Jeudi 9 novembre 2023, SMART BOURSE reçoit David Mellul (Directeur général, Varenne Capital)
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00:10 Et nous enchaînons à présent avec le dernier quart d'heure de Smart Bourse,
00:14 le quart d'heure thématique. Nous allons tenter de comprendre ensemble
00:17 comment investir sur les marchés actions dans le contexte actuel,
00:22 notamment lorsque la stratégie portée est une stratégie corps-action.
00:26 Et puis nous tenterons de comprendre aussi comment les gérants actions
00:30 voient évoluer leur gestion en lien avec les masses d'informations
00:35 toujours plus grandes auxquelles ils font face.
00:37 Pour en parler, nous avons le plaisir de recevoir sur le plateau de Smart Bourse
00:40 David Melul. Bonjour, bonsoir David Melul.
00:42 Bonsoir Nicolas.
00:43 Vous êtes directeur général de Varen Capital.
00:45 Alors Varen Capital, c'est une gestion qui repose sur 4 moteurs,
00:48 long action, short action, situation spéciale et couverture macro.
00:51 On n'utilise pas forcément les 4 en fonction des contextes de marché.
00:54 Dans le contexte dans lequel on est actuellement,
00:57 sur quoi repose aujourd'hui votre stratégie de gestion ?
01:01 Alors, je vais revenir pour être un peu plus précis.
01:04 Les 4 moteurs sont constamment activés. Il y a des moments en réalité
01:07 où l'environnement est un peu moins propice pour certains moteurs.
01:10 On avait connu par exemple au cours des 10 dernières années
01:13 un environnement qui était extrêmement favorable en termes de conditions
01:15 de financement et d'accès à la liquidité.
01:17 Le moteur short a été temporairement éteint ces dernières années.
01:22 Dans le contexte actuel, avec un environnement de hausse de taux
01:25 où on manque un petit peu de visibilité,
01:28 tout ce qui est opération de fusion ou acquisition est un petit peu à l'arrêt.
01:32 On voit un ralentissement depuis un an et demi.
01:35 Le moteur de situation spéciale a un peu moins d'opportunités à les détecter.
01:39 Donc, si on revient au contexte actuel, c'est vrai que c'est surtout le moteur long action
01:44 qui porte la performance de la gamme en 2023.
01:47 Alors, on est ravi de pouvoir l'annoncer parce que 22 est une année
01:49 qui est un petit peu plus compliquée.
01:51 Donc là, à nouveau, on retrouve une configuration qui est plus en ligne
01:55 avec ce qu'on a connu depuis maintenant 20 ans qu'on a créé la société.
01:58 C'est le long action qui porte la performance de la gamme
02:01 et on s'attend à ce que ça reste le cas dans les mois et trimestres à venir.
02:06 Dans le même temps, je présume que vous en avez parlé dans la table ronde d'avant,
02:10 on est dans un environnement d'incertitude, d'environnement de taux
02:15 qui a quand même changé de façon assez importante.
02:18 Le passage de quantitative easing au quantitative tightening,
02:21 ça a induit un certain nombre de choses sur l'environnement obligataire,
02:25 mais également sur l'environnement action.
02:27 Il faut faire attention à ça et on est dans un environnement d'incertitude.
02:31 Donc, le moteur de couverture macroéconomique a également une attention toute particulière.
02:37 On compte sur les actions et sur le moteur central pour générer de la performance,
02:42 mais on fait très attention à embarquer un dispositif de couverture macroéconomique
02:46 qui reste très robuste actuellement et pour l'année à venir.
02:49 L'idée sur la couverture macroéconomique, c'est de faire face aux incertitudes macroéconomiques,
02:54 c'est ça qui pourrait avoir une incidence potentiellement sur le marché d'action ?
02:57 Voilà, exactement. L'idée, ce n'est pas de venir couvrir l'exposition longue que nous avons,
03:03 ni même de vous donner la vue macro de Varian Capital Partners,
03:09 mais c'est d'identifier des scénarii qui sont possibles, pas forcément probables,
03:14 qui pourraient venir porter atteinte de façon très significative à l'équilibre des marchés actions.
