Guerre des chiffres : la vérité sur les statistiques - L'Heure libre, avec Stéphane Simon

  • l’année dernière
Avec Stéphane Simon, Maxime Le Nagard, rédacteur en chef de la revue Front Populaire, et Sami Biasoni, professeur à l'Essec, docteur en philosophie, auteur de « Le statistiquement correct » (Éditions du Cerf).

Retrouvez L'heure libre, en partenariat avec Front Populaire La Revue (https://frontpopulaire.fr/) avec Michel Onfray et Stéphane Simon, tous les samedis de 10h à 11h sur les ondes de Sud Radio.
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##L_HEURE_LIBRE-2023-09-30##

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Transcript
00:00 Sud Radio, l'heure libre, 10h11.
00:04 Bonjour à tous, bienvenue dans l'heure libre, votre rendez-vous avec l'équipe de Front Populaire,
00:09 une émission qui vous explique l'actualité autrement, d'un point de vue souverainiste,
00:13 c'est-à-dire se poser la question de la France en priorité.
00:16 Alors aujourd'hui, on va parler de statistiques, de sondage, de mesures, de l'opinion,
00:20 avec un maître mot, vous allez voir, méfiance des chiffres.
00:24 Etudes et statistiques, fait-on dire ce que l'on veut aux chiffres, ce sera la question du jour.
00:29 Nous sommes en compagnie de Maxime Ledagat, rédacteur en chef de Front Populaire, la revue et frontpopulaire.fr
00:34 et notre invité est Samy Biazoni, professeur à l'ESSEC, docteur en philosophie,
00:40 auteur d'un essai remarqué avec une post-faste de Michel Onfray que je signale,
00:44 intitulé "Le statistiquement correct paru aux éditions du CER".
00:48 Merci Samy Biazoni d'être là.
00:50 Bonjour.
00:51 Tout d'abord, pour bien comprendre, reprenons les choses à zéro.
00:54 L'organisation de nos sociétés ont délaissé depuis quelques centaines d'années
00:58 le rôle important que jouaient autant des grecs, des romains, les philosophes,
01:03 pour les chiffres, plutôt, les statistiques, ce qui a l'apparence finalement de la modernité.
01:08 En gros, est-ce qu'on peut dire que la démocratie c'est le règne des chiffres,
01:12 car cela fait sérieux, solide, indiscutable ?
01:15 Alors déjà, étymologiquement, on a une forme de proximité entre la gestion des affaires de l'État
01:21 et la discipline statistique.
01:23 La statistique, c'est la discipline du statiste, de l'homme d'État.
01:27 Et en fait, au cours de l'histoire, la statistique a pris une importance de plus en plus notable.
01:33 Pour différentes raisons.
01:35 D'une part, parce qu'il y a eu une sophistication de la chose politique
01:39 et un renforcement de la démocratie en tant que telle.
01:42 C'est-à-dire que d'éléments de gestion relativement décentralisés à l'époque grecque,
01:46 on arrive aujourd'hui à des gestions très fines.
01:49 Il suffit de regarder les corpus normatifs, le code du travail, le code de la santé.
01:53 La politique est partout, elle régente beaucoup de choses.
01:57 Et comme elle régente les choses, elle a besoin de s'évaluer.
02:00 Elle a besoin aussi de disposer de données pour penser son action et pour la légitimer, j'y reviendrai.
02:05 Donc effectivement, il y a eu cette longue progression.
02:08 Il faut aussi comprendre, dans ce remplacement du rôle du philosophe dans la cité, dans la police,
02:14 et aujourd'hui, celui du statisticien, par celui du statisticien,
02:18 c'est joué aussi la consolidation de la discipline statistique.
02:21 C'est une discipline qui est relativement récente en réalité.
02:24 Avant, au Moyen-Âge, on faisait du comptage assez rudimentaire.
02:29 Et en fait, il a fallu attendre le 19e siècle,
02:32 et puis après, tout au long du 20e siècle, le raffinement des méthodes,
02:36 de la théorie probabiliste, de la théorie de la statistique.
02:39 Tu voulais dire qu'on calcule mieux et plus vite aujourd'hui qu'au Moyen-Âge ?
02:43 Mieux, beaucoup plus vite, on sait collecter aussi.
02:46 Oui, on sait traiter de la big data aujourd'hui qu'on ne savait pas traiter.
02:49 Alors ça, c'est encore la dernière étape de cette aventure, en tout cas la plus récente.
02:53 Finalement, c'est le dépassement de la modernité.
02:55 La modernité, c'était finalement la statistique telle qu'on la pratiquait.
02:58 Et là, on entre, et on en parlera peut-être plus tard,
03:00 dans l'ère de ce qu'on appelle la big data, les grands volumes de données qui changent encore la donne.
03:03 C'est-à-dire qu'on ne calcule plus de la même manière les choses,
03:05 nous n'avons pas la même appréhension des sujets.
03:08 Donc il y a cette grande progression, et effectivement,
03:11 ce qui est intéressant aussi, c'est qu'à mesure que la gestion politique s'est technicisée,
03:15 cette science statistique a acquis ses lettres de noblesse.
03:19 Parce qu'elle a aussi fait ses preuves.
03:20 Les statistiques disent quelque chose de nos sociétés, elles sont utiles.
03:23 Et dans le livre, j'essaie de le montrer.
03:25 Ce que je dis, la thèse principale du livre, c'est que les statistiques en elles-mêmes
03:29 sont une science, ou une pratique scientifique.
03:32 En revanche, que leur mauvais emploi nuit au débat public, au débat démocratique.
03:37 Alors vous dites quand même aussi, la forme mathématique,
03:41 c'est un instrument de légitimation du pouvoir, vous écrivez.
03:44 Qu'est-ce que ça veut dire, pour être plus concret pour nos auditeurs ?
03:49 Absolument.
03:50 Alors d'une part, il faut bien comprendre qu'aujourd'hui,
03:53 pour un gouvernant, pour un responsable politique,
03:56 il faut à tout prix éviter le fait du prince.
03:59 On imaginerait mal Emmanuel Macron se lever un matin et dire
04:02 "je ne décide que souverainement".
04:03 Donc effectivement, progressivement, à mesure qu'elle devenait
04:06 de plus en plus transparente, nos démocraties ont eu besoin,
04:10 ou se sont vues imposer le besoin de justifier leur action,
04:14 de justifier la raison pour laquelle des mesures sont prises,
04:17 des réformes sont actées.
04:19 J'en prends pour exemple ce qui s'est passé lors du Covid,
04:22 lors de la crise sanitaire.
04:23 Rappelez-vous, nous avions le droit à la météo Covid,
04:25 et la météo Covid c'était résumé à un ou deux chiffres,
04:27 qui étaient les chiffres de contamination, peu ou prou.
04:29 Et les morts. Les contaminés et les morts.
04:32 Les contaminés et les morts.
04:33 Et sur cette base-là, qui est une donnée quantitative,
04:36 à valeur statistique, on en inférait des conclusions
04:40 pratiquement algorithmiques, c'est-à-dire,
04:43 si le chiffre passe au-dessus de cette barrière,
04:45 alors nous confinerons.
04:46 Si ce niveau est atteint, alors nous déciderons,
04:48 typiquement, un couvre-feu le soir.
04:51 Et vous voyez ici, on a atteint le point culminant de cette logique,
04:54 c'est-à-dire, pour légitimer mon action,
04:56 je pars de quelque chose qui a l'air,
04:58 qui a les atours de l'objectivité,
05:00 et donc qui ne dépend pas de moi en réalité.
05:02 Cette extériorité du chiffre est relativement confortable.
05:05 D'ailleurs, la légitimation, elle vient aussi
05:08 de la puissance des mathématiques.
05:09 Ce que Boulot appelle le préjugé de supériorité analytique.
05:12 C'est très pompeux.
05:13 En fait, ça veut simplement dire que lorsque vous dénoncez un chiffre,
05:16 ça a une valeur de vérité supérieure à un verre de poésie.
05:20 Et puis, comment dirais-je, une décision à l'emporte-pièce.
05:23 Ça a une meilleure allumure.
05:25 Cela sous-entend qu'il y a eu un raisonnement,
05:29 que la décision est étayée par des faits,
05:31 et que ces faits sont quantifiables, donc vérifiables.
05:33 Donc, en fait, il y a toute une chaîne comme ça de légitimation,
05:36 de justification, qui est propre à ce langage des mathématiques.
05:39 La statistique est une des disciplines de la mathématique.
05:42 Alors, pourtant, en lisant votre livre,
05:45 qui est formidable de ce point de vue-là,
05:47 on découvre que les chiffres du chômage,
05:49 le produit intérieur brut, l'inflation,
05:51 tout ça est interprétable.
05:53 J'allais dire, tout cela est faux.
05:54 C'est beaucoup plus compliqué, en fait,
05:56 que l'on laisse entendre quand on est sur une chaîne d'info,
05:59 un ministre en exercice, et que l'on s'appuie sur ses statistiques.
06:02 Il y a un exemple qui m'a absolument frappé,
06:04 c'est sur le chômage des jeunes.
