,
00:28:20 alors que c'est des questions qu'on se pose à l'adolescence,
00:28:23 c'est pas évident.
00:28:24 -J'aimais pas l'école parce que je m'ennuyais un peu comme à ma classe,
00:28:28 parce que c'était pas trop des trucs
00:28:30 que j'avais spécialement envie d'étudier.
00:28:33 Je me détestais pour être précoce et pour être comme ça en primaire.
00:28:38 Ils comprenaient pas que je préfère passer ma majorité du temps
00:28:42 avec des livres qu'avec des gens.
00:28:44 Et qu'au collège, enfin, les adultes,
00:28:48 surtout mon tuteur, on me comprend.
00:28:51 Donc c'est quand même quelque chose d'assez nouveau.
00:28:54 -Elle t'a dit aussi hier... -"Tu t'auras tous les jours."
00:28:57 -Elle l'aurait aimée.
00:28:59 Pas juste une fois par semaine, tous les jours.
00:29:01 -Donc c'est bien que ça fonctionne bien, si t'en demandes plus.
00:29:04 -Ah ouais. -Bah oui,
00:29:06 parce que à chaque fois, je pourrais rester là encore une heure
00:29:09 parce que j'ai pas fini de tout lui dire.
00:29:11 -Souvent, c'est des élèves qui ont une personnalité assez forte,
00:29:13 même quand ils sont réservés, au fond,
00:29:16 ils ont souvent une grande richesse intérieure,
00:29:19 une grande curiosité intellectuelle.
00:29:21 -Et donc s'ils ne rencontrent pas un environnement
00:29:25 qui est à l'écoute de cette particularité-là,
00:29:28 ça peut effectivement être source de souffrance,
00:29:32 de décrochage, de désintérêt, d'ennui.
00:29:35 Un enfant qui a des troubles d'attention,
00:29:38 on va essayer d'adapter les choses pour que ça puisse aller.
00:29:40 Un enfant qui a une dyslexie, on va aussi adapter un peu les choses.
00:29:44 Donc je crois que c'est un peu un devoir, pour moi, de l'école,
00:29:48 d'être à l'écoute des besoins de chacun.
00:29:51 -À son jeune âge, Léopold a déjà traversé de lourdes épreuves.
00:29:55 À trois ans, ses parents se séparent.
00:29:57 Lorsque son père meurt, il n'a que six ans.
00:30:00 Durant cette même année de CP, on lui fait sauter une classe.
00:30:04 Très vite, on lui diagnostique un trouble du déficit de l'attention,
00:30:08 le TDAH.
00:30:09 Il est alors réorienté vers une classe spécialisée,
00:30:11 une classe ULIS, pour les élèves en situation de handicap.
00:30:16 Traité avec de l'aritaline,
00:30:17 un médicament qui régule l'hyperactivité,
00:30:19 Léopold régresse, mais son haut potentiel
00:30:22 est finalement identifié par un psychologue.
00:30:24 Sa mère apprend l'existence du dispositif d'intégration,
00:30:27 des élèves à haut potentiel,
00:30:29 mis en place au collège Georges Brassens.
00:30:32 -Ca mérite d'être relu.
00:30:34 -Poulette et le renard.
00:30:36 Le renard s'incrusta dans le congrès annuel
00:30:38 du club des amis des poules
00:30:40 afin de croquer quelques animaux à plume.
00:30:43 Poulette...
00:30:44 -J'étais avant dans un collège où ça se passait plutôt mal.
00:30:48 C'était là où mon TDAH était un peu beaucoup développé.
00:30:53 C'était beaucoup développé.
00:30:55 Je faisais beaucoup de bêtises et...
00:30:58 Et je faisais pas mon travail, en fait.
00:31:02 Je pense que c'est parce que je me sentais pas trop à ma place.
00:31:06 Surtout quand ils m'ont mis dans...
00:31:08 -En classe Ulysse, tu te sentais pas à ta place.
00:31:11 Il y a jamais eu de résultats, de mauvais résultats.
00:31:15 Il y a juste eu un arrêt du travail.
00:31:17 -Je regrette qu'il n'y ait pas d'observatoire
00:31:20 de la scientificité des psychologues
00:31:23 qui s'exprime dans les médias,
00:31:25 parce que ça aurait évité à un grand nombre de professionnels
00:31:29 et de familles, et d'enfants, évidemment, tout particulièrement,
00:31:32 d'être fourvoyés
00:31:34 dans des explorations diagnostiques flottantes
00:31:38 et dans des diagnostics infructueux,
00:31:40 voire cruels pour le destin des enfants.
00:31:43 -Quand on m'a déménagée,
00:31:45 dans le 19e arrondissement,
00:31:48 j'ai donc changé de collège, et là, ça se passe beaucoup mieux.
00:31:51 J'ai pas été coulée une seule fois,
00:31:54 je fais mon travail, j'ai des bonnes notes.
00:31:56 -Quand il y a un décalage entre la façon de penser de l'autre
00:32:00 avec la sienne, trop gros décalage,
00:32:02 et puis aussi une vivacité d'esprit,
00:32:03 vraiment avoir tout de suite la réponse,
00:32:06 un répondant comme ça qui fuse,
00:32:08 c'est assez impressionnant.
00:32:11 Et un côté aussi solitaire, ne pas trop supporter le bruit,
00:32:14 ne pas avoir du mal à communiquer avec les autres.
00:32:18 -Le bruit, je... -Le bruit, par exemple,
00:32:20 tu supportes pas de manger à la cantine.
00:32:22 -Je fais pas des crises, c'est juste que ça me dérange beaucoup.
00:32:26 Je fais pas des crises. -Tu peux, tu pourrais,
00:32:28 mais c'est compliqué.
00:32:30 -Je pourrais faire des crises ?
00:32:31 -Non, tu pourrais manger à la cantine.
00:32:34 -Ah ! -Je fais des paniers repas.
00:32:36 Rires
00:32:37 Donc, ils mangent en salle à 120 avec madame le maire.
00:32:41 -Au bout de 100 decents.
00:32:43 -Je m'en rappelle. Donc en petit comité.
00:32:46 -Ca va, Léopold ? -Très bien, et vous, monsieur ?
00:32:49 -Bon, ça va. Comment s'est passée la semaine ?
00:32:51 -Elle s'est très bien passée.
00:32:53 Ce matin, j'ai fait un contrôle d'anglais,
00:32:56 qui s'est très bien passé.
00:32:58 Sur les métiers.
00:32:59 -Et par rapport à ce que tu me disais la dernière fois,
00:33:02 sur le fait que t'étais un peu fatigué ?
00:33:04 -Je suis toujours un peu fatigué,
00:33:06 parce que ce matin, je me suis levé un peu tôt.
00:33:08 Un petit peu...
00:33:09 -Parce que moi, je trouve que t'es un peu différent, quand même.
00:33:12 -Avec Ritalin et son ? -Oui.
00:33:14 -Ah bah... Comment ?
00:33:16 -Bah, comme je te disais la dernière fois,
00:33:19 je te trouve plus vif, mais...
00:33:22 Tu réconds très vite, t'es plus...
00:33:24 -Ah oui, avec Ritalin, j'étais toujours très fatiguée.
00:33:27 Là, je le sais un peu moins, mais...
00:33:30 Encore un peu.
00:33:32 -Donc là, t'es plus... Oui, t'es plus vivant, on va dire.
00:33:35 Mais je veux dire qu'en classe, sur la concentration,
00:33:38 t'arrives à rester sur une tâche
00:33:40 sans avoir un moment besoin de regarder ailleurs ou de...
00:33:45 -Toi, ça va, y a pas de souci ? -Non, pas de souci.
00:33:48 -C'est ça le plus important.
00:33:50 Si tu sens que c'est difficile, il faut le dire.
00:33:52 -Non, c'est pas difficile.
00:33:54 -Avec les troubles de l'attention,
00:33:56 parfois, ça peut masquer le potentiel,
00:33:59 parce qu'ils arrivent pas à tenir en place,
00:34:01 ils bougent beaucoup, ils sont distraits,
00:34:04 et alors, à nouveau, on a tendance un peu à les qualifier
00:34:07 de pas très malins,
00:34:09 et parfois, les enseignants vont les disqualifier.
00:34:11 Le testing est plus compliqué aussi,
00:34:13 on peut parfois se tromper.
00:34:15 Là aussi, c'est important que ce soit fait par un professionnel
00:34:18 compétent, un psychologue clinicien,
00:34:20 qui sait ce que c'est une dyslexie, un TDAH,
00:34:23 qui sait ce que c'est un trouble du spectre de l'autisme, etc.
00:34:26 -Arthur, testé en même temps que son frère,
00:34:30 est identifié au potentiel.
00:34:32 On lui diagnostique aussi une dyslexie,
00:34:35 que l'entourage ne soupçonnait pas du tout.
00:34:37 -Certaines épreuves du test au potentiel,
00:34:40 j'étais incapable, vraiment incapable de les faire.
00:34:45 On me donnait une suite de nombres,
00:34:47 je devais la dire dans l'autre sens,
00:34:49 j'étais incapable de le faire.
00:34:52 Incapable.
00:34:53 -Il a été diagnostiqué dyslexique en fin CE1.
00:34:59 C'est-à-dire que jusqu'avant la fin de CE1,
00:35:03 on avait l'impression qu'Arthur lisait, ça se voyait pas.
00:35:05 Donc, effectivement, le potentiel lui a donné des capacités
00:35:09 pour que tout ça soit masqué,
00:35:10 jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de stratégie possible.
