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Alessandra Sublet, l'ex-animatrice emblématique de C à Vous monte sur scène. Son premier one woman show "Tous les risques n'auront pas la saveur du succès" sera joué en Avignon cet été, puis à Paris à la rentrée. Elle est l'invitée de 9h10.

Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10

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Transcription
00:00 Il est 9h08, Sonia De Villere, votre invitée a eu la chance de dîner avec James Bond.
00:05 Oui, James Bond, Pierce Brosnan.
00:07 Attention, le vrai de vrai.
00:09 Bonjour Alessandra Sublet.
00:10 Quelle entrée en matière.
00:11 Bah oui.
00:12 J'ai l'impression que tout de suite ça me donne beaucoup de prestance.
00:14 C'est ça, c'est valorisant.
00:15 Parce que sur l'échelle de la honte qui va de 1 à 9, Alessandra Sublet s'est hissée
00:21 ce jour-là à 12.
00:22 Vous avez raison.
00:23 Explication ?
00:24 Oui, explication.
00:25 D'abord bonjour à tous, merci Sonia de m'inviter.
00:29 Effectivement, le père de mes enfants est producteur de films, Clément, et il me dit
00:33 un soir, écoute, il était en train de faire un film avec lui et Emma Thompson à Paris,
00:37 et il me dit, viens on va dîner avec lui.
00:39 Je lui dis avec plaisir évidemment.
00:40 Donc on va dans un restaurant dont les étrangers raffolent et on commence notre conversation
00:46 en anglais.
00:47 Moi avec mes deux trois mots de vocabulaire à l'époque, je galère un petit peu, mais
00:50 je comprends à un moment donné, une fois qu'on a passé en revue sa carrière, ses
00:53 choix de films, qu'il se sent seul et qu'il s'est fait larguer.
00:57 Parce qu'il me dit « she passed away » en parlant de sa femme.
00:59 Et moi dans ma tête, « she », « elle », « passed », « passed away », son chemin,
01:02 elle a passé son chemin.
01:03 Et donc je suis hyper remontée contre elle.
01:05 Et je lui dis mais non, mais on ne largue pas James Bond comme ça, c'est pas possible.
01:10 Non mais quand même, j'espère qu'elle a bien les boules, etc.
01:13 Et Clément me mettait des coups de coude et je ne comprenais pas.
01:15 Et je lui dis mais qu'est-ce que t'as ? Et il me dit, allez Sandra, « passed away »,
01:17 elle est morte.
01:18 Et lui à côté, il me dit « oui d'un cancer ». Voilà, ça, ça s'appelle un grand moment
01:22 de solitude.
01:23 Mais nous nous sommes recroisés des années plus tard.
01:26 J'allais interviewer la fille qui essaye de se placer, Leonardo DiCaprio à Londres
01:31 pour son film à l'époque.
01:33 Et on s'est revus dans ce bar londonien.
01:35 Et il se souvenait de moi parce qu'il m'a dit « hey, miss passed away ».
01:39 Et on a partagé un petit verre.
01:41 Et effectivement, après la mort de sa femme d'un cancer, c'est sa fille qui était morte
01:46 d'un cancer des ovaires.
01:47 Et malheureusement, la vie n'était pas aussi rose pour lui.
01:51 On va parler d'une série, Edouard, que je suis sûre que vous l'avez déjà vue.
01:55 Il n'est pas macho, du coup, Anthona, si un jour on le recevra, on lui dira.
01:58 Trois prix d'interprétation, les plus grands festivals.
02:01 Ou « Cherche un sauveur ».
02:02 Ou une sauve-trice.
02:03 Dites-moi, à l'époque, vous aviez rencontré Yannick Limbessinger quand même ?
02:05 Bertrand Delanoë qui récemment aussi nous a loué vos louanges, nous a… non, vanté
02:10 vos…
02:11 Pascal Obispo, bienvenue.
02:12 Tant mieux qu'on se retrouve pour bon dîner.
02:16 François Hollande aurait pu, aurait-t-il, était-il au courant depuis décembre.
02:20 Vous avez commencé à écouter de la chanson et surtout ce son-là sur un vieux porno.
02:25 Sur un vieux phonographe.
