Jeudi 21 mars 2024, SMART BOURSE reçoit Vincent Lequertier (Gérant Senior, responsable de l'allocation d'actifs, WeSave) et Axel Botte (Directeur de la stratégie marchés, Ostrum AM)
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00:00 *Musique*
00:10 Trois invités avec nous chaque soir pour décrypter les mouvements de la planète marché, il n'y en aura que deux.
00:14 Aujourd'hui, Vincent Lecartier avec nous, responsable de l'allocation d'actifs de WeSave. Bonsoir Vincent.
00:19 Bonsoir Grégoire.
00:20 Oui, je suis un peu perclu d'habitude, effectivement, dans cette émission.
00:24 Axel Bott avec nous également, directeur de la stratégie de marché chez Ostrom Asset Management. Bonsoir Axel.
00:29 Merci d'être là. Revenons quand même sur ce que nous disait Jérôme Powell hier soir.
00:34 Axel, nouvelle projection économique du staff de la réserve fédérale américaine qui montre qu'il y aura donc plus de croissance,
00:40 sans forcément beaucoup plus d'inflation d'ailleurs pour cette année et pour l'an prochain.
00:44 Et visiblement, Jérôme Powell, au nom du Borde et en son nom propre, on l'a compris,
00:51 semble-t-il envie d'embrasser, voire de soutenir, voire de supporter ce régime de croissance nominale plus élevé ?
01:01 Oui, on a vu même que le consensus autour d'un scénario à trois baisses des taux s'est plutôt renforcé,
01:06 puisqu'il y a neuf des dix-neuf membres du FOMC qui se prononcent en faveur de trois baisses,
01:13 probablement une majorité du Borde et tout le monde est un petit peu à l'unisson finalement dans cette idée.
01:18 C'est plus qu'en décembre. Non mais point très important, puisque tout le monde avait le nez sur les dots,
01:23 en révisant la croissance nominale à la hausse, il y a plus de membres qui pensent qu'il faudra trois baisses de taux malgré tout cette année.
01:30 Oui, parce qu'en fait les dots sont un petit peu migrés, c'était à peu près équiprobable entre deux, trois et quatre baisses de taux.
01:37 Ceux qui prévoyaient quatre baisses sont plutôt un petit peu ralliés à la solution à trois baisses des taux,
01:43 mais quelque part ça ancre les anticipations de façon très très forte et il y a dans ce discours de Jerome Powell,
01:49 quelque part, une idée qu'on peut un petit peu minorer la trajectoire, un petit peu changement de l'inflation.
01:57 On a vu les prêts à la production qui étaient un petit peu problématiques, le CPI était aussi un petit peu plus haut qu'attendu.
02:03 On voit les données de l'immobilier, c'est quand même un secteur extrêmement sensible à la politique monétaire,
02:08 qui en fait se redresse et donc qui devrait peut-être interpeller la Fed sur le degré de restrictions monétaires adéquates dans cette économie.
02:17 Il est même allé jusqu'à dire que la croissance forte de l'emploi n'est pas forcément une raison suffisante pour ne pas baisser les taux.
02:23 Donc c'est vraiment une orientation particulièrement accommodante de la Fed.
02:29 Ils sont convaincus d'être restrictifs alors qu'il n'y a pas grand... comment dire...
02:35 beaucoup d'indicateurs qui semblent indiquer qu'une restriction monétaire, quand on regarde l'ensemble des marchés,
02:42 on voit bien que la réaction, quelque part, valide ça, valide une prolongation d'une tendance qui est extrêmement favorable à la croissance nominale,
02:50 quitte à assumer un peu plus d'inflation.
02:53 Qu'est-ce que vous pensez de cette approche ? Après, il y a toujours la balance des risques.
02:59 Ils expliquent toujours qu'il y a un risque de couper trop tard, mais il y a aussi un risque de couper trop tôt, qu'ils en ont conscience, etc.
03:06 Mais c'est quoi le risque principal pour vous de l'approche de la Fed telle qu'elle est exprimée à ce stade ?
03:12 Le risque dans l'économie américaine, c'est toujours un emballement financier.
03:16 C'est-à-dire qu'on est à un moment encouragé un petit peu trop de dettes, on commence à avoir des petits signaux sur le carte de crédit,
03:22 on sait que le commercial WLC, depuis un certain temps, s'est à peine détendu en termes de nouveaux crédits depuis SVB.
