Depuis l’antiquité, on se déguise, on transgresse. J’ai invité la reine de la transgression, Jenny Bel’Air. Il y a 45 ans, ouvrait une boite de nuit, le Palace. Elle en a été la gardienne. Un quinquennat dans les annales de la nuit parisienne. Et puis, vint 1983, le sida. Vie et mort du Palace.
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
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00:00 Nia de Villers, nous sommes à la charnière des années 70 et 80.
00:04 Votre invité est alors Physio au Palace.
00:07 Bonjour Jenny Bélair.
00:09 Bonsoir, oh pardon !
00:11 (Rires)
00:13 Et ben ça commence bien !
00:15 (Rires)
00:17 Réveiller à une heure pareil, non pas !
00:19 C'est ça, c'est une honte.
00:21 Le Physio, c'est le personnage redoutable qui à l'entrée du Palace dit « Toi oui, toi non, toi dégage ».
00:28 Vous vous étiez déjà fait refouler d'une boîte de nuit avant d'en tenir l'entrée ?
00:32 On se croit qu'on se fait refouler partout, on se croit que...
00:37 Oui, ça m'est arrivé, mais étant minots, oui, ouf, des créatures comme ça, on faisait pas rentrer, mais pas dans la nuit, c'est un autre contexte.
00:52 En revanche, j'aimerais préciser d'abord que je vous avais dit que je vous allais dédier cette interview pour la disparition de Lucas,
01:03 qui a été harcelé et bref...
01:09 Lucas avait 13 ans.
01:11 Il avait 13 ans, il a beaucoup marqué.
01:12 Et il y a un mois, il s'est pendu.
01:13 Il s'est pendu, donc il y a encore du travail à faire, il y a encore du boulot.
01:18 C'est insupportable, inattenable pour les parents et pour la cause et pour ses frères et soeurs.
01:25 Et le harcèlement dont souffrait Lucas, parce que Jenny, vous ne le dites pas, mais c'était un harcèlement homophobe.
01:32 Homophobe, mais c'est ça, j'allais venir.
01:34 Homophobe, donc, on dit que tout est déjà intégré, tout est bon.
01:39 Non, non, non, pour moi, non, il y a beaucoup de travail à faire parce qu'il y a encore cette espèce de mépris, de moquerie.
01:48 Ce n'est pas facile et c'est un martyr et je tiens à lui rendre hommage.
01:53 Et c'est un martyr que vous avez subi, Jenny ?
01:56 J'ai dû, par la couleur de peau, peut-être par la façon de vivre à l'envers des choses.
02:05 Parce que vous êtes antillaise ?
02:07 Oui, d'origine guyanaise, maman était marron boni, papa était bien d'origine du nord, blond, bleu, jangaré, coupeur, très bien.
02:20 Très bien, bel homme.
02:22 Oui, ça a donné une terre cuite.
02:25 C'est ça, ça a donné une peau métisse, ça a donné un homme qui s'est fabriqué un personnage, une identité,
02:38 ça a donné ce que François Jonquet a appelé très tôt à une époque où on n'utilisait pas ce mot, une créature.
02:45 Oui, créature. Alors bon, le venant de créature, c'est quand même quelque chose pour la bourgeoisie ou pour d'autres,
02:54 ou pour le peuple de l'époque. Peuple, c'est un mot un peu facile.
02:59 Une chose bizarre, contre nature, une créature, enfin, ce serait un peu comme si...
03:09 C'est un terme qui était déjà insupportable à entendre, créature, mais à la fois c'était donc...
03:17 Créature, c'était généreux, c'était une façon de ne pas enfermer quelqu'un et de ne pas lui coller l'étiquette absolument du travesti, de la drag queen, du transsexuel,
03:29 ou c'était une manière de désigner quelqu'un comme étant en dehors.
03:34 Oui, différent, qui n'appartient pas à la société. Qu'est-ce que c'est que cet engin ? Qu'est-ce que c'est que ce truc ?
