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Mardi 14 janvier 2025, SMART BOURSE reçoit Benjamin Louvet (Directeur de la Gestion Matières Premières, Ofi Invest Asset Management)

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00:00Le dernier quart d'heure de Smartboard. Chaque soir, c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir, c'est celui des matières premières avec cet exercice toujours un peu
00:17compliqué de prévision ou de perspective ou de réflexion sur ce qui pourrait animer
00:22le compartiment des matières premières au démarrage de cette nouvelle année, 2025
00:26en l'occurrence. Benjamin Louvet à mes côtés, directeur de la gestion des matières premières
00:29au FI Invest Asset Management. Bonsoir Benjamin. Merci d'être là-bas. Il y a déjà une
00:34forme d'actualité immédiate puisqu'on se remet à parler du pétrole. Je n'ai pas
00:38mesuré précisément, mais on a dû reprendre, que ce soit sur le Brent ou le WTI, une bonne
00:42dizaine de pourcents par rapport au point bas qu'on avait atteint fin décembre. Je
00:46leur donne un peu de perspective. On avait eu des prix extrêmes évidemment au déclenchement
00:50de la guerre en Ukraine. On a dû aller jusqu'à 100, 120 dollars le baril. Et c'est vrai
00:54qu'en regardant la photo sur ces deux dernières années, on a plutôt un train quand même
00:59très baissier sur le pétrole. D'où cette interrogation qu'on peut avoir sur ce rebond
01:04d'une dizaine de pourcents qu'on observe depuis quelques semaines. Pourquoi, comment
01:08et jusqu'où, bien sûr Benjamin ? Alors on a plusieurs choses, Grégoire, qui rentrent
01:12en ligne de compte. D'abord, le début de l'année et la période hivernale, ça vous
01:17aura pas échappé. On le ressent. Et cet hiver est particulièrement froid en Europe et aux
01:21Etats-Unis. Et donc on voit une hausse de la consommation notamment de fuels domestiques
01:26qui est assez sensible et qui entraîne déjà quelques petites tensions sur le marché
01:30des produits pétroliers dans leur ensemble. Mais au-delà de ça, Grégoire, le vrai sujet,
01:34c'est le sujet des sanctions internationales supplémentaires sur le pétrole russe avec
01:37cette fois-ci des sanctions qui sont sur l'ensemble de la chaîne de valeur jusqu'aux intermédiaires,
01:44les assureurs, les ports. Et donc là, ça rend la situation beaucoup plus compliquée.
01:50Mais j'ai envie de dire que c'est un peu aussi un aveu d'échec de la stratégie des
01:54pays occidentaux parce qu'on voulait affaiblir Poutine en l'empêchant de vendre son pétrole
01:58cher. Et au final, le seul moyen qu'on ait éventuellement qu'il gagne moins d'argent,
02:02c'est d'arriver à l'empêcher de vendre son pétrole. Donc effectivement, il gagne moins
02:05d'argent, mais ça a un coût pour nous. C'est-à-dire qu'il va falloir qu'on paye une pétrole
02:08plus chère pour l'instant. Alors comment ça peut évoluer ? On attend une hausse de
02:14la consommation au premier trimestre à cause de la hausse de la demande et essentiellement
02:18à cause de l'hiver. On attend à peu près 1,6 millions de barils de plus qu'au premier
02:23trimestre de l'année dernière par jour de consommation. Donc ce n'est pas neutre. Mais
02:28pour moi, sur le moyen terme, sauf parce qu'on est une économie qui rebondit de façon extrêmement
02:34violente, on s'attend à une hausse de la consommation, mais on a toujours ce coussin
02:40qu'a conservé l'OPEP de production qu'elle a retiré du marché et qui n'a pas été
02:44remis sur le marché. Donc à moins d'avoir des mesures extrêmement efficaces sur les
02:50sanctions sur le pétrole russe et de ne plus avoir le pétrole russe qui arrive sur
02:54le marché, auquel cas là on parle de quasiment 10 millions de barils par jour, donc c'est
02:58à peu près 10% de la consommation mondiale, et donc là l'impact est loin d'être neutre
03:02et le prix pourrait continuer à monter. Mais si les Chinois, les Indiens qui sont
03:06les principaux clients de la Russie arrivent à trouver des moyens de contournement, il
03:10y a aujourd'hui des réserves de production suffisantes pour que le prix du pétrole reste
03:16aux alentours des 70-75 dollars et difficilement au-delà. Sauf qu'on arrive à complètement
03:25encercler les exportations de pétrole russe, à ce moment-là le problème sera beaucoup
03:29plus grave, mais ça veut dire aussi de l'inflation chez nous, forcément.