03:30 Donc, on n'a quand même aucun signal de credit crunch dans une économie, alors même que la Banque Centrale est censée resserrer la politique monétaire,
03:38 donc agir sur la demande agrégée. On voit que la demande est très forte,
03:41 puisque, prenant l'estimation même de la Fed d'un potentiel à 1,8, si on projette 2,1 cette année, entre le quatrième trimestre 2023 et le quatrième trimestre 2024,
03:53 on projette une croissance meilleure en moyenne, meilleure que le potentiel, et donc génératrice potentiellement de déséquilibre.
04:01 On ajoute à ça une politique monétaire un peu trop accommodante, ça va engendrer un certain nombre de bulles.
04:07 Alors, elles se font sur un certain nombre d'actifs assez identifiés, et puis aussi un peu en parallèle des marchés financiers classiques,
04:15 avec Bitcoin, l'or qui a aussi traduit un peu peut-être cette anxiété sur l'inflation ou sur un risque financier.
04:21 Donc voilà, on a comme ça des signaux faibles, un petit peu en dehors des radars des principaux marchés financiers,
04:28 mais qui indiquent que, non, la politique monétaire est peut-être un peu trop un tuyau percé, quoi,
04:34 et l'excédent de liquidité va gonfler un certain nombre de prix d'actifs.
04:38 C'est plutôt assez dangereux. Maintenant, il y a une raison inavouable d'avoir cette politique monétaire,
04:45 c'est le refinancement de l'État général. On le sait bien. C'est la raison pour laquelle ils ont déjà préannoncé la réduction du quantitative tightening,
04:55 c'est-à-dire que le bilan va continuer à se réduire, mais à un rythme moindre.
04:59 Et quand on regarde un petit peu le profil de maturité du portefeuille de la Fed,
05:05 on voit bien que probablement ils vont se caler sur 30 milliards de trésorerie, c'est-à-dire la moitié du rythme de baisse actuel,
05:13 à un horizon très proche, quand il dit « fairly soon », c'est-à-dire probablement dès le mois de mai,
05:17 on va entamer un ralentissement de la réduction du bilan.
05:21 C'est ça, un QT à demi-vitesse quelque part. Et donc ça devrait être aussi un signal favorable au taux et un ancrage toujours plus fort,
05:31 avec en plus la politique de réinvestissement qui devrait appuyer un petit peu sur les anticipations de taux,
05:37 un ancrage toujours plus fort à des baisses de taux qui sont favorables à la revalorisation des actifs.
05:44 Est-ce que la Fed, à bas bruit, accepte aussi l'idée peut-être que l'inflation reste tiltée au-delà de 2% pour plus longtemps que ce qu'on imagine,
05:55 et que ça puisse devenir à un moment, je ne sais pas, une nouvelle norme, un nouveau régime ?
06:02 Je sais qu'évidemment si on pose directement la question à Jérôme Poel ou à n'importe quel banquier central de la planète,
06:07 il vous dira que c'est 2% et que c'est rien d'autre.
06:09 Mais bon, il tolère quand même pour l'instant que l'inflation ne sera pas à 2%. Dans la projection c'est 26, c'est ça ?
06:16 Oui, après c'est la virgule qui fait la différence.
06:20 Mais il y a toujours beaucoup de reverse engineering dans les projections de la Fed.
06:26 Mais il n'y a pas d'abandon de cet objectif ?
06:29 Il ne peut pas y en avoir d'abandon officiel.
06:32 En même temps, rien n'empêche de penser qu'un jour la définition de la stabilité des prix soit un range sur l'inflation.
06:41 La banque d'Australie a entre 2 et 3, la banque de Nouvelle-Zélande vise entre 1 et 3.
06:46 Donc on peut avoir un peu de flexibilité autour du sacro-saint 2%.
06:50 Ce ne serait peut-être pas un mal d'ailleurs, parce qu'on ne sait pas si a priori les bouversements dans le système économique
06:56 font pas qu'on peut être au plein emploi mais avec un petit peu plus ou un petit peu moins d'inflation.
07:02 Donc on ne connaît pas vraiment le degré optimal d'inflation d'une économie.
