Retrouvez la chronique de Maxime Lledo tous les mercredis à 8h10
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00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.
00:04Maxime Liédo. Hier, nous avons, d'abord bonjour.
00:08Bonjour Jean-Jacques, bonjour à tous.
00:09Nous avons évoqué très longuement la disparition de Jean-Marie Le Pen depuis hier.
00:13Ce matin encore, vous évoquez une sensation dominante, celle d'un malaise.
00:18Mais pourquoi un malaise ?
00:19Mais parce que c'est la sensation dominante, j'ai l'impression qu'il s'est ressenti hier,
00:23sur les plateaux télé, au micro des radios, même dans les journaux, dans les commentateurs.
00:27Premier réflexe, il suffisait de regarder les chaînes d'information en continu, en boucle, depuis hier, 13h,
00:32lorsque l'AFP a annoncé, de temps en temps, en fond du moins, et on voyait la même chose,
00:37des éditions spéciales, en pleine commémoration quand même des attentats du 13 novembre 2015.
00:42Est-il bien raisonnable d'évoquer sur des plateaux saturés des mêmes spécialistes,
00:46la mort d'un personnage politique condamné notamment pour apologie de crime de guerre en 71 ?
00:50Je ne suis pas sûr, surtout quand on voit ces visages mi-horrifiés, mi-soulagés,
00:54qui tentent de commenter une carrière politique marquée par les outrances et les condamnations.
00:59J'ai eu un doute. Et puis dans les réactions politiques, le malaise est quand même rapidement devenu palpable.
01:03Si on prend par exemple les mots de François Bayrou, je vous lis,
01:06« Au-delà des polémiques, qui étaient son arme préférée, et des affrontements nécessaires sur le fond,
01:12Jean-Marie Le Pen aura été une figure de la vie politique française, on le savait, en le combattant, et quel combattant il était. »
01:18Bon alors, rien ne va dans cette phrase, François Bayrou qui aime tant vanter son choix des mots.
01:22Est-il certain que « polémique » soit le terme adéquat pour qualifier au hasard les actes de torture en Algérie
01:27dont Jean-Marie Le Pen s'était d'abord vanté dans un article de combat en 62, avant de nier dans les mémoires ?
01:32Ou même si on essaie de retracer les nombreux propos qu'il a eus, le lobby juif pour prendre les propos antisémites,
01:38la persécution systématique ou encore l'occupation allemande qui n'était pas si humiliante,
01:42sans oublier le tristement célèbre point de détail, il me semble que c'était avec vous Jean-Jacques.
01:46Là aussi je doute du qualificatif de polémique, et je vous fais grâce des nombreuses déclarations homophobes.
01:51Bref, François Bayrou, le choix des mots, on ose imaginer évidemment que ce soit uniquement pour faire un petit clin d'œil doux
01:58à Marine Le Pen avant d'entrer dans des négociations à l'Assemblée Nationale.
02:01Oui, le point de détail c'était d'abord sur RTL, et quand je l'avais eu après, et on écoutera l'extrait tout à l'heure,
02:09lorsqu'il était face à moi, il avait confirmé, il ne regrettait absolument pas d'avoir dit
02:13qu'effectivement la persécution des juifs c'était un point de détail de l'histoire de la seconde guerre mondiale.
02:23Vous parlez des réactions politiques, à gauche certaines ont fait beaucoup réagir aussi.
02:27Oui, et là elles sont aussi surprenantes, dans le camp opposé les réactions m'ont prêté clairement un sourire cynique,
02:32par exemple vous prenez le député à l'Effit de Lessonne, Antoine Léaument, qui était d'ailleurs votre invité hier Jean-Jacques,
02:37il s'est exclamé « Jean-Marie Le Pen est mort, pas ses idées, le combat continue jusqu'à la victoire ».
02:42Étrange lapsus ou étrange lecture sur moi curieux, parce qu'à la première lecture on comprend quoi ?
02:47On comprend que c'est le combat, non pas contre, mais pour Jean-Marie Le Pen qui doit se poursuivre,
02:51et ce choix des mots illustre quand même un malaise profond, plantu qu'était votre invité tout à l'heure vers 7h,
02:56l'a dessiné très clairement avant qu'on n'identifie pleinement le rejet, l'antisémitisme, l'excès populiste,
03:01autrefois l'apanage de l'extrême droite, trouve visiblement aujourd'hui un terrain très fertile à l'extrême gauche.
03:06Et vous affirmez que ce malaise est si palpable parce qu'il n'a jamais été battu dans les urnes ?
03:11Je ne l'explique pas autrement, le « ménire » comme on le surnommait continue à déranger,
03:15parce qu'en réalité personne n'a su endiguer la propagation de ses idées.
03:18Celui qui se qualifiait au second tour en 2002 est aujourd'hui l'ombre,
03:22mais de rien est l'ombre qui plane sur un parti qui rafle haut la main toutes les dernières échéances électorales.
03:27La question n'est plus en réalité de savoir si le Rassemblement National sera au second tour,
03:32mais de combien l'écart se réduira avec le vainqueur,
03:34la fameuse « lepénisation » des esprits a supplanté, rappelez-vous,
03:38le rire méprisant d'une gauche aveugle incarnée dans cet archive,
03:41où Lionel Jospin écartait d'un éclat de rire l'idée même d'une qualification de Le Pen en 2002.
