Cette semaine, le 9h10 de Sonia Devillers revient sur les 40 ans de la découverte du VIH. Notre première invitée est la Prix Nobel de médecine en 2008, Françoise Barré-Sinoussi. Elle est l'une des scientifiques à l'origine de la découverte du VIH, en mai 1983.
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
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00:00 La découverte du virus du sida il y a 40 ans, série spéciale de trois interviews.
00:06 Sonia De Villers, en 1983, votre première invitée est une jeune chercheuse de l'Institut Pasteur,
00:12 sa spécialité, les rétrovirus.
00:15 Bonjour Françoise Barré-Sinoussi.
00:17 Bonjour.
00:18 Qu'est-ce que c'est qu'un rétrovirus ?
00:20 Alors le rétrovirus, on l'appelle rétro parce qu'il fait quelque chose en sens inverse
00:25 de ce que l'on connaissait autrefois, à savoir copier de l'ARN en ADN.
00:32 Alors normalement c'est l'inverse, DNA, RNA.
00:34 Alors concrètement ?
00:35 Concrètement, ça se fait grâce à un enzyme tout à fait particulier
00:40 que possède cette famille de virus et qu'on appelle la réverse, inverse, transcriptase.
00:47 Donc cette copie est nécessaire pour que ce virus, le matériel génétique de ce virus,
00:53 s'intègre, rentre dans le matériel génétique de la cellule.
00:57 Et vous allez devenir, vous, vous avez la trentaine à cette période-là,
01:02 vous allez devenir une des seules à maîtriser les techniques d'études de rétrovirus.
01:07 Une des seules, je ne dirais peut-être pas ça.
01:10 Quand même.
01:11 Il y avait à l'époque de moins en moins de chercheurs dans le monde
01:15 qui s'intéressaient à cette famille de rétrovirus.
01:19 Pourquoi ? Tout simplement, moi quand j'ai commencé au début des années 71,
01:25 c'était finalement la fin d'un grand programme rétrovirus-cancer aux États-Unis.
01:31 Et puis ont été découverts les oncogènes responsables de cancer.
01:38 Et la découverte des oncogènes a fait que les anciens rétrovirologues
01:44 se sont tous tournés vers des études sur les oncogènes
01:47 et donc il restait peu de laboratoire s'intéressant à cette famille de virus.
01:52 Qui est Willie Rosenbaum ?
01:54 Willie Rosenbaum est un clinicien.
01:58 C'est-à-dire un médecin.
02:00 Un médecin infectiologue qui a compté parmi les tout premiers médecins
02:08 à s'occuper de patients français atteints du virus, du sida.
02:13 Il se trouve que Willie Rosenbaum lit une revue américaine, la MMWR,
02:19 qu'elle tombe entre ses mains et que là, il lit une description assez vague
02:27 de symptômes, de maladies. On l'écoute.
02:30 L'après-midi j'ai une consultation et je reçois un homme
02:34 qui vient avec un ami à lui. Ils se tiennent par la main.
02:39 Ils ne se cachent pas manifestement. Ils sont très proches.
02:42 Ils ont des relations intimes.
02:44 Comme ils tous, je vais faire une radio pulmonaire et l'image que je vois
02:47 est très en faveur de ce que je savais être ou pouvoir évoquer,
02:53 ces fameuses pneumocystoses.
02:55 Donc avec deux éléments qui se rapprochent, une suspicion de pneumocystose
02:59 et le petit copain qui se contient par la main,
03:03 je me dis mais est-ce que ce n'est pas la même chose ?
03:06 Voilà les deux maladies décrites au tout début des années 80.
03:10 Françoise Barré-Sinoussi, la pneumocystose et le sarcombe de Kaposi.
03:15 Tout à fait. C'était deux grandes pathologies que l'on trouvait
03:21 chez les premiers patients identifiés porteurs d'une immunodéficience,
03:27 c'est-à-dire une perte de leur défense immunitaire.
03:30 Et donc la conséquence de cette perte de défense immunitaire
03:35 donnait lieu à l'émergence d'infections comme la pneumocystose
03:41 ou le sarcombe de Kaposi qui est un cancer, le cancer de la peau.
03:44 Pourquoi est-ce que Willie Rosenbaum vous contacte, pas vous personnellement,
03:48 mais vous l'Institut Pasteur, pourquoi est-ce qu'il a besoin de vous ?
03:52 L'Institut Pasteur, je crois quand même à une image de travailler sur les maladies infectieuses.
03:58 Donc c'était assez logique que Willie vienne à Pasteur.
04:03 Il est d'abord venu à Pasteur pour faire un séminaire à Stéphane Paulcar.
04:07 Il y avait un hôpital à l'Institut Pasteur.