06:06 Vous vous rappelez que ça a été un des enjeux de la campagne, je crois, de 2017 ?
06:10 Les chiffres étaient alarmistes.
06:13 On entendait dire qu'un jeune sur quatre ne travaillait pas.
06:17 Et vous avez expliqué qu'en fait,
06:20 personne ne considérait ce qu'on appelle la base de référence,
06:23 et c'est ce que vous allez nous expliquer,
06:25 mais qu'en gros, finalement, la conclusion,
06:27 c'est que ce n'est pas un jeune sur quatre qui ne travaille pas,
06:29 c'est un jeune sur quatre qui ne fait pas d'études.
06:31 En fait, un jeune sur huit, et là, d'un seul coup,
06:33 c'est beaucoup moins alarmiste que ça en avait l'air.
06:36 Expliquez-nous ce que vous appelez la base de référence.
06:38 En fait, lorsqu'on regarde le taux de non-emploi,
06:42 qui est peut-être à faire un taux de chômage,
06:44 on compare à une population, à âge comparable.
06:48 Donc typiquement, là, lorsque je dis,
06:50 finalement, les 35-45 ans ont un taux d'inoccupation,
06:53 par exemple, de X, de 18%,
06:55 ça veut dire que, ramené à toute la population active
06:58 de ces personnes-là, 18%, donc un sur cinq en gros,
07:02 n'a pas d'emploi fixe.
07:04 Sauf que pour les plus jeunes,
07:07 on ne peut pas les comparer de cette manière-là,
07:09 puisque une partie d'entre eux font, comme vous le disiez,
07:12 des études, et la base de référence,
07:14 c'est ce par rapport à quoi on calcule un pourcentage.
07:17 Si on veut pouvoir comparer deux pourcentages entre eux,
07:19 il faut que l'on divise par quelque chose d'homogène.
07:23 Or, là, ça n'a pas été fait,
07:25 et ce qui a été assez incroyable dans cette histoire,
07:27 c'est qu'une grande partie des médias ont relayé,
07:30 mais véritablement, comme s'il se passait
07:32 quelque chose de grave en France, alors qu'en fait,
07:34 si on regarde la vraie inoccupation des plus jeunes,
07:36 non, certains sont en études,
07:38 et parmi ceux qui ne sont pas en études,
07:40 effectivement, on trouve cela.
07:41 Ce qui fait qu'en fait, sur cette population de jeunes,
07:44 en réalité, on a une situation tout à fait normale.
07:46 - Oui, qui est comparable. Voilà, c'est ça,
07:48 qui est comparable aux autres pays occidentaux,
07:50 et l'OCDE, absolument.
07:51 - Qui n'a pas particulièrement dérivé, même historiquement.
07:54 Et vous voyez là que, finalement,
07:56 un choix méthodologique mal exprimé ou mal compris
07:59 induit des conséquences, une perception
08:02 de la part du grand public, voire même des journalistes,
08:04 parce que je pense qu'un certain nombre de journalistes
08:06 se sont fait leurrer,
08:08 et n'ont même pas réalisé
08:10 toute la subtilité, finalement, du chiffre.
08:12 Alors, ce qui est amusant, quand même,
08:14 et je le mets au crédit de notre service public,
08:16 c'est que sur sa plateforme d'éducation,
08:18 vous savez, en ligne, gratuite,
08:20 il y a une petite vidéo, que j'ai retrouvée après,
08:23 vers la fin de l'écriture du livre,
08:25 et cette petite vidéo explique ça.
08:27 C'est très étonnant, d'ailleurs.
08:29 - C'est après-coup, quand même, c'est longtemps après.
08:32 - Longtemps, je ne sais pas, mais c'est après-coup.
08:34 - En tout cas, il y a quelque chose qui va intéresser
08:36 nos auditeurs, je pense, c'est le chiffre de l'inflation.
08:39 Méfiez-vous du chiffre que l'on entend,
08:41 et qui est très angoissant en ce moment.
08:43 Qu'est-ce que vous pouvez dire, exactement,
08:45 pour nos auditeurs, sur ce chiffre de l'inflation ?
08:48 - Alors, l'inflation, c'est vraiment l'archétype
08:51 de ce qu'on va appeler un chiffre conventionnel.
08:53 Vous savez, il y a des chiffres qu'on va qualifier
08:55 plutôt naturels, et des chiffres conventionnels.
08:57 Alors, qu'est-ce que ça veut dire ?
08:59 Un chiffre naturel, c'est si je vous dis,
09:01 quel est le nombre de Français dans Paris ?
09:03 Vous pouvez les compter.
09:05 Ils sont comptables, ils sont innumérables,
09:07 vous pouvez même les identifier.
09:09 Ce chiffre a une forme de permanence,
09:11 personne ne pourra dédier votre chiffre.
09:13 Il ne repose que sur très, très peu d'hypothèses, en réalité.
09:16 Il y a quand même des hypothèses, parce que même
09:18 les chiffres naturels, en réalité, si je vous dis,
09:20 qu'est-ce que vous me répondez ?
09:22 - Je ne vois pas.
09:24 - Si on passe très vite, et je vous dis,
09:26 il y en a 2 millions, vous allez acquiescer tous les deux,
09:28 votre public va dire, il y en a 2 millions.
09:30 Alors qu'en fait, j'ai dû raconter n'importe quoi.
09:32 Qu'est-ce que ça veut dire des gens parisiens dans Paris ?
09:34 C'est des gens qui y habitent ?
09:36 - Non, c'est des gens qui y sont nés.
09:38 - C'est des gens qui y sont en ce moment ?
09:40 Il y a mille manières.
09:42 Je ne pensais pas à ce chiffre de cette manière-là.
09:44 Vous voyez que même quelque chose qui a l'air
09:46 tout à fait trivial repose sur un certain nombre
09:48 de présupposés, ce qu'on appelle des présupposés méthodologiques.
09:50 Ce sont des choix que l'on fait.
09:52 Et si l'on veut être précis en statistique,
09:54 et c'est ça qui est compliqué avec la statistique,
09:56 c'est qu'il faut prendre le temps d'expliquer ces choix.
09:58 Donc il y a ces chiffres naturels, et à côté de cela,
10:00 il y a des chiffres conventionnels.
10:02 Eux, ce sont de purs choix, de pures constructions.
10:04 L'inflation, en réalité, pour connaître
10:06 la vraie inflation, il faudrait prendre
10:08 la composition totale de tous les biens.
10:10 Vous imaginez bien. Et en fait,
10:12 pour un Français moyen,
10:14 il peut y avoir une inflation qui finalement,
10:16 le concert ne peut... Je prends pour exemple
10:18 la manière de calculer cette inflation.
10:20 Pour calculer l'inflation, on prend ce qu'on appelle
10:22 un panier. Un panier de biens.
10:24 Ce qui est tout à fait logique, ce qui est la bonne manière
10:26 de procéder. Mais c'est une approximation.
10:28 - Bah oui, tous les paniers ne se valent pas.
10:30 - Voilà, on le sait. Si vous n'êtes pas végétarien,
10:32 vous n'êtes pas sujet du tout
10:34 à l'inflation de la viande. Prenons un cas limite.
10:36 Imaginons un pays où seule la viande,
10:38 pour une raison, parce qu'il y a une maladie très très grave,
10:40 aucun prix ne bouge, et une année,
10:42 parce qu'il y a une maladie très grave, comme la maladie
10:44 de la chauve-chouette, par exemple, le prix de la viande augmente
10:46 terriblement. Bon, vous direz,
10:48 "Et ça, on va prendre un panier moyen,
10:50 donc le prix de la viande va faire monter le prix de votre panier moyen."
10:52 C'est logique. Si vous êtes végétarien, vous vous en fichez complètement.
10:54 - Absolument. - Or, le prix de l'inflation...
10:56 Et donc, là, je simplifie,
10:58 mais il faut avoir conscience de la construction de ce chiffre.
11:00 - Dans un instant, on va continuer
11:02 à se demander la réalité,
11:04 essayer d'évaluer la rivalité
11:06 des chiffres dont vous entendez parler toute la journée.
11:08 On parlera des crimes et
11:10 des lits notamment. Études et statistiques,
11:12 on nous cache tout, on nous dit rien.
11:14 C'est tout de suite sur Sud Radio.
11:16 - Sud Radio, l'heure libre,
11:18 10h11.
11:20 - Retour dans l'heure libre, partenariat Front Populaire,
11:22 la revue et Sud Radio. On parle
11:24 ce matin statistiques, sondage,
11:26 mesure de l'opinion, et pas pour dire
11:28 des banalités. Notre
11:30 maître mot, c'est plutôt méfiance.
11:32 Les statistiques, les chiffres, on leur
11:34 fait dire ce que l'on veut. C'est ce que l'on
11:36 découvre à la lecture de "Statistiquement
11:38 correct", écrit par Samy Biazony.
11:40 Nous sommes toujours en compagnie
11:42 avec lui, il est professeur à l'ESSEC, docteur
11:44 en philosophie, c'est quelqu'un de sérieux qui porte
11:46 d'ailleurs la cravate en au studio
11:48 un samedi matin.
