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Un coloc pour mieux comprendre les mécanismes et les enjeux actuels de notre économie. C’est ce qu’a voulu créer Pierre-Pascal Boulanger en fondant Le Printemps de l’Économie. Avec l’idée que le savoir économique est essentiel à la préservation de nos démocraties. Pour l’édition 2025, les questions de biodiversités seront à l’honneur.

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00:00Générique
00:06Le débat de ce Smart Impact, on parle du printemps de l'économie tout de suite avec son président fondateur Pierre-Pascal Boulanger.
00:11Bonjour.
00:12Bonjour.
00:12Bienvenue, heureux de vous accueillir.
00:14Oriane Wegener, bonjour.
00:15Bienvenue.
00:16Vous êtes économiste à la Banque de France et vous allez participer à l'une des sessions, l'une des tables rondes de ce printemps de l'économie.
00:22Pourquoi vous l'avez créée ?
00:23Racontez-moi.
00:25C'est suite à la crise financière. J'organisais déjà plusieurs événements. Et on faisait les 30 ans de la disparition de Mendès
00:34et son rôle dans l'introduction de la pensée keynésienne en France. Et avec Rocard, suite à son intervention, on a discuté,
00:43on a constaté que, contrairement aux autres pays européens où il y a énormément de colloques sur l'économie, la France était le pays d'Europe
00:50où il y avait le moins de ce que, d'ailleurs, Chalange appelle les mini Davos. Donc, il existait les rencontres à Aix, les Géco à Lyon, c'est tout.
00:57Et rien dans la capitale, alors qu'on a des sièges sociaux, qu'on a des centres de recherche en économie. Et donc, on a créé le printemps de l'économie
01:06autour d'une conviction commune entre Michel Rocard et moi-même, c'est que la méconnaissance en économie est une menace pour la démocratie.
01:13— Alors, c'est ce que j'allais vous demander, c'est pourquoi le fait de ne pas s'y connaître tant que ça ? Et alors, j'inclus les journalistes, les citoyens,
01:21parfois les politiques aussi, soyons honnêtes. Ça a des conséquences démocratiques, pour vous ?
01:27— Oui, ça a des conséquences démocratiques. D'ailleurs, juste une petite parenthèse. On pense même faire un printemps de l'économie spécifique aux décideurs.
01:33— Oui, ça serait une bonne idée. — Oui, oui. En fait, tout le monde a besoin, quel que soit son niveau, même quand on a un niveau élevé...
01:40On peut très bien avoir une pensée qui est dans un carcan lié au fait que par exemple on a été formé il y a très longtemps et qu'on est dans un carcan intellectuel
01:48qui est déjà daté. Ou alors on peut avoir une pensée qui est fortement empreinte soit par sa propre orientation politique ou liée à son positionnement
01:58dans la hiérarchie sociale. Et quelquefois, de par le pouvoir que l'on a, penser que son point de vue est légèrement supérieur à d'autres.
02:07Et on a besoin de confronter les idées. On a besoin de pluralisme. Et d'ailleurs, on a besoin de mixité aussi.
02:14— Oui, effectivement. Auriane Wegener, vous participez donc à l'une des sessions de ce printemps de l'économie dans laquelle il sera question
02:20des politiques publiques en matière de biodiversité. Alors c'est quoi l'idée de votre participation ? Peut-être déjà de faire une sorte de bilan
02:29des actions menées ou de l'impact des actions menées ? — Oui, tout à fait. Alors la session, effectivement, elle porte sur la question
02:34de l'effondrement de la biodiversité et plus largement de ce qu'on appelle les risques liés à la nature. Donc il faut bien comprendre que
02:40les risques liés à la nature, c'est plus large que le climat. Ça inclut la pollution de l'air, des sols, de l'eau, les sécheresses.
02:46Et nous, notre enjeu dans cette session, ça va être de montrer en quoi l'économie dépend du bon fonctionnement des écosystèmes naturels
02:53et en quoi l'effondrement de ces écosystèmes a des conséquences sur l'activité économique.
02:57— Ça veut dire quoi ? Il s'agit de définir les conséquences économiques de la destruction de biodiversité. De quoi on parle concrètement, précisément ?
03:05— Si je donne un exemple concret, ça pourrait être par exemple le secteur agricole. Si on imagine l'effondrement de la pollinisation
03:10ou la dégradation de la qualité des sols, ça veut dire que la production agricole devient moins bonne, soit en France, soit dans le monde.
03:17Et ça, ça a des conséquences sur les prêts agricoles, donc sur les prêts de l'alimentation, et à la fin, sur l'inflation et sur le pouvoir d'achat.
03:25À l'inverse, la recherche de prix les plus bas possibles de la part des consommateurs, ça a un impact ou ça eut un impact sur la destruction de la biodiversité ?