03:33Pas mal de questions quand même sur ce que Trump peut apporter au marché de matières
03:41premières. L'idée d'un cessez-le-feu entre l'Ukraine et la Russie, donc c'est sur la
03:46table, ça fait partie des promesses de campagne de Donald Trump, peut-être pas tant d'ailleurs
03:50vis-à-vis de son électorat américain que du reste du monde, ça devait être fait en
03:54un jour, on a tous compris que ce serait fait sans doute en un peu plus de temps, pour l'instant
04:01il est sur le Groenland et le Canada, mais évidemment que le sujet va vite venir. Je
04:07ne sais pas comment on réfléchit à l'idée d'un apaisement de ce foyer de tensions important
04:16en Europe depuis plus de deux ans maintenant, avec l'une des premières puissances énergétiques
04:21mondiales. Déjà il faut trouver un moyen de faire venir Poutine autour de la table,
04:26et certains évoquent le fait que les nouvelles sanctions sur le pétrole russe pourraient être
04:31un moyen d'avoir des éléments de négociation à offrir à Vladimir Poutine dans le cadre de
04:36cette négociation. Si tu négocies sur la paix en Ukraine, on pourrait être un peu plus indulgent
04:43et moins regardant sur le commerce de ton pétrole, ce qui serait un deal gagnant-gagnant pour les
04:47Etats-Unis, parce que du coup ça ferait rebaisser les prix du pétrole, et en même temps on aurait
04:52réglé le problème ukrainien. Est-ce que c'est un coup de boost, une aide de Joe Biden avant son
04:58départ dans l'intérêt des Etats-Unis ? Est-ce que c'est quelque chose qui a été concerté ? Je ne
05:04sais pas, mais effectivement ça semble être quelque chose d'assez plausible, que ce soit peut-être
05:07un élément de la négociation. On voit beaucoup de ce genre d'opérations apparaître en ce moment,
05:11on parlera après des métaux, et en Chine on voit que la Chine est en train de faire monter la
05:15pression autour des métaux auprès de Donald Trump et des technologies bas carbone, de façon peut-être
05:20à commencer à essayer de rentrer dans la phase de négociation avant que Donald Trump arrive et
05:26ne pose ces conditions. Mais un cessez-le-fait entre l'Ukraine et la Russie, aux conditions
05:30que vous décrivez, permettrait à l'Europe de se réapprivoisionner en partie en gaz russe et en
05:36pétrole russe ? Ça me semble peu probable. Je pense que la relation est relativement compliquée
05:40aujourd'hui. Je pense aussi que les Russes, en matière de gaz, ont essayé de réorienter les flux,
05:46notamment vers des clients qui étaient en cours de développement parce qu'il y avait des pipelines,
05:49enfin des gazoducs, qui étaient en construction avec la Chine, et que ces pertes-là risquent
05:55d'être assez durables. Il va falloir réinstaller un climat de confiance aussi. Et avec Trump qui
06:02veut régler le conflit en Ukraine, mais qui dit aussi que tout ça, ce qui se passe en Europe,
06:06ce n'est pas forcément ses affaires et qu'on n'a qu'à payer davantage l'OTAN et financer
06:11davantage l'OTAN si on veut davantage de sécurité. Il se passe beaucoup de choses en ce moment dans
06:15les pays nordiques également, avec la Russie, beaucoup d'accrochages. Donc c'est difficile
06:20de penser que le flux sera rétabli de façon complète et normalisée pendant un long moment,
06:27même si c'est notre intérêt clairement, parce qu'aujourd'hui on achète du gaz naturel liquéfié
06:32américain. Donald Trump nous a d'ailleurs demandé de s'en acheter plus, mais ça nous coûte plus
06:36cher. Donc là il y aura un écrit difficile à trouver, on est vraiment dans des sujets
06:39géopolitiques globaux. L'autre question que j'avais, ce n'est pas venant de Trump mais de
06:44Scott Bessens, son futur secrétaire du Trésor. Il a cette règle des 3-3, donc amener l'économie
