Mardi 12 novembre 2024, SMART BOURSE reçoit Guillaume Arditti (Fondateur, Belvedere Advisory et chercheur associé à l’Institut Jacques Delors)
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00:00Et dans ce dernier quart d'heure de Smart Bourse, on va continuer à parler des effets Trump, mais cette fois sur les pays émergents et l'Afrique.
00:17Je vous propose d'écouter ou plutôt de réécouter Guillaume Arditi, le fondateur de Belvedere Advisory.
00:23Il est chercheur associé à l'Institut Jacques Delors et il était en compagnie de Grégoire Favé. C'était la semaine dernière. On l'écoute tout de suite. On se retrouve juste après.
00:32Il faut remettre un petit peu du contexte sur la politique étrangère américaine qui est moins fragmentée que la politique intérieure.
00:43Il y a quand même un accord bipartisan aux États-Unis sur deux points essentiels. Le premier, c'est sur le leadership américain.
00:54Il y a une volonté qui traverse tout le spectre politique américain de maintenir le leadership américain dans les affaires du monde.
01:03Le deuxième, c'est également une anonymité sur le fait que depuis des années, le centre névralgique pour les États-Unis s'est déplacé de l'Europe vers l'Asie.
01:16Donc finalement, en termes de politique étrangère et de conséquences sur les différentes régions, le changement d'administration ne va probablement pas marquer une fracture monumentale sur les pays émergents.
01:31Ce que ça va probablement le plus impacter, c'est la relation transatlantique. Mais en revanche, du point de vue des pays émergents, ce à quoi on peut s'attendre, c'est plutôt un renforcement de leur poids dans un contexte où l'ordre unipolaire post-guerre froide est de plus en plus remis en question.
01:48Donc là, il y a une fenêtre d'ouverture pour les émergents qui s'agrandit encore un petit peu plus avec le retour de Trump et d'une administration républicaine et potentiellement d'un congrès républicain.
02:04Je pense qu'en fait, c'est l'environnement géopolitique global qui est en train de pousser les pays émergents à nouveau sur le devant de la scène.
02:12Quand on regarde la situation des Etats-Unis, actuellement, ils sont challengés sur toute leur zone d'influence historique et quasi vitale.
02:24D'abord, évidemment, en Asie, forcément, avec les problématiques avec Taïwan. En Europe, la guerre russo-ukrainienne, et avec un crantage qui vient de s'effectuer puisque maintenant il y a des troupes nord-coréennes.
02:38Donc on peut s'interroger si ça aurait pu être fait sans un accord au moins tacite de la Chine. C'est quand même assez étonnant.
02:46Au Moyen-Orient, l'irrésolution du conflit israélo-paestinien qui dure depuis des décennies et qui s'ajoute à des catastrophes relativement récentes en Afghanistan et en Irak.
02:58Et on va jusqu'en Amérique latine où, un des exemples quand même assez criants, c'est la position du Brésil qui, avec le président actuel, s'affiche de plus en plus auprès de Poutine et chez Jinping à travers les BRICS, qui eux-mêmes se présentent comme une alternative à l'ordre établi américain.
03:18Et donc c'est le renforcement du Global South comme ce qu'il faut imaginer là ?
03:24Là ce qu'on peut imaginer c'est qu'il y a une évolution structurelle qui les pousse vers l'avant parce que maintenant les enjeux fondamentaux dans la lutte d'influence, les vecteurs se retrouvent dans les pays émergents.
03:40Et on revient un petit peu sur les problématiques un peu classiques, influence, matière première, etc. Sauf que là ça se précise d'une part évidemment sur l'énergie, comme toujours, mais c'est le retour.
03:52Deuxièmement sur tout ce qui est météocritique, dans le cadre de la transition énergétique. Et puis troisièmement, et là c'est quand même la nouveauté qu'il y a depuis quelques années, c'est l'autonomisation des chaînes de valeur par rapport à la Chine.
04:06Donc cette autonomisation-là, qu'est-ce qu'elle a comme conséquence ? C'est qu'on ne va pas pouvoir réindustrialiser tous les secteurs dans des pays comme les Etats-Unis ou comme l'Europe pour des problématiques de coûts.