00:35:13 Il faut savoir lire, parce qu'on peut pas faire sans.
00:35:16 -Par exemple, quand on était petits,
00:35:21 on nous donnait des histoires faciles,
00:35:23 "Petit chapeau rond rouge", "Trois lignes par page".
00:35:25 Je connaissais les histoires par coeur,
00:35:27 donc je décodais à peu près difficilement
00:35:31 les deux premières lettres.
00:35:32 Avec le contexte, je connaissais.
00:35:36 "Le grand méchant loup attrapa le chapeau rond rouge
00:35:41 "et sa grand-mère..."
00:35:43 -Ca va.
00:35:44 -Voilà.
00:35:45 Par contre, quand on nous sort un texte
00:35:48 qui vient de je ne sais où,
00:35:50 là, je...
00:35:52 -J'observe, chez certains enfants et chez certains adultes,
00:35:57 un surinvestissement un peu défensif de la pensée,
00:36:00 c'est-à-dire une propension à utiliser l'intelligence,
00:36:05 la réflexion, la maîtrise culturelle d'informations
00:36:09 comme une défense.
00:36:10 Ca peut protéger de certaines effractions,
00:36:13 de certaines anxiétés, etc.
00:36:14 -C'est un problème.
00:36:15 Et dans le cas de développer et factoriser,
00:36:18 si tu fais deux étapes dans le calcul...
00:36:20 -Pour un groupe avec des rapidités d'exécution,
00:36:23 des tâches très variables,
00:36:25 un élève DIEP, quand il a saisi une notion,
00:36:27 il va avoir tendance à la saisir dans son ensemble
00:36:30 et ses mécanismes psychiques vont commencer même
00:36:32 à s'intéresser aux cas particuliers,
00:36:34 à ces fameuses limites, alors que nous, déjà,
00:36:37 on veut, dans un premier temps, faire en sorte
00:36:39 que le groupe classe comprenne le cas général.
00:36:42 -2,5 cm ? -Exactement.
00:36:44 -Ce dont on se rend compte, qu'il y a un problème
00:36:47 assez général, c'est des problèmes dénoncés,
00:36:50 c'est-à-dire que l'élève est complètement en capacité,
00:36:53 voire a les connaissances pour résoudre les problèmes,
00:36:57 mais est en difficulté parce qu'il a mal lu l'énoncé,
00:37:00 mal compris l'énoncé, ou il manque de confiance en lui.
00:37:04 -Je prends l'exemple de Léopold, mais il n'est pas seul dans la classe,
00:37:07 de ne pas répondre à la question, d'aller plus loin que la question
00:37:11 et ne pas répondre à la question, donc il n'a pas les points
00:37:15 de la question, parce qu'elle est simple, bête et méchante.
00:37:18 -Il y a deux actions différentes.
00:37:20 -C'est des précipitations cognitives.
00:37:22 Le fait d'investir la pensée avec autant d'appétit,
00:37:26 parce que dans la précipitation, on court quand même
00:37:29 plus vite que les autres, ça témoigne d'un appétit
00:37:32 pour la réflexion, pour la pensée.
00:37:35 Donc on n'est pas très étonnés que ces enfants se retrouvent
00:37:38 parfois à avoir un QI élevé, parce qu'ils aiment réfléchir,
00:37:42 ils aiment se remplir d'informations.
00:37:46 -Ce qui peut être intéressant, c'est le fait de les solliciter
00:37:49 en tant qu'aides aux autres camarades.
00:37:52 -Je suis convaincue que ce ne sont pas les centres d'intérêt
00:37:55 qui font le lien entre enfants.
00:37:58 Je pense que ce qui écarte les enfants les uns des autres,
00:38:01 c'est des dynamiques affectives, des dynamiques relationnelles.
00:38:05 Un enfant qui est odieux avec ses camarades,
00:38:08 qui est complètement désinhibé, qui impose sa loi,
00:38:11 qui dit tout ce qu'il pense et fait tout ce qu'il veut faire,
00:38:15 change les règles des jeux, etc.,
00:38:17 sera mis à l'écart par le groupe.
00:38:19 Les enfants consultants, qu'ils aient un QI élevé ou pas,
00:38:22 sont immatures.
00:38:23 -Les potentialités, c'est quelque chose qu'on va activer.
00:38:26 L'intelligence est un outil au service de l'apprentissage.
00:38:30 L'apprentissage n'est pas déterminé que par notre intelligence.
00:38:33 Il est déterminé par nos intérêts, notre motivation,
00:38:36 le contexte social dans lequel on est.
00:38:39 Je vois des enfants qui sont parfois en difficulté psychologique
00:38:43 parce que dans l'école, ils sont harcelés.
00:38:45 Musique sombre
00:38:49 ...
00:38:55 Explosion
00:38:56 ...
00:39:07 -Nous, on prélige systématiquement l'arrivée en sixième
00:39:10 parce qu'on estime qu'il y a différentes phases et étapes
00:39:13 qui doivent être mises en place.
00:39:15 Quand les enfants arrivent en quatrième ou en troisième,
00:39:18 c'est très compliqué.
00:39:20 Des enfants arrivent fragilisés, on a de la phobie scolaire,
00:39:23 des enfants qui n'ont plus confiance en l'école,
00:39:26 qui sont complètement cassés par le système.
00:39:28 ...
00:39:35 -L'être humain n'est pas un très bon observateur,
00:39:39 n'est pas nécessairement un bon juge,
00:39:42 qu'il est victime de beaucoup...
00:39:43 On a beaucoup étudié, ces dernières années,
00:39:46 en psychologie sociale, les biais de jugement.
00:39:49 Simplement se baser sur son jugement intuitif
00:39:51 ne garantit pas du tout de faire un bon jugement.
00:39:54 ...
00:39:59 -En primaire, on me disait que mon fils avait des problèmes
00:40:02 de mémoire, de concentration.
00:40:04 On m'a toujours évoqué des moins, jamais des plus.
00:40:07 On s'est jamais demandé si mon fils s'ennuyait en classe,
00:40:10 alors que moi, je l'ai déjà évoqué avec des professeurs principaux,
00:40:14 en disant peut-être qu'il s'ennuie.
00:40:16 Voilà. Donc on n'a jamais été entendus.
00:40:20 Au cours préparatoire, 15 jours après la rentrée,
00:40:22 il avait déjà fait des groupes.
00:40:24 Il avait déjà fait des groupes de niveau.
00:40:26 Les mauvais avec les mauvais, les moyens, les bons.
00:40:29 Mon fils était avec les mauvais.
00:40:31 ...
00:40:58 B16, c'était ça, le problème.
00:41:00 Ça aurait dû arriver sûrement un an avant à Georges Vincens.
00:41:04 -Merci à tous d'être venus.
00:41:06 Adrien ?
00:41:07 -Du coup, j'ai trois élèves.
00:41:09 On va commencer avec Ilias, en 3e Wolf.
00:41:12 C'est un élève qui était en échec scolaire l'année dernière,
00:41:15 qui n'allait plus dans son collège.
00:41:17 Et il estimait qu'il avait été un peu,
00:41:20 enfin, même carrément harcelé par les adultes
00:41:23 de son ancien collège.
00:41:25 Donc voilà, gros point positif,
00:41:27 c'est qu'il a renoué la confiance avec l'institution et les adultes.
00:41:31 Ça, c'est quand même un gros point pour Brassens.
00:41:34 Le revers de la médaille, c'est qu'il se sent tellement à l'aise
00:41:38 qu'il suit pas tellement.
00:41:39 On lui demande de participer, il participe pas.
00:41:41 C'est un peu la cata avec les orientations.
00:41:44 Ça se passe bien en techno, en sport, en art, mais...
00:41:47 Voilà, c'est tout.
00:41:49 Du coup, on se retrouve...
00:41:50 Ouais, là, on se retrouve dans un...
00:41:52 -Un peu dans une impasse. -Complètement, ouais.
00:41:55 On se recherche dans une impasse.
00:41:57 Déjà, juste avoir quelqu'un avec qui tu peux parler,
00:42:00 donc Adrien,
00:42:01 ça change beaucoup de mon ancien établissement,
00:42:04 parce que tu pouvais parler à personne.
00:42:06 C'est vrai qu'en début d'année et milieu d'année,
00:42:12 c'était pas... Les résultats étaient pas fameux.
00:42:15 Mais...
00:42:17 Je me suis beaucoup amélioré au niveau des notes
00:42:20 vers la fin d'année.
00:42:21 C'est ça qui m'a permis de pouvoir être accepté en seconde générale.
00:42:24 -Ah, trop bien. C'est cool.
00:42:25 -Il s'occupait beaucoup plus de toi.
00:42:27 Euh...
00:42:29 Il prêtait plus attention.
00:42:34 Juste de dire que t'as fait un bon boulot,
00:42:37 que le travail est bien, que je me suis investi,
00:42:39 bah, c'est...
00:42:41 Ça fait du bien d'entendre ça.
00:42:42 -Il y a certains enseignants aussi
00:42:44 qui n'ont pas forcément les connaissances également
00:42:47 pour voir derrière, peut-être,
00:42:49 un élève qui pose des problèmes de comportement,
00:42:52 qui a des résultats un peu décevants,
00:42:54 un élève qui a de grandes capacités.
00:42:56 -L'histoire personnelle d'Ilias m'évoque ma propre histoire.
00:42:59 Il n'est pas toujours simple,
00:43:01 quand un élève ne s'épanouit pas à l'école,
00:43:03 de faire entendre ses ambitions à propos de son avenir.