03:44 Cette chose, bon, c'est la rengaine habituelle, mais vous parlez de physiologues, de physionomistes.
03:50 Disons que j'étais pris en extra, on en reparlera, rendons hommage à Edwige, rendons hommage à Jean-Louis Georges,
04:00 rendons hommage à tous les physios qui sont venus au Palas.
04:04 Rendons hommage d'abord à Fabrice Emmer et parlons à tous les minots, ma génération et celles qui viennent après,
04:10 qui ne savent pas ce que c'est que le Palas. On l'écoute Fabrice Emmer.
04:14 Les gens qui viennent au Palas c'est tout le monde, parce que je tiens beaucoup à ce que ce soit tout le monde.
04:21 Parce qu'on ne demande pas le curriculum vitae des gens à l'entrée d'un théâtre, et parce qu'un théâtre doit être un lieu libre.
04:28 Donc le Palas est un symbole de liberté.
04:32 Le Palas a ouvert le 1er mars 1978, ça fait pile 45 ans que j'y ai été.
04:39 Fabrice Emmer rénove à grands frais un théâtre.
04:43 Et ça compte beaucoup que cette boîte de nuit soit un ancien théâtre, parce que c'est un endroit où on joue,
04:49 où on se masque et où on se démasque.
04:52 Enfin on vient de tout horizon social, de province ou d'ailleurs, pour d'abord dans ce lieu,
05:00 enfin se libérer de sa sexualité. Enfin pouvoir assumer d'être gay,
05:08 assumer de mettre une robe, assumer d'être ce qu'on a envie d'être.
05:12 Il faut être martyrisé ou jeté de sa famille, de sa province,
05:17 par des familles qui ne l'autorisaient pas, enfin qui ne pouvaient pas supporter ce genre de choses.
05:23 Donc le Palas...
05:25 - Je rappelle Jenny, je rappelle pour ceux qui n'ont pas connu cette époque,
05:28 que quand le Palas ouvre en 1978, l'homosexualité n'a pas été dépénalisée en France.
05:34 - Bien sûr, bien sûr. - C'est encore un crime.
05:36 - Les petites boîtes de l'époque étaient, on avait le droit à 3h du matin avec la police qui venait,
05:42 avec la lumière obligée, tout le monde était fiché. Il y a même un soir où le Club 7, le fameux,
05:49 il y a eu une descente où tout le monde a été fiché.
05:53 - Le Club 7, c'était la première petite boîte que Fabrice Hébert avait ouverte.
05:57 - Oui, à rue Saint-Anne. C'était pas facile.
06:01 On était souvent interrompus, les boîtes, par la danse du tapis, subitement par la lumière.
06:07 C'était... Waouh ! C'était répréhensible, c'était pas possible, il y avait quelque chose qui...
06:12 - C'était quoi la danse du tapis ?
06:14 - Dans ce tapis, c'est-à-dire qu'il y avait la musique, et puis subitement ça s'arrête, et puis hop !
06:19 Et puis on choisit son partenaire, c'est là que dans ce tapis, comme vous m'en dites, c'est tout un truc.
06:24 Bon, on s'en souvient pas au Palas, c'était la danse des VIP, enfin de l'époque.
06:29 - Mais ce que dit Fabrice Hébert et qui est génial, c'est que le Palas, c'est un mélange de punk et de bourgeois,
06:35 c'est un mélange de paillettes extravagantes, de gens fameux, de gens extrêmement célèbres,
06:40 et de moins que rien. Et c'est ça qu'il veut.
06:43 Alors quand on est physio, c'est-à-dire quand on est la gardienne de l'entrée, avec Edwige et d'autres, vous les avez cités,
06:49 c'est-à-dire quand on décide qui a le droit d'entrer ou pas, sur quels critères on se base ?
06:54 - On se base sur un critère où il y a d'abord l'esprit de fête.