07:06 Tout le monde s'est calé sur 2 sans réellement avoir d'argument pour l'ancrer.
07:12 On sait simplement qu'il faut que ce soit relativement prévisible et relativement bas.
07:17 Donc voilà, mais un petit peu de mou dans cet objectif.
07:21 Ça peut être un bien à terme, c'est une discussion qu'ils n'ont pas envie d'ouvrir avant, ils sont pas venus à deux pour prendre pendant une période.
07:29 - Oui, step by step effectivement.
07:32 - Et puis là-dessus je pense qu'ils prendront aussi pas mal leurs précautions.
07:37 Je pense qu'il faudra avoir une période de stabilité autour de l'objectif actuel pour éventuellement envisager d'ouvrir les débats.
07:46 - Vincent, c'est le printemps des banques centrales, c'est aussi le printemps des marchés.
07:51 Alors je ne sais pas effectivement quel est le degré d'inflation optimale pour l'économie, pour les marchés actions entre 2 et 3% c'est parfait quoi.
07:57 - Pour les entreprises historiques ? - Bah oui !
08:00 - Non, non, non, c'est exactement ce qu'il faut, ça permet de doper tranquillement les chiffres d'affaires.
08:04 - 2-3% c'est mieux que 1-2% visiblement.
08:07 - Oui, oui, oui, non, c'est très bien.
08:09 Moi ce que je note aussi c'est que d'avoir un petit peu d'inflation c'est très bien aussi pour effacer discrètement les dettes.
08:15 Au passage, donc je pense que c'est une bonne nouvelle.
08:20 D'entretenir de la croissance de façon nominale, donc en clair, d'encourager les acteurs économiques à se dire
08:27 "je vais pouvoir passer des nouvelles hausses de prix, ça vaut la peine d'investir", etc.
08:32 Tout ça c'est plutôt favorable pour encourager l'investissement.
08:38 Je pense que c'est des messages plutôt encourageants pour la dynamique de la croissance économique.
08:43 Et au bout du compte, les Etats ont besoin d'argent, donc les taxes, les impôts sur les sociétés, sur la consommation des ménages,
08:52 tout ça c'est un cercle vertueux.
08:54 Donc je pense que de maintenir un certain degré d'inflation, quand on voit qu'en plus pendant des décennies
09:00 on a eu du mal à avoir de l'inflation, ou en tout cas la crainte c'était de partir vraiment complètement dans l'autre sens.
09:06 Donc je pense que retrouver, même pendant quelques années, une inflation légèrement supérieure à ce qu'on avait auparavant
09:14 ne serait pas forcément très inquiétant.
09:16 Je pense que de toute façon avec la transition énergétique, il y a un certain nombre de zones qui sont particulièrement engagées dans ce sens-là.
09:24 Les Etats-Unis c'est peut-être un peu moins le cas.
09:26 Les zones qui sont très engagées là-dessus, on sait très bien que ça a un caractère inflationniste.
09:33 On sait très bien que la relocalisation des activités des pays émergents vers les pays développés,
09:38 là aussi vous payez vos salariés plus cher, donc il y a un caractère inflationniste.
09:43 Donc je pense que c'est le sens de l'histoire.
09:45 Je serais quand même surpris que les banques centrales ne valident pas cette situation sur, on va dire, une décennie.
09:55 Alors elles ne vont pas forcément le crier sur les toits, mais je pense que ça fait partie d'une sorte de deal entre les dirigeants et les banques centrales.
10:04 En tout cas on ne se ferme pas à cette possibilité-là. On ne veut pas se fermer à cette porte-là.
10:08 De pouvoir se dire que, voilà, peut-être que l'objectif d'inflation pourrait être modulé de manière un peu plus flexible.
10:16 Vous l'avez déjà laissé entendre en disant qu'on va travailler sur des moyennes de long terme, etc.
10:20 Donc je pense que de toute façon c'est déjà dans les esprits.
10:23 Si je vous ramène aux considérations un peu plus présentes...
10:26 Non, bon, à terre à terre, j'en sais rien.
10:28 Comment vous comprenez le sens de ces trois baisses de taux signalées, et même dont le signal s'est renforcé à travers la communication des banquiers centraux américains ?
10:36 On lui a posé une question au cours de la conférence de presse, à la fin d'ailleurs.