00:43:06 Des décisions importantes peuvent être prises à un âge précoce.
00:43:10 Malheureusement, certains raccourcis empruntés ces dernières années
00:43:13 amènent certains parents à attribuer le mal-être de leur enfant
00:43:16 à leurs grandes capacités intellectuelles.
00:43:19 Musique classique
00:43:21 ...
00:43:22 -Un jour, j'ai rencontré une jeune fille
00:43:25 qui était vraiment brillantissime.
00:43:27 Elle ne pouvait pas s'arrêter de lire et de se renseigner
00:43:30 en permanence, elle était vraiment décrochée des intérêts des autres,
00:43:34 elle était aussi assez agressive avec les autres, fâchée, etc.
00:43:37 J'ai rencontré sa maîtresse, le directeur de son école,
00:43:40 on a fait des réunions, et j'ai dit, écoutez, franchement,
00:43:43 il faut lui faire sauter au moins une classe,
00:43:45 parce que là, cette enfant s'ennuie trop.
00:43:47 Elle est vraiment décrochée des affinités des autres.
00:43:50 C'était au début de ma carrière.
00:43:52 J'ai cédé à cette facilité, cette illusion
00:43:54 que la souffrance de cet enfant pouvait être "guérie"
00:43:57 par un aménagement du cadre scolaire.
00:44:00 Et le résultat, c'est que l'année d'après,
00:44:03 elle est devenue boulimique.
00:44:05 C'est-à-dire que l'avidité qui avait diffusé dans la pensée
00:44:09 avait été rassasiée,
00:44:11 et donc, elle s'était déplacée ailleurs.
00:44:15 Il y avait une séparation entre les parents
00:44:18 qui était terriblement douloureuse,
00:44:20 une mère qui n'allait pas très bien,
00:44:22 à laquelle elle se défendait de ressembler
00:44:24 en intellectualisant beaucoup.
00:44:25 J'aurais pu lui faire sauter toutes les classes,
00:44:28 mais c'était pas le problème.
00:44:29 Le noyau de la souffrance de cet enfant
00:44:31 était bien dans son vivier familial.
00:44:33 Donc, l'idée d'être trop intelligent pour être heureux
00:44:36 est un slogan marketing malhonnête.
00:44:38 (Musique douce)
00:44:41 -Lorsque j'allais à l'école, j'y allais comme un...
00:44:44 Touriste. J'étais pas touriste, j'étais pas au Club Med,
00:44:47 mais comme un passant.
00:44:48 (Musique douce)
00:44:50 Je verse moi-même le thé, bien au milieu du bol.
00:44:52 Le sucre doit être vertical, sinon, c'est le bazar.
00:44:55 Ensuite, je range tout. Je range les baumes,
00:44:57 je range les gosses.
00:44:59 C'est sensiblement la même chose, d'ailleurs.
00:45:01 Je range la voiture et j'assique le zèbre.
00:45:03 Oui, j'ai toujours eu des zèbres. Les rayures sont parallèles.
00:45:07 -Tout près de ce que l'on est, au potentiel,
00:45:09 il y a une supériorité intellectuelle
00:45:11 qui fait qu'on surpasserait tout le monde
00:45:13 et qu'on aurait des notes explosives.
00:45:15 C'est chimérique. C'est pas vrai. C'est pas la réalité.
00:45:18 (Applaudissements)
00:45:21 -Je me crois digne de ta flamme
00:45:25 et de porter ton nom.
00:45:27 Car pour m'avoir choisi pour femme,
00:45:31 faut vraiment que tu sois...
00:45:32 -Homme. -Vous êtes formidable.
00:45:34 Je ne pourrai jamais cracher sur le système de l'éducation,
00:45:38 même si, pour moi, il est imparfait, à bien des égards.
00:45:41 Je pense que tu t'accorderas sur ce point-là avec moi.
00:45:44 Le terme d'assiduité, je ne peux pas l'associer à l'école,
00:45:48 mais à ce que je faisais extrascolairement.
00:45:50 Et mes résultats étaient inégals.
00:45:53 Hautement inégals.
00:45:54 Mon classe de 4e, c'était pas la joie.
00:45:56 J'étais complètement...
00:45:58 Je n'étais pas...
00:45:59 Épanoui, c'est une évidence, avec mes camarades,
00:46:02 qui, franchement, ne me confortaient pas
00:46:05 dans l'idée que j'avais ma place dans ces classes.
00:46:09 Et donc, Mme Sardemichel a décidé,
00:46:11 en tant que principale, de me faire sauter une classe.
00:46:15 Alors, c'était une décision...
00:46:18 Voilà.
00:46:19 Qui a été un poids, ça a fait un reménage.
00:46:22 Je te laisse imaginer tous les...
00:46:24 Mais ça s'est fait.
00:46:25 Son choix, c'était pas de me faire sauter une classe.
00:46:28 Elle m'a dit qu'elle était convaincue
00:46:30 que plus vite vous sortirez du système scolaire,
00:46:33 plus vite vous serez épanoui.
00:46:34 Vous pourrez faire ce que vous souhaitez.
00:46:37 C'est...
00:46:38 Remarquable.
00:46:39 Et...
00:46:40 Je crois qu'il faut saluer les êtres exquis
00:46:43 qu'on rencontre comme ça.
00:46:44 ...
00:46:48 *-Pa la la la la la la la la
00:46:51 Pa la la la la la la la
00:46:55 Pa la la la la la la
00:46:57 -La couleur du verre brisé se reflète sur ta main.
00:47:00 Ton sourire a l'air d'hurler que tu m'appartiens.
00:47:02 Tu es mien, je soutiens, ton odeur me rend ivre de bonheur.
00:47:06 Tout à coup, je ne la sens plus. Je veux respirer, où es-tu ?
00:47:10 *-Pa la la la la la la la
00:47:14 Pa la la la la la la la
00:47:17 -Je hurle mon impuissance face à la mort.
00:47:20 Devant elle, je ne suis rien, mais j'aimerais être tout
00:47:23 pour t'arracher de ses bras et te glisser dans les miens.
00:47:26 Au nom de tous les dieux auxquels je ne crois pas,
00:47:29 au nom de tout, au nom de rien, s'il te plaît, reviens.
00:47:32 Je veux ton souffle, ta voix et ton odeur.
00:47:36 Je veux respirer, où es-tu ?
00:47:38 Se partager avec la mort ne me convient pas.
00:47:40 ...
00:47:47 En général, quand j'écris longtemps,
00:47:50 c'est plutôt du fantastique.
00:47:52 Après...
00:47:53 Est-ce qu'il y a des thématiques qui se rejoignent ?
00:47:58 Il y a souvent des histoires autour...
00:48:02 Quand j'écris sur Notepad, autour de la mort, surtout.
00:48:06 Quand je suis dans des mondes un peu négatifs
00:48:08 et que j'écris des trucs, après, comme c'est sorti de moi,
00:48:12 c'est un peu mieux.
00:48:13 Au début, quand j'ai écrit,
00:48:15 c'était parce que je faisais tout le temps des cauchemars.
00:48:18 Et du coup, j'ai commencé à écrire des histoires
00:48:22 sur les thèmes qui me préoccupaient.
00:48:24 Au début, je réfléchissais pas forcément
00:48:27 pour faire mon métier, mais...
00:48:29 Depuis un certain temps, je pense que je me dis
00:48:32 que ça pourrait être sympa, en vrai.
00:48:35 Quand j'étais petite,
00:48:37 j'aurais bien aimé que quelqu'un enseigne parler avec moi
00:48:40 de littérature dans la cour ou ce genre de choses,
00:48:43 et c'était pas trop leur truc.
00:48:45 Plus mature, intellectuellement parlant,
00:48:49 que la majorité des enfants de mon âge,
00:48:52 sur certains trucs, ça peut être bien,
00:48:55 mais après, ça peut être pas ouf non plus
00:48:58 par rapport aux centres d'intérêt.
00:49:00 Avec mes amis, on rigole, on rigole bien,
00:49:03 ça, c'est chouette.
00:49:05 Euh...
00:49:07 Bah, les trucs engagés aussi,
00:49:09 on parle pas mal de politique.
00:49:11 Dans le collège, il y a pas trop de racisme,
00:49:14 mais il y a beaucoup, beaucoup d'homophobie.
00:49:17 Genre, tu marches dans les couloirs et on dit
00:49:19 "Ah, espèce de gros pédé !"
00:49:21 Même, ça devient une insulte entre potes,
00:49:24 genre "Si tu me touches, ça veut dire que t'es gay,
00:49:27 "oh là là, me touche pas."
00:49:28 Après, il y a du sexisme aussi,
00:49:31 du racisme aussi, principalement.
00:49:33 En fait, j'ai quand même la chance
00:49:36 d'être dans un collège, globalement,
00:49:39 avec des idées politiques pas trop nulles,
00:49:42 mais après, ça empêche pas
00:49:45 qu'il y ait des gens qui soient complètement stupides.
00:49:48 (Il chante.)
00:49:59 -William, c'est l'exemple même de la réussite
00:50:02 de tout un établissement scolaire.
00:50:05 Il a fait une 6e très compliquée,
00:50:07 conseil de discipline en 5e,
00:50:09 donc il a failli être exclu du collège.
00:50:11 4e, donc déjà un grand changement.
00:50:13 Et cette année, William, on voit vraiment l'évolution.
00:50:17 (Il chante.)
00:50:19 -Je préfère une logique de stratégie, de réflexion
00:50:24 qu'aller dans la cour, courir ou faire du sport,
00:50:28 car à l'époque, j'aimais vraiment pas trop le sport.