11:50 Alors, Samy Biazony, c'est pas très politiquement
11:52 correct votre essai, effectivement,
11:54 parce que, on va prendre
11:56 attache par exemple avec les chiffres
11:58 des crimes et des lits, et là, on découvre
12:00 que l'on vit véritablement dans l'illusion.
12:02 C'est très simple à comprendre, et vous l'expliquez
12:04 bien. Statistiquement,
12:06 les chiffres divulgués sont
12:08 ceux qui émanent des
12:10 plaintes, donc enregistrées
12:12 au commissariat, gendarmerie, tout le monde
12:14 voit de quoi il s'agit. Mais en fait,
12:16 ce n'est que la partie émergée
12:18 de l'iceberg, car il y a
12:20 une criminalité qui est beaucoup plus importante,
12:22 c'est un peu un chiffre noir,
12:24 ce sont les crimes et les lits qui ne donnent
12:26 pas lieu à plaintes, et alors
12:28 quand on se penche sur la réalité
12:30 de l'inceste, la réalité
12:32 des vols, les dégradations,
12:34 et bien, tout ce que l'on sait, c'est que
12:36 les statistiques qui sont communiquées par le ministère
12:38 de l'Intérieur sont très faibles par rapport
12:40 à la réalité. - Oui, alors,
12:42 il faut bien distinguer la communication
12:44 gouvernementale et politique qui, elle,
12:46 encore une fois, c'est un chiffre conventionnel.
12:48 Parce qu'il faut comprendre, je fais
12:50 une petite incise, qu'il y a
12:52 des chiffres qualifiés de gris, d'autres de noir.
12:54 Le noir, c'est le chiffre dit noir,
12:56 c'est le chiffre effectivement qui recouvre
12:58 la totalité des faits délectueux,
13:00 ceux qui ont été commis,
13:02 mais non déclarés du tout,
13:04 et puis on a ces chiffres parfaitement
13:06 déclarés, identifiés, qui ont donné lieu à des plaintes.
13:08 Vous comprenez
13:10 que
13:12 c'est tout à fait conventionnel
13:14 dans la mesure où, finalement, si j'ai envie de faire
13:16 évoluer un chiffre, si je suis
13:18 ministre de l'Intérieur, et qu'il me
13:20 plaît de montrer que
13:22 finalement la criminalité
13:24 en matière d'actes de
13:26 barbarie, de vols avec
13:28 violence, évolue favorablement,
13:30 que ferais-je ? Je demanderais
13:32 aux effectifs de police de traiter prioritairement
13:34 d'autres cas, les insultes
13:36 raciales, les délits routiers,
13:38 ainsi, le temps
13:40 étant incompréhensible, malheureusement,
13:42 on aura plus de plaintes
13:44 prises, et puis pour d'autres délits,
13:46 les services de police,
13:48 non pas parce qu'ils cherchent, eux, à manipuler,
13:50 mais parce qu'ils se conforment aux ordres
13:52 qu'ils ont eus, vont un peu moins prendre
13:54 les places, les plaintes, les classer plus vite,
13:56 remplacer une plainte par une main courante, par exemple,
13:58 et cela a une conséquence sur le chiffre.
14:00 Je ne dis pas qu'il y a manipulation volontaire systématique,
14:02 je dis simplement qu'il est aisé,
14:04 étant donné la convention prise, les plaintes,
14:06 de procéder ainsi.
14:08 Il faut bien comprendre qu'on pourrait procéder autrement.
14:10 On pourrait dire, la criminalité,
14:12 ce sont les plaintes
14:14 reçues et les condamnations
14:16 qui ont été prononcées.
14:18 Oui, on pourrait dire même qu'une plainte
14:20 ne vaut que si elle débouche sur une enquête,
14:22 par exemple. Absolument.
14:24 Vous pouvez tout à fait imaginer des situations où
14:26 nous avons l'impression collectivement que la situation
14:28 se dégrade en matière de criminalité.
14:30 Si, par exemple, les citoyens se mettent à massivement porter plainte
14:32 et que les forces de police ont plus le temps
14:34 parce que, par exemple, elles auraient plus de moyens
14:36 de prendre ces plaintes,
14:38 mais si toutes ces plaintes sont abusives, je prends un cas extrême,
14:40 à ce moment-là, en réalité, la criminalité
14:42 n'a pas du tout augmenté. Elle est peut-être nulle,
14:44 mais dans les chiffres, nous verrons
14:46 l'artefact de cela, qui est l'augmentation des plaintes.
14:48 Et ça, c'est un choix méthodologique très fort.
14:50 On est vraiment, vraiment, vraiment en matière de criminalité,
14:52 dans quelque chose de très conventionnel.
14:54 Pour conclure, il y a quand même une force de rappel.
14:56 Et la force, ou la corde de rappel,
14:58 ce sont les études de victimation.
15:00 En fait, il y a deux manières d'aborder
15:02 les faits criminogènes,
15:04 soit par les plaintes, effectivement, dans notre système,
15:06 mais il y a aussi, et l'INSEE le fait,
15:08 il y a des grandes études qui sont faites par les scientifiques
15:10 qui viennent interroger
15:12 tout un chacun, faire comme un sondage.
15:14 Et là, les personnes
15:16 se déclarent en tant que victimes
15:18 et là, on a accès à ces chiffres dits "noirs".
15:20 Et c'est par la conciliation des deux
15:22 qu'on commence à avoir une certaine photo de la réalité.
15:24 Donc, il est possible d'avoir une photo de la réalité,
15:26 mais souvent, le politique va utiliser
15:28 le morceau, ou l'endroit
15:30 de la photo qui l'arrange.
15:32 - Alors, il y a quelque chose qui renforce,
15:34 je dirais, le sentiment, je dirais,
15:36 de confusion, c'est-à-dire...
15:38 J'aimerais que vous fassiez réagir
15:40 par rapport aux déclarations qui avait tenues
15:42 notre garde des Sceaux,
15:44 Éric Dupond-Moretti.
15:46 Quand on voit les chiffres des crimes et délits,
15:48 qui sont quand même, globalement, très importants en France,
15:50 comment expliquez-vous
15:52 qu'on puisse parler
15:54 de sentiments d'insécurité, et pas d'insécurité ?
15:56 C'est quand même rajouter une notion
15:58 de confusion dans les esprits.
16:00 - Alors, en fait,
16:02 il est vrai, lorsqu'on regarde sur
16:04 très long terme, que
16:06 la France est quand même plutôt un pays pacifié.
16:08 Alors, je sais que ça risque de choquer beaucoup,
16:10 puisque le sentiment n'en est pas un.
16:12 C'est-à-dire que, nombre de nos concitoyens,
16:14 et j'en fais partie, on en a tous déjà fait partie,
16:16 se sont trouvés dans des situations d'insécurité réelle,
16:18 de peur, et surtout quand on habite Paris,
16:20 ou une grande ville. Toujours est-il
16:22 que sur le temps très long, effectivement, on se rend compte
16:24 que nos sociétés, c'est heureux, elles ont tendance à se pacifier.
16:26 On a,
16:28 heureusement, des faits de barbarie
16:30 ont quasiment disparu,
16:32 je veux dire, ont rapporté à la population globale.
16:34 Ils existent toujours, bien sûr,
16:36 mais ils sont plus isolés, une certaine violence
16:38 aussi a muté.
16:40 Toujours est-il qu'effectivement,
16:42 le politique, lui,
16:44 son discours, c'est de dire
16:46 "Une partie du réel, c'est votre
16:48 perception du réel, et votre perception du réel
16:50 biaise, en réalité,
16:52 le réel lui-même en retourse." Qu'est-ce que ça veut dire ?
16:54 C'est exprimé de manière probablement un peu théorique,
16:56 mais ça veut dire quelque chose de très concret.
16:58 C'est-à-dire que si vous vous mettez dans une disposition
17:00 qui consiste à penser que vous êtes vraiment en insécurité,
17:02 effectivement, vous percevrez beaucoup plus
17:04 l'insécurité. Et c'est cette
17:06 espèce de rhétorique qui essaie d'agiter le garde-d'essau,
17:08 pour dire qu'en fait,
17:10 les choses ne vont pas si mal.
17:12 Alors, il a en partie raison, je l'ai dit, mais il a en partie
17:14 tort, parce que le politique
17:16 est depuis assez longtemps relativement
17:18 impuissant, en réalité, à faire
17:20 taire, à faire cesser le niveau minimum
17:22 d'insécurité, qui est déjà bien trop important
17:24 pour un citoyen d'une grande démocratie
17:26 comme le nôtre, et d'un pays aussi stable que le nôtre.
17:28 Donc, effectivement, cette impuissance, elle est
17:30 compensée par une forme de stratégie rhétorique
17:32 qui vient agiter le sentiment, la subjectivité
17:34 à un tapis
17:36 d'objectivité. - Oui, et puis ça permet,
17:38 sur le terrain de la morale, de culpabiliser
17:40 ceux qui mettent
17:42 en avant l'insécurité en France.
