Mercredi 17 avril 2024, SMART BOURSE reçoit Frank Bielikoff (Associé Fondateur et DG, Hellebore Capital)
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00:10 Le dernier quart d'heure de Smart Bourg, chaque soir c'est le quart d'heure thématique.
00:13 Le thème ce soir c'est celui de la gestion alternative.
00:16 Avec cette question, quelle place pour la gestion alternative, notamment dans les portefeuilles en France ?
00:22 Franck Bielikoff est à mes côtés en plateau, associé fondateur et directeur général des Les Bords Capital.
00:27 Franck, bonsoir.
00:28 Bonsoir Grégoire.
00:29 Merci beaucoup d'être avec nous.
00:31 Il y a une dizaine d'années de track record chez Les Bords Capital, c'est ça ?
00:34 Exactement, on a fêté en février dernier les 10 ans de track de notre stratégiqueur d'arbitrage de dérivés de crédit.
00:41 D'arbitrage de dérivés de crédit, on essaie d'en dire un mot.
00:44 Justement, ça permet de poser un peu le sujet, parce que si on considère la gestion d'un alternatif comme une classe d'actifs,
00:49 c'est une classe d'actifs qui est très vaste.
00:51 Exactement.
00:52 Qu'est-ce qui caractérise pour vous la gestion alternative, pour qu'on ait tous à peu près les mêmes paramètres en tête ?
00:58 Alors déjà, pour nous mettre en perspective de ce qu'on fait par rapport à cette gestion,
01:03 j'ai envie de faire un parallèle avec… on est à l'industrie de la gestion,
01:07 ce que les boulangers artisanaux sont à l'industrie du pain et de la viennoiserie.
01:11 On est des artisans.
01:12 Artisans 1, parce que c'est une société de gestion entrepreneuriale, petite société, 11 personnes, capitaux exclusivement des partenaires initiaux.
01:21 Et on est aussi un artisan, parce qu'on fait des produits très niche, très spécifiques et avec des encours très limités.
01:27 Voilà, c'est la première chose.
01:28 Après, effectivement, on appartient au grand monde de l'alternatif.
01:31 Alors déjà, l'alternatif, c'est quoi ?
01:33 C'est tout ce qui n'est pas traditionnel, c'est alternatif à la gestion traditionnelle.
01:37 Oui, très bonne définition !
01:38 Vous en parliez en plateau tout à l'heure.
01:40 Donc c'est effectivement les actifs risqués, long and lean, du monétaire, de l'obligataire et des actions.
01:46 Cela étant, dans l'alternatif, vous avez plein de stratégies différentes.
01:51 On va commencer par tout ce qui est...
01:53 C'est le truc à la mode depuis quelques années maintenant, depuis les taux d'intérêt nuls, voire négatifs.
01:59 Donc tout ce que sont les actifs privés, d'aide privée, private equity.
02:04 Et tout simplement parce que les investisseurs sont allés chercher de la prime, et la prime, elle vient de l'illiquidité.
02:09 Voilà, c'est ce qu'on appelle la prime d'illiquidité.
02:11 Alors, on va voir comment, avec la hausse des taux, comment tout ça va se passer.
02:14 Le mur de la dette de refinancement ou la sortie du private equity est plus compliqué.
02:19 Là-dedans, il y a aussi les actifs réels, l'immobilier pour faire court.
02:24 Vous avez l'infrastructure, pas mal de choses.
02:27 Et puis vous avez la performance absolue.
02:30 La performance absolue, donc il y a un disque, c'est du hedge fund en fait.
02:34 Alors, le problème du hedge fund, c'est... Où est-ce qu'on en parle ?
02:37 Si je suis en France, les gens ont plutôt tendance à traduire hedge fund par...
02:42 - Fonds spéculatifs. - Fonds spéculatifs, exactement.
02:46 Alors que j'aime beaucoup nos amis québécois qui appellent ça fonds de couverture.
02:50 Parce que c'est quoi l'ADN de la performance absolue ?
02:54 C'est de délivrer une performance positive partout dans le marché, dans tous les contextes de marché, donc régulière,
03:01 avec des risques de perte en capital limité, ce qu'on appelle le drawdown, et une protection du capital.