06:58 Et après, c'est on regarde la personne en disant "Tiens, tu viens par curiosité".
07:05 Ou alors "Tu veux se foutre de bordel parce que tu es tout à fait contre ce ramassis, soi-disant, de gens que tu supportes pas".
07:13 Et puis il y a la canaille, les voyous de l'époque, les machins...
07:17 - Il en faut un peu ?
07:19 - Il faut mélanger un petit peu. Moi, on me met quand même en extra souvent pour la caisse, faire rentrer les thunes.
07:24 Donc je sortais avec mon look que j'avais choisi.
07:28 - C'était quoi votre look, Jenny Miller ?
07:30 - Oh, le look un peu "Mama doudou, vaudou", enfin... Bref, ça faisait peur, mon regard, comme ça.
07:37 - Dans ce petit livre que François Jonquet, qui est journaliste, vous a...
07:40 - Je choisissais les gens, qu'étaient lookés ou pas, et j'envoyais "Yes" pour parler, comme à l'époque,
07:47 ceux qui venaient par curiosité, etc. Et d'autres gens qui n'avaient pas vraiment beaucoup de thunes, je les faisais passer.
07:55 Moi, la partie payante, la partie populaire, c'était la mienne.
08:00 Les autres, c'était leur partie un peu mondaine, avec des gens qui ont une autre vie, un autre style,
08:07 qui ont le pouvoir d'être heureux.
08:11 Bon, ben, ils rentraient. Moi, c'était plutôt ça.
08:16 - Comment on tient ? Des nuits et des nuits éveillées, comment on tient ?
08:19 - Alors, on tient par la coupette.
08:22 - La coupette, c'est quoi, c'est la coupette de champagne ?
08:25 - Parce que, moi, ce truc, la cam n'a pas été pour moi. On me dit toujours "C'est pas vrai, tu mens".
08:32 Non, j'ai jamais pris un rail, ou j'ai jamais... Non !
08:37 - Vous avez détesté ça, la cam ?
08:40 - C'est ça, parce que, vu les ravages, vu ce que ça donne, vu le...
08:46 C'est très étrange, ce sont eux qui s'excluent, et non pas qui sont dans la fête.
08:52 On les voit dans un coin, on le sent, l'attitude psychologique, la nervosité, bref, déglinguée.
09:01 Voilà, et ça y allait, comme maintenant, ça y va encore, parce que l'actualité, malheureusement, est bien là pour le dire.
09:09 Mais il y avait, dans ce temple, comme dit Fabrice, tout le monde pouvait rentrer au palace.
09:16 Oui, tout le monde, oui, il espérait, tout le monde, mais il y avait quand même une sélection.
09:21 La preuve, c'est qu'après, ils vont donc faire le privilège en bas, pour que les gens de la haute,
09:27 les gens bien-nés, se retrouvent entre eux en bas, et allons chercher un peu, faire leur marché en haut,
09:35 pour voir la masse populaire en train de s'expédier.
09:37 - Mais au début, c'était tout le monde ?
09:38 - Au début, c'était tout le monde, et c'est probablement ça qui a marqué les esprits.
09:43 Et vous vous dites, la drogue, ça a déglingué la nuit, ça a tué la fête.
09:48 - Ça a tué beaucoup de gens, beaucoup de comédiens, dont je ne peux pas dire les noms, évidemment, pour avoir respect.
09:59 Je ne sais pas pourquoi, mais quand on voit de près des gens qui se détruisent par ça, c'est terrible.
10:13 C'est un peu ce qu'on va revenir après, je pense malheureusement au SIDA.
10:17 On voit que tout est pris dans un écho de performance, en tous points de vue,
10:24 parce qu'ils sortent, le lendemain ils ont un tournage, pour les comédiens de l'époque.
10:29 Cette saloperie a toujours été, pour moi, une horreur.
10:35 Je ne dis pas que je ne côtoie pas, ou que j'ai côtoyé des gens qui n'en prennent pas.
