Dans les années 1960, la France agricole a connu une période remembrement de ses terres… Un regroupement de parcelles, le plus souvent très morcelées, afin de permettre notamment le passage des engins mécaniques. Alors, comment nos campagnes ont-elles été bouleversées comme jamais auparavant dans l’Histoire ?Et si aujourd’hui, une politique de reboisement de terres cultivées est en cours, avec la plantation de haies, comment concilier rendement agricole et avenir de la planète ? Et, est-ce aux agriculteurs seuls d’entretenir ces haies ? Et à quel prix ? Steve Jourdin et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :
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00:00Le village qui voulait planter des arbres, voilà pour ce très beau film de Brigitte Chevet.
00:06Il s'intéresse à la Bretagne et à un petit village du nom de Martigny-Ferchaud,
00:10mais cela ressemble en fait à une histoire de la France, à l'histoire de nos campagnes.
00:15Ont-elles été sacrifiées sur l'autel de la rentabilité économique ?
00:18Avons-nous fait des erreurs ?
00:20Comment envisager l'avenir dans le contexte des règlements climatiques ?
00:24Je vous présente pour en parler mes invités.
00:26On est avec Daniel Salmon.
00:27Bonjour.
00:28Bonjour.
00:28Vous êtes sénateur écologiste d'Ille-et-Vilaine,
00:31membre de la commission des affaires économiques et du groupe d'études agriculture, élevage et alimentation.
00:36Vous êtes aussi l'auteur d'une proposition de loi dont vous allez nous parler
00:40et qui nous intéresse très directement puisqu'elle porte précisément sur les...
00:44Franck Ménonville, bonjour.
00:45Vous êtes sénateur centriste de la Meuse,
00:48vice-président de la commission des affaires économiques
00:51et également vice-président du groupe d'études agriculture, élevage et alimentation au Sénat.
00:56Marc de Conchat, bonjour.
00:57Bonjour.
00:58Vous êtes directeur de recherche à l'INRAE, écologue des paysages.
01:01Vous vous intéressez au rôle des petites forêts et de l'agroforesterie dans les paysages ruraux.
01:07Merci d'être avec nous et on accueille aussi Pierrick Aurel.
01:10Bonjour.
01:10Bonjour.
01:11Vous êtes agriculteur et président des Jeunes agriculteurs depuis l'année dernière.
01:15Ravi de vous accueillir dans cette émission.
01:17Pour commencer, j'aimerais vous interroger sur vos premières impressions après ce film.
01:22Quand on sort de ce film, quand moi je sors de ce film,
01:25j'ai l'impression que la haie, finalement, c'est la solution un peu à tous les problèmes
01:30et que c'est la solution notamment au dérèglement climatique.
01:33Est-ce que j'ai tort, monsieur de Conchat ?
01:35Non, vous n'avez pas tort.
01:37Ça fait partie des solutions pour s'adapter, atténuer le changement climatique,
01:43mais aussi pour essayer de reconquérir un peu de la biodiversité qui est menacée.
01:48C'est une des solutions qui est mise en avant dans les rapports du GIEC
01:52et de l'IBES qui portent sur cette dimension
01:55et qui mettent en avant que rajouter, diversifier les paysages agricoles
02:00en apportant des arbres sous forme de haies ou d'autres formes, ça a des effets positifs.
02:06C'est fondamental précisément pour l'écosystème.
02:08Si vous pouvez nous expliquer très concrètement l'impact de ces haies.
02:12Ces haies, d'une certaine façon, vont notamment servir de réservoir pour la biodiversité.
02:20C'est-à-dire que des espèces animales et végétales, à certains moments de l'année
02:25ou du fait des pratiques agricoles, ne peuvent pas vivre dans les milieux qui sont cultivés.
02:30Elles trouvent refuge dans ces milieux naturels ou semi-naturels
02:35que sont les haies, les bosquets et d'autres types de milieux, les milieux humides,
02:41et vont pouvoir revenir dans les cultures pour rendre service à l'agriculteur.
02:46Nous avons observé ça.
02:47Des insectes qui sortent des haies de la forêt et qui vont manger les pucerons et les limaces dans les cultures.
02:54À la base, Pierre-Écorel, c'est quand même une manière juste de délimiter.
02:58Il y a un impératif économique aussi de ces haies.
03:00Est-ce que vous pouvez nous expliquer, à l'origine, à quoi servent ces haies aussi ?
03:04Pas seulement pour l'écosystème, mais simplement, il fallait remembrer,
03:08il fallait rassembler, regrouper des exploitations, c'est ça ?
03:12C'est ça. Dans les années 50-60, il y a eu le remembrement en France.
03:16On a retravaillé le paysage agricole, les parcelles agricoles,
03:20en s'appuyant sur le cadastre et en retravaillant en fonction de chaque exploitation.
03:24Les parcelles étaient délimitées par ces fameuses haies.
03:27C'est entre autres le bocage, comme on l'appelle.
03:30On a beaucoup arraché de haies pendant ces années-là,
03:35certainement des fois trop, au profit de la production agricole.
03:40Dans les plus grandes parcelles, on limite les coûts.
03:43Il y avait un esprit de compétitivité à cette époque-là.
03:46Il fallait renourrir la France et le monde aussi,
03:49parce qu'on sortait de la Seconde Guerre mondiale.
03:51Il y avait cet enjeu-là autour de la haie.
03:54Aujourd'hui, en 2025, on n'a plus tout à fait les mêmes enjeux.
03:58On a besoin de retrouver, à certains endroits, de la haie
04:01pour des enjeux environnementaux, mais aussi d'auxiliaires sur les cultures,
04:05de gestion de la ressource.
04:08C'est aussi pour ça qu'il faut regarder cette question de la haie.
