Parlons Vrai chez Bourdin avec Véronique Reille-Soult, présidente du cabinet Backbone Consulting, maître de conférences à Sciences Po Paris et auteure de “L’Ultime pouvoir : La vérité sur l’impact des réseaux sociaux” (Éditions du Cerf).
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##SAVOIR_ET_COMPRENDRE-2023-07-04##
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00:00 les réseaux sociaux. Parlons-en avec Véronique Reys-Soul. Bonjour.
00:04 - Bonjour. - Merci d'être avec nous. Vous êtes présidente du cabinet Backbone Consulting, maître de conférence à Science Po Paris, et auteur de
00:12 "L'ultime pouvoir, la vérité sur l'impact des réseaux sociaux".
00:15 On parle évidemment, on a beaucoup beaucoup beaucoup parlé des réseaux sociaux à l'occasion de ces émeutes.
00:22 Les deux principaux utilisés, Snapchat et Telegram, c'est cela ?
00:27 Oui, en tout cas par les dix émeutiers, c'est effectivement les deux réseaux sociaux, parce qu'on peut dire que Telegram est un réseau social.
00:35 Ce sont les deux les plus utilisés, oui.
00:37 Oui, les deux les plus utilisés. Alors Snapchat, expliquez, parce que beaucoup ne savent pas ce qu'est Snapchat.
00:45 Snapchat, c'est un réseau social, vraiment un réseau social, plutôt utilisé par les jeunes.
00:51 Pour vous donner une idée quand même du volume, c'est 20 millions d'utilisateurs quotidiens, donc c'est pas rien.
00:57 Et d'ailleurs Snapchat, les Français sont particulièrement, les jeunes Français sont particulièrement attirés par ce réseau social,
01:03 parce que dans le monde, si vous regardez les pays les plus utilisateurs, vous avez en premier l'Inde, en deuxième les Etats-Unis,
01:10 en troisième le Pakistan et en quatrième la France. Donc c'est pour vous dire que c'est un sujet vraiment important en France.
01:16 C'est américain à l'origine Snapchat ?
01:18 Oui, c'est américain et l'idée à la base c'est des petits messages éphémères.
01:24 Donc vous laissez un message et il va disparaître, donc l'idée c'est d'arriver à le capter.
01:28 Et puis l'autre chose aussi, votre fonctionnalité, c'est la notion de map, donc de carte et de géolocalisation.
01:34 C'est inhérent à Snapchat, quand vous vous mettez dessus, vous savez où sont vos amis, vous pouvez les retrouver, partager des moments à plusieurs.
01:42 Voilà, voilà, voilà. On sait sur la carte où sont ses amis à l'instant T, évidemment.
01:49 Bien, Telegram, c'est autre chose, tout autre chose, c'est presque un média, Telegram.
01:56 Alors Telegram, c'est une messagerie privée, mais Telegram est signal.
02:00 Telegram c'est très particulier parce qu'effectivement vous pouvez discuter à plusieurs sur un fil de façon privée,
02:06 mais vous avez de plus en plus de discussions publiques, donc ça ressemble plus à un média comme vous le dites, justement.
02:11 Et là où c'est très particulier, c'est qu'ils commencent à développer des fonctionnalités qui ressemblent un peu à des fonctionnalités d'un réseau social.
02:18 C'est-à-dire que vous avez aujourd'hui une réalité de nouvelles fonctionnalités,
02:23 vous avez ce qu'on appelle les fonctions freemium, c'est-à-dire qu'il y a une partie gratuite et des parties payantes maintenant,
02:31 vous avez aussi de la publicité, donc en fait ça commence à devenir un réseau social à part entière.
02:36 - Oui, et il est facile de se créer un compte et de dialoguer avec d'autres utilisateurs.
02:42 - Oui, oui. - On partage une image, on partage un propos, c'est cela.
02:48 - On diffuse des vidéos. - Oui, et vous le faites de façon privée,
02:53 et là où c'est un peu différent, c'est que autant sur d'autres réseaux sociaux, ce qui compte c'est le nombre de personnes que vous avez,
02:59 donc votre image et votre popularité. Sur Telegram, vous n'avez pas cette fonction-là, c'est juste vous discuter avec des gens,
03:05 on ne sait pas combien de personnes vous suivent ou à combien de personnes vous êtes reliés.