03:19 Dès lors, lorsqu'on parle d'un déséquilibre des marchés actions, on l'a vu en mars 2020,
03:24 tous les actifs se recorrèlent, donc même pour nous qui avons une poche longue
03:27 qui est aussi peu corrélée que possible au marché actions au sens large,
03:30 tout se recorrèle et notre exposition longue aussi.
03:34 C'est pour ça, et c'est dans cette configuration-là très spécifique,
03:37 qu'on a jugé nécessaire d'embarquer un dispositif de couverture qui devrait tirer finalement avantage
03:41 de ce scénario ou de ces scénarii qui pourraient potentiellement être préjudiciables à notre poche longue actions.
03:48 Si on rentre un petit peu dans le détail, je ne sais pas, mais en tout cas un peu plus dans la stratégie,
03:53 aujourd'hui quand on est long action, quelle est la stratégie qu'on met en place ?
03:57 Il y a mille et une façons d'être long action, je n'ai pas la prétention de dire que chez Varian on a la bonne.
04:05 Chez Varian, en tout cas, on vient d'une gestion, enfin on a toujours été une gestion actions très concentrée,
04:10 on est très sélectif dans la sélection des opportunités et historiquement,
04:15 on se basait presque exclusivement sur ce qu'on appelle la décote par rapport à l'estimation de plus juste prix.
04:21 On est sur une entreprise de très grande qualité qu'on va acheter avec une décote importante.
04:25 Premium, payez pas cher, ça c'est le track record de Varian des 20 dernières années ou des 18 dernières années.
04:32 Depuis un an et demi, bientôt deux ans, on est dans un environnement qui est complètement différent.
04:36 On a parlé rapidement, on a touché du doigt le concept de changement d'environnement de taux.
04:41 Ça, ça a un impact, une incidence directe sur les modèles de valorisation.
04:45 La nervosité qu'on observe sur les marchés fait que finalement, il y a des rotations sectorielles très fortes,
04:51 il y a des mouvements assez erratiques sur les actions et le marché, dans la continuité de ce qu'on a observé l'année dernière,
04:57 il est plus attentif au guidance des entreprises qu'à la réalité, à la qualité des chiffres publiés au titre du trimestre
05:05 ou de la période qui vient de s'écouler.
05:07 Donc ça implique de revoir sa stratégie aussi ?
05:09 Il faut être agile, voilà.
05:11 La seule approche décote fondamentale en ce moment est moins pertinente qu'elle ne l'a été par le passé
05:17 et j'espère moins pertinent qu'elle le sera demain.
05:19 Mais dans ce contexte actuel, ce qu'on essaye de faire chez Varian, c'est d'essayer d'avoir une poche longue aussi peu corrélée que possible au marché.
05:28 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on va essayer d'identifier des opportunités, soit des entreprises.
05:32 Je donne un exemple pour être concret. Salmar, c'est un des leaders mondiaux de la production de saumon,
05:38 qui a publié des chiffres aujourd'hui qui étaient très bons mais qu'on a en portefeuille depuis de nombreuses années.
05:42 C'est une entreprise qui est leader dans un secteur où les barrières à l'entrée sont très élevées.
05:46 Donc c'est très dur de venir les concurrencer dans un marché, dans un secteur où la croissance de la demande mondiale est de l'ordre de 7 à 8 % par an.
05:55 Donc quand vous avez une demande en forte croissance, des barrières à l'entrée qui sont très fortes et un acteur qui est très bien positionné,
06:02 là vous avez potentiellement un vainqueur de demain et qui sort d'un environnement où il y a eu une incertitude sur la pression fiscale qui allait être mise au Danemark.
06:10 Il y avait une réflexion autour d'une hausse du taux d'IS qui était très importante.
06:15 Donc l'année dernière, cette entreprise a été sous pression. Désormais, on avait renforcé l'année dernière et désormais la pression est levée.
06:22 L'entreprise revient sur sa dynamique propre. Très belle entreprise qui présente encore une décote importante et qui a une dynamique qui est porteuse.
06:31 Et on arrive comme ça à identifier... Alors je rappelle qu'on ne fait pas de conseil d'investissement.
06:35 Non, non, non, c'était juste pour illustrer un problème.