03:07 Voilà, c'est aussi simple que ça.
03:08 Autant le dire, il y a une traduction, celle des Québécois, qui est assez faire,
03:12 et qui est assez littérale par rapport à la terminologie anglo-saxonne.
03:15 Et il y a une traduction qui est peut-être un peu plus connotée, celle française de fonds spéculatifs.
03:20 Qui embarque un certain peu gros mot derrière.
03:22 Et oui, d'où cette question sur la place de la gestion alternative en France.
03:27 Est-ce que cette gestion alternative, performance absolue spécifiquement parlant peut-être,
03:31 est-ce que vous estimez qu'elle a la place, qu'elle mérite ?
03:34 Alors, je ne suis pas porte-parole de la gestion alternative, enfin de la performance absolue,
03:39 parce qu'en gros, il y a 3000 fonds de Hedge Fund, qui gèrent grosso modo 3 trillions.
03:45 Moi, je peux effectivement considérer que par rapport à notre type de stratégie, c'est compliqué.
03:52 Alors c'est aussi compliqué parce qu'il y a cette connotation Hedge Fund qui embarque un certain nombre de passifs,
03:58 on va dire, par rapport à ce qui s'est passé par le passé.
04:00 Et puis aussi, des questions de format. Parce que vous savez qu'en Europe, dans la gestion, vous avez deux formats.
04:05 La directive USITS et la directive IFM.
04:08 Donc là, nous, on a fait le choix. Alors l'USITS est plutôt réservé aux institutionnels retail, les particuliers,
04:15 avec des termes de liquidités qui sont plutôt quotidiens, voire hebdomadaires.
04:19 Et tout le reste, à IFM, des règles de gestion un petit peu plus souples, des contraintes de risque plus souples,
04:25 et une liquidité un peu moindre. Nous, par exemple, on offre une liquidité mensuelle.
04:28 Donc le fait est qu'effectivement, on se retrouve en Europe et notamment en France avec des investisseurs institutionnels
04:35 pour qui l'IF, le FIA, le Fond d'investissement alternatif, serait un débouché évident, ont plutôt tendance à avoir acheté la marque USITS.
04:43 Parce que c'est...
04:45 Il y a historiquement une relation forte entre le marché français, y compris les institutions, et le USITS.
04:51 Oui, parce que ça embarque un certain nombre de garanties réelles ou supposées.
04:55 Parce que malgré tout, on a vu que des USITS, ça s'appelait encore des OPCVM à l'époque,
04:59 mais dans la grande crise financière, il y a de très gros OPCVM monétaires qui ont fermé au rachat, donc on a appelé ça des "gates".
05:07 Il y a quelques gros USITS encore récemment qui ont eu des stratégies d'investissement un peu risquées,
05:12 qui fait qu'ils ont montré des performances qui étaient très négatives.
05:16 Donc ça ne protège pas de tout.
05:18 Ça ne protège pas de tout.
05:20 Après, il y a un biais psychologique.
05:22 Vous êtes investisseur dans un grand groupe, vous avez tendance à aller chercher ce que vont faire les autres.
05:29 Alors que le USITS, effectivement, a plein d'intérêts.
05:32 Il y a des très bons gestionnaires du site, mais quelque part, est moins innovant,
05:36 parce qu'ils vont essayer de suivre le benchmark plus que des gens comme nous qui vont faire des choses très niche.
05:40 Vous allez nous dire dans un instant, mais est-ce qu'un des freins aussi, c'est le retour de taux positifs,
05:46 de rendement 10 en risque positif, jusqu'à du 5% pour du 2 ans américain ?
05:52 On en parlait tout à l'heure.
05:53 Est-ce que ça, pour un allocataire ou un institutionnel, ça limite l'envie d'aller chercher du risque parfois complexe dans de la gestion alternative ?
06:02 Là, je vous suis complètement. C'est la prime de complexité, effectivement.
06:05 Notre premier concurrent va être le cash, tout simplement.
06:09 Notamment en dollars.