17:44 C'est évidemment une manière
17:46 de jeter l'opprobre sur eux. Dans un
17:48 autre domaine, qui est la différence
17:50 des salaires hommes-femmes, quand on compile
17:52 toutes les variables, elle n'est que de quelques pourcents
17:54 et pas du tout de 30%, comme disent les féministes.
17:56 Vous avez regardé
17:58 les arguments de Samy Biazony, Maxime.
18:00 - Tout à fait, c'est assez éclairant.
18:02 Alors, Marlène Schiappa, elle annonçait 27% en
18:04 2018, l'Observatoire des Inégalités
18:06 annonçait 23% en 2021.
18:08 Cet écart est-il avéré ? Oui, mais
18:10 il ne veut rien dire, on va le voir. Est-ce qu'il y a
18:12 de l'incrimination ? Absolument pas, en tout cas
18:14 rien de systémique, comme on dit aujourd'hui.
18:16 À ce sujet, je ne peux que renvoyer nos auditeurs au chapitre
18:18 consacré à cette question dans le livre de notre invité.
18:20 La démonstration est assez complète, je la résume ici
18:22 à grands traits, évidemment sous son contrôle.
18:24 En fait, quand on brandit
18:26 25% d'écart salarial, ou 27, ou 28
18:28 ou 30, ce qu'on veut... - Oui, on dit même
18:30 des femmes qu'elles travaillent gratuitement
18:32 à partir du 4 novembre. - Oui, on l'entend tous les ans, ça.
18:34 En fait, quand on prend
18:36 ce chiffre-là, on compare l'incomparable. Il y a évidemment
18:38 de très nombreux facteurs rationnels, explicatifs
18:40 de cette différence. Le sociologue américain Warren Farrell
18:42 que cite Samy Biazony en dénombre 25,
18:44 par exemple. Pour comparer ce qui est comparable, il faut
18:46 être beaucoup plus précis et combiner les variables.
18:48 Alors, à temps de travail égal, puisque les femmes travaillent moins que les hommes,
18:50 on passe déjà à 15% d'écart.
18:52 À catégorie professionnelle et secteur d'activité égaux,
18:54 on passe à 10% d'écart.
18:56 Si on ajoute la pénibilité, la dangerosité,
18:58 la fréquence d'interruption de carrière
19:00 et certains comportements tendanciellement féminins,
19:02 le fait par exemple de moins négocier son salaire,
19:04 Samy Biazony montre des études assez intéressantes
19:06 là-dessus, on arrive à un écart
19:08 pur ou inexpliqué de 3 à 5%
19:10 selon les études.
19:12 Donc pas de complot masculiniste
19:14 dans ces chiffres tout à fait officiels qu'on retrouve
19:16 d'ailleurs dans un rapport du Sénat en 2003.
19:18 C'est 3 à 5% qu'il faudrait combler quand même.
19:20 Justement, et le danger de faire
19:22 du sensationnalisme statistique
19:24 et d'agiter des chiffres absurdes, c'est qu'on brasse
19:26 du vent justement, en restant à côté
19:28 du vrai sujet qui devrait compter d'ailleurs quand on se prétend
19:30 féministe, c'est comment donner concrètement aux femmes
19:32 la plus grande amplitude de liberté dans leur choix de carrière
19:34 professionnelle. Le reste, c'est de l'idéologie.
19:36 Vous vouliez ajouter quelque chose par rapport à Maxime ?
19:38 Non, c'est très bien résumé.
19:40 Alors, ce qui est peut-être une illustration, un exemple,
19:42 alors si on prend cette thèse
19:44 justement de la discrimination,
19:46 il est intéressant d'aller regarder des métiers
19:48 où il ne peut pas y avoir de discrimination.
19:50 Il y a une étude très célèbre aux Etats-Unis
19:52 que je cite, elle est assez détaillée,
19:54 qui porte sur les chauffeurs
19:56 VTC. Ils n'ont pas de patron
19:58 et leur revenu dépend directement du travail
20:00 qu'ils effectuent. Et sauf
20:02 à considérer qu'effectivement des clients annulent quand ils voient
20:04 un chauffeur, femme,
20:06 et l'étude ne le montre pas d'ailleurs, il n'y a pas de surannulation,
20:08 en fait,
20:10 ce qu'on constate, c'est un écart de salaire d'à peu près
20:12 10%. Alors que
20:14 là, on est à
20:16 métier égal, compétences égales, elles sont aussi
20:18 qualifiées, et donc
20:20 les chercheurs se sont intéressés finalement
20:22 à la raison de cela, ce qui était sûr,
20:24 en partant du pressuposé qu'il ne pouvait pas s'agir d'une discrimination
20:26 puisque là, pour le coup, personne ne fixait
20:28 le salaire. C'est un salaire gagné à la sueur de son front.
20:30 Et en fait, on se rendait compte qu'il y avait un certain
20:32 comportement qui était différent. Et ces comportements
20:34 peuvent être justifiés parfois.
20:36 Les femmes, en moyenne,
20:38 il faut bien comprendre, on parle de réalité statistique,
20:40 donc certaines femmes ne vont pas du tout
20:42 entrer dans ce schéma-là, et certains hommes
20:44 au contraire vont avoir des comportements
20:46 qu'on peut qualifier de plus féminins
20:48 dans leur manière de travailler. Mais
20:50 prennent des créneaux d'amplitude
20:52 horaire moindres, par exemple.
20:54 Or, chez les chauffeurs VTC,
20:56 on gagne plus lorsqu'on fait des courses à 3-4 heures
20:58 et qu'il y a moins de concurrence,
21:00 par exemple. Elles conduisent
21:02 en moyenne moins vite.
21:04 C'est tout à fait bénéfique pour la société
21:06 de conduire moins vite. Mais ça se traduit
21:08 négativement parce qu'on prend moins de courses.
21:10 Ce genre de choses. Donc vous voyez,
21:12 je le cite pour le lecteur curieux,
21:14 il faudra aller regarder,
21:16 je ne fais pas faire l'étude d'Extinso, elle est relativement longue
21:18 et compliquée, mais on peut
21:20 comprendre très simplement ce dont il s'agit.
21:22 En fait, dans ces questions, il faut vraiment
21:24 se garder du simplisme, c'est-à-dire
21:26 il y a un complot derrière, une inégalité,
21:28 et donc c'est organisé, ou alors c'est un biais inconscient
21:30 de la part des hommes vis-à-vis des femmes,
21:32 voire des femmes vis-à-vis des femmes.
21:34 En fait, tous les travaux tentent à montrer
21:36 qu'il ne s'agit pas de ça. Et ce qui est embêtant,
21:38 c'est que, et Maxime le disait bien,
21:40 lorsqu'on traite mal le sujet, on ne peut pas
21:42 le résoudre. Parce que si
21:44 on ne dit pas quels sont les critères d'écart,
21:46 à ce moment-là, comment vous pouvez
21:48 construire, établir votre action politique ?
21:50 Une action politique doit
21:52 partir d'un constat, un constat bien établi.
21:54 Si le constat départ s'il y a des discriminations,
21:56 vos mesures sont des mesures de lutte
21:58 contre les discriminations. D'ailleurs, c'est ce que fait le gouvernement.
22:00 C'est pour ça qu'il n'y a pas de résorption
22:02 des écarts salariaux, puisque ce n'est pas la bonne cause.
22:04 Pour lutter autant qu'ils veulent contre
22:06 les stéréotypes, je ne dis pas qu'il n'y en a pas.
22:08 Je dis bien que
22:10 il y a d'autres éléments qui sont
22:12 plus importants, ou aussi importants,
22:14 et donc il faut aussi les traiter, si on veut traiter
22:16 de manière holistique le problème. Et donc,
22:18 lorsqu'on décompose, et par exemple, un des facteurs
22:20 majeurs, c'est l'interruption
22:22 liée à la grossesse. Parce qu'on ne trouve pas
22:24 ces mêmes écarts entre les femmes qui,
22:26 typiquement les femmes lesbiennes
22:28 qui n'adoptent pas, et celles
22:30 qui adoptent, ou celles hétérosexuelles qui ont des
22:32 enfants. On se rend compte qu'il y a des écarts
22:34 entre, par exemple, les femmes lesbiennes aux Etats-Unis
22:36 et les femmes hétérosexuelles.
22:38 Les femmes lesbiennes, alors qu'on penserait,
22:40 selon la DOCSA, qu'elles sont victimes de discrimination,
22:42 c'est aussi la thèse qui est défendue,
22:44 puisqu'elles constituent une minorité, en réalité
22:46 elles gagnent en moyenne à peu près
22:48 10% de plus que les femmes hétérosexuelles.
22:50 Pourquoi ? Pour cette raison-là. Elles s'interrompent
22:52 moins, et aussi, il a été démontré,
22:54 par des psychologues, du travail,
22:56 qu'elles ont une attitude différente, notamment
22:58 dans la demande des promotions.
