Patrick Tudoret : en marchant et en lisant - L'invité de Sonia Devillers

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00:00 Sonia De Vilaire, votre invitée considère le Loir comme la plus belle rivière du monde.
00:06 Bonjour Patrick Thuderet et non pas la Loir mais le Loir car en lisant votre petit livre
00:13 j'ai découvert le Loir et le néant.
00:15 Alors le Loir, racontez.
00:17 Le Loir c'est la plus belle rivière de France qui a donné son nom à un département, le
00:21 Loir-Escher, où j'ai établi mes pénates depuis quelques années maintenant, non loin
00:25 de Vendôme.
00:26 C'est le pays de Ronsard, c'est un pays merveilleux.
00:29 Le Loir, petite rivière ?
00:30 Alors petite, belle rivière qui s'épanouit largement et qui ensuite va se jeter dans
00:38 la Loir.
00:39 Donc il y a vraiment une espèce de poésie, et c'est pas pour rien que je parlais de
00:45 Ronsard, il y a une poésie du Loir, il l'a chantée et c'est vrai que le Loir ne déçoit
00:49 jamais y compris dans ses turbulences.
00:52 Et le néant, puisque vous avez marché.
00:54 J'ai invité un marcheur ce matin, je me dis la France a besoin de répit, on a besoin
00:58 tous de respirer.
01:00 J'ai invité un marcheur et vous avez marché au bord du néant.
01:03 Oui, je pense qu'on n'est pas tant que ça à pouvoir le dire et s'en vanter.
01:07 Donc j'ai marché au bord du néant, effectivement.
01:09 Mais le néant, et c'est la plus belle information qu'on puisse donner depuis que l'homme
01:13 a marché sur la Lune, eh bien le néant n'existe pas.
01:15 J'en suis le témoin.
01:16 Où avez-vous cherché le néant ?
01:18 Le néant, il est en pleine Sologne, il fait à peu près 40 kilomètres et quelques centaines
01:22 de mètres.
01:23 C'est une toute petite rivière et donc le néant n'existe pas, il n'est qu'un
01:27 modeste affluent du Beuveron.
01:28 En marchant, petite rhétorique itinérante parait chez Talendier.
01:34 Vous Patrick Thuderet, écrivain féru d'histoire et marcheur de longue date, vous le dites,
01:41 marcher c'est la manière la plus saine d'être à soi, la plus créatrice, la moins
01:45 soumise au bardome mondialisé, à la mise en chiffre du monde.
01:49 On n'a besoin de rien pour marcher ?
01:51 Oui, c'est ce qui me plaît dans la marche.
01:53 D'ailleurs, cette humilité, il y a pas mal de sports où on a besoin, à certains
01:57 sports on a besoin d'un cheval par exemple, à certains sports on a besoin d'un équipement
02:01 très coûteux.
02:02 Non, la marche, moi il m'arrive, c'est pour ça que je me moque gentiment, mais
02:05 dans le livre de certains trakers bardés, caparassonnés, qui sont, on pourrait, avec
02:12 des vêtements griffés, sortis de magasins que je ne citerai pas, mais moi je suis un
02:18 marcheur d'opportunités et il m'arrive de marcher alors que j'ai une vague, paire
02:23 de baskets aux pieds, un t-shirt et puis quand même un pantalon.
02:27 Un pantalon pour plus d'essence.
02:28 On ne se déplace pas du superflu lorsqu'on marche, car la marche c'est un chemin vers
02:33 l'assaise.
02:34 En fait, on se déleste.
02:35 On se déleste moralement.
02:37 Exactement, je pense au monsieur Test de Paul Valéry qui disait "ô tétou que j'y
02:42 vois".
02:43 Et pour moi, c'est effectivement, cette "ô tétou que j'y vois", c'est formidablement
02:47 incarné dans la marche parce que j'y vois une assaise absolument formidable qui nous
02:52 permet de nous extraire de ce que Nabokov appelait le vacarme du monde et qui finit
02:56 par nous tuer.
02:57 Et le vacarme en ce moment est particulièrement bruyant.
03:01 La marche, utile ou inutile ?
03:03 J'aurais tendance à répondre comme l'art, parfaitement inutile et c'est ça qui est
03:08 fondamental.
03:09 C'est-à-dire que la marche, aujourd'hui, les sciences cognitives nous montrent qu'elle
03:12 a un effet sur le cerveau absolument magistral.
03:15 La marche est très bonne évidemment pour le métabolisme, mais elle n'est utile qu'à
03:21 ce titre.
03:22 Après, moi ce que j'aime c'est l'inutilité de la marche, c'est-à-dire comme l'art.