02:26 Vous savez que Mathieu Noël, maintenant, il est chez nous.
02:34 Après vous avoir persécuté à cet avion.
02:36 Je l'écoute le matin et évidemment dans sa émission l'après-midi et je me dis peut-être
02:40 qu'il doit s'ennuyer de moi.
02:41 Mais il a trouvé Cyril Lacarrière aussi, donc finalement il a trouvé sa victime.
02:45 Si je vous reçois ce matin Alessandra Sublet, c'est parce que vous allez monter sur scène.
02:49 Vous allez monter sur scène à Avignon avec un seul en scène qui s'appelle « Tous
02:54 les risques n'auront pas la saveur du succès ». Et dans ce seul en scène, vous arrivez
02:59 avec une forme de maxime, de philosophie qui est « il faut être indulgent avec soi-même
03:04 ». Et que globalement pour avancer, il vaut mieux reconnaître ses faiblesses.
03:09 Donc ce que je viens de diffuser à l'antenne, vous allez l'assumer sur scène.
03:13 De toute façon, je l'assumais déjà quand on est en direct tous les jours et surtout
03:17 avec un invité, des bourdes, on en fait.
03:19 Et c'est pas grave, avec l'heure cul, on assume.
03:22 On apprend à nier un peu plus le regard des autres parce que c'est ça souvent qui
03:27 nous bride et nous empêche d'avancer.
03:29 Et encore une fois, on se construit.
03:30 Celui qui sait admettre ses faiblesses avance plus facilement que les autres.
03:34 C'est un peu le souci aussi dans notre société parce qu'on est bridé par les injonctions
03:39 de cette société.
03:40 Moi je les ai vécues au travers de ma vie personnelle et professionnelle, donc j'en
03:43 parle aussi.
03:44 On est bridé par ce que j'appelle les croyances limitantes, c'est-à-dire « je suis trop
03:48 vieux, je suis trop nul, je suis trop jeune, je ne suis pas assez spécialisé dans tout
03:52 tel domaine donc je ne vais pas y arriver ». Tout ça, à un moment donné, fait que
03:56 je pense que nous entamons un chemin et que nous n'allons pas au bout de ce chemin.
04:00 Moi ce que je voulais dire dans ce sol en scène, c'est pas « regardez ma vie, elle
04:04 est géniale, de toute façon je ne la raconte pas, je ne fais pas que ça.
04:07 Je me sers de certains éléments de ma vie personnelle et ma vie professionnelle pour
04:12 dire aux gens « ça va, on peut arrêter de se flageller, on n'est plus au Moyen-Âge,
04:16 on peut avancer, on a dans nos sociétés avancé économiquement, socialement ».
04:21 Donc vous vous servez des foirades, vous vous servez des doutes, vous vous servez des errements,
04:28 vous vous servez de ce qu'on appelle communément un échec, en disant « mais est-ce que c'est
04:32 vraiment un échec ? ». Et comme vous avez été très tôt une femme publique, puisque
04:36 très jeune vous avez été animatrice à la radio puis à la télévision et vous avez
04:41 vraiment affronté des audiences gigantesques, tout ça s'est fait sous le regard quand
04:46 même des Français.
04:47 Donc ça commence par dire « ben voilà, j'ai un bac en poche, mais j'ai eu un mal
04:52 de chien à le décrocher ce bac, et c'est le seul diplôme que j'ai ».
04:55 Oui c'est vrai, et je le revendique, parce qu'aujourd'hui je croise beaucoup de jeunes
04:58 entre 19 et 25 ans qui sont un peu paumés, qui ne savent pas ce qu'ils veulent faire,
05:04 et je leur dis et je leur répète « c'est pas grave, parce qu'on peut avoir des errances
05:08 à un moment donné dans nos vies, on peut se construire tardivement, on peut savoir
05:12 tard ce qu'on a envie de faire ». On peut sublier un examinateur de vous donner le
05:15 seul point qui manque en géo.
05:17 Oui, parce qu'effectivement…
05:18 Il faut avoir son bac au rattrapage parce qu'on l'a déjà loupé l'année d'avant.
05:20 Oui, en plus je l'avais déjà foiré une fois.