04:11Il y a quelque chose qui n'est pas dit ou pas suffisamment dit,
04:13peut-être dans ce film, c'est que les haies, c'est un objet créé par l'homme.
04:16Ce n'est pas un objet naturel, n'est-ce pas ?
04:18Déjà, je pense que ce qu'il faut dire,
04:20c'est peut-être aussi très différent d'une région à l'autre.
04:24Il y a des régions comme la Bretagne, la Normandie, le Limousin,
04:30où on est dans des paysages de bocage,
04:38où, effectivement, la haie servait pour délimiter des propriétés.
04:45Il y a d'autres secteurs de France, comme Lorraine, où ce n'est pas le cas.
04:50Vous êtes sénateur de la Meuse, vous vous êtes retrouvé dans ce film
04:53qui porte sur la Bretagne ?
04:55Pas vraiment, parce que nous ne sommes pas dans un paysage de bocage.
05:02Nous ne délimitions pas culturellement les parcelles par des haies.
05:07Par contre, effectivement, on a, comme l'a dit le président des Jeunes Agriculteurs,
05:13les remembrements qui ont été nécessaires et qui ont accompagné la mécanisation,
05:18parce que je crois qu'il faut le dire.
05:20Pourquoi nous avons remembré les parcelles ?
05:22C'est parce que, bien évidemment, la taille de certaines parcelles
05:26n'était plus compatible avec la mécanisation.
05:30En parallèle, je mettrais aussi le recul de la haie,
05:34avec aussi la déprise de l'élevage, parce que ce n'est pas suffisamment dit.
05:40Finalement, c'est la déprise de l'élevage dans un certain nombre de régions
05:45qui ont laissé place à la disparition de certaines prairies,
05:51où il y avait des haies qui étaient moins accommodantes dans l'utilisation des prairies,
05:58et bien évidemment, aujourd'hui, plus complexes dans les grandes cultures.
06:03Ce qu'on a remembré, c'est aussi pour des raisons de compétitivité économique.
06:07Oui, et puis d'accès à la mécanisation.
06:10Je pense qu'aujourd'hui, on ne peut pas non plus être…
06:12Et je crois qu'un des vrais enjeux qui est celui de la haie,
06:17aujourd'hui, c'est de rendre compatibles les haies à la modernité de l'agriculture,
06:23et c'est d'ailleurs ce que nous faisons, nous, dans le Grand Est, au Conseil régional.
06:27On va vous donner la parole aux Bretons de ce plateau.
06:30On vous a vu aussi dans les films, il y a une spécificité à la Bretagne.
06:34On voit que ce n'est pas forcément pareil partout en France.
06:36Oui, je crois que chaque région a sa spécificité.
06:39C'est bien donné dans le film, il a montré qu'on est une région aussi près de la mer,
06:44donc assez ventée, donc la haie avait aussi cet avantage-là de protéger les cultures du vent.
06:50Mais je pense qu'on a oublié certainement que la France, si on remonte à deux siècles,
06:56était une terre de polyculture élevage, parce qu'il n'y avait pas d'agriculture sans élevage.
07:01Et peu à peu, il y a eu une spécialisation des régions qui ont fait que les haies
07:06ont disparu plus rapidement dans certains endroits que dans d'autres.
07:09La Bretagne a conservé ses haies jusqu'à l'après-guerre.
07:12Et hélas, on l'a dit, il y avait des raisons objectives aussi à enlever un certain nombre de haies,
07:18parce qu'effectivement le parcellaire, au fil des héritages, était devenu très petit,
07:24et puis parfois très éloigné de la ferme elle-même.
07:27Donc un des objectifs du remembrement, c'était de regrouper les parcelles,
07:33pour gagner du temps, effectivement.
07:36Mais on a gagné du temps, mais on a aussi largement modifié le paysage
07:41et modifié les équilibres biologiques de ces écosystèmes.
07:45On va en reparler très largement.
07:47Le maire du village, dont le film est aussi agriculteur,
07:49il s'est laissé convaincre de replanter des haies. Écoutez-le.
07:55Quand j'ai replanté cette haie-là, mes collègues m'ont dit « Mais t'es malade ? »
07:58T'es complètement malade.
08:00Tu perds plus de 2 mètres sur toute la longueur de ta parcelle.
08:05Économiquement, du blé à la place de la haie, tu récoltes.
08:12La haie, on ne va pas la récolter tous les ans.
08:15La haie, ça va apporter ses fruits sur de la durée.
08:21Pierre-Écorel, on l'entend, les agriculteurs semblent craindre un peu de perdre en surface cultivable.
08:26Quand on est agriculteur, on est vraiment, moi qui ne suis pas agriculteur,
08:29on est vraiment à 2 centimètres, 2 mètres près.
08:32Ça se joue beaucoup.
08:34Si on le fait sur chaque parcelle, ça a un impact, évidemment,
08:36sur la surface agricole de l'exploitation.
08:38Mais je crois que ce qu'il faut retenir dans ça,
08:41c'est qu'il ne faut pas opposer la production agricole et la haie.
08:46Je pense que pour le coup, elles sont compatibles.
08:49Il y a des interactions et des animaux positifs.
08:51Mais ce n'est pas forcément évident dans le film.
08:53Non, mais parce qu'on le voit à un moment donné dans le film.
08:56On est en capacité de créer un débouché,
08:59notamment avec le bois énergie ou la valorisation de la haie.
09:02Elle ne vient pas tout de suite quand on a planté.
09:05C'est ce que dit l'interviewé.
09:08On a pour habitude en agriculture de récupérer chaque année
09:11les fruits de notre récolte, de notre production.
09:13La haie, c'est sur des dizaines d'années.
09:15C'est quelque chose qui est sur du cycle long.
09:17Néanmoins, on peut capter un petit peu de production.
09:20Nous, c'est ce qui nous intéresse, agriculteurs, avant tout, c'est produire.