03:25 Plus l'art est inutile, plus il est beau, plus il est créateur, créatif.
03:29 Et la marche c'est la même chose.
03:31 En même temps, vous l'écrivez Patrick Tudoré, la marche lorsqu'elle n'est pas frappée
03:35 du saut de l'utilité, elle reste une sorte de luxe et il ne faut jamais l'oublier.
03:40 Et ce luxe-là, c'est un profond sentiment de liberté.
03:44 Exactement, la liberté libre, comme disait Rimbaud.
03:46 J'ai toujours été en quête de cette liberté libre et c'est vrai que le luxe, pour moi,
03:52 c'est un... j'ai quelques heures de vol, on peut dire ça comme ça maintenant.
03:56 Et le luxe, pour moi, n'est pas une grosse voiture rutilante, si vous voyez ce que je
04:00 veux dire.
04:01 Ce n'est pas une breloque qu'on porte au poignet.
04:03 Le luxe, c'est le silence, l'espace et le temps.
04:05 Ça, c'est Vladimir Kosma qui avait composé ces notes merveilleuses pour la gloire de
04:25 mon père.
04:26 Vous n'êtes pas un puriste, vous n'êtes pas un... comment dire ? Vous marchez en ville,
04:32 par exemple.
04:33 Il n'y a pas de surprise qu'un grand marcheur marche en ville.
04:35 Et ça remonte à l'enfance, ça remonte aux souvenirs de Marseille.
04:40 Oui, alors voilà, justement, ça fait écho à cette musique, la gloire de mon père.
04:43 Moi aussi, j'ai marché dans la garrigue et j'avais cet accent quand j'étais petit,
04:49 quand j'étais minot, comme on dit là-bas, et donc que j'ai perdu depuis.
04:52 Mais c'est vrai que j'aime aussi, j'aime marcher dans des espaces rustiques.
04:57 J'adore ça, j'adore ce contact avec la nature.
04:59 Mais j'aime aussi la marche urbaine.
05:00 Et c'est vrai que dans ce livre, je réhabilite d'une certaine manière la marche urbaine.
05:03 Si on prend Sylvain Tesson, par exemple, bien sûr qu'il marche dans les villes, mais c'est
05:08 plutôt dans des grands espaces, voir le désert de Gobi, etc.
05:10 Alors que la marche urbaine a commencé par Paris, bien sûr, mais j'ai marché dans...
05:15 Je pense à Hanoi, à Shanghai, je pense à Londres, à New York.
05:20 C'est un plaisir absolument formidable et qui permet, avec volupté, de goûter tout
05:26 le patrimoine bâti, toute cette architecture extraordinaire.
05:29 - Donc l'idée qu'on peut mettre dans chaque ville d'Europe et dans chaque ville de France,
05:34 c'est pas dans ceux des écrivains qui y sont passés ?
05:37 - Alors voilà, je suis un...
05:38 Oui, je mets souvent, mais pas dans ceux des écrivains, comme Bayron à Venise ou Kitz
05:43 à Rome, etc.
05:45 Donc c'est vrai que j'aime beaucoup cette réminiscence-là, ou dans la gare, ou justement
05:49 sur les pas de Gionnau, du côté du Comte-à-Dour.
05:51 J'aime beaucoup cette évocation-là, parce que pour moi, la marche, j'ai pu le voir,
05:56 l'épigraphe que j'ai donné à mon lit d'ailleurs, est "à tous ceux vivants ou morts à qui
05:59 je pense en marchant".
06:01 Et je le mets au présent, parce que les morts sont présents et il y a une sorte d'épiphanie
06:05 de la mémoire dans la marche.
06:06 Et ça, j'y crois beaucoup.
06:08 Et cette épiphanie de la mémoire permet de rendre vivants ceux qui sont partis.
06:12 Et je suis souvent accompagné, et quand je marche, parfois jusqu'aux larmes, parce
06:17 qu'ils sont là.
06:19 Il y a une présence, surtout quand on marche de manière solitaire, il y a une présence
06:23 de ceux qui sont partis, mais aussi de ceux qu'on aime et qui sont loin, éventuellement.
06:27 Je pense à mes filles, par exemple.
06:29 Il y a une vraie présence.
06:30 J'appelle ça l'épiphanie de la mémoire.
06:32 Faut-il souffrir pour bien marcher ?
06:34 De temps en temps, effectivement, on souffre physiologiquement.
06:38 Le métabolisme souffre, puisque moi, je suis un ancien grand sportif et aujourd'hui,
06:41 j'ai des crises d'arthrose de quelques degrés sur l'échelle de Richter.