05:22 Mais oui, parce que encore une fois, si la notoriété doit avoir une vertu, c'est
05:27 peut-être d'essayer de transmettre ses propres faiblesses pour faire avancer les
05:30 autres.
05:31 Moi ça ne m'intéresse pas sinon.
05:32 J'ai jamais cherché la lumière, je n'ai jamais voulu faire de la télévision, tout
05:36 est tombé un petit peu par hasard, et au fond de moi je me suis dit « à quoi ça
05:40 va servir ? ». Et c'est le début de cette réflexion finalement.
05:43 Et ce moment d'humiliation où on ne sait pas qui est Joséphine Baker ?
05:46 Oui, parce que je me suis retrouvée dans certains dîners mondains.
05:49 Je suis provinciale, quand je suis arrivée à Paris, j'ai eu longtemps le sentiment
05:52 de ne pas être à ma place.
05:53 Je redoutais qu'on m'interrogeait sur le dernier fait d'actualité, le dernier
05:57 film, le dernier livre paru.
05:59 Et je tombais parfois au milieu de tablés avec des gens qui parlaient de choses, de
06:02 gens que je ne connaissais pas.
06:04 J'avouais très humblement que je ne le savais pas.
06:07 Et parfois j'étais raillée, même si c'était pour rire.
06:10 En fait, au fond de moi, je ne l'ai pas pris comme ça.
06:12 Je me disais « mais enfin, ils sont complètement cons ». Comme si dans la vie, il y avait
06:15 une échelle de la culture de 1 à 10 et que moi, j'étais bloquée à moins de 2.
06:19 Eh bien non.
06:20 Moi, j'ai eu beaucoup de chance dans mon métier pendant 20 ans de rencontrer, et je
06:23 le dis dans le spectacle, des gens formidables.
06:25 Et ce sont d'ailleurs souvent les plus érudits, les plus curieux, les plus ouverts.
06:30 Jean Dormeçon, qui a été vraiment un invité et une connaissance qui m'a permis, en tout
06:38 cas à un moment donné, comme Jacques Chancel, de comprendre que je n'étais pas nulle,
06:42 que c'était normal qu'on prenait du temps avec moi.
06:43 - Et quand vous lui dites « j'ai du mal à finir vos manqueurs ».
06:45 - Mais oui, je n'y arrivais pas à l'époque de C'est à vous.
06:47 Sincèrement, quand je recevais des normes pavées comme ça, je regardais mon producteur
06:51 Pierre-Antoine Capiton, je disais « putain, merde ». Je ne comprenais pas en plus certaines
06:55 lignes.
06:56 Il y avait des mots très érudits et je ne venais pas du tout de cette culture-là.
06:59 Et Jean a fini par concéder « ma chère, merci pour votre honnêteté, mais ce n'est
07:03 pas grave.
07:04 La télévision est un cirque, un stade.
07:05 Allons-y, allons nous divertir ». Et au final, c'est tous ces gens-là qui ont fait
07:10 ma culture.
07:11 - Ça, c'est rester dans les annales de C'est à vous.
07:14 - Votre maman, qui elle, était assistante sociale, c'était vraiment votre confidente
07:18 et ça l'est encore aujourd'hui.
07:19 Vous vous appelez une fois par semaine, paraît-il ?
07:21 - Non, hélas, ma mère est décédée, donc récemment.
07:24 - Je suis désolée, je ne vous en ai pas.
07:26 - Non, non, mais vous n'alliez pas le savoir.
07:28 Et c'est vrai que c'était ma plus fidèle militante qui, là, m'a lâché.
07:32 - Alors, on va pouvoir continuer le dîner.
07:35 Je vais essayer de prendre mes deux rames et d'y aller.
07:39 Bref, il faut rester naturelle.
07:41 Cet épisode avec François Hollande m'a beaucoup appris.
07:44 D'abord, après cet épisode malheureux, je lui ai fait une petite lettre, vraiment pour
07:49 m'excuser.
07:50 - Une petite lettre ?
07:51 - Non, mais parce que j'écrivais beaucoup à mes invités, je les remerciais d'être
07:54 venus à l'époque de C'est à vous, il ne faut pas oublier.
07:55 C'était 45 000 téléspectateurs au départ, à la fin un million.