09:22Produire dans de bonnes conditions.
09:24Et pour le coup, avec la haie, quand c'est bien fait,
09:26on peut retrouver une forme de diversification du revenu.
09:30Et ça, ça va dans le bon sens.
09:32Si je peux ajouter quelque chose sur ce passage qui est particulièrement intéressant,
09:36mais qui fait écho à un autre passage du film,
09:39c'est qu'effectivement, on observe très facilement lorsqu'on se promène
09:43que près d'une haie, les cultures, les cultures de blé,
09:46elles poussent moins bien.
09:48Et donc, intuitivement, on se dit,
09:50la haie a un effet négatif sur ma culture.
09:52Si je n'avais pas une haie, ça pousserait mieux.
09:54Mais en fait, l'effet positif de la haie,
09:57il porte sur l'ensemble du champ.
09:59Il y a un endroit dans le film, ils disent,
10:01ça porte jusqu'à 200 mètres de la haie.
10:04Parce que ?
10:05Parce qu'on protège du vent, on protège de la sécheresse,
10:08on apporte des auxiliaires, on apporte tout un ensemble de choses.
10:11Et donc, le rendement total de la parcelle
10:15qui est protégée par une haie ou un ensemble de haies
10:18est supérieur à celui d'une parcelle qui n'a pas de haies.
10:22Même si, à proximité de la haie,
10:25on voit que les plantes poussent moins bien.
10:28Et ça, ça me permet de boucler sur quelque chose d'important,
10:31c'est que la haie, on le présente souvent
10:33comme un peu une réminiscence du passé,
10:35un patrimoine qu'on va garder,
10:37on va réutiliser des vieilles recettes d'antan.
10:40Non, la haie, les haies que l'on plante aujourd'hui,
10:43c'est l'agriculture moderne.
10:45C'est là où on investit le maximum des connaissances que l'on a.
10:49On sait infiniment plus de choses aujourd'hui
10:51sur la façon dont les haies fonctionnent,
10:53sur les espèces qui y vivent,
10:55sur la façon dont les agriculteurs peuvent les gérer,
10:58sur comment les planter.
10:59C'est très bien montré dans le film
11:01avec tout ce que cette jeune femme apporte comme information.
11:05La fée du bocage.
11:06La fée du bocage, voilà.
11:08C'est pas juste, on va planter une haie,
11:10on va la mettre là.
11:11Il y a toute une réflexion derrière
11:13et des éléments très scientifiques.
11:15C'est vraiment une agriculture moderne.
11:17Le Sénat a récemment adopté une proposition de loi,
11:19la vôtre, Daniel Salmon,
11:21un texte en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie.
11:24L'idée est de créer des incitations économiques pour les agriculteurs.
11:28Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu l'objet de ce texte ?
11:32Tout à fait.
11:33Ça fait cours avec un passage de ce film justement
11:35où on voit un agriculteur qui dit,
11:37on voit bien qu'il y va mais il n'est pas convaincu
11:40et il dit, moi ça va me prendre du terrain
11:43et puis j'en ai aucune utilité
11:45parce que je n'utilise plus le bois chez moi
11:48et donc la haie est devenue un inconvénient
11:52et pas du tout un atout pour l'agriculteur.
11:54Eh bien, l'objet de cette proposition de loi,
11:56c'est de renverser cette vision de la haie
11:59et de faire de la haie vraiment un atout pour l'agriculteur
12:03qu'il s'en rende compte
12:05et donc pour cela, il y a d'abord la question du revenu.
12:08C'est-à-dire que la haie aujourd'hui coûte pour un agriculteur.
12:12On l'a vu, ça lui coûte un peu en production
12:16même si on a vu que ça peut être pondéré tout à fait
12:19mais également ça lui prend du temps
12:21et le temps, c'est de l'argent.
12:24Il y a une estimation qui mène à ce qu'un kilomètre de haie linéaire,
12:27ça coûte à peu près 450 euros par an à entretenir
12:30si on veut l'entretenir correctement.
12:32Donc cette proposition de loi, elle a un article
12:35qui est un crédit d'impôt qui vise à éponger ce coût
12:40avec un plafond de 4500 euros pour un agriculteur.
12:43Donc déjà, on redonne à l'agriculteur
12:46le temps qu'il a passé, au moins on le valorise.
12:49Et ensuite, le deuxième pilier de cette proposition de loi,
12:52c'est de valoriser la production.
12:55La haie, c'est dans le paysage,
12:58c'est très important pour la biodiversité,
13:00c'est un corridor, ça a de multiples apports
13:03et ça permet de s'adapter aux aléas climatiques.
13:05Mais également, c'est une production.
13:07C'est une production de biomasse et ça, c'est essentiel.
13:09On l'a un peu oublié, la haie, c'est un peu le couteau suisse
13:12et on en avait absolument besoin par le passé.
13:14C'est pour ça que je dis qu'il y en avait partout en France
13:16parce qu'on se chauffait au bois.
13:17Et la haie, c'était une production de bois
13:19et là, il s'agit de valoriser cette production de bois.
13:21Il y a quand même un consensus sur ce plateau
13:23autour de la nécessité de replanter des haies.
13:26C'est un luxe écolo ou c'est vraiment quelque chose
13:29de fondamental aujourd'hui ?
13:32Vous partagez ce qui vient d'être dit auparavant ?
13:34Oui, je partage.
13:36Après, il faut faire attention parce qu'on a tendance,
13:38en France et ailleurs, à faire des totems politiques.
13:41Et si la haie, pour moi, devient un totem politique,
13:43comme le sont le glyphosate ou les réserves de substitution,
13:47pour certains mégabassines,
13:49je pense qu'on aura raté l'objectif
13:51parce que pour le coup, on a tous envie
13:53de rectifier un peu le tir sur la haie,
13:55d'améliorer notre rapport à ça.