10:40 Si tout va aussi bien que vous le dites, M. Powell, pourquoi ne pas ajuster dès maintenant ? Pourquoi attendre encore ?
10:46 Alors il y a deux mandats pour la Fed. Je ne suis pas certain que le mandat emploi soit aussi serein qu'on peut l'imaginer.
10:56 Quand je regarde les démissions, on est de nouveau au tapis.
11:02 Quand je regarde les salaires, ça se calme.
11:07 Quand je regarde la perception qu'on les ménage sur les créations d'emplois, ils sont beaucoup plus pessimistes que les entreprises.
11:17 On parle quand même d'avoir "redécouvert" un certain nombre d'immigrés, qui apaiserait aussi pas mal la situation de l'emploi aux Etats-Unis.
11:27 Les Américains ayant deux emplois sont de plus en plus nombreux. L'intérim est de nouveau au tapis.
11:33 Enfin bref, il y a des petits signaux faibles.
11:37 Quand je regarde ces différents messages, je ne suis pas le seul à percevoir ce genre de choses.
11:43 Et je pense que dans les choses que la Fed a probablement un petit peu en tête, c'est aussi qu'il y a potentiellement un risque de dégradation du marché de l'emploi.
11:53 Que si ça doit se dégrader, ça risque probablement d'arriver plutôt vers la fin de l'année, et que ça tomberait malheureusement en plein au moment de l'élection.
12:01 Donc si vous voulez vous décharger un petit peu du stress d'avoir politisé vos décisions monétaires, vous avez intérêt à aller dans le sens du marché.
12:12 Ça fait plaisir à tout le monde de commencer les baisses vers le mois de juin et ensuite d'essayer d'avoir un discours justifiant le rythme régulier des baisses de taux à venir
12:25 pour là encore dépolitiser le message. Donc je pense que si en juin ils nous baissent effectivement les taux, je pense qu'ils l'accompagneront d'indicateurs clés
12:35 qu'ils vont suivre en les ayant préalablement bien choisis pour être à peu près certain que de toute façon ils iront dans le sens d'une détente monétaire à venir.
12:46 Oui je pense que c'est nécessaire, de toute façon c'est indispensable pour les Etats-Unis d'avoir un coût de l'endettement qui baisse quand on voit le rythme auquel la dette flambe
13:00 et la charge d'intérêt qui représente, il faut impérativement de toute façon baisser le coût de la dette. Donc ça me paraît de toute façon logique qu'ils procèdent comme ça.
13:09 Le marché a bien compris le sens des baisses de taux qui sont signalées ? Je pense que le marché...
13:15 Je pense que c'est pas un cycle d'accommodation qui nous ramène trop loin en arrière.
13:20 Je pense que le marché se trompe sur... parce qu'en fait les baisses passées correspondaient généralement à des baisses pour contrer un choc économique, financier, tout ce qu'on veut, sanitaire.
13:35 Je pense que cette fois-ci c'est un ajustement technique qui permet d'avoir des taux d'intérêt réels qui se maintiennent à un certain niveau
13:45 et qui permettent au bout du compte à l'économie de poursuivre à un rythme satisfaisant pour tout le monde.
13:52 Donc je ne pense pas que l'intégralité du marché ait bien compris que ce soit un simple ajustement technique
14:03 et je pense qu'un certain nombre ont encore dans l'idée que c'est pour faire face à un risque de dégradation économique qui viendrait quand même.
14:11 D'où mon impression qu'on a encore un certain nombre d'investisseurs qui sont sceptiques à l'égard de la croissance économique
14:20 et qui du coup ont un positionnement trop défensif, pas assez impliqué sur les actions
14:27 et que si on voit les marchés monter, monter, monter, c'est aussi parce que ces retardataires au fur et à mesure
14:35 soit sont en train de le faire, soit le feront au fur et à mesure que les banques centrales vont baisser les taux,
14:41 sont en train de capituler sur le fait que leur scénario est erroné et qu'il va falloir changer un peu de mindset
14:48 et rentrer dans l'idée qu'on peut avoir une croissance pérenne.