10:39 Si, ils font ce qu'ils veulent, mais ce n'est pas pour moi.
10:43 Maintenant c'est fini, la coupette, c'est terminé.
10:46 Vous permettez, d'ailleurs c'est de l'eau.
10:49 - Voilà, buvez un petit coup de flotte, moi j'envoie un disque.
10:52 - Vous envoyez quoi, vous faites ?
10:53 - Eliméderos.
10:54 - Ah !
10:55 - Eliméderos !
10:56 - La petite bibiche.
10:57 - Ma bibiche, voilà.
10:58 Alors, vous écoutez France en terre, il est 9h19.
11:01 Jenny Bélair, qui a été la gardienne du Palace, est mon invitée.
11:05 * Extrait de « Le petit poisson » de Jenny Bélair *
11:11 Prends un petit poisson, glisse-le entre mes jambes
11:15 Il n'y a pas de raison pour se tirer la langue
11:19 Ne me regarde pas comme ça, tout de travers
11:23 Qui fait le premier pas pour s'aimer à l'envers ?
11:27 Toi, toi, devant toi, toi, toi, devant tout mon roi
11:31 Toi, toi, devant toi, toi, toi, devant tout mon roi
11:35 Les papillons en l'air
11:39 Elle est formée par l'air
11:42 Chacun est à sa place
11:46 Il n'y a pas de mystère, sauf...
11:51 Toi, toi, maman toi
11:53 Toi, toi, maman tout mon roi
11:55 Toi, toi, maman toi
11:57 Toi, toi, maman tout mon roi
11:59 ...
12:13 -Arrête ! Arrête, arrête, arrête !
12:15 ...
12:38 -Les papillons en l'air
12:43 Elle est formée par l'air
12:45 Chacun est à sa place
12:49 Il n'y a pas de mystère, sauf...
12:54 ...
13:02 Prends un petit pinceau
13:04 Brisse-le entre mes jambes
13:06 Il n'y a pas de raison
13:08 On pense tirer la langue
13:11 Le monde me regarde
13:13 I can't stop tout de travers
13:15 Il fait le premier pas
13:16 Pour s'aimer à l'envers
13:18 Toi, toi, maman toi
13:20 Toi, toi, maman tout mon roi
13:22 Toi, toi, maman toi
13:24 Toi, toi, maman tout mon roi
13:26 ...
13:32 -Toi, toi, maman toi, Elie Médéros, ça faisait partie des hymnes ?
13:36 Jenny Bélair ? -Oui, oui, oui, tout à fait.
13:40 -C'est vrai ? -Oui, oui, oui.
13:41 -C'est vrai, il n'y a pas très longtemps, les gars, elles-mêmes...
13:44 Génial, quoi !
13:46 ...
13:52 -La fête, parce que c'est important,
13:55 c'est très directement enraciné dans les traditions, la fête.
14:00 Et je pense que si nous l'avons ressuscité avec tellement de succès au Palas,
14:05 c'est précisément parce qu'elle correspondait à une tradition.
14:09 Le respect du calendrier, par exemple,
14:12 dans les fêtes, le parti gras, l'ami carême,
14:16 prouve à quel point les gens ont besoin de retrouver leur identité dans la fête.
14:23 ...
14:35 -Vous venez d'entendre Fabrice Emmer, qui était le fondateur,
14:39 l'inventeur du Palas, l'âme du Palas.
14:42 Mon invité s'appelle Jenny Bélair.
14:44 Je vous ai cité plusieurs fois un petit livre qui est sorti il y a longtemps,
14:47 qui est signé François Jonquet.
14:49 Jenny Bélair, une créature, si vous voulez vous replonger
14:53 dans cette contre-culture des années 70
14:56 et vous poser la question de son influence aujourd'hui.
14:59 Parce que j'ai dit que, oui, c'est l'anniversaire du Palas,
15:04 c'était il y a 45 ans, 1978,
15:08 mais il y a un autre anniversaire cette année, Jenny Bélair,
15:11 il y a un autre anniversaire, c'est 1983.