13:59Mais encore une fois, si on le fait tel que là c'est fait,
14:02avec le suivi, les études,
14:05des personnes qui restent sur le territoire,
14:07qui comprennent les enjeux,
14:08parce que c'est très lié à chaque territoire...
14:10Vous vous dites pourquoi pas ?
14:11Pourquoi pas ? C'est important de le faire
14:13parce que ça nous apporte des animosités positives,
14:16mais encore une fois, ça dépend comment on le fait.
14:18Monsieur Ménonville ?
14:19Oui, je pense qu'il y a aussi un enjeu,
14:21c'est la capacité à simplifier les politiques publiques
14:25qui encadrent notamment l'entretien des haies
14:31et un certain nombre de...
14:33Sur les nains, oui, on y reviendra tout de suite.
14:36Je pense que c'est fondamental,
14:38et d'ailleurs, Daniel, dans sa PPL, l'intègre.
14:44Si on veut rendre les haies...
14:47Bien évidemment, les haies apportent à la biodiversité,
14:51apportent aux cultures, en coupe-vent, etc.
14:53Mais il faut pouvoir les valoriser,
14:55il faut pouvoir aussi les entretenir.
14:58Il faut pouvoir également...
15:00Il y a un sujet, parce qu'on commence à parler
15:03de temps en temps de zones de non-traitement
15:05le long des haies.
15:06Vous ne trouverez pas d'agriculteurs,
15:08en tout cas dans les grandes cultures,
15:10qui positionneront des haies le long de leurs champs
15:15si on leur impose des contraintes dans les pratiques agricoles
15:19le long de la haie.
15:20Donc il faut vraiment l'intégrer
15:23dans une dimension moderne de l'agriculture.
15:27On reviendra bien sûr sur la norme un peu plus tard.
15:29Le grand remembrement agricole a-t-il été une grande erreur ?
15:32Avant de répondre à cette question,
15:34j'aimerais qu'on écoute Léa,
15:35celle qui est décrite comme la fée du bocage.
15:38Elle revient sur plusieurs décennies d'histoire
15:40de nos campagnes.
15:41Écoutez.
15:43Donc là, c'est une photo aérienne actuelle.
15:47Et puis là, c'est la photo des années 50.
15:50On dit photo des années 50,
15:52mais c'est à priori entre 50 et 60, 65.
15:56Quand on voit des parcelles,
15:58on va prendre cette parcelle-là,
16:00qui est assez pentue.
16:02On voit l'înée R2A sur le pourtour.
16:04On est sur une parcelle qui fait quasiment
16:06une vingtaine d'hectares, je pense.
16:08Et quand on met la photo des années 50,
16:10on voit le découpage des parcelles,
16:12qui était vraiment beaucoup plus petit,
16:14une parcelle qui devait appartenir en plus
16:16à plein de propriétaires différents.
16:22Je vois régulièrement ces photos des années 50.
16:24Je ne vais pas dire que je m'y suis habituée un petit peu,
16:26mais c'est tout le paysage qu'on a complètement refait
16:29pour qu'il soit plus pratique à exploiter.
16:34Si ça se comprend d'avoir modifié un petit peu le paysage,
16:37je pense que là, on a perdu beaucoup de repères quand même.
16:41– Marc Deconcha, il y a quand même une grande question
16:44que pose ce documentaire.
16:46Le remembrement agricole a-t-il été une erreur ?
16:49On a l'impression que voilà, on a fait mal,
16:51on a mal fait, on n'a pas pris en considération
16:53ce qui se passait sur le terrain.
16:55Quel est votre avis à ce propos ?
16:57– Mon premier avis, c'est que c'est difficile
16:59de juger de l'histoire et de porter un jugement
17:01sur ce qu'ont pu faire nos…
17:03– Ah on peut !
17:04– Dans le passé, on peut, mais c'est…
17:07Les excès du remembrement ont été des erreurs.
17:11Il y avait une logique, il y avait une pertinence
17:14à remembrer dans certaines régions de France
17:17où effectivement, pour des raisons agronomiques
17:20mais aussi sociales, historiques, on se retrouvait
17:23avec des parcelles qui devenaient vraiment difficiles
17:25à exploiter, même sans mécanisation.
17:27Donc il y a eu une certaine logique.
17:29Et puis il y a eu un emballement.
17:31Il y a eu un emballement du remembrement
17:33où c'était un peu devenu un totem,
17:36un symbole de modernité.
17:38On a des témoignages très clairs d'agriculteurs
17:41et de communes qui disent, mais puisqu'ils ont
17:43remembré la commune d'à côté, pourquoi nous serions
17:45en retard sur la modernité ?
17:47– Avec une compétition entre régions,
17:49entre départements.
17:51– Est apparue aussi une petite industrie
17:53du remembrement.
17:55Des gens qui vivaient de ça, qui travaillaient
17:58et qui œuvraient à ça.
18:00Et enfin, et on le voit bien dans le film,
18:02les scientifiques de cette époque
18:04avaient déjà levé des signaux d'alarme
18:08et avaient indiqué des précautions à prendre.
18:11Donc le remembrement tel qu'il était écrit
18:13dans le rapport et le projet
18:15était assez légitime, c'était plutôt bien fait
18:18parce que si on tenait compte de ces précautions.
18:20Sauf qu'elles n'ont pas été prises en compte.
18:22Elles n'ont pas été prises en compte.
18:24– Pourquoi ?
18:26– Par facilité, par…
18:28alors là je ne suis pas à la place des gens
18:30mais ça paraissait simple.
18:32– Eric Horel, est-ce qu'on aurait pu faire autrement ?