07:59 Et c'est vrai qu'à un moment donné, quand ça commençait à prendre, j'avais tellement
08:03 de bienveillance pour ces gens-là, juste de venir chez nous, que j'étais très heureuse.
08:07 Et quand il est revenu en force pour la présidentielle de 2012, c'est mon talk show qu'il a choisi.
08:13 Et je me rappelle, il y a beaucoup de médias qui disaient « non mais qu'est-ce qu'il
08:15 va foutre chez Subley ? » En gros, qu'est-ce qu'il va foutre chez la meuf qui a le moins
08:18 de culture au monde ? Oui, mais Subley, elle avait un talk show qui marchait pas mal.
08:22 Et au final, cette bourde avait créé un lien entre nous.
08:26 Et c'est vrai qu'à ce moment-là, dans l'impossibilité de parler de politique,
08:29 le fameux temps de parole, je lui ai alors posé une seule question.
08:32 Je lui ai dit « voilà, vous êtes à l'aube d'un potentiel quinquennat, qu'aurait pensé
08:35 votre maman ».
08:36 Ça avait créé un lien.
08:37 Donc encore une fois, il ne faut pas s'inventer une place dans la société.
08:40 Il ne faut pas non plus croire que parce qu'on étale sa culture, on est plus intelligent
08:44 que les autres.
08:45 Moi, je trouve que ceux qui nous écoutent, ceux qui nous regardent, sont parfois beaucoup
08:48 plus intelligents que nous.
08:50 Souvent, dans mon métier, j'ai rencontré des gens à la radio, à la télé qui avaient
08:52 vraiment l'impression…
08:53 Mais ça a créé un lien avec vos invités.
08:54 Ah mais c'est sûr.
08:55 Ça a créé un lien avec les téléspectateurs.
08:57 Aussi.
08:58 Parce que je crois que j'ai respecté ça chez eux.
09:00 La vraie question, c'est comment ne pas faire de ces bourdes, de ce manque de culture,
09:05 de cette spontanéité.
09:06 Un personnage qui, au bout d'un moment, finit par être une caricature de vous-même.
09:09 Ah non, mais ce n'est pas possible.
09:10 Non, mais je parle à quelqu'un qui est passé 40 ans et qui a dit « j'arrête
09:13 d'être animatrice télé ».
09:14 Oui.
09:15 J'arrête d'être animatrice télé.
09:16 Oui, mais je n'ai pas arrêté d'être moi.
09:17 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, je vous parle…
09:19 C'est bien pour ça.
09:20 Je n'ai pas arrêté d'être animatrice télé.
09:21 Oui, bien sûr, parce que je pense qu'en fait…
09:23 Parce qu'on s'enferme dans un personnage.
09:24 Parce qu'en réalité, les animateurs télé qui font ça depuis des années, ils sont tous
09:28 enfermés dans un personnage.
09:29 Peut-être.
09:30 C'est vous qui le dites.
09:31 Moi, à un moment donné, je pense que j'y suis tellement allée avec ce que j'étais
09:34 pendant 20 ans que rien n'est dénaturé chez moi.
09:37 Je suis toujours la même, sauf que je n'ai plus les mêmes envies.
09:39 Donc à partir de ce moment-là, je ne déplace pas une personnalité dans un corps, je déplace
09:44 une personnalité dans un autre milieu.
09:46 Oui.
09:47 Alors moi, je voudrais qu'on parle de votre…
09:48 Et je suis droite dans mes bottes.
09:49 Je voudrais qu'on parle de votre corps parce que ce corps-là, athlétique, androgyne,
09:54 ses cheveux courts, c'est une féminité qu'on n'a pas beaucoup vue à la télé.
09:57 Et par ailleurs, c'est une féminité qui s'est racontée avec des livres, déjà
10:00 depuis 10 ans, qui a dit haut et fort ce que c'est qu'un baby blues, qui a dit haut
10:04 et fort ce que c'est qu'un divorce et fuck.
10:06 Donc ça aussi, c'est une façon de construire sa féminité qui n'est pas très courante
10:11 à la télévision française.
10:13 Là, c'est le disque du jour et c'est spécial pour notre génération à toutes
10:19 les deux puisqu'on a le même âge.
10:20 Ça me plaît.