03:36— Effectivement. On peut imaginer que la surproductivité agricole, ça, ça peut épuiser les sols ou épuiser les écosystèmes qui produisent
03:45les cultures dont on a besoin. Donc ça, effectivement, c'est un enjeu. Et c'est la raison pour laquelle, en tant qu'économiste et décideur économique,
03:54doivent tenir compte des conséquences de l'activité économique sur le fonctionnement des écosystèmes, dans l'autre sens aussi.
04:00— Oui. Quand on fait... Je vous écoutais tout à l'heure parler de la culturation économique. Mais en fait, un économiste, il fait aussi de la politique.
04:09Vous voyez ce que je veux dire ? Donc est-ce qu'on réussit à parler le même langage entre économistes ?
04:13— Alors pas forcément. Bon, on a toujours des économistes qui sont un petit peu dans la lignée de ce qu'était la discipline économique
04:21dès son origine, fin XVIIe, début XVIIIe, c'est-à-dire l'économie politique. Et après, on a, à partir de la fin du XIXe et ça se développe au XXe,
04:33d'autres économistes qui essaient d'objectiver un maximum pour en faire une science à part entière et même quelquefois pour certains
04:40une science quasi dure. Mais bon, je pense qu'il est difficile, même quand on est partisan de ce qu'on appellerait la science économique
04:50et non pas l'économie politique, je pense qu'il est quand même très très difficile d'objectiver le propos. On peut, par contre, sur les diagnostics,
05:01faire un travail incroyable de par des travaux empiriques, la modélisation, etc. Mais je crois qu'après, quand on passe à l'analyse ou à l'interprétation des données,
05:10il est très difficile quand même de s'extraire d'un objet scientifique à l'intérieur duquel on est soi-même acteur.
05:15— Oui, effectivement. Qu'est-ce qu'on va découvrir ? C'est quoi le programme cette année de ce printemps de l'économie ?
05:19— Alors cette année, à l'unanimité d'ailleurs du Conseil scientifique, qui est pluraliste, à l'unanimité, ça a été de l'action publique.
05:29Alors on a décidé ça déjà il y a un an. On décide ça un an à l'avance. On sentait bien que par rapport aux défis monstrueux qu'il y a,
05:39le rapport Bizanie-Maffouz, il faut 100 milliards à l'horizon 2030. On sait très bien qu'on doit investir dans la recherche-développement parce qu'on est très en retard.
05:50Et que c'est ça qui fait une croissance forte. On sait très bien qu'on a des déserts médicaux. Enfin on a plein d'urgences. On a l'urgence climatique.
05:59On a plein d'urgences. Et là-dessus, pour des raisons géopolitiques, s'est rajouté maintenant l'effort de guerre. L'État peut-il continuer à tout faire ?
06:07Quels arbitrages ? Quel choix ? Comment faire ? Tout le monde est d'accord sur le diagnostic. Donc il faut repenser l'action publique.
06:15Enfin, on est tous persuadés que l'État du futur, tel qu'on le pressent maintenant, pose la question du futur de l'État, donc au sens large, de l'action publique.
06:25Repenser l'action publique. Tout le monde est d'accord là-dessus. Donc à l'unanimité, on a choisi ça. Le débat maintenant, c'est repenser l'action publique, mais en quel sens ?
06:33Effectivement. Si on reparle de biodiversité, vous avez des exemples de politiques publiques, ça peut être en France, ça peut être ailleurs dans le monde,
06:39qui, soit en positif, ont eu un impact en matière de biodiversité et des conséquences économiques positives pour leur population, ou alors, à l'inverse,
06:49qui ont détruit la biodiversité et appauvri leur population.
06:52Alors sur les politiques qui ont détruit la biodiversité, il y en a plusieurs. De manière générale, l'activité économique a des conséquences qui peuvent être négatives
07:00sur la nature, sur la biodiversité en général. La question de l'artificialisation des sols, par exemple, donc le fait de construire beaucoup, ça, ça limite l'espace naturel
07:09et donc la santé des écosystèmes. À l'inverse, il y a un certain nombre de politiques qui ont été mises en œuvre au nom de la protection de la nature dans les dernières années.
07:17Donc en Europe, par exemple, on a vu ce paquet de réglementations européennes « farm to fork », de la ferme à la fourchette, qui avait vocation à encadrer un peu le fonctionnement du système agricole.
07:30Donc c'est des sujets qui sont particulièrement sensibles du point de vue économique pour les agriculteurs et pour la nature et la biodiversité.
07:37Nous, en tant qu'économistes, il nous appartient de dire qu'il faut des politiques de transition sur tous les secteurs, mais que ce qui est très important avec ces politiques de transition,
07:47c'est la manière dont on les met en œuvre. Donc il faut que ce soit bien anticipé avec les agents économiques, il faut limiter l'incertitude pour que ces politiques de transition qui sont nécessaires
07:57puissent aussi se faire en bonne intelligence et sans produire à leur tour de conséquences économiques négatives.