04:10 Et donc il est venu faire un séminaire sur le sida à l'Institut Pasteur.
04:16 Il a fini sa présentation en faisant un appel.
04:20 Y a-t-il un rétro-virologiste dans la salle ?
04:24 Et bien il n'y en avait pas, bien évidemment, parce que ces séminaires...
04:28 Mais il a déjà l'intuition du rétro-virus ?
04:31 Alors, il n'a pas seul. Il y avait un groupe de travail qui s'était formé,
04:37 qui réunissait quelques cliniciens français et virologues hospitaliers français,
04:43 immunologistes cliniques aussi, qui se réunissaient, qui commençaient à réfléchir ensemble.
04:50 Et donc ils avaient l'hypothèse qu'un rétro-virus pourrait peut-être être la cause de cette maladie émergente.
04:58 Pourquoi ? Parce que tous les autres virus humains connus à l'époque
05:04 avaient été étudiés comme agents potentiels de cette nouvelle maladie.
05:10 Et aucun ne répondait aux critères.
05:12 C'est ça, donc ils avaient été éliminés, toutes ces hypothèses avaient été éliminées au fur et à mesure.
05:16 Sauf une, l'hypothèse de rétro-virus, et en particulier l'hypothèse du seul rétro-virus humain connu à l'époque,
05:24 HTLV, Human T-Cell Leukemia Virus, qui était un virus associé responsable de l'euthémie des lymphocytes T chez l'adulte.
05:35 Et donc ils avaient cette idée que peut-être HTLV pouvait être la cause du sida.
05:41 Et c'est comme ça qu'ils sont venus nous voir, parce que revenant de son séminaire à Pasteur,
05:46 Willy Rosenbaum, un peu triste, en a parlé à une virologiste hospitalière, Françoise Brun-Vézinet,
05:54 qui lui a répondu "mais attends Willy, moi j'ai suivi les cours Pasteur, je me souviens qu'en rétro-virologie,
06:02 il y avait Luc Montagné, Jean-Claude Scherman et puis une petite jeune qui faisait les travaux pratiques sur les rétro-virus,
06:10 qui était moi, et elle lui a dit "si tu veux, je peux essayer de les appeler". Et voilà comment les choses se sont faites.
06:18 Alors Luc Montagné, quelques années après, qui revient sur la spécificité du savoir-faire de l'Institut Pasteur.
06:25 On était bien rodés, j'avais réuni une petite équipe depuis la fin des années 70 pour chercher ce type de virus dans les cancers.
06:33 Justement ce qui m'intéressait c'est de voir l'origine virale de certains cancers humains,
06:38 et donc nous avions une technique parfaitement rodée pour chercher ce type de virus et l'adapter très vite,
06:43 passer du jour au lendemain au virus du sida. On avait des globules blancs de patients,
06:48 il suffisait que ces patients soient disponibles, et là il y a aussi effectivement des périodes de chance, des occasions.
06:55 Il y a d'une part la pression de l'application, ça c'est important parce que c'est dans la lignée exacte de ce que faisait Pasteur.
07:02 Qu'est-ce qui est extrêmement difficile ? Qu'est-ce qui rend ce virus difficile à identifier ? C'est quoi la difficulté pour vous ?
07:11 Moi je ne dirais pas que le virus a été difficile à identifier puisque ça a été très très vite.
07:16 En fait, la réunion que nous avons eue avec Willy Rosenblum et Françoise Brindvis-Guinness s'est faite juste avant Noël 1982,
07:26 le premier échantillon après la décision de travailler sur un ganglion, sur les cellules d'un ganglion.
07:34 Alors justement, il faut prendre la décision de travailler sur des cellules ganglionnaires et non pas sur des prélèvements d'un malade à un stade avancé de la maladie.
07:43 C'est ça qui est intéressant comme décision.
07:45 Tout à fait, parce que comme nos collègues cliniciens nous ont dit qu'il n'y avait plus de lymphocytes en fin de maladie,
07:51 ce n'était certainement pas le bon moment pour aller essayer de rechercher un virus.
07:57 D'où l'idée, lorsque Willy Rosenblum nous a dit "mais avant de développer la forme finale de la maladie, ils ont des ganglions généralisés".
08:08 Et là, notre réaction, ça a été de dire "attendez, s'il y a des ganglions généralisés, le virus en question,
08:16 si virus il y a, il doit être dans ces ganglions". D'où l'idée de mettre en culture les cellules du ganglion.
08:23 Ce qui a été fait début janvier 1983 et quelques semaines plus tard, vers le 14 janvier et confirmé vers le 20 et quelques janvier,
08:36 il y avait les premiers signes d'un virus en culture.
08:39 C'est ça, il y avait la fameuse transcriptase inverse.
08:43 L'activité de cet enzyme, oui, en culture.