10:21 [Musique]
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12:14 [Musique]
12:34 [Musique]
13:00 C'est Cyndi Lauper, évidemment, 1983, évidemment.
13:04 Alessandra Sublet était petite, moi aussi, mais quand même, on s'en souvient.
13:08 Et le titre, c'est « Girls just want to have fun ». Il faut quand même qu'Alessandra
13:12 Sublet sache, mais elle le sait parce qu'elle nous écoute régulièrement, que beaucoup
13:16 d'invitées se sont manquées de mon accent anglais.
13:18 [Musique]
13:24 Tous les risques n'auront pas la saveur du succès.
13:27 C'est un seul en scène.
13:28 Alessandra Sublet va donc à Avignon et va jouer en public parce qu'évidemment, quand
13:34 on est dans un studio de télévision, on est très exposé et en même temps, on est
13:38 très protégé.
13:39 Et là, ça va être un corps à corps avec le public.
13:42 C'est un corps à corps avec le public.
13:44 C'est assez courageux.
13:45 C'est du off, c'est le festival off, mais c'est assez courageux.
13:49 Quand même, il faut le souligner.
13:51 Vous arrivez avec des échecs et de ces échecs, vous fabriquez une sorte de machine à avoir
13:57 de l'énergie, de l'envie et du désir.
14:00 Dans ces échecs, socialement nommés échecs, il y a un baby blues, il y a un divorce,
14:07 je l'ai dit, deux divorces.
14:09 [Rires]
14:11 Pardon, mais autant aller au bout de votre explication.
14:14 Voilà, voilà.
14:15 Allez-y, enchaînez Sonia.
14:16 Bon, ben alors, on va parler du deuxième.
14:19 Oui, c'était important parce qu'au moment où je divorce, je me rends compte que même
14:27 si le divorce est banalisé dans notre société, il reste néanmoins un peu traumatisant pour
14:31 ceux qui le vivent.
14:32 Et surtout quand on a des enfants.
14:33 Le regard des autres d'abord, d'une.
14:35 Le regard de...
14:37 Pas tous les autres, parce que vous en parlez à votre grand-mère.
14:40 Alors, c'est ça qui est dingue.
14:42 C'est que j'en parle à ma grand-mère qui à l'époque a 80 ans et je lui dis, ben
14:46 voilà, c'est horrible en fait, je vais divorcer.
14:48 Donc du coup, je me débattais avec mes convictions, mes envies, les dommages collatéraux que
14:52 cette séparation engendrait.
14:53 Mes enfants.
14:54 Et en fait, je lui dis, mais regarde, pourquoi moi ça m'arrive, toi tu t'es jamais posé
14:58 de questions, tout était rose avec papy.
15:00 Et là, en fait, on commence à avoir une vraie conversation où elle me dit, quoi tout
15:04 était rose avec ton grand-père ? Non.
15:06 Moi, il y a des jours, j'aurais pu le tuer à main nue, mais je m'interdisais de le
15:08 quitter.
15:09 Et je lui dis, mais pourquoi ? Il fallait rester fidèle aux mœurs de la bonne société
15:13 et ma place était auprès de ma petite-fille.
15:15 Et là, je me suis dit, nom de Dieu, nous avons une, deux, trois décennies d'écart.
15:22 Et à la fin, elle me dit, tu sais quoi ? À ta place aujourd'hui, j'aurais fait
15:26 la même chose.
15:27 Et c'est tellement réconfortant d'avoir un aîné qui ne vous juge pas et qui même,
15:30 avec quelques décennies d'écart, vous pousse à vous émanciper parce que c'est
15:33 ce qu'elle était en train de faire.
15:35 Alors même que mes parents étaient mariés depuis plus de 40 ans, que j'avais beaucoup
15:38 d'admiration pour eux, je me suis dit, non mais la fille...
15:40 Mais là, on parle d'une femme publique qui assume publiquement dans les interviews son
15:46 divorce.
15:47 Oui.
15:48 Et qui se retrouve avec des milliers de commentaires rageux sur les réseaux sociaux.
15:53 Oui, issus pour la plupart de femmes de mon âge.