15:14 83, c'est l'année où on a donné un nom au virus du SIDA.
15:18 C'était il y a pile 40 ans.
15:20 Vie et mort du Palas.
15:22 À ma génération, on ne se rend pas compte
15:24 à quel point tout ça a été intense,
15:26 à quel point tout ça a été fulgurant,
15:28 à quel point tout ça a été court.
15:30 ...
15:32 -C'est vrai.
15:34 Et...
15:36 Comment en parler sans émotion ?
15:40 Des jeunes insouciants,
15:45 des gens en fête,
15:49 au départ en bonne santé,
15:51 magnifiques, splendides,
15:54 qui, petit à petit, vont quitter la fête,
15:58 vont quitter l'ambiance, vont tout quitter
16:01 et sont crevés, fatigués, épuisés.
16:05 Il y a une rumeur, cette rumeur,
16:08 couventable,
16:10 la fièvre des PD, je ne sais pas quoi.
16:14 -Le syndrome gay. -Le syndrome gay.
16:17 Et tout de suite après,
16:20 les Antilles, c'est bien fait pour leur gueule,
16:23 ils ont ce qu'ils méritent, ces sodomites, ces machins, ces trucs.
16:27 Et on y perd.
16:30 -C'était les 4 H.
16:32 Les homosexuels, les héroïnomanes, les haïtiens.
16:36 -C'est ça. Et là, on y perd au palace,
16:39 beaucoup, beaucoup, beaucoup d'intimes,
16:42 dont l'émotion est palpable à ceux qui en parlent encore.
16:47 Ce fut une épidémie,
16:50 ce fut une atroce,
16:53 ce fut un génocide, en plus, je trouve.
16:56 Excusez-moi de dire ce mot, mais génocide,
16:59 c'était effroyable.
17:01 C'est dans le temps, la peste de Camus,
17:04 nous avons chaque cycle, tout cela.
17:06 Le palace va donc subir, comme d'autres endroits,
17:09 comme d'autres boîtes,
17:11 comme d'autres...
17:13 Le décès de proches, d'amis, d'inconnus.
17:16 -C'est un génocide aussi de Jenny Bélair,
17:18 parce que les autorités restent les bras croisés
17:21 pendant très longtemps.
17:23 -Ils sont un peu, je dirais, on peut dire, dépassés par l'événement,
17:27 on ne sait pas.
17:29 C'est long à venir, et encore, on ne sait pas encore maintenant,
17:33 mais c'est très long.
17:35 Pour la majorité de l'époque, c'était un péché,
17:37 ils avaient ce qu'ils méritaient.
17:39 Combien de fois...
17:41 J'ai entendu le son du gravier des cimetières,
17:44 combien de fois nous sommes allés les uns les autres,
17:47 accompagner nos copains.
17:49 Waouh !
17:51 On n'est jamais marqués par ça.
17:54 Ça restera toujours dans la mémoire.
17:57 -Il y a quelque chose qui se passe cette année, Jenny Bélair.
18:00 Il y a Anthony Passeron qui sort un premier roman
18:03 dans une petite maison d'édition qui s'appelle Globe,
18:06 "Les enfants endormis", et c'est un best-seller.
18:09 Il y a Philippe Jouani qui sort chez Grassec 95,
18:12 une année où vraiment la communauté a été décimée.
18:17 Il y a Elisabeth Lebovici qui installe son exposition
18:21 au Palais de Tokyo, "Ce que le sida m'a fait".
18:24 Comme si ces 40 ans, il y a les survivants,
18:27 il y a les descendants, parce qu'Anthony Passeron,
18:30 c'est un neveu qui raconte l'histoire de son oncle
18:33 à travers le silence familial.
18:35 Comme si 40 ans, c'était le moment où on avait besoin
18:38 de transmettre, de raconter.