14:52 Sur le sens de ces baisses de taux, de cet ajustement du réglage de la politique monétaire,
14:59 est-ce que le marché a bien compris ce que veut nous dire la Fed,
15:02 sachant que je mets de côté évidemment le Covid, mais la dernière fois que la Fed a renversé son réglage de politique monétaire,
15:07 c'était un peu brutal, c'était fin 2018 ou début 2019, c'est ça Axel ?
15:12 Et ça s'est fait pour des raisons de marché qui ont fait capituler et qui ont fait craquer la Fed.
15:20 Oui, au quatrième trimestre 2018, de mémoire, le S&P va faire -10, sur une période en tout cas,
15:28 et on a une tension sur le marché des leverage loans pendant plusieurs semaines.
15:32 C'est difficile de justement faire sortir ces prêts spéculatifs des bilans bancaires
15:38 et de les diffuser au travers de la titrisation.
15:41 Comme c'est un canal très important pour la distribution de crédit aux Etats-Unis,
15:45 la Fed avait vraiment renversé sa position.
15:51 À l'époque, elle projetait trois hausses pour 2019, maintenant elle est à trois baisses en fait.
15:57 Je vous oblige à fouiller dans vos...
15:59 Et donc voilà, le deuxième élément qui peut leur faire hésiter,
16:05 c'est que je pense qu'aujourd'hui, sur les marchés, il y a un positionnement extrêmement marqué
16:11 sur ce qu'on appelle les trades de base.
16:14 Les trades de base sont sur le marché obligataire,
16:18 les arbitrages qui sont faits entre les marchés dérivés et les marchés cash.
16:23 Marché cash, donc forcément lié au financement du Trésor.
16:26 Et c'est une filioterie qui est très importante pour que ces marchés fonctionnent bien.
16:31 Et on peut craindre qu'à un moment, du fait des problématiques de dette,
16:38 du fait du mur de refinancement qui s'accumule avec l'augmentation des émissions à deux ans,
16:44 trois ans, cinq ans du Trésor qui vont se traduire par un mur de refinancement à l'avenir,
16:50 que ça se grippe un peu et qu'on se retrouve dans la situation, là pour le coup, de septembre 2019
16:54 où le marché du repo tout simplement se tend immédiatement.
16:58 Auquel cas, la Fed a les moyens de le contrer.
17:01 C'est toujours la même chose, il faut lâcher la liquidité et prêter sur ce marché du repo.
17:06 Mais on peut avoir ce type d'accident financier.
17:08 Et à l'époque, ils sont intervenus alors même que, objectivement, la croissance est à peu près à deux.
17:14 Il n'y a pas de chômage particulièrement, il n'y a pas de sujet sur la croissance.
17:18 Donc c'est toujours ça, un peu un équilibre fragile.
17:22 Mais cette expérience de 2018-2019, ça les a marqués ?
17:27 Est-ce que ça se retrouve justement dans cette idée de patience qu'il veut mettre en avant ?
17:34 On pourra quand même ajuster un peu les taux à la baisse, on va réduire le rythme de réduction du bilan.
17:39 On ne veut pas recommettre d'erreurs qu'on a pu commettre dans le passé ?
17:44 Je pense que ça traduit plus la décision sur le bilan que sur les taux.
17:48 Donc c'est plus cet aspect-là.
17:51 On en parle moins parce que c'est vraiment très technique.
17:54 Et je pense que la plupart des marchés financiers sont focalisés sur la trajectoire des taux.
17:57 C'est plus normal.
17:59 Mais effectivement, je pense que c'est la raison essentielle de la volonté de voir diminuer le rythme de diminution du bilan.
18:08 Bon, quelle communication est-ce qu'on peut attendre justement sur le chemin des baisses de taux, une fois la première baisse de taux délivrée ?
18:15 Question pour la FED, question pour la BCE également.
18:19 Comment est-ce qu'ils vont communiquer au marché la suite de la séquence ?
18:24 Et c'est un vrai problème pour certains.
18:27 Bostick d'Atlanta, FED d'Atlanta, est très inquiet justement de voir une exubérance refoulée chez les investisseurs
18:34 qui repartirait de l'avant dès la première baisse de taux délivrée.
18:39 Il veut essayer de casser un peu ce risque-là en amont, par exemple.
18:43 Lui est très soucieux du fait que si finalement l'inflation ne suit pas la trajectoire projetée,
18:49 il serait dans l'obligation quelque part de soit d'arrêter les baisses, soit au risque de perdre une certaine crédibilité dans ce cycle.