06:37 On donne des exemples bien sûr. Mais on arrive comme ça. Comment est-ce qu'on fait pour identifier qu'une entreprise est décorrélée du marché
06:42 alors même qu'on voit parfois des mouvements en fonction d'une publication de résultats qui peuvent être particulièrement impressionnants quand même ?
06:48 Il y a deux situations. Soit parce qu'on a des entreprises, à l'image de celle que j'ai citée, qui n'a été citée qu'à des fins d'illustration.
06:54 Oui, oui, bien sûr. Je précise.
06:56 Soit on a des entreprises qui ont une dynamique propre et donc on va dire que l'évolution des marchés impacte moins que d'autres entreprises très corrélées.
07:08 Soit des situations type le rachat de crédit suisse par UBS qui pour nous est une opportunité exceptionnelle qui a été offerte à UBS.
07:18 Et là, il y a un nouvel équilibre qui va se faire. L'entreprise est en train de changer de taille, est en train de changer de périmètre.
07:25 Le marché n'en a pas forcément totalement conscience et donc il y a une dynamique là encore, une dynamique propre.
07:30 Donc soit parce qu'il y a un changement complet de périmètre, soit parce qu'il y a une dynamique liée au business spécifique
07:36 qui fait que c'est peu corrélé. Comment on les identifie ?
07:39 Là, je crois que c'est le point que vous vouliez toucher du doigt après avec les données.
07:43 Exactement.
07:44 Et le fait qu'on ait besoin de relever un petit peu le niveau de jeu de la gestion.
07:48 La gestion, moi j'ai démarré il y a 20 ans.
07:51 Quand on a démarré Varennes Capital, c'était assez facile de trouver des acteurs de la distribution qui ouvraient des magasins,
07:59 qui avaient des effets vertueux sur les volumes et donc sur les marges et qui avaient une croissance significative du chiffre d'affaires avec des marges élevées.
08:10 Ça c'était le monde d'hier. Aujourd'hui, on a vu en 15 ans, les 15 dernières années, l'émergence des Uber, Netflix, Tesla.
08:17 Le monde a changé. Ce qu'on appelait des barrières à l'entrée d'un business, c'est-à-dire ce qui protégeait des entreprises,
08:22 ces barrières ont explosé parce qu'il y a du digital, parce qu'il y a des puissances de calcul qui sont accrues,
08:29 parce qu'il y a une autre façon de consommer, parce qu'il y a plus de données.
08:32 Et donc nous, comment ça s'est traduit dans notre processus de gestion ?
08:36 On est passé d'un processus qui était extrêmement quantitatif et presque artisanal dans la continuité de ce qui s'était passé pendant des décennies
08:42 pour intégrer tout ce nouvel environnement dans notre gestion.
08:46 Donc ça fait plus de 10 ans maintenant qu'on investit massivement pour d'une part avoir un processus qui soit très structuré,
08:51 donc si il est très structuré, si les choses sont bien faites, elles peuvent s'énoncer clairement,
08:55 si elles sont énoncées clairement, on peut donc se faire assister par des ordinateurs et mettre à profit la puissance de calcul.
09:01 Mais pourquoi ? Pour mieux comprendre l'évolution de l'économie ou parce qu'aussi on a plus d'informations en tant que gérant qui arrivent
09:08 et donc il faut traiter ces informations pour être sûr d'avoir toutes les cartes en main quelque part ?
09:12 Alors, les deux sont vrais, mais peut-être de façon plus importante, le deuxième axe.
09:19 Aujourd'hui, on est capable d'identifier des opportunités plus tôt, plus en amont,
09:25 donc en ce sens peu corrélé parce qu'on va se positionner peut-être un peu avant un certain nombre d'acteurs,
09:32 parce qu'on identifie des tendances, parce qu'on croise des données qui ne sont pas que des données financières,
09:38 mais aussi des données extra financières. Il y a beaucoup d'informations qu'on peut intégrer à différents niveaux de notre processus analytique
09:45 pour pouvoir identifier une opportunité au bon moment. Il y a un vrai sujet depuis le début de l'année dernière qui est le timing.
09:54 Nous, depuis toujours, on dit que le plus important c'est d'être très sélectif.