00:50:31 Faire du sport, souvent, on fait plusieurs.
00:50:33 Et comme j'avais pas d'amis, je pouvais pas jouer,
00:50:36 je préférais rester dans la classe.
00:50:38 (Musique rythmée)
00:50:40 (...)
00:50:42 (Il chante.)
00:50:45 (Il chante.)
00:50:47 (Musique rythmée)
00:50:49 (...)
00:50:51 -Ma dyslexie masque un petit peu mon potentiel.
00:50:55 J'ai certains résultats qui sont super hauts,
00:50:58 mais j'en ai d'autres qui sont aussi super bas.
00:51:01 (Bruit de vent)
00:51:03 (Musique douce)
00:51:06 (...)
00:51:08 -Au cours des expériences de la vie,
00:51:10 j'ai réalisé que l'exploitation du potentiel de chacun
00:51:13 dépend aussi des différentes rencontres que l'on peut faire.
00:51:16 Faut-il encore qu'il y ait un dialogue entre adulte et enfant ?
00:51:19 Pour moi, le manque d'écoute que je ressentais
00:51:22 m'a parfois joué des tours.
00:51:25 -L'école est l'essentiel du quotidien d'un enfant.
00:51:27 Y arriver le matin avec la boule au ventre est intolérable.
00:51:31 (Musique douce)
00:51:33 -Tout le monde connaît quand même le parcours d'Albert Camus,
00:51:38 qui vient d'un milieu extrêmement pauvre en Algérie,
00:51:42 et qui a un instituteur, qui était M. Germain,
00:51:45 qui repère quand même ce petit garçon qui est quand même doué.
00:51:48 C'est très touchant, le discours de Camus
00:51:51 quand il a été reçu pour son prix Nobel,
00:51:53 où il a rendu hommage à son instituteur,
00:51:56 parce qu'effectivement, sans son instituteur,
00:51:58 il n'aurait pas été là, à ce moment-là.
00:52:00 (Musique douce)
00:52:03 -Cher M. Germain,
00:52:04 j'ai laissé s'éteindre un peu le bruit qui m'a entouré ces jours-ci,
00:52:08 avant de venir vous parler un peu de tout mon coeur.
00:52:11 On vient de me faire un bien trop grand honneur,
00:52:15 que je n'ai ni recherché ni sollicité.
00:52:17 Et quand j'ai appris la nouvelle,
00:52:20 ma première pensée après ma mère a été pour vous.
00:52:24 Sans vous, sans cette main affectueuse
00:52:26 que vous avez tendue aux petits enfants pauvres que j'étais,
00:52:29 sans votre enseignement et votre exemple,
00:52:32 rien de tout cela ne serait arrivé.
00:52:34 -Mon cher petit,
00:52:37 j'ai l'impression que ceux qui essayent de percer ta personnalité
00:52:41 n'y arrivent pas tout à fait.
00:52:43 Tu as toujours montré une pudeur instinctive
00:52:45 à déceler ta nature, tes sentiments.
00:52:49 Tu y arrives d'autant mieux que tu es simple,
00:52:52 direct et bon par-dessus le marché.
00:52:55 Ces impressions, tu me les as données en classe.
00:52:58 Je crois donc bien connaître
00:53:01 le gentil petit bonhomme que tu étais.
00:53:03 Et l'enfant, bien souvent,
00:53:06 contient en germe l'homme qui deviendra.
00:53:08 Musique douce
00:53:10 ...
00:53:13 -Il serait quelque 200 000 en France,
00:53:16 et à l'encontre des idées reçues,
00:53:18 les élèves à haut potentiel intellectuel
00:53:21 ne sont pas toujours en réussite à l'école.
00:53:23 Aujourd'hui encore, leur scolarité s'avère parfois douloureuse
00:53:27 et chaotique. C'est le principal constat
00:53:29 livré par ce documentaire.
00:53:31 "La dure vie des surdoués" est réalisé par celui
00:53:34 qui est maintenant avec nous sur ce plateau,
00:53:37 Alexandre Bittoun. Bienvenue à vous.
00:53:39 Vous êtes réalisateur, documentariste,
00:53:41 avec notamment un film consacré à Guillaume Depardieu,
00:53:44 qui a d'ailleurs été salué par la profession.
00:53:47 Tout le monde l'a compris,
00:53:49 vous êtes vous-même une personne à haut potentiel intellectuel,
00:53:52 ce qui vous a valu un très douloureux souvenir
00:53:55 de votre scolarité et vous a donné envie,
00:53:57 on l'a vu, quelques années plus tard,
00:54:00 de voir si les choses avaient positivement évolué
00:54:02 concernant vos semblables.
00:54:04 Aujourd'hui, on va bien sûr revenir sur votre film
00:54:07 dans un instant. Ariel Hadda est également avec nous
00:54:10 pour parler de cette scolarité
00:54:12 des élèves à haut potentiel intellectuel.
00:54:14 Bonjour, bienvenue. Vous êtes psychologue,
00:54:17 spécialiste des enfants,
00:54:19 présentant des cautions intellectuelles élevées,
00:54:21 des enfants, des adolescents,
00:54:23 que vous avez préféré appeler doués,
00:54:25 plutôt que surdoués. -Oui.
00:54:27 -On vous doit, entre autres,
00:54:29 "Psychologie des enfants très doués",
00:54:31 un ouvrage à se procurer aux éditions Odile Jacob.
00:54:35 Et puis, enfin, avec nous, Marie-Pierre Rixin.
00:54:38 Bienvenue. Vous êtes députée Renaissance de l'Essonne,
00:54:42 ancienne présidente de la délégation
00:54:44 aux droits des femmes et à l'égalité des chances
00:54:47 entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale.
00:54:50 En novembre 2018, vous avez été la co-rapporteuse
00:54:53 d'une mission parlementaire intitulée "Précocité
00:54:56 "et troubles associés.
00:54:58 "Quelle prise en charge à l'école ?"
00:55:00 Point d'interrogation. C'est effectivement
00:55:02 notre sujet du jour.
00:55:04 Ce rapport, vous l'avez remis en janvier 2019
00:55:08 au ministre de l'Education de l'époque,
00:55:11 autrement dit, Jean-Michel Blanquer.
00:55:13 Vous aviez un regard totalement vierge
00:55:15 par rapport à ce problème,
00:55:17 au moment de réaliser ce rapport ?
00:55:18 -Non, puisque je suis moi-même
00:55:20 maman d'un enfant à haut potentiel,
00:55:23 qui a aujourd'hui 14 ans,
00:55:25 qui devait en avoir 10 à l'époque.
00:55:28 Et donc, non, je n'avais pas ce regard
00:55:30 totalement vierge, je l'assume parfaitement.
00:55:33 Mais en revanche, ma co-rapporteure,
00:55:36 Frédérique Meunier, ma collègue,
00:55:38 donc députée avec laquelle j'ai fait ce rapport,
00:55:41 n'était pas du tout concernée, j'ai envie de dire,
00:55:44 directement par ce sujet.
00:55:46 Notre rapport est le fruit de ce double regard,
00:55:49 et je crois que c'est ce qui a permis
00:55:51 de nourrir à la fois l'attention
00:55:54 que nous avons portée auprès du ministre sur ce sujet.
00:55:57 -Qui dit rapport, dit préconisation.
00:56:00 On en reparlera. Votre fils, 14 ans,
00:56:02 dites-nous. Il est en quelle classe ?
00:56:04 -Il est en seconde. -Une classe charnière.
00:56:07 On l'a bien compris dans ce documentaire.
00:56:09 -Si vous voulez.
00:56:11 -"Si je devais retourner à l'école,
00:56:13 "je m'y opposerais de toutes mes forces."
00:56:15 C'est avec cette phrase que vous commencez votre film.
00:56:18 Est-ce que vous diriez la même chose
00:56:20 après avoir réalisé ce documentaire,
00:56:23 après avoir vu comment se passent les choses,
00:56:25 notamment dans des établissements comme Georges Brassens,
00:56:29 qui est beaucoup mis en avant dans ce film,
00:56:31 et où il a été mis en place un dispositif spécifique
00:56:35 pour ses élèves à haut potentiel intellectuel ?
00:56:37 -Alors, tout d'abord, si j'ai souhaité réaliser ce film,
00:56:41 c'était aussi dans une démarche, justement,
00:56:43 de faire part des difficultés que j'ai pu avoir à l'école,
00:56:46 qui, je pense, n'étaient pas forcément
00:56:49 à mettre sur le compte de mon haut potentiel.
00:56:52 Je pense que j'ai développé certaines difficultés
00:56:54 qui n'ont pas forcément de rapport avec cette particularité.
00:56:58 Enfin, on parle souvent de particularité
00:57:00 quand on parle de haut potentiel.
00:57:03 -Vous êtes parti... Dites "particularité".
00:57:05 Certains disent "différence".
00:57:08 Mais est-ce que c'est pas ça, à la base,
00:57:10 qui pose un problème, cette différence,
00:57:13 lorsqu'on est jeune, lorsqu'on a entre 6 et 16 ans,
00:57:16 ce sentiment d'être... d'avoir une particularité,
00:57:19 une différence ?
00:57:20 Est-ce que c'est pas là le début du problème,
00:57:23 pour un jeune ?
00:57:24 -Alors, disons que cette différence,
00:57:26 comme vous l'appelez,
00:57:27 elle a été identifiée à l'âge de 13 ans,
00:57:30 et à la base, c'était justement
00:57:31 pour déceler mes difficultés scolaires.