23:00 C'est lié à plein d'éléments cognitifs
23:02 très profonds. Mais voilà, il y a des choses qu'on peut
23:04 quantifier et évaluer.
23:06 C'est passionnant. Dans un instant, on va parler des chiffres
23:08 du Covid. Vous allez apprendre beaucoup de choses. Et on va
23:10 se demander aussi si on peut évaluer
23:12 les chiffres de l'immigration. Et s'il
23:14 ne fallait pas fact-checker ceux qui
23:16 prétendent être des fact-checkers. A tout de suite
23:18 sur Sud Radio.
23:20 L'heure libre,
23:22 10h11. De retour
23:24 dans l'heure libre. Aujourd'hui, on parle de statistiques,
23:26 de sondages, de mesures de l'opinion.
23:28 Et force est de constater qu'on fait
23:30 dire ce que l'on veut aux chiffres. C'est ce que l'on apprend
23:32 à la lecture du livre de notre invité
23:34 Samy Biazony, professeur à l'ESSEC
23:36 et docteur en philosophie. Et qui
23:38 est auteur de l'essai "Le Statistiquement
23:40 correct" paru aux éditions du CERF.
23:42 Nous sommes toujours en compagnie
23:44 de Maxime Lenagar, rédacteur en chef de Front Populaire,
23:46 La Reue, et du site frontpopulaire.fr.
23:48 Alors, je l'ai annoncé,
23:50 nous allons parler des chiffres du Covid.
23:52 Et là, le moins qu'on puisse dire, c'est que ces chiffres
23:54 qui ont servi de boussole
23:56 à une politique sanitaire,
23:58 étaient contestables,
24:00 Samy Biazony.
24:02 Alors oui, ils étaient contestables
24:04 à plusieurs titres.
24:06 Je vais en prendre deux.
24:08 Il faut comprendre que les chiffres du Covid
24:10 sont nécessaires.
24:12 Nous étions dans une situation
24:14 pandémique.
24:16 Par définition,
24:18 pandémie dit vaste contamination.
24:20 Qui dit vaste contamination dit
24:22 vaste volume de données, puisqu'on quantifie sur de grands
24:24 espaces. Et donc dit
24:26 méthode statistique, donc choix statistique.
24:28 Alors déjà, il y a quelque chose qu'on sait peu.
24:30 La définition du chiffre
24:32 des morts du Covid.
24:34 Quand on dit les morts du Covid, à votre avis,
24:36 qu'est-ce que ça recouvre comme réalité ? Qu'est-ce que vous imaginez ?
24:38 Qu'est-ce que vous imaginiez lorsque vous entendiez ça ?
24:40 Ou même maintenant, aujourd'hui.
24:42 Qu'est-ce que j'imaginais ? Ben peu importe.
24:44 Non, mais c'est pas une question piège.
24:46 Les gens morts du virus, est-ce que...
24:48 On imagine que ce sont les morts du virus.
24:50 Les chiffres qui sont communiqués, par exemple.
24:52 C'est pour illustrer que les choix...
24:54 J'aimerais vraiment qu'à la fin
24:56 de la lecture de ce livre, de l'écoute de cette émission,
24:58 les spectateurs, les auditeurs
25:00 puissent repartir en disant
25:02 "Je dois non pas m'effier, mais être vigilant."
25:04 Parce qu'il s'agit vraiment de ça.
25:06 Il n'y a pas forcément de tentative de manipulation.
25:08 Simplement, les personnes elles-mêmes
25:10 qui produisent ces statistiques ou qui les relaient
25:12 n'ont parfois pas conscience elles-mêmes de ce qu'elles font.
25:14 Parce que c'est complexe, parce qu'il faut prendre du temps.
25:16 Donc les chiffres qu'on nous communique,
25:18 ce sont les chiffres des morts liées au Covid.
25:20 Qu'est-ce que ça veut dire ?
25:22 Ça veut dire que si, par exemple, vous êtes mort
25:24 de ne pas avoir eu une opération de la rate
25:26 à cause du Covid,
25:28 vous rentrez dans les chiffres liés au Covid, par exemple.
25:30 Vous n'êtes pas mort du Covid.
25:32 Donc il n'y a pas de nécessité que le Covid soit l'élément
25:34 déclencheur de votre décès.
25:36 Par ailleurs, ça a été...
25:38 Je voudrais rappeler juste un exemple qui m'avait beaucoup frappé
25:40 à l'époque, c'est la mort de Rémi Julienne
25:42 dont on a dit qu'il était mort du Covid.
25:44 Paix à son âme, il avait 92 ans,
25:46 il était à sa deuxième chimio-thérapie
25:48 et c'est plutôt le cancer qui l'a emporté.
25:50 Il est mort du cancer, mais avec le Covid,
25:52 il rentre dans les chiffres des morts du Covid.
25:54 Vous voyez ? C'est intéressant.
25:56 Si je change ma définition, je change mon chiffre.
25:58 Et comme mon chiffre sert à définir
26:00 une politique publique, je change même
26:02 l'issue de ma politique publique.
26:04 Donc ça c'est vraiment intéressant, il faut l'avoir en tête.
26:06 Mais c'est un choix. Il faut simplement
26:08 le comprendre. Et il a
26:10 ses raisons.
26:12 Il y a des raisons techniques qui peuvent justifier
26:14 qu'on ait fait ce choix-là. Ça c'est une chose.
26:16 Le deuxième qui m'a particulièrement gêné et qui a été
26:18 un peu déclencheur, je fais une incise
26:20 courte dans le livre, c'est celui
26:22 de l'absence d'une variable extrêmement importante
26:24 en matière de contamination, c'est celui
26:26 du taux de positivité. Je vous donne
26:28 simplement un exemple très simple
26:30 que tout le monde va comprendre.
26:32 Les chiffres qu'on regardait, c'était des tests
26:34 positifs, parce qu'on regardait le taux de contamination.
26:36 On disait, les Français sont allés se faire tester
26:38 et puis on a par exemple 100 000 tests
26:40 positifs, 15 000 tests positifs et puis on disait
26:42 à 50 000, à ce moment-là, on va confiner
26:44 à un certain moment.
26:46 Mais simplement, ce chiffre, il est quand même un peu
26:48 compliqué parce que, imaginons,
26:50 prenons une situation théorique, en fait,
26:52 qui n'est pas si théorique, puisque je l'explique dans le livre,
26:54 elle est plus ou moins survenue.
26:56 Imaginons une population qui aurait
26:58 exactement le même nombre de personnes contaminées.
27:00 Exactement le même nombre. Donc là on a par exemple
27:02 100 000, mais on ne le sait pas.
27:04 Et la semaine suivante, toujours 100 000.
27:06 Entre le début
27:08 et la fin de semaine,
27:10 le gouvernement dit "incite tout le monde à venir
27:12 se tester". Et donc les Français
27:14 viennent se tester massivement.
27:16 Et bien vous aurez un taux
27:18 de détection deux fois plus important.
27:20 Donc vous aurez le sentiment
27:22 que votre pénétration
27:24 du virus est très importante. Alors simplement,
27:26 les gens se sont plus faits tester.
27:28 Pourquoi ? Parce que ce qu'il faut regarder, c'est le pourcentage.
27:30 C'est ramener au nombre de tests
27:32 fait, quel est le
27:34 nombre de cas positifs.
27:36 On peut rappeler qu'on pouvait être porteur du virus
27:38 sans même avoir
27:40 le symptôme.
27:42 Beaucoup ne se sont pas fait tester,
27:44 mais ça joue dans les deux sens. Donc ça c'est très
27:46 important. Et en fait la communication gouvernementale
27:48 n'a pas été très claire. Et d'ailleurs, pour preuve,
27:50 quelque chose qu'on comprend mal, mais regardez
27:52 le début de la pandémie. Si vous reprenez les chiffres,
27:54 allez sur les agences régionales de santé
27:56 ou sur CovidTracker,
27:58 et regardez la forme des courbes
28:00 du début du Covid mars.
28:02 La bosse est toute petite.
28:04 Elle est toute petite simplement parce qu'on ne testait pas
28:06 en mars. Donc on testait
28:08 quand vous arrivez à l'hôpital.
28:10 Donc c'est pour ça qu'on a l'impression qu'il n'y a pas
28:12 beaucoup de cas, alors qu'en fait il y a eu des cas,
28:14 et on ne sait pas les quantifier. Plusieurs centaines de
28:16 milliers par jour, beaucoup plus importantes que
28:18 les vagues qui ont suivi. Sauf que, comme
28:20 on ne le dit pas, les vagues qui ont suivi ont eu
28:22 l'air d'être gigantesques par rapport à la
28:24 première, qui avait déjà fait peur à tout le monde,
28:26 et qui avait amené les confinements. Or, c'était
28:28 directement lié au fait que ce chiffre n'est pas corrigé.
28:30 Il n'est pas corrigé d'un estimé. Il est donné brut.
28:32 On a testé
28:34 2000 personnes qui sont entrées à l'hôpital, le chiffre c'est 2000.