18:34– Je pense qu'il y a une réelle plus-value
18:36avoir un remembrement en France
18:38pour moderniser, pour répondre aux enjeux
18:40de productivité, de compétitivité.
18:42Et on le sait qu'à chaque fois qu'on fait
18:44des opérations comme ça,
18:46il peut y avoir un peu de débordement.
18:48Et notamment en Bretagne,
18:50je pense que ce qui a été fait,
18:52peut-être des fois était trop loin,
18:54ce n'était pas adapté forcément au territoire.
18:56Ce qui peut être vrai dans la Bosse
18:58ou dans des secteurs comme ça.
19:00– Ce que vous dites, c'est que ça a été décidé en haut,
19:02à Paris, et que ça s'est infusé
19:04dans tous les territoires.
19:06– En tout cas, ce que je constate aujourd'hui,
19:08c'est que quand on a une politique nationale,
19:10il faut qu'on regarde vraiment ce qui se passe
19:12sur le territoire et la déclinaison territoriale,
19:14si elle est adaptée ou pas, parce qu'on peut avoir
19:16des très grandes idées dans la réalité du terrain.
19:18Et on le voit, c'est tous les déplacements
19:20de Léa sur le terrain, qui fait en sorte
19:22d'avoir une vraie justesse sur le positionnement
19:24de la haie, son intégration et tout ça.
19:26Et je pense qu'à l'époque,
19:28ça n'a pas forcément été fait comme ça,
19:30il fallait aller vite et fort, et donc,
19:32on a eu quelques déboires aujourd'hui.
19:34– On a fait n'importe quoi en Bretagne.
19:36– Écoutez, n'importe quoi, peut-être pas,
19:38mais des grosses erreurs, certainement.
19:40Effectivement, d'ailleurs Edgar Pisani,
19:42lui-même, qui a été un des artisans
19:44de ce remembrement, l'a reconnu
19:46peu de temps avant la fin de sa vie,
19:48mais en disant, on est allé beaucoup trop loin.
19:50Effectivement, ça a été une révolution,
19:52une révolution culturelle aussi.
19:54– 100 000 grands arbres ont été abattus
19:56lors du remembrement de 1983.
19:58100 000, moi ça me paraît énorme.
20:00– Oui, on estime à 300 000 km
20:02le linéaire de haies abattus en Bretagne.
20:04C'est colossal,
20:06on a changé, complètement transformé
20:08les paysages.
20:10On le voit aussi dans le film, on en a profité
20:12pour rectifier tous les ruisseaux,
20:14donc c'est toute une histoire qui s'était construite
20:16sur des millénaires, sur des générations
20:18et des générations d'agriculteurs
20:20qui étaient rayées d'un trait.
20:22Il y avait un certain nombre de contestations
20:24dans des communes
20:26qui étaient assez légitimes.
20:28Même si on l'a vu, il y avait certainement
20:30à enlever un certain nombre
20:32de linéaires de haies pour regrouper
20:34les parcelles, ça c'est indéniable.
20:36Donc c'était les années 70,
20:38il faut regarder 60-70,
20:40c'était l'époque où Pompidou disait, il faut adapter
20:42la ville à la voiture,
20:44où on voulait faire des pénétrantes
20:46jusque près de la mairie, en plein centre du bourg.
20:48Et c'était l'époque où, effectivement,
20:50on avait une vision du progrès,
20:52c'était le machinisme, c'était la production
20:54à tout va. Aujourd'hui,
20:56on se rend bien compte que c'était
20:58un modèle qui n'est pas soutenable et qu'il faut
21:00non pas revenir en arrière,
21:02parce qu'on ne revient jamais en arrière,
21:04mais il faut s'adapter parce qu'on est allé
21:06beaucoup trop loin, effectivement.
21:08– Franck Ménonville, depuis les années 1950,
21:10la France a perdu près de 70%
21:12de ses haies, principalement en raison
21:14de l'intensification de l'agriculture
21:16et donc du remembrement.
21:18Il fallait le faire, mais on a mal fait,
21:20c'est ça ?
21:22– Moi je pense qu'il faut aussi
21:24intégrer ce qu'était
21:26la problématique de l'époque.
21:28La France et l'Europe
21:30n'étaient pas autonomes
21:32en matière
21:34d'alimentation,
21:36on n'avait pas notre souveraineté,
21:38d'où l'intérêt,
21:40d'où la création de la politique
21:42agricole commune, et puis bien évidemment
21:44il y a eu, on passe souvent
21:46d'un excès à l'autre,
21:48ça a été l'arrivée de la mécanisation,
21:50avec sans doute aussi
21:52des excès, surtout
21:54en matière d'aménagement foncier
21:56dans certaines régions,
21:58parce que là aussi on ne peut pas généraliser,
22:00mais néanmoins, moi je pense
22:02qu'aujourd'hui ce qu'il faut faire,
22:04bien évidemment,
22:06c'est permettre
22:08d'avoir une politique
22:10qui permette
22:12de lier le maintien
22:14ou le développement des haies
22:16quand c'est nécessaire,
22:18quand c'est utile et quand c'est souhaité,
22:20avec la capacité
22:22de les gérer, de les valoriser
22:24et d'en faire un vrai écosystème
22:26et dans le Grand Est, c'est ce que nous faisons
22:28avec le Conseil Régional, puisque
22:30nous partons, nous accompagnons
22:32la filière des plants jusqu'à la valorisation
22:34finale de la haie
22:36et en accompagnant bien évidemment
22:38leurs plantations.
22:40Marc Deconcha, le remembrement agricole,
22:42c'est le triomphe du modèle productiviste,
22:44on entend beaucoup ce mot aujourd'hui,
22:46c'est ça, qu'est-ce que c'est le modèle productiviste d'ailleurs ?