03:09 Donc c'est vraiment vous partagez des informations, soit en privé, soit en public,
03:13 mais vous les partagez et on ne vous juge pas sur le nombre de personnes qui vous suivent.
03:17 - Alors, c'est une messagerie cryptée, Telegram.
03:22 Ça veut dire que l'ordre des émeutes a été très utilisé par les jeunes, par les manifestants,
03:29 pour organiser les manifestations, pour partager les pillages, peut-être parfois pour localiser des policiers,
03:37 et même parfois, ça a été vu là ces derniers jours, pour publier les données personnelles
03:45 de personnes que l'on veut montrer du doigt.
03:48 - Effectivement, parce que Telegram étant une messagerie privée et cryptée,
03:52 si vous restez sur des boucles privées, je ne parle pas des boucles publiques,
03:56 sur des boucles privées, ça revient à dire qu'on viendrait écouter votre conversation en privé,
04:02 ce qui est quand même compliqué, donc c'était plus sécurisant pour eux
04:06 de partager des informations qui pouvaient être compromettantes et qui ne pouvaient pas partager sur les réseaux sociaux plus ouverts.
04:11 - Évidemment. Comment faire ? Pas de censure sur Telegram.
04:16 Comment faire pour mieux gérer et essayer de, pas de contrôler, mais de savoir exactement ce qui se dit sur Telegram ?
04:25 - Alors, Telegram, pas de censure, pas de censure sur Signal, ça c'est sûr,
04:29 sur Telegram, ça commence à devenir un sujet, puisqu'ils ont envie de devenir un réseau social à part entière,
04:35 donc il faut qu'ils arrivent à trouver un équilibre entre modération et liberté,
04:39 donc c'est pas si simple que ça, parce qu'ils ont un sujet de réputation,
04:43 si vous voulez faire de la publicité, il faut qu'il y ait une réputation qui soit quand même plutôt bonne,
04:48 mais donc on peut dire que si ce sont des conversations publiques, ça peut être modéré, d'une façon ou d'une autre,
04:54 d'ailleurs ça l'avait été il y a fort longtemps à propos de conversations sur l'État islamique,
04:58 en revanche, sur le privé, c'est très compliqué, il faut trouver le bon équilibre,
05:02 et on va dire que quand c'est une injonction ou une demande de la police, peut-être que...
05:08 ou des tribunaux, on peut faire quelque chose, mais c'est très compliqué en réalité de se dire qu'on va s'immiscer dans des conversations privées,
05:18 les gens ont le droit de dire ce qu'ils ont envie de dire entre eux.
05:22 - Bien sûr, bien sûr. C'est une messagerie très utilisée, Telegram ?
05:28 - Alors Telegram a connu un certain regain au moment où il y a eu des polémiques autour de WhatsApp,
05:34 c'est une messagerie qui appartient à deux frères russes qui sont créateurs de V-Contact qui est le Facebook russe,
05:41 ils sont exilés de Russie parce qu'ils ont refusé de donner des informations justement au gouvernement russe à un moment donné,
05:47 donc ce sont aujourd'hui des dissidents, mais c'est une messagerie qui, ayant beaucoup grossi,
05:54 les frais d'infrastructure deviennent de plus en plus lourds, donc ça coûte de plus en plus cher,
05:59 donc au début c'était financé par la fortune des fondateurs, aujourd'hui il y a une logique de levée de fonds,
06:05 il y a une logique de financement, donc de publicité, donc on rentre dans un monde qu'on connaît mieux,
06:09 qui est celui du monde mercantile et de la réalité de...
06:12 - Et avec le monde mercantile il y aura plus de contrôles évidemment.
06:15 - Forcément, il n'y a pas de casse-sources. - Forcément, d'auto-censure même.
06:19 - D'auto-censure en tout cas sur les fils publics, parce qu'on sait qu'on va commencer à être écoutés,
06:23 donc on fera plus attention, mais il y a quand même ce sentiment un peu d'impunité quand vous êtes sur un fil privé Télégram,
06:30 ce qui fait qu'effectivement certains vont jusqu'à partager des adresses ou faire des choses qui sont parfaitement illégales.
06:35 - Oui, évidemment. Merci beaucoup Véronique Reissoud, merci pour ces précisions,
06:40 je rappelle le titre de votre livre "La vérité sur l'impact des réseaux sociaux aux éditions du CERF".