15:55 Donc moi, j'ai 46 ans, à l'époque j'avais une quarantaine d'années, qui en gros ne
15:58 comprenaient pas qu'au gré d'une interview, dans le L notamment, j'avais pu dire que
16:02 lors d'une séparation, une femme devait aussi un peu s'affranchir de son rôle de mère
16:05 puisqu'elle les laissait partir un peu avec leur papa et qu'il fallait penser un peu
16:09 à soi.
16:10 Oh, qu'est-ce que j'avais pas dit !
16:11 Et en plus, vous vous êtes installés dans le Sud alors que vos enfants sont en région
16:15 parisienne.
16:16 Donc en gros, ça voulait dire je largue tout le monde, plus rien à faire ? Pas du tout,
16:19 j'essayais juste d'expliquer.
16:20 Mais attendez, je comprends pas.
16:22 Moi, effectivement, je veux bien essayer d'être solidaire de vos hashtags, mais vous
16:25 n'avancez pas au même rythme, en fait, dans vos vies quotidiennes.
16:28 Moi, je vous entends parler d'émancipation des femmes, je vous entends parler de liberté
16:32 de parole, je vous vois brandir le glaive de la toute-puissance féminine.
16:35 Mais donc, en fait, quand l'une d'entre nous s'émancipe un peu et essaye de profiter
16:39 pleinement de ses choix, du coup, vous la fustigez.
16:41 Et j'étais pas d'accord.
16:42 Et c'est vrai qu'aujourd'hui, on mélange beaucoup de choses.
16:45 Oui, on a le droit à notre émancipation.
16:47 Oui, c'est vrai, je me suis battue aussi en tant que femme pour avoir certains salaires
16:51 qui étaient ceux des hommes aussi.
16:53 Oui, j'ai eu un talk-show à 19h et à l'époque, j'ai pris des…
16:55 Oui, vous gagnez à l'époque plus d'argent que votre premier mari.
16:58 Oui, c'est vrai.
16:59 Oui, j'ai pris des articles misogynes parce qu'on disait comment une femme a la tête
17:02 d'un talk-show à 19h, parce qu'à l'époque, il n'y en avait pas.
17:05 J'ai pris, je me rappelle, d'un article dans Le Monde, énorme, de quelqu'un que
17:09 je ne citerai pas, et l'aspect à son âme qui n'est plus là, parce que j'avais
17:12 un talk-show culturel qui s'appelait « Un soir à la Tour Eiffel », à 22h30 sur France 2.
17:17 Donc, en fait, moi, j'ai jamais rien dit.
17:20 Dans les attaques d'Ardisson, pardon.
17:22 Ah, il n'y avait pas que lui.
17:23 Non, mais dans les attaques d'Ardisson, qui vous déglinguait à longueur d'interview
17:29 parce que vous étiez un visage du service public et parce que vous étiez totalement
17:32 un pute, il y avait une misogynie.
17:34 Pas possible.
17:35 Mais à l'époque, quand j'ai créé mon émission qui s'appelait « Je hais les
17:38 dimanches » sur France Inter, c'est pareil, j'ai entendu des choses.
17:40 Pas possible.
17:41 Mais encore une fois, je crois qu'il y a cette force au fond de moi qui fait que je
17:46 sais pourquoi je fais les choses.
17:48 Et quelque part, je vous emmerde.
17:50 C'est-à-dire, je pense que je vais y arriver, je pense que je peux avancer.
17:53 Oui, je ne viens pas d'un monde socialement très élevé.
17:56 Oui, je n'ai pas un background culturel énorme.
17:59 Non, on n'allait pas voir Truffaut et Hitchcock au cinéma.
18:01 Mais les gars, j'ai pu me construire avec Top Gun, avec Pretty Woman et avec Bridget
18:05 Jones et ça ne m'a pas empêché par connaître les interviews de Truffaut et Hitchcock,
18:10 leurs œuvres même.
18:11 Top Gun, ça vous a donné sacrément envie de faire de la moto, non ?
18:14 Mais bien sûr, mais j'ai même passé mon permis de pilotage après avoir vu Tom Cruise
18:18 et je pilote des avions.
18:19 Et je suis Tom Cruise.
18:22 Tout ça jusqu'au jour où, on ne sait pas si c'est le corps, parce que c'est un mélange
18:27 compliqué, on ne sait pas si c'est le mental, où il y a quelque chose qui s'est cassé.