06:46 Ah, cette arthrose qui revient tout au long de votre récit !
06:47 Alors, je n'en fais pas tout de même une plainte continuelle, mais c'est vrai qu'il
06:52 faut aller au-delà et j'ai eu le tort de faire du tennis, qui est un sport très ludique
06:56 et très sympa, mais qui bousille les articulations.
06:59 Et donc, soyons clairs, là maintenant, je marche différemment.
07:03 Différemment, et c'est quelque chose que vous expliquez main dans la main avec Nietzsche
07:08 et son ainsi parlé Zaratustra.
07:10 Il y a trois âges de la vie, il y a trois âges de la marche.
07:13 Et on marche mieux plus âgé, pourquoi ?
07:16 Comme le disait Nietzsche, c'est-à-dire qu'on commence par être le dromadaire, celui qui
07:21 porte le bas, la charge de tous ces contraintes, de tous ces préjugés, de toutes ces idées
07:29 ou plutôt idéologies.
07:31 Et puis ensuite, on s'en débarrasse, on est le lion qui secoue sa crinière.
07:34 Mais ce qui est le plus important, c'est ce qui vient après, c'est-à-dire l'enfant.
07:37 Se transformer en enfant.
07:38 Et la marche, pour moi, c'est une métamorphose.
07:41 Nietzsche, lui qui était un grand marcheur, sur les pas duquel je suis allé marcher en
07:45 Gadine, en Suisse, en Haute-Angadine, et bien cette transformation en enfant, c'est-à-dire
07:50 l'humilité absolue et cet émerveillement devant le monde qui se déploie.
07:55 - Voilà.
07:56 Et sur les chemins de France et de Navarre, on rencontre plein de marcheurs âgés qui
08:01 ont la sensation de bien mieux marcher aujourd'hui que quand ils étaient jeunes.
08:05 - C'est ça.
08:06 Ils marchent peut-être moins, mais mieux.
08:07 Et ça, c'est important, cet aspect qualitatif.
08:10 Moi, je vois vraiment une...
08:12 La marche, c'est une manière, dans un monde qui est quand même puissamment horizontal,
08:16 ce monde est quand même enflé de son propre vide, ce qu'on doit faire vite.
08:20 Il y a dans la marche une verticalité, une exigence de verticalité qui moi, à la fois
08:25 métaphysique, spirituelle, il y a quelque chose.
08:27 Sans être prétentieux, au contraire, ça exige beaucoup d'humilité, de se remettre
08:31 face à ce que l'on est, c'est-à-dire pas grand-chose.
08:33 Et donc, cette verticalité, j'y tiens beaucoup.
08:37 - Voilà.
08:38 Sans oublier un peu d'humour et un peu de folie.
08:41 - Ah bah oui, d'autodérision.
08:42 - Et c'est ce qui m'a plu dans votre récit, Patrick Thudoré, c'est que vous vous moquez
08:45 quand même de ceux qui font de la marche une addiction, de ceux qui font de la marche
08:51 une religion et de ceux qui mettent là-dedans un esprit de sérieux absolument exaspérant.
08:56 - Oui, l'esprit de sérieux, comme Bernard Noth, m'a toujours paru quelque chose d'infréquentable.
09:00 Et donc, j'ai toujours fait tout ce que j'ai fait dans ma vie sérieusement.
09:06 Mais sans me prendre au sérieux, ça me paraît tellement, comme je l'ai dit, infréquentable,
09:10 tellement impossible.
09:11 Or, quand je vois certains traqueurs qui vont au bout du monde avec un bilan carbone assez
09:16 épouvantable pour ensuite aspirer à plein poumon l'air de l'anapurna par exemple, et
09:22 qui sont bardés de matériel très coûteux et qui ensuite…
09:26 - Et de récits d'exploits.
09:27 - Et de récits d'exploits.
09:28 - Parce que quand même, vous vous enfichez des récits d'exploits.
09:29 - Absolument.
09:30 Cette fausse verticalité, en fait, m'ennuie profondément.
09:33 Je préfère l'autre verticalité qui est plus spirituelle, on dira.
09:36 - Voilà.
09:37 Alors, vous êtes sur France Inter.
09:38 On respire, il est 9h18 et avec Patrick Tudore, on va parler mystique, on va parler foi, on
09:44 va parler des réacs qui peuplent les chemins aussi parfois.
09:47 - On va parler de la musique, on va parler de la musique.
10:16 - On va parler de la musique.
10:44 - On va parler de la musique.
11:13 - On va parler de la musique.