00:57:34 Et donc, finalement, le test a révélé
00:57:37 que j'étais à haut potentiel.
00:57:39 -135 au test de caution intellectuelle
00:57:43 reconnu partout dans le monde, selon des normes
00:57:46 reconnues partout dans le monde.
00:57:49 C'était le score obtenu lors de votre test.
00:57:52 Il vous a posé problème, ce test ?
00:57:55 -C'est pas que ça m'a posé problème,
00:57:57 c'est que ça m'a interpellé,
00:57:58 puisque j'étais souvent montré comme un enfant en difficulté.
00:58:02 Pas seulement à l'école, mais aussi par mon entourage,
00:58:05 même si, disons...
00:58:06 Mes parents ont toujours eu confiance en moi,
00:58:09 mais disons que j'ai été pointé du doigt
00:58:11 comme quelqu'un qui avait des difficultés.
00:58:14 Finalement, on vous explique que vous avez un potentiel.
00:58:17 Donc, c'est là où, vous voyez,
00:58:19 il y a l'incompréhension aussi des camarades,
00:58:22 parce que souvent, on met les notes
00:58:25 pour...
00:58:26 Quand on est scolarisé,
00:58:28 les camarades assimilent souvent les notes
00:58:31 au reflet de l'intelligence.
00:58:33 Et donc, c'est vrai que j'avais une image de moi-même
00:58:36 qui était très détériorée.
00:58:37 -Ce genre de témoignages,
00:58:39 j'imagine que vous les avez quasiment tous les jours
00:58:42 dans votre cabinet, avec des enfants,
00:58:44 accompagnés souvent de parents qui s'interrogent beaucoup.
00:58:47 Les témoignages que nous avons vus dans ce film,
00:58:50 que vous avez recueillis aussi, ça ne doit pas vous étonner ?
00:58:54 -Non. Le drame d'Alexandre, si je puis dire,
00:58:56 c'est qu'il a été détecté tard,
00:58:59 alors que quand on voit un enfant qui a six ans, sept ans,
00:59:03 et qu'on l'identifie,
00:59:04 je dis toujours qu'un enfant a besoin de se sentir compris.
00:59:07 On a besoin de lui apporter une grille de lecture homogène,
00:59:11 quelque chose où les parents se reconnaissent,
00:59:13 mais c'est une grille de lecture.
00:59:15 Pourquoi il réagit comme ça ?
00:59:17 Mais quand il est jeune, c'est parfait,
00:59:19 mais à 13 ans, il y a des quantités de systèmes de défense,
00:59:24 des protections qui ont été mises en place,
00:59:27 et il s'est construit une armure qui l'enferme.
00:59:31 Et donc, 13 ans, malheureusement, c'est tard.
00:59:33 C'est une question de chance.
00:59:35 -Donc, règle numéro un,
00:59:37 précocité pour identifier un éventuel haut potentiel.
00:59:42 -Oui, il faut identifier, il faut absolument faire un test.
00:59:45 Sinon, une impression générale, c'est... Non.
00:59:48 D'abord, ça donne les points forts, les points faibles,
00:59:51 donc il faut un test, et la façon dont les enfants réagissent.
00:59:55 Si les enfants sont doués, ils n'ont pas le sens de l'effort,
00:59:58 et si la scolarité est trop facile, ils n'ont pas le sens de l'effort.
01:00:02 -Il faut absolument faire un test, nous dites-vous,
01:00:05 mais si j'ai bien compris,
01:00:06 il ne s'agit pas uniquement de faire un test,
01:00:09 d'avoir les résultats.
01:00:10 Un test, ça coûte relativement cher.
01:00:12 J'ai vu des chiffres de l'ordre de 400 euros
01:00:15 pour obtenir un test. Il y a même un véritable business.
01:00:18 -C'est dramatique. -C'est un test en ligne.
01:00:21 Il faut aussi un accompagnement psychologique
01:00:24 pour l'enfant et les parents à la suite de ce test.
01:00:26 Or, souvent, ce n'est pas le cas.
01:00:28 -Oui, mais si vous avez la grille de lecture,
01:00:31 si vous savez comprendre pourquoi il réagit comme ça,
01:00:34 c'est déjà beaucoup plus facile d'accompagner.
01:00:37 On n'a pas besoin forcément de thérapie pour un enfant doué.
01:00:40 On peut le voir de temps en temps,
01:00:42 mais il n'y a pas besoin de le suivre vraiment.
01:00:45 Il n'est pas malade.
01:00:46 Je trouve aussi que "différent", ce n'est pas exactement...
01:00:49 Il est... Il va plus vite.
01:00:52 Il comprend plus vite, il comprend plus de choses,
01:00:55 il a un champ d'intérêt plus large.
01:00:57 C'est tout un petit peu plus.
01:00:58 Ce n'est pas une différence vraiment fondamentale.
01:01:01 C'est en mieux. C'est quelque chose de plus.
01:01:04 Mais alors là, effectivement, si le reste,
01:01:06 les autres enfants ne sont pas comme ça,
01:01:09 ça ne va pas du tout. Il va beaucoup plus vite.
01:01:11 Il court. Quand il marche,
01:01:13 c'est comme s'il courait par rapport aux autres.
01:01:16 -On va allier à la fois le constat fait
01:01:18 dans le cadre de votre mission parlementaire,
01:01:21 le profil, finalement, des élèves et des jeunes
01:01:23 dont on parle aujourd'hui,
01:01:25 et puis le cas plus personnel qui concerne votre fils.
01:01:29 Qu'est-ce qui distingue ces enfants ?
01:01:32 Qu'est-ce qui peut provoquer un mal-être
01:01:35 durant la scolarité de ces enfants, pour l'essentiel ?
01:01:38 -Alors, moi, je suis entourée de l'un d'entre eux à la maison
01:01:42 et de beaucoup d'entre eux, parce que forcément,
01:01:45 mon enfant a été également scolarisé
01:01:47 avec certains d'entre eux.
01:01:49 Pas d'ailleurs nécessairement
01:01:51 dans une classe dédiée aux enfants à haut potentiel.
01:01:54 D'ailleurs, on dit très clairement...
01:01:57 C'est ma position, et Frédéric Meunier le partage,
01:01:59 je crois, nous l'avons dit dans le rapport.
01:02:02 -Vous citez son nom, c'est celle
01:02:04 qui est la co-rapporteure, qui est une députée.
01:02:07 -Absolument. Nous étions dans le rapport
01:02:09 plutôt opposés au fait qu'il y ait des structures
01:02:12 uniquement pour les enfants à haut potentiel.
01:02:14 D'ailleurs, Ariel Hadda a montré à quel point
01:02:17 les adolescents, puis les adultes, vont vivre dans une société
01:02:21 ouverte, où chacun doit avoir sa place
01:02:23 et sa singularité, et donc il faut que l'Education nationale
01:02:26 puisse les accueillir sans nécessairement faire en sorte
01:02:30 qu'il y ait des structures spécialement dédiées.
01:02:32 -On y reviendra, tout à l'heure, normalement.
01:02:35 Il y a un débat, semble-t-il, là-dessus.
01:02:37 -Ce que je crois surtout, c'est qu'il faut...
01:02:40 En tant que parent, ce que je peux vous dire,
01:02:43 lorsque nous avons appris que notre enfant était au potentiel,
01:02:46 avec un diagnostic très jeune, ça a été difficile
01:02:49 parce qu'il y avait cette image, effectivement, d'épinal,
01:02:53 de cet enfant qui allait être isolé, surdoué,
01:02:57 et dont on n'allait pas très bien savoir
01:02:59 quoi faire de son intelligence.
01:03:01 Nous, ça nous a aussi permis de mettre un mot
01:03:04 sur des difficultés, peut-être, de vie sociale.
01:03:07 -Donc, soulagement pour la mère que vous étiez.
01:03:09 -Soulagement et, oui, forcément, inquiétude
01:03:12 au regard de ce que la société véhiculait
01:03:15 autour de ces enfants.
01:03:16 Moi, ce que je crois surtout, c'est que ces enfants
01:03:19 sont une formidable richesse,
01:03:21 comme n'importe quel enfant dans sa singularité.
01:03:24 Nous parlons de ces enfants, mais ça vaut pour d'autres.
01:03:27 Et ce qu'il a apporté, en fait, au collectif,
01:03:30 est une source pour l'ensemble de la classe.
01:03:33 Nous avons montré également dans le rapport
01:03:35 à quel point tout ce qui est fait, parfois, pour ces enfants...
01:03:39 On parle de Georges Brassens, et nous avons visité le DIEP...
01:03:42 -Le Collège Georges Brassens,
01:03:44 l'Université de Paris.
01:03:46 -Et la structure qui était dédiée à ces enfants,
01:03:48 c'est qu'on voit à quel point ce qui a permis,
01:03:51 ce qui a été fait pour ces enfants,
01:03:53 bénéficiait pour l'ensemble.
01:03:55 Par exemple, des cours de philosophie
01:03:57 avaient été mis en place.
01:03:59 Ces cours étaient ouverts à l'ensemble des élèves.
01:04:02 Les collégiens de Georges Brassens
01:04:04 avaient accès à des ateliers de philosophie
01:04:06 beaucoup plus jeunes que, peut-être,
01:04:08 dans d'autres collèges.
01:04:10 Tout cela, en fait, est un bénéfice,
01:04:13 également pour un collectif,
01:04:15 comme doivent l'être ces adultes, une fois devenus adultes,
01:04:18 pour notre société.