28:36 On n'a pas dit, nous faisons une estimation sur la population
28:38 puisque nous testons une personne sur un million
28:40 dans ce cas-là. Il n'a pas été
28:42 ce qu'on appelle redressé, corrigé le chiffre.
28:44 Et ça c'est intéressant par exemple, c'est une autre des subtilités
28:46 des chiffres du Covid. La dernière, peut-être
28:48 rapidement, c'est celle de l'efficacité
28:50 des vaccins. L'efficacité
28:52 des vaccins, on dit, j'ai entendu,
28:54 et c'est terrifiant d'entendre ça, le vaccin
28:56 était efficace à 95%.
28:58 Alors, dans le meilleur des cas,
29:00 contre la transmission ou contre la mortalité,
29:02 c'est-à-dire que, au moins, l'interlocuteur prend la peine
29:04 de dire contre quoi, parce que ce n'est pas tout à fait la même chose.
29:06 D'ailleurs, le vaccin n'a pas les mêmes vertus. Tous les vaccins n'avaient
29:08 pas les mêmes vertus. Certains protègent plutôt bien
29:10 de la contamination, d'autres... Alors, ils protègent toujours
29:12 des deux, dans une certaine mesure,
29:14 disons. Ils peuvent aussi avoir
29:16 des effets secondaires, c'est un autre débat.
29:18 Simplement, lorsqu'on
29:20 dit "c'est efficace à 95%", ça ne veut strictement
29:22 rien dire. Qu'est-ce que ça veut dire ?
29:24 Sauf que, c'est drôle, mais avez-vous vu
29:26 beaucoup d'interlocuteurs, beaucoup de débattants,
29:28 pendant tous ces mois de
29:30 débat de Covid, finalement dire
29:32 "mais attendez, de quoi parlez-vous ?
29:34 Personne, journalistes, citoyens,
29:36 hommes politiques, le vaccin est efficace
29:38 à 94%, ne discutons pas."
29:40 Ça ne veut rien dire, et ça ne veut rien dire, non seulement parce qu'on
29:42 ne sait pas de quoi on parle, mais en plus, on s'est rendu compte
29:44 assez vite que les vaccins, l'efficacité
29:46 des vaccins décroissait.
29:48 En fait, 95%,
29:50 ils ont 95% d'amélioration
29:52 de la mortalité sur la population
29:54 à 3 mois, mais qu'après 4 mois,
29:56 ça passe 70 à 60 ans. Qu'est-ce que ça veut dire ?
29:58 Est-ce que vous préférez un vaccin
30:00 à 100% efficace la première semaine
30:02 et à 12% efficace pour le reste,
30:04 ou un vaccin à 50% efficace pendant
30:06 10 ans ? Je ne sais pas.
30:08 C'est un choix différent de société, sauf que je n'ai jamais
30:10 entendu parler de cela sur un plateau de télévision.
30:12 Non, c'est très intéressant. Il y a un domaine aussi
30:14 où il est bien difficile d'avoir des chiffres,
30:16 c'est l'immigration, son nombre exact,
30:18 le coût et les bénéfices
30:20 de l'immigration. On en a parlé
30:22 récemment avec une étude
30:24 qui a essayé de faire le Figaro.
30:26 Peut-on réellement, Samy Biazoni,
30:28 évaluer l'immigration ?
30:30 Alors oui, vaste question.
30:32 Je m'intéresse moi au coût
30:34 ou au gain de l'immigration, économique, uniquement.
30:36 Encore une fois, ma méthodologie
30:38 repose uniquement
30:40 sur des travaux académiques
30:42 ou des travaux institutionnels. Je ne les mets
30:44 aucun avis sur aucun sujet.
30:46 Je pense que l'état de l'art
30:48 dit, en en revenant systématiquement,
30:50 que toutes les sources sont dans le livre.
30:52 Le citoyen peut aller vérifier, refaire ses calculs,
30:54 disséquer ce qui a été fait.
30:56 Puisque c'est la base, finalement.
30:58 Ce qu'on appelle la réplicabilité.
31:00 Le fait de se rendre transparent vis-à-vis d'autrui.
31:02 Sur cette question,
31:04 c'était très intéressant. Il y a eu une étude de l'OCDE
31:06 qui a été très reprise,
31:08 dont la conclusion qui a essayé d'évaluer
31:10 le coût, le bénéfice de l'immigration
31:12 au sein des pays de l'OCDE.
31:14 C'est une étude comparative,
31:16 très instructive,
31:18 qui montre la situation en Suède,
31:20 en France, en Allemagne, en Italie.
31:22 Les médias,
31:24 à la sortie le jour même,
31:26 tous les articles sont cités,
31:28 les médias ont, pour beaucoup,
31:30 repris la mesure,
31:32 les résultats, en disant
31:34 qu'une étude de l'OCDE est parue,
31:36 et elle affirme que,
31:38 dans certains cas, certains ont dit
31:40 que l'immigration ne représente pas de coût pour la société française,
31:42 ils ont même allé jusqu'à dire que c'est un bénéfice
31:44 pour la société française.
31:46 Lorsqu'on regarde l'étude,
31:48 effectivement, il est écrit,
31:50 il y a des chiffres positifs.
31:52 À un certain niveau de l'étude,
31:54 il est écrit que l'immigration
31:56 est un gain rapporté
31:58 aux prestations, c'est-à-dire, finalement,
32:00 tout ce qui vient des cotisations, du fait qu'elle est présente
32:02 sur le territoire, d'apporter de la valeur au travail,
32:04 compense quelques prestations. Mais, en fait,
32:06 il est bien écrit que ça ne concerne
32:08 que certaines prestations sociales,
32:10 mais on se rend compte de beaucoup de coûts qui sont mutualisés
32:12 dans la société, les coûts liés à la sécurité.
32:14 Par exemple, je vous donne un exemple très très net.
32:16 Méthodologiquement, l'OCDE ne savait pas,
32:18 puisque c'est très compliqué à faire,
32:20 reventiler les coûts liés à l'intégration.
32:22 C'est-à-dire, tous les dispositifs
32:24 qui sont liés au fait qu'une personne est étrangère,
32:26 ça, c'est appliqué à tous les Français.
32:28 Ce n'est pas simplement appliqué aux personnes,
32:30 si on n'est pas immigré, on ne bénéficie pas
32:32 des dispositifs liés à l'intégration des personnes immigrées.
32:34 Or, dans la méthodologie,
32:36 c'est écrit noir sur blanc, ce coût est ventilé
32:38 par la population, donc il vient être diminué.
32:40 Et, fait encore plus incroyable,
32:42 il suffit de continuer la lecture
32:44 de l'étude pour s'apercevoir
32:46 qu'il y a un tableau après qui dit
32:48 "Pour avoir une vision holistique,
32:50 il faut notamment intégrer les enfants, les immigrés, bien évidemment.
32:52 On ne peut pas considérer une personne seule.
32:54 Pourquoi il y avait ce résultat ? C'était très simple.
32:56 Beaucoup des personnes immigrées sont des personnes jeunes
32:58 qui viennent seules et donc qui arrivent, qui travaillent tout de suite.
33:00 Mais dans 30 ans, elles deviendront malades,
33:02 malheureusement, comme les Français
33:04 qui sont nés sur le territoire. Elles demanderont
33:06 des prestations, elles auront des enfants, elles coûteront
33:08 à l'éducation nationale. Donc si on prend, effectivement,
33:10 stricto sensu, une personne qui arrive et qui travaille,
33:12 oui, on peut trouver un équilibre. Mais si on considère
33:14 le phénomène globalement, non. Et l'étude le dit très clairement.
33:16 Alors, ces discussions font écho
33:18 à un vieux serpent de mer, celui des statistiques
33:20 et ethniques. On a l'habitude de dire
33:22 qu'elles sont interdites en France, mais est-ce que c'est si
33:24 vrai, Maxime Nagar ?
33:26 Les statistiques ethniques sont, en principe,
33:28 interdites en France. Un, par la loi Informatique
33:30 et Liberté de 1978, qui stipule,
33:32 je crois que c'est l'article 6,
33:34 est interdit de collecter ou de traiter des données
33:36 à caractère personnel qui font apparaître directement
33:38 ou indirectement les origines raciales ou ethniques.
33:40 Enfin, la phrase continue, mais je la coupe
33:42 momentanément. Deux, cette loi a été
33:44 enterrée en 2007 par la jurisprudence du Conseil
33:46 constitutionnel qui avait retoqué l'article 63
33:48 de la loi sur l'immigration, qui voulait modifier
33:50 la loi de 78, justement. Quel avait été le motif
33:52 du Conseil constitutionnel à l'époque ?
33:54 La violation de l'article 1 de la Constitution,
33:56 qui stipule, tout le monde la connaît, que la République, je cite,
33:58 "assure l'égalité devant la loi de toutes les situations
34:00 sans distinction d'origine, de race,
34:02 de religion." Ainsi, les données
34:04 faisant apparaître directement l'origine
34:06 ethno-raciale sont interdites, et d'ailleurs punies
34:08 de 5 ans de prison et de 300 000 euros d'amende.