06:52américaine à 3% de croissance potentielle, réduire les déficits à 3% du PIB et augmenter
06:58la production pétrolière de 3 millions de barils par jour aux Etats-Unis. Sur ce dernier point,
07:03est-ce que c'est faisable, est-ce que c'est techniquement faisable, financièrement faisable,
07:07est-ce que c'est géologiquement faisable Benjamin ? Alors aujourd'hui c'est difficile à dire parce
07:13que les pétroliers de schiste vous disent qu'ils ont encore beaucoup de réserves, il y a un certain
07:17nombre d'études sur la dépression, la vitesse de baisse de production de ces puits qui laissent
07:22penser le contraire. Ça me semble difficilement faisable pour une raison, c'est que les producteurs
07:28de pétrole de schiste eux-mêmes ne le veulent pas. Je pense qu'ils ont été assez clairs sur le sujet,
07:33les taux de croissance qu'on a pu connaître, de l'ordre de 15% par an ces dernières années,
07:38et quand on parle de 3 millions de barils le jour supplémentaire, ça fait 25% de hausse de la
07:48production sur 4 ans, ça fait donc 6% de hausse de la production par an. Aujourd'hui on est plutôt
07:53sur des taux inférieurs à ça et je vois mal les producteurs de schiste accélérer, sauf à ce qu'on
07:59ait des conditions de prix qui soient bien supérieures à ce qu'on a pour l'instant. Mais
08:03encore une fois je vous dis dans l'hypothèse, seulement dans l'hypothèse où le pétrole russe
08:07disparaîtrait, c'est relativement peu probable de voir ce phénomène se passer.
08:11On verra la semaine prochaine, mais peut-être que les producteurs de schiste et de pétrole américain
08:15vont bénéficier d'un tarif de 25% par exemple sur le pétrole en provenance du Canada, c'est peut-être
08:22déjà une première victoire pour eux.
08:24Ça m'étonnerait pour une raison simple, c'est qu'aujourd'hui vous avez un problème de qualité de pétrole
08:29aux Etats-Unis et ils ont besoin du pétrole américain pour le mélanger avec le pétrole très léger
08:34qu'ils produisent pour leur raffiner. Donc c'est peu probable.
08:37Comment gérer une stratégie matière première dans la perspective de cette année 2025 ?
08:43Quels sont les grands axes d'une stratégie comme la vôtre chez Offy Invest à cette majeure ?
08:47Il y a deux éléments qui vont être essentiels pour cette année. Le premier c'est évidemment
08:51ces discussions entre Donald Trump et le reste du monde sur les tarifs commerciaux.
08:56Cette discussion, si elle tourne mal, pourrait générer pas mal d'inflation, ce qui serait plutôt
09:00profitable aux matières premières d'une façon générale et aux métaux précieux en particulier.
09:06Sur les matières premières en général, le risque en contrepartie, c'est que ça ralentisse
09:10l'économie mondiale et donc ralentisse un petit peu la demande.
09:12Ce phénomène, selon nous, devrait néanmoins être limité parce que la part de la consommation
09:18de métaux dans les activités traditionnelles est en recul ces dernières années avec le développement
09:22des technologies bas carbone. Et sur cette partie là, on a un certain nombre d'acteurs,
09:27notamment en Europe mais surtout en Chine, qui continuent d'accélérer.
09:30Je pense que la Chine a pris vraiment le virage et a décidé que sa meilleure solution
09:34pour avoir du poids dans l'industrie internationale, c'était d'être indépendant énergétiquement.
09:39En 2023, ils installent autant de panneaux solaires que le monde entier, Chine incluse en 2022.
09:44Cette année, ils ont augmenté les installations de 30% par rapport à 2023 et ils continuent
09:49sur un rythme soutenu. 75% des véhicules électriques vendus dans le monde étaient
09:53vendus en Chine au mois de septembre. Donc on a vraiment une tendance qui va dans ce sens là.