11:14 - On va parler de la musique.
11:33 - On va parler de la musique.
11:52 - On va parler de la musique.
12:20 - Ça fait un bail que je voulais vous passer du Johnny, pourquoi pas aujourd'hui et pourquoi
12:39 pas j'ai oublié de vivre.
12:40 Je reçois Patrick Tudore.
12:49 Patrick Tudore est écrivain, il est féru d'histoire et il y a plein d'écrits et plein
12:54 d'histoires avec un grand H et un petit H dans sa petite rhétorique itinérante "En
12:59 marchant", c'est son livre qui sort chez Talendier.
13:01 Patrick Tudore, vous l'avez compris, marche à travers tous les chemins, toutes les villes
13:06 et tous les villages de France et de Navarre et aussi un peu partout en Europe et il cite
13:13 les écrivains marcheurs.
13:14 Il y a un truc que j'aimerais comprendre Patrick Tudore, pourquoi est-ce qu'avec les écrivains
13:18 marcheurs, il y a ce lot de réactionnaires, il y a ce lot de conservatisme, il y a l'idée
13:25 que le monde fou le camp, un peu parfois chez vous quand même, l'idée que le monde fou
13:29 le camp, l'idée que la modernité est dégoûtante et que la marche va nous en laver.
13:35 - Moi à titre personnel, je ne suis pas nostalgique, c'est-à-dire que ceux qui pensent que tout
13:39 est mieux aujourd'hui qu'hier ont tort et ceux qui pensent que tout était mieux hier
13:42 qu'aujourd'hui ont tort aussi, je les renvoie dos à dos.
13:44 Donc moi je ne suis pas cette nostalgie, simplement j'ai une nostalgie d'avoir marché, ça oui.
13:48 La nostalgie de certains moments que j'ai vécu comme ça dans une gareille, dans une
13:52 forêt.
13:53 - D'ailleurs vous dites que c'est des souvenirs extraordinaires.
13:54 - Il n'y a pas plus belle nostalgie que d'avoir écrit et avoir marché.
13:58 Pour moi ce sont les deux plus belles nostalgies parce qu'on se souvient des moments précis,
14:02 de ce qu'on a croisé, des lieux.
14:04 - C'est un souvenir sensoriel complet en fait.
14:08 - Absolument, très complet.
14:09 Et donc pourquoi, comme vous dites Réac, ce n'est pas un mot que j'emploierais volontiers.
14:13 - Un peu conservateur.
14:14 - Mais voilà, je préfère le mot conservateur.
14:16 En fait, marcher c'est faire un pas de côté, c'est se mettre à distance du monde.
14:21 Et donc il y a forcément, si on se met à distance du monde, c'est qu'il y a une raison.
14:24 Il y a une raison qui est la conservation de soi.
14:27 Je pense qu'il est urgent de se mettre à distance du monde si on veut vivre encore,
14:33 pour mon cas, encore un peu de manière à peu près saine et intelligente.
14:38 Et donc il y a effectivement cette tentation de la misanthropie, de la mise à l'écart du monde.
14:44 C'est Alceste.
14:45 Je ne sais pas si Alceste était un marcheur, mais il en a le profil.
14:49 Et donc il y a peut-être ça, effectivement.
14:51 Et on trouve ça, alors chez Tesson, on trouve ça chez d'autres, cette espèce de considération
14:57 que oui, il est urgent d'aller sur les chemins noirs, par exemple, pour échapper à cette
15:02 espèce de post-modernité qui est quand même étouffante, il faut bien en convenir.
15:07 Mais tout n'est pas mauvais non plus dans l'aujourd'hui.
15:33 La marche comme expérience du sacré, mieux encore comme épiphanie, lieu d'apparition
15:40 et d'exaltation du divin.
15:42 Patrick, tu daurais.
15:44 C'est une expérience de purification, une lustration de l'âme et du corps.
15:49 Oui, je pensais que marcher, c'était plus une mise en mouvement de l'âme et de l'esprit
15:53 que du corps lui-même.
15:54 Il y a quelque chose de...
15:56 Je parlais de verticalité, mais s'il n'y avait pas cette dimension spirituelle, la
16:00 marche m'intéresserait moins.
16:01 Donc il y a la dimension métaphysique, la dimension physiologique réelle, mais il y
16:05 a la dimension spirituelle qui est très importante.
16:06 Ce qui m'a amené d'ailleurs à faire quelques parties du chemin de Compostelle, à aimer
16:11 vraiment les chemins de pèlerinage et l'esprit du pèlerinage.