08:45 C'est ça, que vous observez de vos propres yeux, François Zbarré-Sinoussi, dans un moment historique.
08:53 Bah oui, c'est un moment historique.
08:55 Je ne sais pas si c'est historique, en tous les cas, c'était la première détection.
08:59 Maintenant, ça ne montrait pas encore que le virus était la cause de la maladie.
09:03 On va y venir. Qui est Charles Dauguet, l'homme au microscope d'or ?
09:07 Charles Dauguet, qu'on appelait Charlie, était responsable, ingénieur responsable de la microscopie électronique du département de virologie de l'Institut Pasteur.
09:20 C'est bien évidemment à Charlie Dauguet qu'on a confié la culture qui avait une activité reverse transcriptase,
09:28 en lui disant "Charlie, il doit y avoir un rétrovirus là-dedans, il faut absolument que tu nous l'observes sous ton microstope".
09:36 Et c'est ce qu'il a fait.
09:38 Alors c'est lui qui va réaliser la première photo du VIH, le 4 février 1983.
09:43 J'ai lu une interview de lui qui raconte comment à 17h45, en fin d'après-midi,
09:49 alors que je laissais le microscope électronique refroidir avant de l'éteindre, il avait très mal aux yeux,
09:55 il ne lâchait plus le microscope, j'ai vu le virus sous l'écran, j'ai couru hors du laboratoire en criant "je l'ai, je l'ai".
10:03 Et on a aussi les carnets du professeur Montagné qui a marqué "enfin" avec un point d'exclamation.
10:08 Il est 9h19, vous écoutez France Inter.
10:11 Françoise Barré-Sinoussi, co-récipandière, c'est comme ça qu'on dit,
10:16 du prix Nobel de médecine en 2008 pour avoir découvert ce virus à l'origine de la maladie du sida,
10:22 qui fera par la suite 40 millions de morts.
10:26 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
10:32 En fait, la maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
10:38 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
10:44 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
10:49 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
10:55 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
11:00 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
11:05 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
11:10 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
11:15 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
11:20 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
11:25 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
11:30 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
11:35 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
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11:55 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
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12:15 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
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12:25 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
12:30 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
12:35 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
12:40 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
12:45 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
12:50 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
12:55 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
13:02 La maladie du sida est une maladie qui se produit lorsque l'on ne peut pas s'occuper du corps.
13:09 Trois jours pour revivre l'année 1983, cette année charnière au cours de laquelle, au mois de mai précisément,
13:15 a été identifié le virus à l'origine du sida.
13:19 Voici une prix Nobel de médecine au micro de cette interview, Françoise Barré-Sinoussi,
13:25 qui se replonge avec nous dans cette époque.
13:28 Vous allez très rapidement publier un article déterminant, l'article de la revue Science,
13:34 la grande revue scientifique qui fait autorité.
13:37 Comment est reçu cet article à l'époque ?
13:41 Les avis étaient partagés.
13:44 Il y avait des réactions qui étaient plutôt favorables et d'autres qui disaient
13:51 « il y a peut-être un biais, il faut attendre que ce soit confirmé,
13:56 ce n'est pas sûr que ce soit réellement un rétrovirus ».
14:00 Il y avait tout un tas de critiques.
14:03 Et puis la critique majeure, ce n'est pas sûr que ce virus soit responsable,
14:09 que la gent qui soit responsable de la maladie sida a proprement parlé.
14:13 Pourquoi on appelle le sida le sida ?
14:15 Je dirais le sida avant la publication de Science depuis 18 mois, en mai 1983.
14:23 On parle du sida et plus de la fameuse maladie des 4 H.
14:26 La maladie des 4 H, qui étaient les homosexuels, les héroïnomanes, hémophiles et haïtiens.
14:35 C'est ça. Pourquoi les haïtiens ?
14:37 C'était totalement aberrant parce que la maladie avait été trouvée chez des personnes vivant à Haïti
14:45 ou d'originaire d'Haïti.
14:47 Et donc c'était totalement aberrant parce qu'on avait exclu les hétérosexuels
14:53 alors que maintenant on sait très bien que c'est une maladie qui affecte tout le monde.
14:58 Et puis pourquoi les haïtiens, comme vous dites ?
15:01 Et pourquoi pas d'autres, notamment les Africains, qui étaient fortement touchés ?
15:06 On s'en est aperçu que beaucoup plus tard.
15:08 Alors on ne parle pas encore de pandémie ?
15:10 Non, on ne parle pas encore de pandémie.
15:13 Dans un pays comme la France, il y avait une cinquantaine de cas identifiés.
15:19 Et on ne voyait pas encore l'amplitude justement de ce qui se passait au niveau mondial,
15:28 en particulier sur le continent africain.