04:18Donc la question c'est plus le on-shoring, c'est le french-shoring. Et donc dans le french-shoring, pour avoir des coûts qui soient encore...
04:26Ce qui compte c'est la maîtrise des chaînes de valeur, c'est pas forcément la localisation des chaînes de valeur en tant que telle.
04:32Exactement. Par exemple tout le raffinage des météocritiques est quasiment géré par la Chine, 70-80% je crois à mémoire.
04:40Donc quand on considère sur même d'autres industries, sur les véhicules électriques, etc., la question c'est pouvoir rapatrier une partie des chaînes de valeur sur les territoires type Etats-Unis, Europe.
04:52Et quand c'est pas le cas pour des problématiques de coûts, avoir des voisins bienveillants et amis avec lesquels le faire.
04:59Je sais pas si Trump s'est beaucoup étendu sur l'enjeu stratégique américain vis-à-vis de l'Afrique pendant sa campagne électorale, Guillaume.
05:10Mais dans le logiciel républicain ou dans le logiciel du leadership trumpiste aujourd'hui aux Etats-Unis, que peut représenter justement ce continent africain ?
05:21Vous en êtes un spécialiste, c'est pour ça qu'on en parle aussi avec vous aujourd'hui, Guillaume.
05:25L'Afrique va avoir une spécificité, c'est que ça reste la seule zone où le jeu est encore ouvert.
05:31D'accord.
05:32C'est-à-dire que quand on parle de l'Asie ou de l'Amérique latine, on est vraiment sur du défensif.
05:36L'Amérique latine en particulier, même si par exemple les Chinois viennent de lancer un projet pour un port en eau profonde au Pérou.
05:44Donc vraiment dans une zone qui a traditionnellement une influence forte et très dominante américaine.
05:51Donc même si on voit ce type d'incursions, l'Amérique latine, ça reste une zone qui est très largement influencée par les Etats-Unis.
05:58En revanche, l'Afrique, on se retrouve avec un continent où il y a une multiplication des acteurs qui s'y présentent.
06:06Évidemment, la Chine dont on parle depuis déjà longtemps.
06:10La Russie.
06:11La Russie avec sa position toxique dans le Sahel à travers Wagner.
06:16L'Inde. La Turquie.
06:19Et puis là très récemment, l'Arabie saoudite qui annonce 40 milliards de dollars d'investissement sur l'Afrique.
06:26Désolé pour le terme, mais là il y a une vraie bataille géopolitique qui est beaucoup plus ouverte, comme vous dites,
06:34que les positions qui sont défendues par les uns en Asie ou en Amérique latine par les autres.
06:40Oui, parce que là pour l'instant les positions ne sont pas figées.
06:44Il y a aussi d'ailleurs un peu une forme de push-back par rapport à la présence chinoise en Afrique
06:50qui est dans certains cas décriée, en particulier sur les problématiques d'endettement.
06:55Ce qui d'ailleurs joue très largement en faveur aussi des pays africains qui, eux, voient leur position de négociation.
07:01Bien sûr !
07:02Et ils se retrouvent avec des problématiques qui répondent aux attentes fondamentales qui sont les métaux critiques.
07:09Et puis il y a aussi la position de la présidée de repositionner les choses.
07:13Et pour les Etats-Unis dans ce jeu-là ? Il y a un mouvement aussi des Etats-Unis sur ce territoire africain,
07:22à travers des entreprises, ils jouent aussi ce jeu-là ?
07:27Absolument, je pense qu'il va se renforcer.
07:29Ça avait commencé d'ailleurs, il y avait eu un peu un push sous l'administration Trump,
07:34ensuite qui s'est prolongé sous l'administration Biden.
07:38Donc là aussi, une continuité d'une administration à l'autre ?
07:41D'une administration à l'autre.
07:42Et ce qu'on peut anticiper, c'est que ça ne va faire que se renforcer,
07:45parce que l'intensification du conflit, mais en tout cas de l'opposition entre la Chine et les Etats-Unis,
07:55elle-même est en train de s'intensifier.