16:13 Vous avez cette maison dans le Vendôme qui domine Compostelle, c'est-à-dire que c'est
16:17 vraiment vous vivez avec ce chemin de Compostelle.
16:19 Depuis la maison, effectivement, on voit le chemin qui est à 500 mètres.
16:22 La via Turrenensis, une des ramifications qui passe par là.
16:26 Et qui a détrôné les pèlerinages les plus célèbres du monde, Rome, Jérusalem.
16:32 C'est quand même extraordinaire de voir qu'il y a des grands pèlerinages.
16:35 Vous venez de citer, mais Compostelle, dans les années 60, je crois qu'il y avait 6000
16:38 pèlerins.
16:39 Aujourd'hui, il y en a 350 000 par an, venus du monde entier.
16:43 Donc c'est quelque chose d'absolument phénoménal.
16:45 Et ça veut bien dire aussi que l'être humain a besoin à un certain moment de cette verticalité,
16:49 de trouver quelque chose qui le dépasse, qui lui permet de s'exaucer un petit peu
16:52 au-dessus de lui-même.
16:53 C'est le moins qu'on puisse faire, parce qu'on est quand même un peu rabougris, nous,
16:57 êtres humains.
16:58 - Le Christ était un sacré bon marcheur.
17:00 Vous voyez, je fais tout pour ne pas vous entraîner vers le côté Sylvain Teston.
17:05 Le monde est rabougri.
17:06 Lâvons-nous de ce rabougrissement.
17:09 Le Christ était un sacré bon marcheur.
17:11 - Avec le jeu de mots assumé, un sacré bon marcheur, effectivement.
17:14 Dans ses prédications, tout le travail qu'il a fait en Palestine, c'était un rayon d'à
17:21 peu près 100 km.
17:22 - 100 km ? - Avec la sequoia Christi, toutes les femmes
17:25 et évidemment les apôtres qui le suivaient.
17:28 Et donc, il faisait des aller-retours incessants à pied.
17:31 Et à l'époque, on se déplaçait quasiment qu'à pied, sauf ceux qui étaient un peu
17:34 riches et qui avaient un âne ou un cheval.
17:38 Mais François, évidemment.
17:39 François d'Assise qui a marché lui aussi de manière très humble sur les paves justement
17:45 à l'imitation de Jésus.
17:48 Mais oui, c'est impressionnant toutes les déambulations.
17:52 Si on pouvait les recréer aujourd'hui, des déambulations de Christ en Samarie, en Judée,
17:59 etc.
18:00 C'était assez impressionnant.
18:01 - Alors, les déambulations de ces écrivains que vous aimez tant.
18:04 Balzac d'abord.
18:05 Parce que dans le Vendôme, là où vous êtes, Balzac est chez lui.
18:09 - Ah bah oui, il a étudié au Collège des oratoriens de Vendôme.
18:12 Et c'est là où il a fait sa fameuse crise d'ailleurs d'imbécilité où il a fallu
18:17 le rapatrier d'urgence dans la famille parce que ses professeurs craignaient pour sa santé
18:23 mentale.
18:24 Il avait quoi, 13, 14 ans ? Et c'était un grand marcheur en fait.
18:28 Le dimanche, ils avaient la possibilité, on les emmenait marcher notamment du côté
18:34 du château de Rochambeau qui est tout près de ma maison et le magnifique château de
18:37 Rochambeau du maréchal de Rochambeau et qu'il évoque dans un roman qui s'appelle Louis
18:42 Lambert et il le décrit merveilleusement.
18:44 Et donc j'imagine tous les jours en ouvrant mon portail voir un gamin de 14 ans débouler
18:50 là, petit, parce que Balzac était tout petit, et débouler devant ma porte et j'imagine
18:56 toujours que ça peut être avec l'abolition du temps.
18:59 - Chez Victor Hugo, la marche était une seconde nature.
19:02 - Oui, il appelait ça son "mille passus", c'est-à-dire tous les jours il voulait faire
19:05 sa petite promenade et quand il a été 19 ans en exil, notamment à Jersey-Garneuset,
19:11 il faisait après le déjeuner une balade de deux heures.
19:16 Il faut dire que Garneuset c'était une splendeur.
19:19 Donc ça devait être une balade magnifique et c'est ce qui a inspiré les travailleurs
19:22 de la mer.
19:23 - Voilà, montagne, villon, rablais, château brillant, Apollinaire, Alexandre Dumas, bref,
19:29 si vous avez envie de marcher et de lire ou de relire en marchant, petite rhétorique
19:35 itinérante, merci Patrick Tudoré, ça paraît chez Talendier.
19:39 - Merci infiniment.

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