09:59 Désormais, je vais vous ajouter deux choses, c'est qu'on va rester très sélectif, mais il faut avoir un time to market.
10:05 Alors, je suis désolé de l'anglicisme, mais c'est-à-dire qu'une rapidité d'action entre l'identification d'une opportunité
10:11 et le fait de la saisir, qui soit aussi rapide que possible, et puis une agilité.
10:17 Parce qu'on voit que, ne serait-ce que sur un plan macro, normalement la macroéconomie c'est un gros paquebot,
10:24 il y a quand même une inertie dans le mouvement, mais quand on voit qu'on passe d'un scénario de hard lending à soft lending,
10:31 à plus de récession du tout, à road hard, et puis ça change effectivement.
10:35 Et pourtant, ce sont des concepts qui sont censés être assez prévisibles, et ça a un impact majeur sur l'équilibre et le fonctionnement des marchés actions.
10:43 Donc, il faut être agile, et les opportunités ne durent pas longtemps, il faut être réactif, et évidemment, il faut être sélectif,
10:50 parce qu'on est dans un environnement qui reste complexe.
10:53 David Melul, on parle de masse de données, on parle d'usage de la technologie pour les traiter, vous me voyez venir.
10:58 Est-ce qu'on parle aujourd'hui d'intelligence artificielle dans une stratégie de gestion ?
11:02 C'est trop tôt, c'est une boîte de Pandore, c'est un outil que les gérants devront avoir de main ?
11:06 C'est un peu tout ça à la fois ?
11:07 C'est un peu tout ça à la fois, je pense que c'est peut-être un petit peu trop tôt pour parler d'intelligence artificielle,
11:11 en ce sens que ce n'est pas demain que Shared GPT va battre un gérant actif, qui est légitime dans cette activité.
11:22 En revanche, tout ce qui va être machine learning doit être intégré dans les process de gestion,
11:31 et c'est ce que j'essayais de décrire rapidement avant, c'est que quand on a un process qui est structuré,
11:37 ce qu'on fait à la main, si on répète une pratique de façon systématique,
11:43 alors on doit trouver un moyen du développement informatique de l'automatiser.
11:49 Donc ça on va l'automatiser, c'est très bien, ça veut dire qu'on libère du temps.
11:52 On peut à ce moment-là mettre à profit les puissances de calcul pour analyser plusieurs axes en même temps.
11:57 Et puis derrière, concentrer le cerveau humain sur les tâches à plus forte valeur ajoutée,
12:02 et avoir un environnement, un prisme d'analyse qui est significativement élargi.
12:09 On a beaucoup parlé d'alternative data, alors pour ceux qui ne sont pas familiers,
12:13 je crois qu'on en avait parlé il y a deux ans quand on parlait de la surveillance,
12:18 ou de la mesure du taux d'occupation des parkings dans les supermarchés pour avoir une idée de la fréquentation.
12:24 Ça c'est de l'alternative data, ça ne vous donne pas une information en tant que telle,
12:28 mais ça vous donne des indications.
12:30 Cette matière un peu abstraite, si on l'utilise à dessein au bon moment dans le process,
12:38 ça peut venir renforcer une conviction, ou alors si vous avez une entreprise de très bonne qualité,
12:43 vous donner aussi une indication sur le moment où, quand on croit.
12:47 Créer des indicateurs finalement en fonction des données qui ont été recrutées.
12:50 Rester dans une entreprise de très grande qualité, mais après essayer d'avoir raison sur le timing,
12:55 sans essayer de timer le marché, parce que c'est un sport national, mais que nous on n'essaie pas de faire.
13:00 Mais avoir une indication sur le moment où il faut sortir, où il faut rentrer, sur une opportunité,
13:07 parce que les données disponibles, mises à disposition aujourd'hui du plus grand nombre,
13:12 bien utilisées, peuvent être vraiment source de création de valeur.
13:17 Merci beaucoup David Melul de nous avoir accompagné dans le dernier quart d'heure de Smart Bourse.
13:21 Je rappelle que vous êtes directeur général de Varenne Capital. Merci beaucoup.
13:23 Merci Nicolas.
13:24 Merci à vous de nous avoir suivi. On se retrouve très vite sur Bsmart.
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