15:31 Et là, on s'en est aperçu, je dirais fin 1984, début 1985.
15:36 Écoute de Robert Gallo, le chercheur américain,
15:41 qui en même temps que vous travaille sur les mêmes sujets et identifie un virus.
15:46 Et il y a une période de confusion.
15:48 On se demande si vous avez chacun identifié, le laboratoire français et le laboratoire américain,
15:53 deux virus différents ou bien le même.
15:56 Alors en fait, on a été très, très rapidement en relation avec Bob Gallo et avec son équipe.
16:03 Puisque dès qu'on a isolé le virus en culture,
16:07 la question se posait de savoir sa relation avec le virus HTLV-1
16:13 que son équipe avait identifié en 1980.
16:18 Donc on l'a contacté nous-mêmes pour lui demander de nous envoyer des réactifs HTLV-1
16:25 pour pouvoir voir si les réactifs qu'il nous envoyait réagissaient sur le virus qu'on venait d'isoler.
16:32 Et donc, les résultats étaient négatifs.
16:36 Aucune réaction avec les réactifs qu'il nous a envoyés.
16:39 Mais lui, en parallèle, il nous a dit "je suis en train de travailler aussi à la recherche de l'agent responsable
16:46 et je pense que c'est un HTLV".
16:48 Et donc, dans la publication de Science du 20 mai 1983,
16:54 il y a deux publications.
16:56 Une publication, celle de l'équipe de Bob Gallo sur HTLV, agent responsable du SIDA,
17:03 et la nôtre sur un virus que nous appelions pas encore HIV à l'époque,
17:09 mais l'Infadenopathy Associated Virus.
17:12 Donc l'AV.
17:13 Voilà, l'AV, parce qu'il avait été isolé chez une personne avec des ganglions généralisés
17:19 et parce qu'on n'avait pas encore la preuve définitive que c'était l'agent responsable du SIDA.
17:23 Alors, à partir de quand comprend-on que les Américains et les Français travaillent sur le même virus ?
17:29 À partir de quand comprend-on que le virus que vous avez identifié, François Asbarré,
17:34 est bien le virus à l'origine de la maladie ?
17:36 Alors, pour nous, dès la fin 1983, on avait toutes les évidences que le virus était responsable du SIDA,
17:44 puisqu'on a accumulé des données en isolant des virus identiques à celui qu'on avait isolé chez les patients atteints de SIDA à proprement parler,
17:57 qu'on avait commencé à mettre en place des tests de diagnostic, certes des tests maison,
18:04 pour montrer que seulement les patients qui avaient un SIDA avaient des anticorps contre le virus qu'on avait isolé
18:12 et pas d'autres patients atteints d'autres maladies.
18:15 Donc, on avait commencé à accumuler quand même beaucoup de données pour nous dire fin 1983,
18:21 et ça a été publié plus tôt en 1984, que l'agent était responsable du SIDA à proprement parler.
18:28 Et puis, il a fallu attendre mai 1984, je dirais, avec une autre publication de l'équipe de Bob Gallo,
18:37 annonçant cette fois-ci l'identification d'un autre virus responsable du SIDA appelé par l'équipe de Bob Gallo, HtLV3.
18:47 Et le début ensuite de données comparées à HtLV3 et le LAV, montrant que les deux virus étaient proches.
18:59 Proches, proches, proches.
19:01 Un dernier mot sur vous, Françoise Barré-Sinoussi.
19:04 Vous avez donc une trentaine d'années, vous devenez un pilier, évidemment, de cette équipe qui devient au cœur des préoccupations mondiales,
19:12 même si on ne parle pas encore de pandémie.
19:14 Le monde entier a les yeux tournés vers l'Institut Pasteur.
19:17 Ça devient… enfin, 1983 c'est aussi un tournant dans votre vie personnelle à vous ?
19:22 Complètement.
19:23 Complètement ?
19:24 Complètement.
19:25 Moi je dis souvent que j'ai ma vie avant 1983, après 1983 et ma vie aussi après 2008, après l'annonce du prix Nobel.
19:36 Donc c'est sûr que 1983 a été un tournant où il fallait aller vite, il fallait aller vite,
19:44 il fallait mobiliser d'autres équipes à venir travailler dessus.
19:47 Donc c'est un total de soi à la recherche ?
19:52 Oui, c'est ça.
19:53 Tout à fait.
19:54 Merci beaucoup Françoise Barré-Sinoussi.
19:57 Merci d'avoir été la première invitée de cette série de trois interviews sur l'année 1983.
20:02 Demain vous entendrez Bernard Bousset, il a 81 ans et il nous fera revivre ce qu'a été cette année 1983 au cœur de la communauté gay.
20:10 Merci Sonia. Totemic, Rebecca Manzoni, à suivre.