06:11 Et donc, effectivement, il y a des périodes où c'est plus compliqué,
06:13 parce que ce type de stratégie, comme je vous l'ai dit, délivre une performance régulière,
06:17 qui n'est pas nécessairement stratosphérique dans ses environnements,
06:21 parce qu'elle a besoin aussi d'un peu de volatilité pour extraire du gras, finalement.
06:26 Donc, c'est un petit peu plus compliqué, parce que, effectivement, comme vous le dites,
06:30 la prime de complexité pour aller sur ces stratégies-là, ça n'en vaut pas la peine.
06:36 Mais c'est un temps de marché qui ne va pas durer.
06:40 Nous, on se base aussi, alors je ne sais pas si on peut parler maintenant de ce qu'on a fait.
06:43 Ah, il faut maintenant. Bien sûr.
06:45 Nous, avec 10 ans de track record, on a effectivement délivré à nos investisseurs
06:49 plus de 125% de performance depuis l'origine.
06:52 Toutes les années ont été positives, évidemment pendant la crise du Covid.
06:56 Une performance annuelle de 8,5% au-dessus du taux sans risque.
07:02 Là, si les taux sans risque augmentent, moi, je suis censé délivrer une performance
07:06 benchmarkée par rapport à un taux sans risque, avec ce qu'on appelle les drawdowns.
07:11 La baisse du picot creux.
07:13 Voilà, le char précieux qui est d'environ 2, et la protection contre les pertes en capital,
07:19 qui naît déjà du fait que nous sommes les premiers investisseurs de tous nos fonds.
07:24 Ce qui n'est pas le cas, j'ai connu par le passé, des moments de marché
07:28 où il y avait privatisation des gains et mutualisation des pertes.
07:31 Skin in the game, comme disaient les anglo-saxons.
07:33 Skin in the game, c'est quand même une garantie de sérieux de ce point de vue-là.
07:37 Qu'est-ce que vous apportez justement, la stratégie d'arbitrage de dérivés de crédit ?
07:43 Comment vous la vendez ? Qu'est-ce qu'elle apporte à un allocataire ou à un investisseur
07:47 aujourd'hui dans les multi-stratégies ou les multi-classes d'actifs dans lesquelles il est investi ?
07:53 On apporte déjà le fait de traiter quelque chose de très particulier, ce qu'on appelle un arbitrage parfait.
07:59 Parce que le monde de la gestion alternative ou de la performance absolue gère beaucoup de ce qu'on appelle de l'arbitrage,
08:05 mais il est généralement statistique.
08:07 On a vu par le passé des arbitrages statistiques qui pouvaient mal se passer.
08:10 Nous, c'est un arbitrage parfait.
08:12 C'est un instrument assez simple, un dérivé de crédit, un indice de dérivé de crédit
08:16 qu'on va répliquer par l'ensemble de ses constituants.
08:19 Donc on n'a pas de risque de crédit, absolument pas de risque de crédit dans le portefeuille.
08:23 On n'a pas d'analyse crédit, comme vous avez dit précédemment, vu macro-micro.
08:29 Tout ce que je peux dire, c'est que nous, on est en moyenne de cycle capable de délivrer une performance telle que je l'ai décrite,
08:37 un objectif de taux sans risque plus 6%, avec des risques de drawdown très limités
08:44 et avec en plus l'espoir, l'espérance de pouvoir augmenter significativement la profitabilité de mon investissement dans des périodes de stress.
08:54 Parce que nous, c'est un marché où il faut des histoires de crédit, il faut que des histoires de crédit se passent sur les marchés.
09:02 Il faut que il y ait de la volatilité sur les marchés de crédit ?
09:04 De la dispersion et de la volatilité, pour effectivement que les investisseurs soient beaucoup plus actifs sur à la fois les indices
09:11 et à la fois leurs constituants, puisque les constituants sont utilisés par des investisseurs obligataires
09:16 pour couvrir une certaine partie de leur portefeuille sur un secteur particulier.
09:20 Comment vous regardez les paramètres de marché aujourd'hui par rapport à cette stratégie historique d'Elebor Capital ?
09:28 Est-ce que les paramètres du moment sont bons, très bons pour vous ? Moyens, médiocres ?