07:57Donc là, on voit d'ailleurs, il y a des exemples qui sont, je pense, parlants et symboliques.
08:01C'est que, par exemple, il y a au Ghana un projet de réacteurs nucléaires modulaires,
08:06de petite taille, c'est toute nouvelle technologie.
08:09Il y a le développement d'un corridor ferroviaire entre la République démocratique du Congo et l'Angola,
08:15qui est une sortie sur l'Atlantique.
08:17Donc là, c'est pour relier les bassins miniers avec les métaux critiques sur la côte atlantique,
08:22avec une sortie sur les Etats-Unis.
08:24Et troisième point qui est très récent, troisième exemple,
08:28c'est l'annonce qui a été faite par JP Morgan et Jamie Dimon il y a quelques jours
08:33sur l'ouverture de JP Morgan Chase en Côte d'Ivoire et au Kenya avec un plan de développement.
08:42Et ça, ça marque vraiment une rupture par rapport à la crise de 2008 et au retrait.
08:47Qui avait vu le retrait, justement, des grandes banques.
08:50On avait parlé de ça pour l'Europe, mais des grandes banques américaines également.
08:53Exactement.
08:54Bon, et l'Europe dans tout ça ?
08:57Qu'est-ce que vous voulez dire sur ces enjeux africains ou ces opportunités africaines, Guillaume ?
09:04On regarde le train passer ou est-ce qu'on a vu quand même l'enjeu et les opportunités que ça pouvait représenter ?
09:11Alors l'Europe, ça va être une grande question parce que l'Europe fait face actuellement à des problématiques
09:17qui ne font que s'intensifier avec l'arrivée de Trump,
09:21qui sont des problématiques de souveraineté, qui sont des problématiques de souveraineté énergétique.
09:26Aujourd'hui, on a remplacé finalement le gaz russe par du gaz américain, qui soit dit en passant est du gaz de schiste.
09:32Donc pointillé sur les problèmes de transition énergétique.
09:36Deuxièmement, pareil sur les problèmes de transition climatique.
09:41Troisièmement, souveraineté industrielle également avec l'autonomisation des chaînes de valeur.
09:46Et ce qu'on peut ajouter, et là c'est un sujet qui va s'augmenter, la défense.
09:51Donc sur les trois premiers, on a le continent africain qui offre toutes les possibilités de partenariat possible.
10:00Il y a des réponses en Afrique pour les problèmes de l'Europe ?
10:03Il y a des réponses en Afrique pour les problèmes de l'Europe.
10:05La question qui se pose aujourd'hui, c'est est-ce que l'Europe va continuer à garder l'Afrique selon...
10:11Il y a eu deux dimensions en fait. Il y a eu la première, c'était la dimension aide au développement.
10:15Ensuite, il y a une deuxième dimension, ça a été Afrique, potentiel, opportunité.
10:20C'est une option qu'on exerce ou pas.
10:22Visiblement, en Europe, on a quand même plutôt décidé de ne pas trop exercer l'option.
10:28Maintenant, il y a peut-être la troisième option, la troisième dimension qui est le bon sens.
10:32On a un continent de 1,5 milliard d'habitants demain qui est notre voisin.
10:36Pragmatisme.
10:37Je trouve que, je relisais le rapport de Ragi, il y a une phrase que j'ai trouvé particulièrement marquante
10:44et qui, à mon sens, résume bien la situation.
10:47En substance, ça disait quelque chose comme il faut abandonner l'illusion selon laquelle la procrastination
10:54permet de préserver le consensus.
11:00Voilà, c'est donc Guillaume Arditi, le fondateur de Belvedere Advisory,
11:04chercheur associé à l'Institut Jacques Delors en compagnie de Grégoire Favé dans Smartbourse.
11:09C'était un plaisir de présenter cette émission.
11:12Demain, vous retrouverez donc Grégoire Favé aux commandes de Smartbourse.
11:16Je vous dis à très bientôt sur Vivre Smart.