22:50Le triomphe du modèle productiviste,
22:52c'est peut-être un raccourci,
22:54ça aboutit à ça,
22:56mais ce n'était pas forcément
22:58l'idée initiale,
23:00il y avait une certaine
23:02cohérence, une certaine
23:04logique agronomique d'aménager
23:06les paysages, et ça, ça s'est fait
23:08de tout temps. Les haies, comme ça a été
23:10bien dit, c'est une invention, une construction
23:12historique, à un moment donné, des
23:14agriculteurs ont décidé qu'ils allaient implanter des
23:16haies, et Léaumannien, qui vient d'écrire
23:18un livre sur le sujet, explique bien que c'était
23:20à cette époque-là, le symbole d'une
23:22modernité très poussée
23:24de l'agriculture courant 19e.
23:26Donc on a toujours modifié
23:28les paysages.
23:30Oui, ça s'est enclenché
23:32avec ce qui a été décrit tout à l'heure,
23:34une société qui imaginait un progrès
23:36qui ne serait que technologique.
23:38Ce que je voulais peut-être dire, c'est qu'il n'y a
23:40pas que des agriculteurs qui font
23:42disparaître des haies.
23:44Parce que ça, je trouve qu'il faut quand même
23:46un peu le dire. Il y a des haies qui disparaissent
23:48aussi parce qu'on fait des autoroutes, parce qu'on
23:50fait des aéroports, parce qu'on fait des lotissements,
23:52et on en fait beaucoup.
23:54Il y a des haies qui disparaissent pour des raisons
23:56statistiques, parce que
23:58ça n'apparaît plus comme une haie
24:00sur la carte, mais les arbres n'ont pas
24:02pour autant été arrachés. Dans les
24:04zones de déprise agricole, vous parliez tout à l'heure
24:06des zones d'élevage, en Ariège,
24:08dans l'Aude, dans le massif central,
24:10des haies disparaissent parce qu'elles deviennent
24:12des morceaux de bois.
24:14Effectivement,
24:16certaines centaines de haies
24:18disparaissent du fait des
24:20agriculteurs, mais ce n'est pas non plus
24:22que les agriculteurs, c'est des agriculteurs
24:24qui sont bien souvent un peu victimes dans
24:26un système entre le marteau
24:28et l'enclume, où les injonctions
24:30et les contradictions dans lesquelles on les met
24:32leur imposent parfois
24:34de faire des choses que
24:36dans nos enquêtes auprès d'agriculteurs
24:38qu'on a rencontrés qui arrachent des haies, nous disent
24:40j'étais obligé de le faire, mais j'ai le
24:42coeur fondu d'avoir fait ça.
24:44Il y a encore 20 000 km
24:46de haies qui disparaissent par an. Quand on est
24:48agriculteur, pourquoi on arrache des haies,
24:50très simplement ?
24:52Déjà pour se simplifier le travail, parce que les machines
24:54elles grossissent aussi, donc on a souvent besoin de plus
24:56de place, et puis
24:58on arrache des haies,
25:00parce qu'il y a aussi tout un sujet autour
25:02de l'entretien des haies,
25:04et si on voit qu'il y a des haies qui disparaissent
25:06à la faveur de bosquets, c'est parce que
25:08les contraintes pour l'entretenir sont tellement
25:10draconiennes qu'on ne l'entretient
25:12plus, et une haie
25:14qui n'est pas entretenue, c'est du bois mort,
25:16c'est quelque chose qui ne se régénère pas,
25:18on le voit dans le sujet,
25:20dans le documentaire.
25:22Il y a un suivi après des haies, de l'entretien,
25:24de comment on taille une haie, de comment
25:26on la fait rester.
25:28Et donc, voilà.
25:30Il y a un vrai intérêt,
25:32une question vraiment
25:34pour votre métier.
25:36C'est clairement ça.
25:38Maintenant, il faut aussi qu'on
25:40évolue sur ce regard
25:42qu'on a sur la haie,
25:44et qu'on adapte notre
25:46législation à ça, parce que sans ça,
25:48on ratera l'objectif
25:50de la conserver
25:52et de l'améliorer, parce que je crois que c'est ce qu'on partage
25:54tous.
25:56Je voulais juste rajouter quelque chose
25:58sur la haie et notre rapport
26:00à la haie, quand on dit l'agriculture
26:02productiviste, tout ça, et quand on regarde
26:04ce qui se fait, déjà chez nos collègues
26:06européens, là,
26:08on parle de parcelles qui font,
26:10entre 7 hectares qu'on redivise,
26:12nos collègues européens ont des parcelles qui font plusieurs
26:14centaines d'hectares, et on a
26:16besoin de... – Ils sont allés encore plus loin.
26:18– Ils sont allés beaucoup plus loin, on le dénonce,
26:20et par ailleurs, on voit aujourd'hui, dans un contexte de mondialisation
26:22où on nous parle de produits importés,
26:24de la déforestation, on ne parle pas tout à fait d'arracher
26:26quelques centaines de kilomètres
26:28de haies, c'est des milliers d'hectares
26:30de forêts primaires qui sont arrachées au profit de l'agriculture,
26:32c'est aussi à mettre en perspective
26:34pour bien se rendre compte. – On va parler de quelque chose qui va vous intéresser,
26:36parce que les agriculteurs, on l'entend beaucoup,
26:38en ont marre d'être assommés par les normes et des décisions
26:40souvent prises loin de leur champ,
26:42c'est ce qu'on a pu entendre dans le
26:44documentaire, regardez cet extrait.
26:46– Planter, le problème, c'est que
26:48j'ai pas spécialement envie d'entretenir,
26:50si vous me prouvez de la main d'œuvre pour faire le travail,
26:52le bois, c'est un travail à part entière,
26:54c'est toujours en saison quand il faut le faire,
26:56à la base, on est là pour s'occuper
26:58de nos animaux, de nos cultures,
27:00et puis le bois, c'est un autre boulot,
27:02l'entretien, c'est que le déballage,
27:04c'est du boulot, c'est de l'entretien,
27:06et ça se fait pas tout seul,
27:08et c'est après, on n'a pas de débouchés,
27:10pourquoi faire ?