08:03– Avec des interdépendances, je pense par exemple à la santé, il y a cette approche qu'on appelle « one health », une santé qui montre que la santé humaine
08:13est interdépendante de la santé animale et de la santé des écosystèmes. Ça fait partie des matières sur lesquelles vous travaillez aussi ?
08:22– Oui, on réfléchit effectivement. Là, on est en train de poursuivre nos travaux de modélisation, nos travaux d'analyse, de la même manière qu'on l'a fait ces dix dernières années sur le climat.
08:30Là, notre nouveau grand défi, c'est celui d'approfondir exactement ce type d'analyse pour la nature. Et typiquement, la question des zoonoses par exemple,
08:39ça, ça peut être des enjeux qui sont des très bons points d'interaction entre les trois facteurs que vous citez. Il y en a plein d'autres et effectivement, le champ est encore large.
08:46– Avec quand même, Pierre-Pascal Boulanger, il y a un vent contraire sur ces enjeux environnementaux qui s'élevaient aux États-Unis, mais aussi un peu en Europe,
08:55si on voit les résultats des élections européennes. Ils s'alimentent, alors là, je parle des États-Unis et de l'Europe aussi, mais notamment de fake news sur les réseaux sociaux,
09:05d'attaques contre la science. Alors là, on est vraiment là-dedans aux États-Unis aujourd'hui. Ça fait partie de votre mission ou de vos ambitions au printemps de l'économie
09:17de contrer ces fausses infos ?
09:19– Bien sûr, plus que jamais. On sait que les populismes, même si je me méfie un petit peu de ce terme, qu'on utilise quelquefois sans trop réfléchir,
09:30enfin, je dirais plutôt que des extrémismes, en tout cas, se nourrissent de la colère et du terreau de nos difficultés. Et donc, par conséquent,
09:40nous n'avons pas forcément intérêt à ce que le citoyen soit le mieux informé, puisque grosso modo, on grandit sur le terreau de cette colère.
09:50Donc, se multiplient quand même des fake news qui, quelquefois, sont relayés sur les réseaux par des partis, des milieux extrémistes, etc.
09:57Et les attaques contre la science, contre la raison, sont devenues quand même assez démentielles.
10:04– Mais ça complique ces actions publiques dont vous allez parler au printemps de l'économie, parce que si on n'a pas le constat commun,
10:10si on ne se met pas d'accord sur la base scientifique-statistique commune, c'est très compliqué.
10:14– Oui, oui, il y a ça. Et puis, je pense aussi, nous, on est là pour ça. On est là aussi pour essayer de faire comprendre
10:21qu'on ne peut raisonner que sur des données fiables. Bon, là-dessus, l'INSEE fait un travail extraordinaire.
10:25Enfin, l'INSEE a été quand même victime d'une polémique complètement injustifiée il y a deux ans.
10:30L'INSEE fait un travail extraordinaire. On a d'autres sources. Et je pense qu'il faut quand même que nos politiques,
10:35ou nous, nous fassions aussi de la pédagogie pour faire comprendre qu'on ne peut pas transformer une opinion en fait.
10:43– Tout simplement, pour le rappeler. Ça veut dire qu'à l'occasion de ce printemps de l'économie,
10:47il y a des experts qui seront là, des experts, des expertes qui seront là pour répondre au public aussi, aux interrogations ?
10:52– Exactement. Notamment, on a fait une session sur l'information. Enfin, voilà, c'est quoi le coût d'une information de qualité ?
10:59On peut se prétendre expert et balancer n'importe quoi sur les réseaux sociaux sans vérification.
11:05Et les gens qui sont très en colère adhèrent très facilement. Donc, voilà. Donc, ça, c'est un petit peu...
11:09Or, une information de qualité, ça représente un coût. Et pour ça, on a besoin d'une presse.
11:14On a besoin d'une presse pluraliste. Et je ne dis pas ça parce que je suis face à vous.
11:17Mais on a quand même de bons journalistes, même si quelquefois, sur les questions économiques,
11:22les journalistes économiques ne sont pas forcément formés en économie. Là, si on peut, on pourrait agir.
11:27Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'on a quand même des journalistes de qualité.
11:30Et on a besoin des journalistes. Et on a besoin de la presse à côté des économistes, à côté des scientifiques, à côté des politiques.
11:37Voilà pourquoi toute attaque contre le journalisme est extrêmement dangereuse.
11:41– Merci beaucoup à tous les deux. Et bon printemps de l'économie.
11:45C'est du 18 au 21 mars, au CESE, au Conseil économique, social et environnemental à Paris.
11:51Évidemment à suivre, j'imagine, sur le site printempsdeléco.fr.
11:55On passe tout de suite à notre rubrique Startup.

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