09:57Et ça, ça consomme des métaux, beaucoup de métaux. Donc sauf à ce qu'on ait un ralentissement fort,
10:02pour nous, la demande de métaux va continuer à augmenter et donc ça sera plutôt bon
10:07pour les matières premières. Et puis la deuxième chose, c'est de savoir qu'est-ce qui va se passer en Chine.
10:12La Chine a beaucoup parlé de stimuler son économie et si elle stimule son économie
10:17et notamment la consommation, ce qui est évoqué, ça devrait là aussi avoir un gros impact positif
10:23sur la consommation de métaux. Ça a déjà commencé puisque la Chine a annoncé en janvier là
10:27qu'elle prolongeait la prime pour les achats de véhicules électriques alors qu'elle était censée s'arrêter.
10:33Donc il y a vraiment une volonté d'aller vers cette décarbonation. Aussi peut-être pour ne plus être
10:38le vilain petit canard qu'on dit tout le temps quand la Chine fera quelque chose, la Chine fait quelque chose
10:42et ça commence à se voir puisque en septembre, les émissions de CO2 étaient en baisse.
10:46Donc il y a un vrai, pour moi, on est dans l'année, probablement l'année 1, où ça y est on a épongé tous les effets
10:53des surstocks qui avaient été créés pendant la crise climatique en Chine.
10:56On a créé les...
10:58Donc, place aux fondamentaux, quoi.
10:59Et là, on va commencer à rentrer dans le dur où on va commencer à voir le marché de l'argent qui est en déficit
11:04pour la cinquième année cette année, le marché du platine qui va probablement finir en déficit,
11:09le marché de l'aluminium qui va probablement finir en déficit et le marché du cuivre
11:13qui va probablement finir à l'équilibre ou légèrement en déficit.
11:16Donc là, on commence à... Et c'est une tendance qui est pérenne en termes de déficit.
11:20Donc ça veut dire qu'on va rentrer dans la période où, je vous ai toujours dit, le prix des métaux, c'est un prix spot.
11:26Quand on rentre en déficit, les prix s'ajustent. On l'a vu avec le cacao, c'est le meilleur exemple.
11:29Le cacao, quand il est rentré en déficit et qu'on a vu que le déficit est durable, le prix s'est envolé.
11:34Voilà. L'ajustement du prix des matières premières, ça se passe comme ça.
11:37Et donc, pour moi, on rentre dans cette période où on va rentrer dans un cycle séculaire pour les métaux,
11:42particulièrement industriel pour la transition énergétique,
11:45qui devrait nous emmener beaucoup plus haut dans les années qui viennent.
11:49Donc on reste très optimistes. Il y a ce risque, quand même, d'avoir un ralentissement économique,
11:53mais qui, pour moi, est pondéré par l'accélération inexorable dans le secteur de la transition énergétique.
11:58Et même si les Américains évoquent le sortir de l'accord de Paris, même si les Américains évoquent la réduction de l'IRA,
12:07vos invités précédents n'ont pas bien...
12:09— Vous parliez des grandes alliances net zéro, etc. — ...et très peu probables.
12:12Et les États-Unis, il faut le rappeler, l'Agence internationale à l'énergie, s'attend que sur la période 2023-2035,
12:18il y a présent 9% des installations de capacités renouvelables. Donc s'ils baissent même de 30%, ça fait une baisse de 3%.
12:24Si d'autre côté, la Chine accélère, on le verra même pas. C'est pas là-bas pour l'instant que ça se passe.
12:30Donc ils ont pris la décision de prendre du retard et d'utiliser le pétrole au maximum. Très bien.
12:34Les Chinois, eux, font le travail. Et je pense qu'à mon sens, sur le long terme, la stratégie chinoise est peut-être plus maligne.
12:42— Merci beaucoup, Benjamin. Merci d'être venu nous voir pour évoquer ces perspectives 2025
12:46dans le compartiment des matières premières. Votre grand domaine d'expertise, Benjamin Louvet,
12:51directeur de la gestion des matières premières chez Offy Invest Assets Management,
12:54était l'invité de ce dernier quart d'heure de Smart Bourse ce soir.

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