27:12– Franck Ménonville, depuis le début
27:14de l'année 2024, il y a une vraie colère
27:16chez les agriculteurs
27:18qui demandent notamment une meilleure rémunération,
27:20mais les réglementations
27:22sont aussi pointées du doigt,
27:24notamment la réglementation sur les haies,
27:26de quoi parle-t-on ?
27:28– Tout simplement, nous avons
27:30un empilement de réglementations
27:32liées à certaines venant
27:34plutôt du domaine
27:36de l'environnement, la directive Habitat,
27:38on a aussi
27:40des réglementations au travers
27:42des règles européennes,
27:44des règles de la PAC, tout cela s'empile,
27:46et aujourd'hui,
27:48bien évidemment, c'est à la fois
27:50pas compris, et surtout,
27:52il y a souvent
27:54des injonctions contradictoires,
27:56des contradictions qui rendent
27:58compliqué
28:00à la fois la valorisation
28:02de la haie, à la fois
28:04sa gestion et son entretien,
28:06selon les cultures qu'on y fait
28:08à proximité, et donc,
28:10on a un texte,
28:12la loi d'orientation agricole
28:14qui…
28:16– Sur laquelle vous travaillez de près.
28:18– Qui va être adoptée,
28:20et pour lequel il y a des mesures
28:22de clarification et de simplification,
28:24et moi, ce que je
28:26vraiment défends, c'est l'idée
28:28aussi de différenciation
28:30territoriale, parce qu'on a
28:32bien évidemment déplacé
28:34des haies, c'est pas
28:36la même chose quand il y en a
28:38beaucoup sur le territoire
28:40que quand il n'y en a
28:42plus beaucoup,
28:44et puis, selon où elle se situe,
28:46etc., l'érosion
28:48et autres, et puis,
28:50surtout, bien évidemment,
28:52donner la capacité
28:54au préfet de définir
28:56des dates, des dérogations
28:58et des capacités à…
29:00– On a compris qu'il fallait simplifier, mais vous comprenez
29:02Daniel Salomon, ce que vous dit
29:04votre collègue sénateur, il y a un ras-le-bol
29:06de toutes ces normes. – J'entends les agriculteurs
29:08et mes collègues quand ils disent
29:10que l'agriculteur, il n'a pas envie
29:12de passer une journée par semaine à remplir des papiers,
29:14ça c'est très clair, c'est pas son métier.
29:16Donc, il faut qu'il y ait des simplifications
29:18au niveau des
29:20formulaires, de tout un tas de choses.
29:22Là, ce qui va dans le bon sens, c'est qu'on va avoir un guichet
29:24unique pour parler de la haie,
29:26qu'il n'y ait pas de réglementation. – Donc l'agriculteur ira,
29:28il y a un guichet unique et puis… – On a fait des caricatures
29:30en disant il y a 14 réglementations,
29:32mais ça n'applique pas toutes à la même haie, ça dépend si on est
29:34en zone nature à 2000, si on est
29:36sur une aire de captage, en général,
29:38il y a une ou deux réglementations qui s'adaptent, qui sont
29:40sur une haie donnée, mais
29:42effectivement, il faut faciliter la vision qu'on a
29:44de l'agriculteur avec un guichet unique, où il aura
29:46directement tous les renseignements
29:48sur sa haie et ce qu'il peut en faire.
29:50Mais par contre, il ne faut pas que cela conduise
29:52à aller encore
29:54dans davantage d'arrasements de haies,
29:56parce que moi, dans ma proposition de loi,
29:58ce qu'on essaye de faire, c'est préserver les haies
30:00existantes, parce qu'on a souvent parlé de déplacer
30:02les haies comme si on déplaçait des valises.
30:04Il faut préserver l'existant parce que les haies
30:06qui sont là, c'est un patrimoine
30:08effectivement, avec des arbres qui sont
30:10parfois centenaires, et on ne déplace pas
30:12un chêne centenaire. Donc, il faut préserver l'existant
30:14et aussi faire une reconquête,
30:16c'est-à-dire replanter de la haie.
30:18Mais avant tout, pour qu'on puisse préserver
30:20l'existant, il faut que l'agriculteur
30:22s'y retrouve, parce que la haie, c'est une vraie production.
30:24– Pierre Ycoral, on a l'impression, dans ce
30:26documentaire, qu'il y a un dialogue entre
30:28les agriculteurs et les pouvoirs publics. C'est vrai ?
30:30Sur le terrain, c'est ce qui se passe ? – Oui, complètement,
30:32parce que la haie, on l'a vu, ça a été très symptomatique
30:34pendant les mobilisations, on en a beaucoup parlé,
30:36parce qu'en fait, il y a une incompréhension
30:38autour de tout ça.
30:40Monsieur le sénateur le disait, on a
30:42plusieurs législations qui viennent s'entrechoquer.
30:44Moi, sur mon exploitation en site personnel,
30:46j'ai une zone de captage, donc
30:48avec une réglementation spéciale,
30:50j'ai du Natura 2000, j'ai de la haie
30:52bocagère, et tout ça est concerné par
30:54l'APAC. Vous dire comment il faut
30:56que je m'y prenne pour l'entretenir,
30:58je ne sais pas faire. Et donc, ça,
31:00ça pose un problème, alors que j'ai plutôt
31:02envie de l'entretenir,
31:04de la développer, parce qu'il y a une source
31:06de revenus, parce que c'est vertueux,
31:08et ça, en fait, il faut le simplifier,
31:10et c'est pour ça qu'on a un dialogue avec les pouvoirs
31:12publics, et je pense
31:14qu'il faut aller assez vite, encore une fois,
31:16sur cette question de la haie, parce que sinon,
31:18on va observer et du découragement,
31:20et de l'autre côté, des agriculteurs qui ont
31:22juste envie de tout raser. – Oui, dites-moi.