18:30 Mais qui s'est cassé très profondément après votre accouchement, après la naissance
18:35 de Charlie, votre petite fille qui doit avoir…
18:37 Dont c'est l'anniversaire.
18:38 Aujourd'hui ? C'est vrai ?
18:39 Oui, elle a 11 ans.
18:40 Je l'aime tellement fort ma fille.
18:41 Ah, mais bon anniversaire Charlie !
18:43 Voilà, et là il y a quelque chose qui s'est cassé très fort.
18:47 C'est intéressant parce que d'abord, le Baby Blues, la dépression post-partum,
18:51 il y a énormément de femmes qui l'ont vécu, que c'est encore un tabou, que c'est
18:55 encore une honte très profonde de ne pas vivre ce grand moment de bonheur qui doit
18:59 être célébré socialement.
19:00 Mais c'est d'autant plus intéressant que vous, vous étiez censée retourner sur
19:03 un plateau de télé.
19:04 Exactement.
19:05 Et quand je me suis rendu compte que j'avais un problème alors que je n'ai pas du tout
19:09 de terrain dépressif, je me suis dit "là Alex, il faut prendre… voilà, il faut réfléchir,
19:14 il faut essayer de comprendre".
19:16 Je questionnais d'autres femmes de mon âge qui me disaient "non, mais c'est rien,
19:19 t'inquiète, les larmes c'est normal".
19:20 Et à la fin, je me suis dit "non, en fait, cette normalité-là, ça ne va pas être
19:24 la mienne.
19:25 Cette norme sociétale, cette contrainte, ce ne sera pas la mienne.
19:27 Donc je vais écrire un livre".
19:28 Et à l'annonce de l'écriture de ce livre, je me rappelle…
19:31 À l'écriture du livre, vous étiez déjà remise debout parce que…
19:34 Je commençais à me remettre debout.
19:36 Et je me disais "ce n'est pas possible que quelqu'un ne m'ait pas dit avant mon
19:39 accouchement, avant d'avoir cet enfant, que ça pouvait aussi se passer comme ça".
19:43 Et quand j'ai commencé l'écriture de ce livre, je me rappelle de certaines réactions
19:47 de gens qui me disaient "mais non, mais tu ne peux pas dire que la maternité, c'est
19:50 compliqué, avoir des enfants, c'est fabuleux".
19:51 Moi, je vais être absolument honnête, ce qui m'avait extrêmement choquée, c'était
19:54 votre couverture d'UL.
19:55 C'était au moment de la sortie du livre.
19:58 Avec ma fille de 6 mois.
19:59 Avec le bébé dans les bras.
20:00 Oui, mais c'était la meilleure façon de le montrer.
20:02 Et moi, ça m'avait énormément choquée.
20:04 On ne voit pas son visage sur cette photo.
20:06 Non, mais 10 ans après, Instagram est passé par là.
20:09 Et Instagram est devenu le lieu du partage des fausses couches, des morts in utero, de
20:16 choses vraiment très très graves qui sont parties prenantes de nos vies de femme, de
20:22 nos vies de mère, des choses très très graves.
20:24 Et au fond, je me suis dit que c'était précurseur de ça.
20:27 Mais ce n'est pas ça, mais en tout cas, j'y tenais.
20:29 Merci, c'était précurseur de ça.
20:30 Mais j'y tenais parce que ça montrait à quel point cette fille, tout sourire, maquillée,
20:34 joliment habillée, pouvait aussi vivre la même chose que ces femmes qui me regardent
20:41 et qui pourraient se dire "ok, en fait, elle est pareil et ça me fait du bien".
20:45 Et le seul en scène, c'est la même démarche.
20:48 Je suis comme vous.
20:50 Et je remercie encore mon producteur Jean-Marc Dumontet de me faire confiance et Julien Gélas
20:54 au Théâtre du Chien Noir parce que ce n'était pas forcément évident.
20:57 Et c'est le Festival d'Avignon cet été en off.
21:01 Et c'est un seul en scène.
21:02 Merci Alessandra.
21:03 Merci Sonia.
21:04 Et merci à vous Sonia.

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