09:34 Les moyens, comme j'ai vu sur le plateau précédent, effectivement on sort d'une période en fait évectivant de hausse des actifs sans risque
09:41 où les gens étaient moins actifs sur cette patte CDS de protection.
09:46 Parce que la CDS c'est une assurance.
09:48 Assurance contre le risque de défaut d'un émetteur ?
09:50 C'est une assurance que vous achetez, elle n'est pas obligatoire bien entendu.
09:53 Donc vous l'achetez quand vous pensez qu'il va y avoir un peu plus de risque ou vous agissez sur les indices pour prendre du risque de manière diversifiée.
10:00 Donc comme je l'ai dit tout à l'heure, effectivement le moindre choc macro ou micro va faire que de toute façon cet actif qu'on traite...
10:09 Parce qu'en fait ce que j'appelle un actif c'est de la base, c'est la différence de prix entre l'indice et ses constituants.
10:15 Et donc cette base elle varie dans le temps, elle a des effets de retour à la moyenne très forts mais elle bouge effectivement en fonction du fait que des investisseurs vont traiter massivement les indices ou vont se reporter sur les constituants.
10:27 Et donc là vous dites que c'est des paramètres...
10:31 On a appris, c'est un métier, mes associés en fait, pour tout vous dire, on a...
10:37 Avant de faire le fonds, mes associés, mes portfolio managers ont traité cet actif pendant 10 ans.
10:42 Donc on a eu le temps long pour apprendre à être patient, pour connaître des contextes de marché...
10:47 Différents.
10:48 Très différents et pour savoir que de toute façon à un moment ou un autre la volatilité va revenir et va nous donner des opportunités évidentes.
10:57 Et le TRAC le démonte puisque effectivement je pense que ce type de performance sur le long terme est assez rare.
11:02 Vous disiez, je reprends l'image artisanale, niche, une expertise très forte, on n'est pas là pour faire du généraliste.
11:10 Est-ce qu'au bout de 10 ans on reste sur une stratégie ou une mono-stratégie d'arbitrage de dérivés de crédit ?
11:16 Ou est-ce qu'il y a quand même l'idée d'apporter d'autres briques d'expertise ?
11:19 Alors, comme déjà on a une infrastructure très riche en termes d'informatique, c'est un marché de dérivés de gré à gré,
11:29 qu'il faut être capable de traiter en temps réel, on a beaucoup investi sur le 11 personnes, j'ai 4 informaticiens,
11:36 plus mes partenaires qui sont eux-mêmes des ingénieurs.
11:39 C'est une boîte de tech ?
11:40 C'est une boîte de tech, avec une fintech à côté.
11:43 Donc on s'est dit à un moment, effectivement, y a-t-il des stratégies niche, comparables,
11:48 qui traitent des produits assez similaires en termes de profil de risque ?
11:52 On en a trouvé une, on a lancé il y a un an une stratégie sur les swaps de volatilité, ça s'appelle equity dispersion,
11:58 c'est de l'arbitrage, même logique, la dispersion, voilà, donc j'ai un indice, mais cette fois c'est l'indice action contre un certain nombre,
12:06 c'est pas tous les constituants, un certain nombre de constituants, et je vais jouer pendant les périodes d'annonce de résultats,
12:11 de l'accroissement de la dispersion sur certains nombres.
12:14 Donc on essaye, tout en restant niche, l'objet pour nous, notre modèle économique c'est de faire de la performance,
12:20 donc c'est pas de faire des encours, ou faire grossir nos encours à 1 milliard, on pourrait...
12:26 Ça peut même se faire au détriment de la performance ?
12:28 Ça se fait évidemment au détriment de la performance.
12:32 Merci beaucoup Franck, merci de nous avoir plongé au cœur de la gestion alternative, des stratégies de performance absolue,
12:37 et notamment de l'arbitrage de dérivés de crédit, la spécialité d'Elebor Capital.
12:41 Franck Bielikhoff était avec nous l'invité de ce quart d'heure thématique de Smart Bourse ce soir sur Bsmart.
12:46 [Musique]