03:46Un rire si frappant qu'il nous rappelle finalement cette gauche qui n'a pas voulu voir l'ascension d'un parti,
03:51qu'elle a pourtant contribué à nourrir, souvenons-nous de Mitterrand,
03:55comme le rappelle Roland Dumas dans une archive,
03:57qui a, dit-il, aidé Le Pen d'une tactique pour diviser la droite.
04:00La droite avait bien joué mine de rien le parti communiste pour diviser la gauche,
04:04mais cette gauche, mine de rien, à force de se concentrer sur le sociétal,
04:07a laissé le monopole du social à l'extrême droite.
04:09Tout à l'heure, Jean-François le disait, la victoire en 2002 qu'il détie à tous les exclus.
04:15Selon un récent sondage, 52% des ouvriers votent désormais pour le RN.
04:19Une gauche à contre-courant, surtout ces dernières années,
04:22qui a poussé ses électeurs dans les bras du RN en abandonnant les batailles sociales,
04:28vous le disiez tout à l'heure Jean-Jacques, à ne pas réussir à enrayer la sensation de déclin,
04:32mais aussi en accumulant les ambiguïtés sur la laïcité, sur Charlie, sur l'insécurité,
04:37sur l'immigration, sur Gaza, vous prenez également le sujet Mayotte derrière moi.
04:41Bref, il était si pratique, en période d'élection,
04:43d'aller retrouver la vieille ombre terrifiante de Jean-Marie Le Pen.
04:47Pour finir, je citerai Philippe Meuret, journaliste, philosophe génial,
04:50qui parlait de Le Pen en ces termes.
04:51Il est la tête que revêt le réel lorsqu'on la laissait trop longtemps dehors.
04:55Le problème des anti-Le Penistes, c'est eux.
04:58Ils attendent de Le Pen qu'il les aide à vivre ou à survivre ainsi,
05:01car Le Pen, c'est toujours mieux que rien.
05:03Et ces mots résonnent forcément avec les images d'hier soir,
05:06Place de la République, qu'abordait Laurie dans son journal de 8h,
05:09des esservelets débouchant des bouteilles de champagne pour célébrer cette mort.
05:12Jean-Marie Le Pen est déjà mort et il leur manque déjà.
05:15– Je ne suis pas d'accord avec la critique du tweet de François Bayrou, le Premier ministre.
05:22Je vous rappelle qu'il y avait un étrange point commun,
05:24une sorte de lien entre Jean-Marie Le Pen et François Bayrou,
05:26ce sont tous les deux, c'était pour Jean-Marie Le Pen,
05:28des amoureux de la langue française.
05:31Le mot polémique, il faut regarder la définition,
05:33qui manifeste une attitude critique ou agressive,
05:36polémique, débat, souvent par écrit, vif ou agressif.
05:40Donc en fait, oui, il y avait des polémiques,
05:43elles étaient violentes avec Jean-Marie Le Pen,
05:44et oui, François Bayrou a raison de le ramener à ce qu'il aura été
05:48un personnage de l'histoire récente, un polémiste,
05:51mais de l'histoire récente de la Ve République.
05:54Ce que dit le tweet de François Bayrou,
05:55et oui, c'est vrai qu'il regarde vers les électeurs de Marine Le Pen,
05:59c'est vrai, mais le fond, le fond du problème est là,
06:01c'est que François Bayrou ménage le RN.
06:04– Ce qu'on reproche aujourd'hui aux hommes politiques de la classe traditionnelle,
06:08c'est de tourner le dos aux 11 millions d'électeurs de Marine Le Pen
06:10ou d'un législatif, pour une fois, si quelqu'un leur parle,
06:13peut-être on pourrait éviter de le lui reprocher à l'envers.
06:16– Ce n'est pas au niveau d'un Premier ministre,
06:19bien sûr qu'il fait ça pour obtenir la clémence d'une Marine Le Pen
06:22qui devra guider ses troupes.
06:25– Vous avez préféré la sobriété du communiqué de l'Élysée ?
06:29– Clairement, je préfère la sobriété.
06:32– Qui est sur la même ligne finalement,
06:35de ramener Jean-Paul Le Pen à une page dix de l'histoire de la cinquième.
06:39– On ne peut pas seulement qualifier Jean-Marie Le Pen
06:40du sort d'Éric Zemmour du passé, il a eu plus que des propos,
06:44je crois que c'est plus de 20 condamnations pour des faits.
06:46– On va y revenir, c'est rappelé à juste titre, on est là pour ça.
06:50– Les condamnations, vous vous rappelez les condamnations
06:52quand on est Premier ministre,
06:53vous faites un effort quand même de rappeler ce qu'était Jean-Marie Le Pen,
06:56et non pas uniquement de l'adoucir dans un but électoraliste.
07:00– Bien, il est 8h20, à tout de suite, vous êtes sur Sud Radio,
07:03Louis Alliot sera mon invité, 8h30, 9h.