31:24– Je parlais de territorialisation, parce que même
31:26au niveau de l'entretien, il faut que
31:28ça soit territorialisé, parce que
31:30une haie, ça a été voulu
31:32planter, entretenue
31:34par l'homme, et entre une haie bretonne,
31:36qui est entretenue de telle manière,
31:38dans le Morvan, d'une autre manière,
31:40et chez moi en Lorraine, c'est trois choses différentes.
31:42– Marc de Concha, on a l'impression aussi
31:44qu'il y a une petite guéguerre entre Paris et la province,
31:46j'ai tort, il y a certains mots
31:48comme ça qui sont prononcés dans le documentaire,
31:50les messieurs de Paris sont venus
31:52pour détruire des talus, on a entendu
31:54ça dans le documentaire.
31:56– Moi qui viens de la province, qui suis à Paris,
31:58je suis en territoire ennemi, là.
32:00– On a l'impression qu'il y a cette colère vis-à-vis de Paris
32:02qui prend la décision et qui ne prend pas en considération
32:04les problématiques sur le terrain.
32:06– Il peut y avoir cette impression
32:08et cette critique vis-à-vis des élites
32:10ou de gens qui, quelque part,
32:12au loin, et j'en fais partie,
32:14parce que je suis dans les scientifiques
32:16qui émettent des documents
32:18sur l'état de l'environnement,
32:20l'urgence à agir pour la biodiversité,
32:22l'état de dégradation des eaux,
32:24ce qui a été dit sur la sécheresse,
32:26sur 3% des eaux
32:28de la commune
32:30qui sont encore potables.
32:32Tout ça, bien sûr, nous,
32:34scientifiques, je ne suis pas tous les jours
32:36sur le terrain, donc je suis dans cette
32:38sphère des gens qui donnent
32:40des injonctions
32:42de loin, mais ce que je veux dire,
32:44c'est qu'elles sont vraiment sérieuses.
32:46C'est vraiment important. Moi, je ne suis pas
32:48au fait de tous ces aspects réglementaires,
32:50même si je co-encadre avec l'Eomania une thèse
32:52qui s'intéresse au guichet unique
32:54et qui montre que, oui, il y a
32:56des marges et que les choses progressent
32:58et que sur le terrain, ça se passe mieux que ce qu'on
33:00a l'impression dans les informations.
33:02Mais cette simplification, si elle peut être souhaitable,
33:04en tout cas, elle ne doit pas être moindisante
33:06parce que la situation de nos territoires
33:08du point de vue environnemental,
33:10en termes de biodiversité, qualité de l'eau,
33:12qualité de l'air, durabilité de l'agriculture,
33:14je peux le dire
33:16et j'insiste,
33:18elle est inquiétante, très, très
33:20inquiétante. On ne peut pas
33:22être moindisant sur ces enjeux-là.
33:24– Pierre Écorel,
33:26il nous reste très, très peu de temps.
33:28Le Salon de l'agriculture s'ouvre ce week-end.
33:30Qu'est-ce que vous en attendez ?
33:32On voit que les problématiques autour de l'agriculture,
33:34des agriculteurs, reviennent vraiment à fond
33:36dans l'actualité. La colère des agriculteurs
33:38n'est sans doute pas terminée. Qu'est-ce que vous attendez,
33:40vous, de ces quelques jours au Salon de l'agriculture ?
33:42– Écoutez, l'agriculture est toujours en crise.
33:44Voilà, on n'est plus en mobilisation
33:46mais l'agriculture est toujours en crise parce qu'on a
33:48eu un certain nombre de gouvernements qui sont passés.
33:50On a une météo exécrable en 2024.
33:52Les perspectives 2025 sont plutôt mauvaises.
33:54On va faire un Salon de l'agriculture
33:56qu'on espère qu'il se passe bien.
33:58Néanmoins, il y a quand même de la tension
34:00et on a besoin de la vision du Président
34:02de la République, des pouvoirs publics,
34:04sur l'agriculture, sa place dans le pays
34:06et dans l'Union européenne et dans le monde
34:08avec les enjeux qu'on connaît.
34:10– Daniel Sellemont, quelques mots là-dessus aussi
34:12sur le Salon de l'agriculture et les enjeux.
34:14– Je pense qu'il faut apaiser, clairement,
34:16et que les agriculteurs sont surtout à la recherche
34:18d'un revenu. Et lorsque l'on s'inscrit
34:20dans une compétitivité, ça met en péril
34:22le revenu. Mais il faut qu'il soit payé
34:24également pour les services environnementaux
34:26qu'ils rendent à la population.
34:28Parce que ce que je disais, c'est que
34:30les agriculteurs ont en gestion quand même
34:32la moitié de la surface de la France, 27 millions
34:34d'hectares. Et donc, pour cela,
34:36ils doivent avoir des paiements
34:38parce que c'est de l'intérêt de tout le monde
34:40et la biodiversité, elle est au service
34:42de l'ensemble de la population de ce pays
34:44et on en a cruellement besoin aujourd'hui.
34:46– Et on suivra le Salon de l'agriculture, bien évidemment,
34:48sur Public Sénat. Merci, c'est le mot
34:50de la fin, c'est la fin de cette émission.
34:52Merci à tous les quatre, merci à vous
34:54de nous avoir suivis. Vous pouvez voir ou revoir
34:56cette émission en replay sur notre site
34:58publicsenat.fr. Je vous souhaite
35:00un excellent week-end sur notre antenne.
35:02À bientôt.