01:04:19 -En introduction de cette émission,
01:04:22 il y aurait 200 000 enfants concernés dans notre pays.
01:04:25 Des études disent aussi qu'un tiers seulement de ces élèves
01:04:28 connaissent de réelles difficultés à l'école.
01:04:31 Autrement dit, 70 % des élèves à haut potentiel intellectuel
01:04:36 n'ont pas de problème dans leur scolarité.
01:04:38 Il faut peut-être nuancer ce qu'on a vu dans ce film.
01:04:42 -Sur ce point, je me permettrais une limite.
01:04:44 Oui. D'abord, dire qu'effectivement,
01:04:46 tous les enfants à haut potentiel, Ariane Ladal a dit,
01:04:49 ne connaissent pas forcément ni de difficultés scolaires
01:04:52 ni de relations sociales.
01:04:54 -Cela peut rassurer certains qui nous regardent.
01:04:57 -Cela est dit régulièrement aujourd'hui
01:04:59 par un certain nombre de psychologues,
01:05:01 et j'approuve cette remarque.
01:05:03 Néanmoins, comme il y a une image d'Epinal,
01:05:06 qui est celle de l'enfant surdoué, qui serait le petit génie,
01:05:11 vous avez raison de dire que c'est lié aux notes,
01:05:13 l'identification du haut potentiel à l'école est une difficulté.
01:05:17 C'est la raison pour laquelle, nous, on préconisait
01:05:20 qu'il y ait une formation initiale et continue des professeurs
01:05:23 pour qu'ils puissent les identifier.
01:05:26 J'en témoigne, dans l'entourage de mon fils,
01:05:28 il y a un certain nombre d'enfants qui peuvent avoir
01:05:31 de vraies difficultés scolaires.
01:05:33 Votre parcours en témoigne aussi.
01:05:35 Le professeur, qui ne sait pas ce que c'est que le haut potentiel,
01:05:39 peut-il dire que l'élève qui est face à lui
01:05:42 a ces difficultés scolaires parce qu'il est au potentiel ?
01:05:45 -Vous avez envie de réagir. -Oui.
01:05:47 Ce que j'ai trouvé très bien au sein du dispositif de Georges Brassens,
01:05:51 c'est que ces enfants-là sont dans des classes ordinaires.
01:05:55 Donc, déjà, je trouve ça...
01:05:56 Je trouve que, pour l'évolution de cette problématique,
01:06:00 c'est très positif.
01:06:02 Et justement, l'idée de Georges Brassens,
01:06:04 c'est de donner les outils à ses élèves
01:06:07 pour qu'ils s'intègrent, notamment au sein de leurs camarades,
01:06:10 et ensuite, poursuivre une scolarité normale
01:06:13 à partir du lycée.
01:06:15 Et aussi, je trouve que c'est un bon moyen.
01:06:17 -Avec un espace dédié, on l'a très bien vu dans ce film.
01:06:20 Lorsqu'il y a un stress particulier,
01:06:23 ce sont des élèves qui peuvent aller dans cet espace dédié
01:06:26 avec un tuteur. -Oui.
01:06:28 Et puis, ça évite également de coller une étiquette sur l'enfant,
01:06:31 comme quoi il aurait une différence.
01:06:34 Il a tout à fait les atouts pour s'intégrer
01:06:36 au sein de ses camarades.
01:06:37 En revanche, il y a peut-être une manière de l'accompagner
01:06:41 tout au long de sa scolarité qui lui permettra d'exprimer
01:06:44 son potentiel et de faire bénéficier au groupe.
01:06:47 -Il y a une question aussi centrale qui est posée par ce film.
01:06:51 Faut-il des structures dédiées ?
01:06:53 Vous avez commencé à y répondre et nous donner votre avis.
01:06:57 Faut-il des classes dédiées, des structures dédiées ?
01:07:00 Ou faut-il...
01:07:02 résolument prendre une démarche d'inclusion
01:07:06 et de garder ses élèves, coûte que coûte,
01:07:08 dans le cursus scolaire classique ?
01:07:10 Vous avez un avis sur le sujet ?
01:07:12 -Oui, je pense que, Georges Brassens,
01:07:14 les professeurs sont sensibilisés.
01:07:17 Il faut que les professeurs, tous, de primaire, de secondaire,
01:07:20 soient sensibilisés au don intellectuel
01:07:22 qui puisse le détecter.
01:07:24 Je vois des enfants, ils ont passé une année magnifique
01:07:27 et le professeur était sensibilisé,
01:07:29 avait lui-même des enfants doués, devait l'être aussi,
01:07:32 comprenait bien cet enfant, c'était idyllique.
01:07:35 L'année d'après, c'était quelqu'un qui trouvait
01:07:38 que c'était un élève perturbateur, qui posait des questions idiotes,
01:07:42 et ça tombe, ça dégringole, ça devient une catastrophe.
01:07:45 Et comme ces enfants sont hypersensibles,
01:07:47 pour eux, c'est la fin du monde.
01:07:49 Le professeur les aime pas, ils sont nuls, c'est la fin du monde.
01:07:53 -Ils sont aussi sensibles qu'intelligents.
01:07:55 -C'est une des spécificités de ces personnes.
01:07:58 -On parle de potentiel émotionnel,
01:08:00 mais c'est un peu surfait, parce que ça se mesure pas.
01:08:04 Mais ils ont une sensibilité,
01:08:06 parce qu'ils perçoivent les émotions des gens,
01:08:09 les sentiments des gens, ils perçoivent l'agressivité,
01:08:12 même s'ils voient quelqu'un tout sourire,
01:08:15 mais que la personne derrière est agressive ou méchante,
01:08:18 ils le perçoivent.
01:08:19 -Les parents que vous rencontrez,
01:08:21 quelle est leur réaction après le résultat d'un thèse
01:08:24 qui est de caution intellectuelle et supérieure à 130 ?
01:08:27 -Ils sont soulagés.
01:08:29 -Veulent-ils que leur enfant aille dans des établissements spécifiques ?
01:08:33 Est-ce qu'ils vous posent la question ?
01:08:35 Des classes spécifiques ? Il en existe très peu en France.
01:08:38 C'est peut-être une question que je voudrais vous poser.
01:08:42 -Il faut faire avec ce qu'il y a sur place.
01:08:45 Donc il faut être pratique.
01:08:47 S'il y a une école où ils sont sensibilisés,
01:08:50 il faut que l'école soit sensibilisée,
01:08:53 sans être vraiment dédiée aux enfants doués.
01:08:57 Avec la directrice, on s'entendait très bien.
01:09:00 Si je préconisais un saut de classe, elle était d'accord.
01:09:03 Si je mettais certaines choses en place, elle était d'accord.
01:09:06 Elle a été virée par l'équipe, et c'était la catastrophe.
01:09:10 Après, c'était la catastrophe.
01:09:12 J'ai vu, il n'y a pas très longtemps...
01:09:14 Elle n'était pas petite, elle avait 14 ans.
01:09:16 Elle avait été harcelée.
01:09:18 On parle du harcèlement.
01:09:19 Ce ne sont pas les rouquins qui sont harcelés,
01:09:22 les enfants doués.
01:09:23 -Oui, on l'a vu dans ce documentaire.
01:09:25 Vous pouvez en témoigner.
01:09:27 Il y a une forme de harcèlement scolaire,
01:09:29 en tenu cette différence, cette particularité.
01:09:32 -Et puis ils ne comprennent pas.
01:09:34 Eux, ils sont gentils.
01:09:36 Un enfant doué est gentil.
01:09:37 Ils ne comprennent pas qu'on puisse être méchant.
01:09:40 Ils se mettent dans l'esprit.
01:09:42 "Qu'ai-je fait pour qu'il soit méchant ?
01:09:44 "J'ai dû faire quelque chose."
01:09:46 Un enfant doué, à moins d'être pervers,
01:09:49 il est vraiment gentil.
01:09:51 J'ai vu cette jeune fille,
01:09:52 puisqu'elle avait 14 ans, adolescente,
01:09:55 elle avait été harcelée au primaire.
01:09:57 Là, elle est dans son école,
01:09:59 il y a des classes spécialisées.
01:10:01 Quand elle a parlé du harcèlement,
01:10:03 mais elle avait 9 ans, 10 ans,
01:10:05 elle s'est mise à pleurer, elle a 14 ans.
01:10:07 Elle s'est encore mise à pleurer en en parlant.
01:10:10 C'est dire à quel point ça l'avait traumatisée.
01:10:12 Là, elle est dans une classe au sein de cette école,
01:10:16 en banlieue parisienne,
01:10:17 et là, dans une classe...
01:10:19 Là, elle respire. Elle est...
01:10:21 -Quel est l'état des lieux
01:10:23 au sein de l'Education nationale,
01:10:25 tel que vous l'avez constaté ?
01:10:27 Concernant les établissements
01:10:29 qui tentent des expériences de classe spécifique,
01:10:32 de dispositifs spécifiques
01:10:33 pour ces élèves et les autres,
01:10:36 il y a un état des lieux.
01:10:38 On a l'impression qu'il y a peu d'établissements
01:10:40 qui se préoccupent spécifiquement de ces élèves
01:10:43 et que la tendance est plutôt d'essayer
01:10:45 de les maintenir dans le cursus scolaire classique.
01:10:49 -Alors, je dois dire d'abord,
01:10:50 si vous me le permettez,
01:10:52 que dans le cadre de ce rapport
01:10:54 qui a été discuté par certains acteurs,
01:10:56 il a été le fruit de nombreuses auditions...