34:10 Sauf que, quand on a dit ça, on n'a pas tout dit,
34:12 le cadre légal permet des dérogations,
34:14 et on le sait peu, à des fins de recherche scientifique, notamment,
34:16 et certaines données ethniques, même si
34:18 le problème, c'est que le mot "ethnique" fait débat à lui-même.
34:20 Est-ce qu'on parle du pays d'origine ou de la couleur de peau ?
34:22 C'est un peu compliqué, on se crêpe le chignon là-dessus.
34:24 Mais ces données sont autorisées,
34:26 soumises au contrôle de la CNIL,
34:28 et ça a permis, par exemple, l'existence de
34:30 grandes études, comme celle de trajectoire
34:32 et origine, une enquête conjointe entre l'INED
34:34 et l'INSEE, sur la diversité des populations
34:36 en France. Il y en a eu une en 2009,
34:38 il y en a eu une seconde en 2019. En 2020,
34:40 l'INSEE reconnaissait du reste lui-même
34:42 que, contrairement à Inidersu, je cite,
34:44 "la statistique publique produit des statistiques
34:46 ethniques." Fin de citation, c'est l'INSEE qui le dit.
34:48 En résumé, les statistiques ethniques
34:50 existent en France, mais elles sont contrôlées.
34:52 Après, c'est vrai qu'avec le recul progressif
34:54 du modèle universaliste républicain et l'archipélisation
34:56 de la société, on pourrait même parler de
34:58 communautarisme. Le sujet semble de moins
35:00 en moins tabou et on voit dans le PRC
35:02 politique, CBT-NDI notamment en 2017,
35:04 dire "ben finalement, pour lutter
35:06 contre les discriminations, pourquoi est-ce qu'on
35:08 n'autoriserait pas complètement les statistiques ethniques
35:10 sur les modèles anglo-saxons?" - Oui, on n'est pas
35:12 encore tout à fait à ce stade, en tout cas.
35:14 - Pour le moment, non. - Alors, dans un instant, on va
35:16 vous dire quelques mots sur ceux qui se présentent
35:18 comme des fact-checkers, vous savez,
35:20 les vérificateurs en vérité.
35:22 Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas
35:24 exactement glorieux. A tout de suite sur Sud Radio.
35:26 - Sud Radio,
35:28 l'heure libre, 10h11.
35:30 - De retour dans l'heure libre,
35:32 une émission conçue par Front Populaire
35:34 en partenariat avec Sud Radio.
35:36 On parle statistiques ce matin,
35:38 sondage, mesure de l'opinion, statistiques,
35:40 chiffres, on leur fait dire ce que l'on veut,
35:42 c'est un peu l'enseignement de la matinée.
35:44 On parlait à l'instant de statistiques
35:46 ethniques en France et durant la courte
35:48 pub, vous nous disiez,
35:50 Samy Biazony, que les statistiques ethniques
35:52 en France, ça commence même
35:54 à voir le jour dans les tribunaux. Il y a eu
35:56 un cas récemment, que vous citez dans votre
35:58 livre d'ailleurs. - Exactement. En fait,
36:00 il a été reconnu recevable
36:02 comme argument de défense
36:04 le fait de compter,
36:06 d'établir un phénomène de discrimination
36:08 basé
36:10 sur l'origine ethnique des individus.
36:12 C'est-à-dire qu'un tribunal, plus prosaïquement,
36:14 a accepté qu'un avocat puisse dire,
36:16 pour prouver que mon client
36:18 est victime d'une discrimination, j'ai moi-même
36:20 compté les personnes de telle origine,
36:22 les personnes de telle ethnie
36:24 et regardez, je constate,
36:26 tant de différences de salaire. Ce qui était
36:28 contestable à deux titres, méthodologiquement,
36:30 on ne fait pas des échantillons de 12 personnes,
36:32 parce qu'en l'occurrence, c'est aussi peu que ça,
36:34 et on tire des conclusions générales.
36:36 Donc la méthodologie était véritablement
36:38 en dehors de tout cadre recevable
36:40 et pourtant, le juge
36:42 a considéré que c'était recevable
36:44 et s'est prononcé sur la base
36:46 de ces éléments. Pas uniquement ces éléments,
36:48 mais a utilisé cela et ça,
36:50 montre que progressivement, effectivement,
36:52 on y vient, il y a une forme d'acceptation.
36:54 D'accord. Alors plus sérieusement,
36:56 tout ça est très sérieux,
36:58 pardonnez-moi, mais je voulais qu'on se parle
37:00 de ceux qui disent
37:02 vérifier les informations,
37:04 ces fameux "fact-checkers".
37:06 Depuis quelques années,
37:08 on voit fleurir, ici ou là, BFM,
37:10 TV, Libération, on voit
37:12 fleurir les fameuses cellules
37:14 de "fact-checking" et
37:16 on a surtout vu à quel point ça pouvait
37:18 mouliner dans le sens de l'idéologie.
37:20 Donc j'avais envie de vous poser cette question,
37:22 Samy Biazoni, est-ce qu'il faudrait
37:24 "fact-checker" les "fact-checkers" ?
37:26 C'est une très bonne question. Oui, c'est une question
37:28 que vous posez dans le livre et je connais la réponse,
37:30 mais je préfère vous la livrer à nos auditeurs.
37:32 Tout à fait. Alors déjà, il faut comprendre que
37:34 il y a
37:36 beaucoup d'appels à l'humilité dans ce livre.
37:38 Si on dit "il faut fact-checker les fact-checkers",
37:40 oui, il faudra fact-checker ceux qui fact-checkent
37:42 les fact-checkers et ça, selon
37:44 une chaîne de régression affine. Mais c'est assez
37:46 idéologique avec ce que vous dites. Vous dites
37:48 "on utilise les statistiques au service d'un propos".
37:50 Donc voilà.
37:52 On les manipule mal parce qu'on ne les maîtrise pas,
37:54 parce qu'on n'a pas pris le temps. J'explique,
37:56 il y a trois raisons pour lesquelles il existe
37:58 un misusage de la statistique. C'est
38:00 effectivement le biais idéologique, l'intérêt
38:02 personnel ou collectif, ça c'est la première raison.
38:04 C'est la négligence,
38:06 et nous sommes tous négligents dans le débat
38:08 quotidien, nous n'avons pas le temps d'aller reprendre
38:10 un corpus méthodologique de 500 pages techniques
38:12 à chaque fois. Ou d'aller reconsulter
38:14 pour être sûr des hypothèses. Donc ça,
38:16 nous sommes tous négligents, il faut l'accepter.
38:18 Et même dans notre travail, les journalistes ont le temps qu'ils ont.
38:20 Et puis l'incompétence. La statistique, c'est
38:22 compliqué. Et ça demande
38:24 un solide bagage mathématique,
38:26 une éducation à la méthode,
38:28 et donc même des personnes qui ont eu des études,
38:30 qui ont suivi des études scientifiques, peuvent
38:32 se laisser prendre en fait. Et il faut lutter contre
38:34 ses propres biais. Donc tout ça
38:36 peut expliquer que les fact-checkers ne sont pas
38:38 beaucoup mieux que les autres, ce sont des journalistes
38:40 comme les autres. - Oui, ce sont des journalistes comme les autres
38:42 qui en gros finissent par trouver ce qu'ils sont
38:44 venus chercher. - Voilà. Maintenant,
38:46 il faut quand même reconnaître que le fact-checking est une
38:48 pratique positive,
38:50 qui apporte quelque chose. Véritablement.
38:52 Il ne faut pas considérer
38:54 qu'il s'agit d'un grand complot,
38:56 que les fact-checkers sont aussi mauvais que ceux qui fact-checkent.
38:58 Non, ce n'est pas vrai. Mais on ne peut pas non plus,
39:00 comme beaucoup le pensent, considérer qu'on a
39:02 là une vérité établie. Non, ils sont soumis
39:04 aux mêmes biais que les autres. Donc c'est très intéressant
39:06 parfois, des biais de compréhension eux-mêmes.
39:08 Souvent des biais idéologiques, et pour vous en
39:10 convaincre, j'invite les lecteurs
39:12 au prochain grand débat qui agitera la société
39:14 française à regarder comment les fact-checkers des différents
39:16 services journaux fact-checkent.
39:18 Si on faisait vraiment du fact-checking,
39:20 en fait, on devrait traiter à peu près de la même chose et aboutir
39:22 à la même conclusion. Or, ce n'est pas le cas.
39:24 C'est-à-dire qu'on va souvent, ce que
39:26 utilise le premier biais, on va dire le plus connu des fact-checkers,
39:28 c'est qu'ils vont finalement fact-checker ce qui
39:30 les arrange. Donc quand un
39:32 résultat est bien établi, et ils veulent
39:34 bien insister sur le fait que ce résultat est établi,
39:36 ils fact-checkeront pour dire que c'est vrai. C'est simplement
39:38 un tampon d'authenticité sur un résultat
39:40 qui est confortable,
39:42 qui vient servir une
39:44 vision du monde et un propos politique,
39:46 parfois. Et, à l'inverse,
39:48 quand un propos devient insupportable, on trouvera l'angle
39:50 pour dire que c'est partiellement faux.