18:41 Il y a Danel Defer qui vient juste de mourir.
18:43 -De dire exactement ce que les oncles,
18:47 ce que dans la famille, ils ont vécu
18:50 et comment raconter le calvaire, l'horreur,
18:54 de ce drame.
18:57 Et c'est bien maintenant que ça revienne
19:00 de plus en plus en actualité pour que tout le monde
19:03 soit conscient que c'est encore un péril.
19:05 Mais qu'il y a quand même la prêtre,
19:07 il y a tout de même des choses qui sont là
19:10 pour faire qu'on puisse se prémunir
19:14 ou faire attention à ça.
19:16 -Vous qui avez fait partie des pionniers,
19:20 si on réfléchit à l'influence aujourd'hui,
19:22 et le prix à payer a été très lourd,
19:24 on l'a compris, très lourd et très douloureux.
19:26 Aujourd'hui, quand on voit Drag Race,
19:29 un concours de drague,
19:31 s'inviter sur des chaînes de l'audiovisuel public
19:34 et encore la première édition,
19:36 on l'a un peu planqué sur le web.
19:38 Mais n'empêche que le succès a été tel
19:40 qu'aujourd'hui, France Télévisions en boite le pas.
19:43 Quand on voit le succès des revues de drague
19:46 et de transformistes,
19:48 quand on voit la popularité de ces personnages incroyables,
19:52 quand on voit Bilal Hassani représenter la France
19:55 à l'Eurovision et ne pas avoir besoin de se mettre
19:58 une paire de faux seins, dire "je suis un garçon,
20:01 mais je joue avec ce que je veux,
20:03 avec des perruques, des cheveux longs, des robes, des jutes",
20:06 il y a quand même quelque chose là
20:08 que vous avez amorcé, vous ?
20:10 -Peut-être, mais...
20:12 -Bah, peut-être, oui.
20:14 -Non, non, non, c'est la façon de s'exprimer.
20:17 Le drag, c'est donc la naissance RuPaul aux Etats-Unis.
20:21 C'est grand, gigantesque.
20:24 Il est là avec sa perruque, enfin, il a lancé ça.
20:28 Le drag, c'est aussi un peu
20:31 le sur-encher de remettre la féminité à l'extrême.
20:35 Et c'est beaucoup, beaucoup de choses qui arrivent comme ça.
20:39 Ça fait un mouvement, ça crée plus qu'un buzz.
20:42 -Et surtout, ça sort de la contre-culture
20:45 pour devenir une grande culture populaire.
20:47 -Voilà, il faut aussi vite aller à l'Alcazar, à la Love Night.
20:51 J'insiste parce que c'est un endroit qu'il faut voir.
20:54 Et c'est ce que dirait Claude Rincand,
20:57 qui vient de disparaître il n'y a pas très longtemps,
21:00 cofondateur avec Fabrice Emer du Palas,
21:04 auquel je rends hommage aussi,
21:06 et aussi avec Sibylle Grimbac et toute l'équipe qui sont là encore.
21:11 Et dire à notre époque actuelle, qui est bouleversante,
21:16 parce qu'on ne sait pas si ça va péter,
21:19 si c'est la Troisième Guerre mondiale,
21:21 quand on entend de monde qui, dans la journée ou dans la nuit, traîne.
21:25 Ils ne font pas la fête, eux, par contre.
21:27 Ils sont en train de crever sur les trottoirs de précarité.
21:30 Où va le monde ?
21:33 Fabrice, s'il se revenait, il pourrait peut-être encore dire
21:37 "refaisons vite la fête".
21:39 Mais est-ce possible ? On ne sait pas.
21:43 -Vie et mort du Palas.
21:45 Ce qui a disparu avec le Palas et ce qui est né avec le Palas.
21:48 Merci beaucoup Denis Beller d'avoir été mon invité.
21:51 J'ai envie de rester avec vous.
21:54 Restons.
21:56 -A bientôt.
21:58 -Merci Sonia.