01:10:59 -Oui. Ariel Hadda a fait partie
01:11:01 des personnalités auditionnées.
01:11:03 -Absolument, mais il y avait également des neurologues,
01:11:06 des professionnels de santé,
01:11:08 il y avait des associations de parents,
01:11:10 mais il y avait une multitude d'acteurs partie prenante.
01:11:13 Et en fait, ce qui revient de la part de tout le monde,
01:11:16 de tous les acteurs,
01:11:18 c'est qu'un enfant, un adolescent qui a haut potentiel,
01:11:21 c'est un être qui va vous bousculer.
01:11:23 Il va vous bousculer dans ses certitudes,
01:11:26 dans vos certitudes, il va vous remettre en question,
01:11:30 il va tout le temps vous demander le pourquoi du comment.
01:11:33 D'abord, ça peut être lassant, ça peut être pénible,
01:11:36 ça peut déranger une classe.
01:11:38 -Parce qu'il va bousculer l'enseignant,
01:11:40 le premier chef. -Il va bousculer,
01:11:42 il va demander les références de la connaissance du professeur,
01:11:46 il a un rapport à la justice et à l'injustice
01:11:48 qui est particulier,
01:11:50 ce sont des points communs liés aux enfants à haut potentiel.
01:11:53 Donc, il faut en effet que les professeurs
01:11:56 aient été sensibilisés à ce sujet-là
01:11:58 pour comprendre ce qui est effectivement le cas
01:12:01 des professeurs de Georges Brestens,
01:12:03 c'est un autre dispositif à Paris,
01:12:05 à Jean-Jean de Sailly. -Situé dans le 16e arrondissement.
01:12:08 -Et la vertu de ces établissements,
01:12:10 c'est ce que nous, on souhaite à l'échelle du territoire national,
01:12:14 c'est qu'il y ait une sensibilité,
01:12:16 au moins d'un professeur dans l'équipe pédagogique de l'élève,
01:12:20 qui, lui, va être un relais auprès des autres professeurs,
01:12:23 d'abord présent au monde du conseil de classe,
01:12:26 parce qu'il y a des élèves pour lesquels ça peut être nécessaire.
01:12:30 Il y a des moments au cours de la vie,
01:12:32 l'adolescence n'est pas forcément le moment le plus serein
01:12:35 pour les parents, à fortiori lorsque vous êtes
01:12:38 parent d'un enfant à haut potentiel,
01:12:40 donc ça peut être nécessaire.
01:12:42 On a fait un plaidon aussi pour que, dans l'ensemble des collèges,
01:12:46 il y ait des dispositifs qui sont appelés DIEP,
01:12:48 que l'on a vus dans le documentaire,
01:12:51 et qui permettent à ces élèves de pouvoir avoir
01:12:54 un salle de décompression, on peut l'appeler comme ça,
01:12:57 à Georges Brassens, mais je crois que c'était le cas,
01:13:00 mais à Jean-Jean de Sailly, c'est le cas,
01:13:03 le DIEP est ouvert aux autres élèves,
01:13:06 il n'est pas uniquement réservé aux enfants à haut potentiel.
01:13:09 -Ce qui m'a posé problème en regardant ce film,
01:13:12 c'est que, Georges Brassens, ce collège qu'on a vu,
01:13:15 on a cité quelques établissements, mais il y a très peu d'établissements.
01:13:19 -C'est très épars. Frédéric Meunier,
01:13:21 qui est député de Corrèze... -Il est dispositif adapté.
01:13:25 -Rappelez à quel point, dans la ruralité,
01:13:27 il y a encore plus de difficultés, parce qu'en zone urbaine
01:13:30 ou périurbaine, on est en lien avec des professionnels
01:13:33 qui peuvent nous orienter, mais en zone urbaine, rurale,
01:13:37 c'est particulièrement difficile pour les familles
01:13:40 d'avoir des solutions.
01:13:42 -Par rapport à cette solution, ce que j'ai trouvé formidable,
01:13:45 notamment dans votre rapport,
01:13:47 parce que j'avais lu en partie votre rapport,
01:13:49 ce qui est formidable, c'est qu'aujourd'hui,
01:13:52 l'enseignement public se préoccupe de cette question.
01:13:55 C'est ce que j'ai observé à Georges Brassens.
01:13:58 Les professeurs sont formés. En revanche,
01:14:00 c'est peut-être une opportunité. -Ils sont formés.
01:14:03 -Ils sont formés, effectivement.
01:14:05 -Est-ce qu'ils sont formés dans les milieux euros
01:14:08 dont on a parlé ? -Je serais très intéressé
01:14:10 justement en rapport avec ce que vous avez observé.
01:14:14 Quelle est la situation aujourd'hui ?
01:14:16 C'est vrai que les parents d'élèves m'ont interpellé plusieurs fois
01:14:20 pour me dire que tous les ans, il est question que le DIEP,
01:14:23 justement, au sein de Georges Brassens,
01:14:26 est remis en question,
01:14:28 notamment pour des questions de financement.
01:14:30 Je ne connais pas profondément la nature, on va dire,
01:14:33 du problème financier, mais est-ce que,
01:14:36 madame Rixain, est-ce que dans votre rapport,
01:14:39 au fur et à mesure des auditions que vous avez passées...
01:14:42 -Le DIEP a été cité au moins deux fois.
01:14:44 C'est un dispositif d'intégration pour les élèves à haut potentiel.
01:14:48 -Ces deux dispositifs, donc parisiens,
01:14:50 il faut le dire, que nous n'avons pas vus ailleurs
01:14:53 sur le territoire, en tout cas, le ministère
01:14:56 nous en a pas fait remonter d'équivalent,
01:14:59 ont pu être mis en place grâce à des financements européens,
01:15:02 à la base.
01:15:03 Ils ont ensuite été prolongés
01:15:05 grâce à l'investissement de l'Education nationale.
01:15:08 Nous nous plaidons, vous l'avez compris,
01:15:11 pour qu'ils soient maintenus dans ces établissements,
01:15:14 mais qu'ils soient démultipliés sur leur territoire.
01:15:17 Mais si vous me permettez, il y a l'Education nationale,
01:15:20 mais il y a aussi des collectivités locales.
01:15:23 Je me permettrais de citer l'Essonne,
01:15:25 qui, régulièrement, organise des colloques
01:15:28 ouverts à l'ensemble des membres de l'Education nationale,
01:15:31 avec une sensibilité,
01:15:33 qui peuvent parfois durer une journée entière,
01:15:36 sur la question du haut potentiel.
01:15:38 Il y a ce que fait l'Education nationale,
01:15:40 ce que font les collectivités locales,
01:15:43 et puis, parfois, il faut bien le dire,
01:15:45 c'est à l'initiative d'un élève dans l'école
01:15:49 que les habitudes sont un peu bousculées
01:15:52 de la manière dont on accueille un enfant
01:15:54 parfois en situation de handicap.
01:15:56 -Il faut généraliser les bonnes pratiques,
01:15:58 c'est ce que vous disiez dans ce rapport,
01:16:01 notamment les établissements dont on a parlé.
01:16:04 On va voir un extrait du film.
01:16:06 Je vous donne la parole juste après.
01:16:08 -Qui se dit vraiment soulagé d'avoir pu sauter une classe.
01:16:12 -Je n'étais pas...
01:16:13 Épanoui, c'est une évidence, avec mes camarades,
01:16:16 qui, franchement, ne me confortaient pas
01:16:19 dans l'idée que j'avais ma place dans ces classes.
01:16:22 Et donc, Mme Sard-de-Michel a décidé,
01:16:26 en tant que principale, de me faire sauter une classe.
01:16:29 Alors, c'était une décision...
01:16:32 Voilà.
01:16:33 Qui a été un poids, ça a fait un reménage,
01:16:36 je vous laisse imaginer tous les...
01:16:38 Mais ça s'est fait.
01:16:39 Son choix, c'était pas de me faire sauter une classe.
01:16:42 Elle m'a dit qu'elle était convaincue
01:16:45 que plus vite elle sortirait du système scolaire
01:16:48 et plus vite elle s'épanouirait.
01:16:50 -Alors, ce saut de classe,
01:16:51 visiblement, lui a sauvé la vie,
01:16:53 avec une belle rencontre, visiblement,
01:16:56 avec un enseignant, par ailleurs.
01:16:58 Le saut de classe, souvent une solution mise en avant,
01:17:01 qu'en pensez-vous ? -C'est la solution
01:17:04 de ce cours.
01:17:05 Il ne faut pas hésiter en primaire,
01:17:07 parce que c'est très, très lent.
01:17:09 Les apprentissages sont très lents, répétitifs,
01:17:12 en particulier le CE2,
01:17:13 et c'est la classe que l'Education nationale accepte
01:17:16 à peu près de sauter, parce que c'est une répétition du CE1.
01:17:20 Le CE2, c'est... Il faut sauter une classe.
01:17:22 Après, je leur dis, "Ne te plains pas,
01:17:24 "je t'ai fait gagner une année de scolarité."
01:17:27 -Alors, ça, c'est très jeune, CE2.
01:17:29 -Oui, mais ils ont déjà... -En revanche,
01:17:31 si on est déctés un peu plus tard, ce qui est regrettable,
01:17:35 c'est qu'au début de l'émission... -On peut sauter une classe
01:17:38 au lycée, par exemple ? -Au lycée, non.
01:17:40 Ca va vite, un second.
01:17:42 Au collège...