39:52 Vous savez, souvent, on voit ça. On a vrai, faux,
39:54 partiellement vrai, partiellement faux. Partiellement faux parce que
39:56 un propos peut être vrai, mais avoir
39:58 quelques angles, comme ça, mal
40:00 polis. Et souvent, les fact-checkers
40:02 qui ont cette volonté
40:04 de démontrer un propos vont attaquer
40:06 le petit morceau de raisonnement qui n'invalide pas la théorie
40:08 et dire que c'est partiellement faux. Ce qui va,
40:10 chez le public, induire la croyance
40:12 que le propos est, en fait, assez erroné
40:14 et remis à caution. Pardon.
40:16 Et donc, ça, c'est une des méthodes
40:18 par exemple qui peut être utilisée par le fact-checking
40:20 lorsqu'il a envie de s'arranger
40:22 un peu avec le réel. - Alors,
40:24 vous avez mis du temps à écrire cet ouvrage
40:26 parce que vous avez donc fact-checké
40:28 beaucoup de statistiques.
40:30 C'est un ouvrage où vous vous êtes fait aider,
40:32 peut-être aussi avec quelques
40:34 autres auteurs ou vous vous l'avez fait tout seul.
40:36 Tout seul, tout seul. - Bravo.
40:38 Parce qu'il y a tant d'études,
40:40 on voit qu'il y a du travail derrière tout ça.
40:42 - Mais ça fait plusieurs années que je m'intéresse au sujet
40:44 et donc j'avais amassé, déjà,
40:46 une quantité d'informations importantes.
40:48 - Bravo. Alors, je voudrais qu'on conclue avec
40:50 une espèce de boîte à outils
40:52 pour les auditeurs de Sud Radio et les lecteurs
40:54 de Front Populaire pour essayer d'appréhender
40:56 les chiffres et les statistiques.
40:58 Très prosaïquement,
41:00 donc reprenons,
41:02 parlons d'une étude,
41:04 celle de votre choix. Comment vous faites
41:06 pour... Quelle est la première question
41:08 que vous vous posez quand vous voulez
41:10 mettre en perspective une étude et voir
41:12 sa fiabilité ? - Alors,
41:14 la base,
41:16 moi j'en appelle à ce que j'appelle
41:18 une éthique de responsabilité statistique
41:20 en démocratie. C'est-à-dire qu'il faut qu'on se dote
41:22 si nous voulons collectivement réussir
41:24 le défi démocratique, surtout à l'ère de la donnée, des grands
41:26 volumes de données. Demain,
41:28 tout ce que j'écris là sera vrai
41:30 à une magnitude de 10, de 100,
41:32 de 1000 peut-être. Et donc, si on ne
41:34 met pas, on ne pose pas
41:36 les pierres fondatrices d'un
41:38 réveil et d'un sursaut
41:40 statistique, nous
41:42 risquons
41:44 véritablement des sorts
41:46 assez peu enviables. Donc,
41:48 pour répondre à votre question, moi lorsque je vois un chiffre,
41:50 alors déjà, ma méfiance
41:52 ou mon réflexe, c'est d'aller regarder
41:54 les notes de bas de page. Je sais que
41:56 je tiens à m'excuser auprès de... - Vous êtes un des rares à regarder
41:58 les notes de bas de page. - Et oui, et quand il n'y en a pas,
42:00 ou quand moi-même, parce que j'écris aussi, on me les
42:02 enlève, ça me chagrine beaucoup. D'ailleurs, je
42:04 lutte souvent avec les
42:06 journaux pour lesquels je contribue, ou les magazines, pour qu'on me laisse
42:08 les notes de bas de page, parce que c'est la garantie
42:10 de la traçabilité. Donc, un auteur
42:12 qui ne se rend pas traçable, c'est déjà
42:14 quelque chose de suspect. Ce qui ne veut pas dire qu'il cherche à vous duper.
42:16 Mais ces suspects, ça veut dire
42:18 que son chiffre est moins sûr que
42:20 le simple fait de donner la référence.
42:22 Ensuite, et là,
42:24 je parle effectivement des personnes qui peuvent se le permettre,
42:26 qui ont le temps, qui ont l'envie, parce que le sujet
42:28 les intéresse, mais il faut aller voir la source.
42:30 Et souvent, quand on va voir la source, il suffit
42:32 d'être relativement peu de temps, surtout lorsqu'on
42:34 commence à être éduqué en la matière, pour voir
42:36 que ce qui est présenté dans un
42:38 article, par exemple, qui est une source secondaire,
42:40 rapporté à la source primaire,
42:42 est distant d'une bonne
42:44 on va dire, amplitude d'interprétation.
42:46 Donc, il y a vraiment, il y a toujours un écart.
42:48 Et en revenir à la source primaire, c'est aussi
42:50 comprendre un peu les subtilités des choses. Donc ça,
42:52 chose très simple qui peut être faite en 5 minutes,
42:54 on voit tout de suite que la nature des arguments
42:56 n'est pas tout à fait la même, c'est pas exprimé par le premier auteur
42:58 de la même manière. Et donc, ça donne un indice
43:00 sur le biais de l'auteur dont on
43:02 est en train de regarder le chiffre. Ensuite,
43:04 il faut s'éduquer. - Deuxième
43:06 conseil, s'éduquer à la statistique.
43:08 Alors ça, c'est pas simple. - Alors déjà, en commençant
43:10 par lire le livre. - Voilà,
43:12 ça, je conseille. - Voilà.
43:14 J'essaye d'expliquer les pièges courants, les biais
43:16 dont nous souffrons tous, les raisons pour lesquelles nous avons ces biais.
43:18 J'essaye de guider le lecteur, le prendre par
43:20 la main, et puis d'entrer dans cette analyse
43:22 critique du chiffre. Donc une fois qu'on en a
43:24 la volonté et qu'on a pris un tout petit peu de temps, il faut
43:26 s'éduquer. Il faut s'éduquer à la compréhension
43:28 de ces biais. Il y a un certain nombre d'ouvrages
43:30 sur les biais cognitifs qui sont très connus,
43:32 qui permettent de prendre conscience de ces propres biais.
43:34 Il faut aussi se doter
43:36 d'un minimum de compréhension mathématique. Et là, je vais rassurer
43:38 tout le monde, il s'agit d'outils relativement simples.
43:40 Mais la plupart du grand public
43:42 ne sait pas la différence entre une moyenne et une médiane.
43:44 Si vous posez la question à des journalistes, je me suis amusé
43:46 à le faire, puisque j'ai beaucoup
43:48 de journalistes amusés dans mon entourage,
43:50 presque aucun ne savait la différence.
43:52 Et c'est pas condamnable, en réalité,
43:54 parce qu'on ne l'apprend pas, surtout
43:56 quand on fait des études littéraires, et puis la plupart
43:58 du temps, comme disait Luc Ferry, ça sert à rien
44:00 dans la vie réelle. Luc Ferry,
44:02 que je cite, se met le doigt dans l'œil,
44:04 c'est qu'il ne se rend pas compte de ce qu'il ne sait pas.
44:06 Vous savez, c'est la vieille phrase socratique.
44:08 Et en fait, il n'a
44:10 tellement pas d'appréhension de la mathématique, j'ai rien
44:12 contre Luc Ferry, mais il a déclaré
44:14 "La mathématique ne sert à rien, la preuve, j'ai dû l'utiliser
44:16 une demi-heure dans ma vie". On ne peut pas dire quelque chose comme ça.
44:18 Alors que moi, je l'utilise toujours. C'est parce qu'une fois
44:20 qu'on le maîtrise, on sait utiliser l'instrument.
44:22 Notamment là. Donc c'est prendre un peu de temps aussi,
44:24 pour ceux qui ont la chance d'avoir des enfants,
44:26 se pencher. - Replonger vous.
44:28 - Voilà. - Ne pas éviter,
44:30 ne pas sauter le sac. - C'était absolument
44:32 passionnant, cette heure passée ensemble, sur
44:34 le Statistiquement correct, c'est le
44:36 nom de votre ouvrage, de votre essai,
44:38 paru aux éditions du SER. Dans un
44:40 instant, on change de sujet,
44:42 on parle auto sur Sud Radio, avec Jean-Luc Moreau
44:44 et Laurence Perrault. Merci Samy
44:46 Viazoni d'avoir été notre invité. - Merci Stéphane.
44:48 - Et puis, il y a du rugby cet après-midi,
44:50 vous le savez, Sud Radio est LA radio
44:52 de la Coupe du Monde de Rugby.
44:54 Au programme, il y a le match Fidji-Georgie,
44:56 à ne pas rater. Enfin, rendez-vous sur les réseaux sociaux
44:58 de Sud Radio, et sur la chaîne
45:00 Youtube, pour réécouter "L'Heure Libre".
45:02 Tout de suite, on parle auto,
45:04 avec Jean-Luc Moreau et Laurence Perrault. Merci,
45:06 bonne journée.
45:08 Sud Radio, parlons vrai.

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