01:17:45 Alors, évidemment, il y a des écoles
01:17:47 où on fait le collège, on fait le 6e, 5e en une année.
01:17:52 Ce que je voulais dire, c'est qu'une fois,
01:17:54 j'avais fait une conférence pour l'Education nationale
01:17:57 sur les enfants doués,
01:17:59 donc il y avait beaucoup de professeurs,
01:18:01 mais après, il s'est avéré qu'ils étaient tous
01:18:04 parents d'enfants doués, donc ils venaient pas du tout
01:18:07 au titre de professeurs, mais de parents,
01:18:09 si bien qu'effectivement, ils sont ouverts, ils comprennent,
01:18:12 mais il faut être sensibilisé,
01:18:15 et c'est pas en faisant une journée comme ça
01:18:17 au sein de quantité de formation
01:18:20 que les professeurs seront sensibilisés.
01:18:23 C'est en profondeur, c'est beaucoup plus complexe que ça.
01:18:27 C'est tout juste, ils n'apprennent pas que ça n'existe pas
01:18:31 et que c'est les parents qui s'imaginent, etc.
01:18:34 -Peut-être, pour aller dans votre sens,
01:18:36 autre piste évoquée dans votre rapport, c'est le tutorat.
01:18:39 Ce sont peut-être ces professeurs sensibilisés
01:18:42 qui doivent être les tuteurs.
01:18:43 Où est-ce qu'on en est sur le tutorat ?
01:18:46 Une aide individuelle, un coup de main, un coup de pouce,
01:18:49 un accompagnement individuel de la part de tuteurs ?
01:18:52 -Nous avons, à la suite de ce rapport
01:18:54 avec Frédéric Meunier, fait adopter,
01:18:56 dans le projet de loi qui a suivi l'adoption du rapport,
01:19:00 le texte de Jean-Michel Blanquer,
01:19:02 le fait que d'abord, on reconnaisse le haut potentiel dans la loi.
01:19:06 Aujourd'hui, le haut potentiel intellectuel
01:19:08 est reconnu dans la loi.
01:19:10 Ensuite, nous avons notamment demandé
01:19:12 à ce qu'il y ait cette formation initiale des professeurs.
01:19:16 Et ça me semble d'autant plus important
01:19:18 qu'il y ait, vous voyez, une première sensibilisation,
01:19:21 c'est-à-dire une perméabilité à reconnaître à ce sujet-là,
01:19:27 ce qui permet ensuite de maintenir une formation, une attention.
01:19:31 Et en effet, il y a un intérêt de la part de certains professeurs
01:19:34 à ce sujet, qui vont donc aller plus en profondeur
01:19:38 dans leur formation, soit parce qu'ils sont concernés directement,
01:19:41 soit parce qu'ils ont un intérêt pour le sujet,
01:19:44 et ils vont devenir des tuteurs ou des référents
01:19:47 pour l'équipe pédagogique.
01:19:49 Et vous savez, il suffit,
01:19:50 moi, je l'ai vu, après, on a vu également,
01:19:53 on était dans de nombreux établissements,
01:19:55 il suffit qu'à l'échelle d'un établissement,
01:19:58 il y ait un tuteur qui soit sensibilisé au sujet,
01:20:00 et on gagne beaucoup, parce qu'ils vont, en effet,
01:20:03 former leurs collègues et permettre d'avoir une écoute,
01:20:07 un lien entre les familles, les élèves
01:20:10 et l'équipe pédagogique.
01:20:11 -Si je m'adresse à la mère, votre fils, lui aussi,
01:20:14 à un moment ou à un autre, a fait ses rencontres,
01:20:17 a eu la chance d'avoir un tuteur ?
01:20:20 -Donc, moi, mon fils a eu la chance
01:20:22 de pouvoir bénéficier d'un DIEP,
01:20:25 donc à Jean-Jean de Sailly,
01:20:27 et aujourd'hui, il est en seconde,
01:20:29 et il regrette encore le DIEP et les rencontres qu'il a pu y faire,
01:20:33 et ça a permis, effectivement,
01:20:35 de déminer un certain nombre de situations,
01:20:38 notamment au moment de l'adolescence,
01:20:40 parce que, comme le disait Arielada,
01:20:42 c'est un message qu'il faut faire passer,
01:20:45 la difficulté des enfants au potentiel,
01:20:47 c'est leur rencontre avec l'effort scolaire, intellectuel,
01:20:50 qu'ils ne connaissent pas, et à un moment donné...
01:20:53 -Il y a un moment dans la scolarité,
01:20:56 l'intellectuel, l'organisation... -C'est en seconde.
01:20:58 -Oui. -Il y a 2,3 %
01:21:02 de la population française
01:21:04 qui présenterait un haut potentiel intellectuel.
01:21:07 Ca représente tout de même 1,5 million de personnes, un peu plus.
01:21:11 Vous êtes aujourd'hui documentariste, réalisateur,
01:21:15 vous êtes épanoui, vous avez eu un parcours épanoui
01:21:19 après votre scolarité, qui, on l'a bien compris,
01:21:22 avait été chaotique, difficile, douloureuse.
01:21:24 Il y a un après, et un après optimiste.
01:21:27 -C'est vrai que le jour où j'ai commencé à travailler
01:21:30 par intérêt, pour quelque chose qui m'intéressait réellement,
01:21:33 je me suis pleinement consacré, effectivement,
01:21:36 à ce métier, où, effectivement, j'ai trouvé ma voie,
01:21:40 donc c'est une chance, mais disons que c'est vrai
01:21:43 que c'est au prix d'un parcours assez compliqué
01:21:46 que je ne vais pas non plus développer.
01:21:48 Il y a peut-être aussi des conséquences
01:21:51 sur des réactions que je peux avoir aujourd'hui,
01:21:54 puisque le vécu psychosocial, quoi qu'il arrive,
01:21:57 il y a un impact sur notre bien-être,
01:22:01 une fois adulte aussi,
01:22:03 et donc c'est pour ça que je trouve indispensable
01:22:07 que les établissements publics prennent en compte
01:22:10 cette question-là, et aussi, je trouve aussi important
01:22:13 de sensibiliser également les quartiers populaires,
01:22:17 puisque les...
01:22:18 Il y a...
01:22:20 Malheureusement, aujourd'hui,
01:22:22 c'est une majorité d'établissements privés
01:22:25 qui sont en capacité d'accueillir ces enfants-là
01:22:27 pour la prise en charge,
01:22:29 et donc c'est pour ça que j'encourage vivement
01:22:31 l'Education nationale à se préoccuper de cette question,
01:22:35 et malheureusement, eh bien,
01:22:37 le dispositif de Georges Brassens est menacé,
01:22:41 alors que c'est un des tout premiers à être mis en place,
01:22:44 et c'est très...
01:22:45 Il y a un symbole important aussi,
01:22:47 c'est qu'il se trouve dans le 19e arrondissement de Paris.
01:22:50 D'ailleurs, au fur et à mesure que j'ai fait ce documentaire,
01:22:54 je me suis aperçu que l'ensemble des couches sociales
01:22:57 sont concernées par cette question-là.
01:22:59 -C'est absolument... -Simplement sur la...
01:23:01 Vous allez vous partager une minute,
01:23:03 ce serait la conclusion de cette émission.
01:23:06 Je voudrais savoir, après la scolarité,
01:23:08 est-ce qu'une personne à haut potentiel intellectuel,
01:23:11 est-ce qu'elle continue à avoir des difficultés
01:23:14 par rapport aux autres dans la vie sociale ?
01:23:17 -Quand ils trouvent leur voie, c'est magnifique.
01:23:19 Justement, quand c'est personnel,
01:23:22 ils donnent leur pleine mesure,
01:23:23 il n'y a pas de... Au contraire, c'est magnifique.
01:23:26 C'est grâce aux gens doués que la société avance,
01:23:29 ils apportent quelque chose à la société.
01:23:31 -C'est là que leur potentialité peut s'exprimer ?
01:23:34 -Oui, les chercheurs, les médecins, les artistes,
01:23:37 tous ces gens-là sont doués, ils apportent quelque chose.
01:23:40 Mais ceux qui ne sont pas identifiés,
01:23:43 ceux qui sont sous-employés,
01:23:44 avec des chefs moins intelligents que lui, c'est dramatique.
01:23:48 Il y a le rôle des associations locales
01:23:52 qui organisent des colloques, des conférences.
01:23:56 Très souvent, ils m'invitaient,
01:23:58 j'y m'invitais avant le Covid, mais après, non.
01:24:00 Et quand même, les associations locales font des choses
01:24:04 juste dans leur région, comme ça.
01:24:06 Il y a quand même ce rôle-là qu'il ne faut pas négliger.
01:24:09 -On les salue, au passage.
01:24:11 Merci à tous les trois d'avoir participé à cette émission.
01:24:14 Autour de votre film, "La dure vie des surdoués",
01:24:17 qu'on a découvert à l'occasion de cette émission,
01:24:20 vos réactions, et j'imagine qu'elles seront nombreuses,
01:24:23 ce sera sur #DébatDoc.
01:24:25 Nos invités pourront, bien évidemment,
01:24:27 réagir à ce que seront ces réactions à cette émission.
01:24:31 Merci à Selma Salih, qui m'a aidé à préparer cette émission.
01:24:34 Je vous donne rendez-vous pour un prochain "Débat Doc",
01:24:37 et ça sera, bien entendu, avec son documentaire et son débat.
01:24:41 À très bientôt.
01:24:42 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
01:24:45 Générique
01:24:48 ...
01:24:56 Merci.

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