18:59 On a déjà vu par exemple le Canada et l'Australie qui avaient entamé des phases de pause,
19:04 être contraints de relever leurs parties de hausse, parce que sur l'inflation ils avaient été un peu trop, pris trop d'avance.
19:12 Donc c'est un peu un schéma de contre-pied qui peut faire mal au marché d'ailleurs,
19:17 et engendrer peut-être des débouclements avec pour le coup peut-être des effets réels sur l'économie.
19:23 Donc Bostick est de plus, un des premiers à avoir proposé un statut coprolongé pour voir ce qui se passe.
19:32 Et là il est assez prudent sur l'ampleur des baisses, il est plutôt en faveur de 2 que 3.
19:36 - En Europe et même au sein du G10, la Suisse fait partie des 10 plus grandes devises du monde,
19:45 donc la Banque Nationale Suisse ouvre la voie. Est-ce que c'est normal de la voir tirer la première aujourd'hui dans cet univers du G10 ?
19:54 - Oui, il me semble. Déjà la Banque Nationale Suisse ne serait unique que 4 fois par an,
20:00 ça donne un peu moins de latitude, et donc ça a précipité le mouvement.
20:06 Il faut savoir que la Banque de Suisse ne fait pas de la politique monétaire classique,
20:12 ils ont un objectif d'inflation interne, mais qui ne joue à peu près aucun rôle dans leurs décisions.
20:17 Ils sont d'énormes investisseurs sur les marchés internationaux,
20:20 ils ont un bilan qui fait 120 points de PIB Suisse, et ils ont 3 milliards d'Apple en stock.
20:26 C'est vraiment un investisseur en tant que tel, et ils sont confrontés à la hausse de leur devise,
20:32 qui leur coûte extrêmement cher, en plus de la réévaluation des obligations.
20:36 - 23, ça a été une grande année d'appréciation du franc suisse.
20:39 - D'appréciation du franc suisse, et de perte pour la BNS en centaines de milliards.
20:43 Donc c'est vraiment très compliqué, je pense qu'ils ont un intérêt, un petit peu comme les Norvégiens aussi,
20:49 à avoir une devise un peu plus faible. Les Norvégiens ont déjà une devise faible,
20:53 mais eux subissent un petit peu les flux de valeurs refuge vers le franc suisse, contre lesquels ils doivent se battre.
20:59 Et donc c'est plutôt ça qui les motive. Aujourd'hui, ils peuvent se cacher derrière l'inflation,
21:04 mais encore une fois, je ne pense pas que ce soit la réelle raison.
21:06 Ils avaient une certaine latitude pour baisser les taux, ils vont continuer à le faire,
21:10 je pense qu'ils le feront peut-être à tous les trimestres cette année.
21:13 - C'est un signal qu'on peut extrapoler pour notre banque centrale à nous.
21:17 Je me souviens qu'en 22, j'ai revérifié, la BNS tape entre la Fed et la BCE.
21:24 Je crois que c'est ça, en juin 22, la BCE c'est juillet, et la Fed avait dû taper juste quelques semaines avant.
21:30 - C'est ça, je pense que la BCE... - Il y a une coordination naturelle de ce point de vue-là ?
21:36 Ou il y a une miracle de Chine entre la BNS et l'Europe zone euro ?
21:41 - Je ne pense pas, ils sont très sensibles à l'autochange eurosuivre,
21:44 et pour avoir un maximum d'impact, ils sont obligés de taper un petit peu avant les autres.
21:48 - Je comprends. - Donc pour essayer de...
21:51 - De jouer sur la vie, de l'étrécité, ça c'est vu d'ailleurs, ça a marché, de ce point de vue-là, ça a marché.
21:55 - Et je pense qu'ils ne vont pas se poser la question, peut-être qu'ils feront le même des mouvements plus importants
21:59 par la suite pour effectivement contrôler un peu mieux le taux de change.
22:03 - Une fois qu'on a vu la BNS, qu'on a entendu la Banque d'Angleterre, c'est un statu quo,
22:07 mais encore une fois, les deux faucons du comité de politique monétaire ont capitulé,
22:12 ils ne recommandent plus de monter les taux, Beylay, le gouverneur Beylay de la Banque d'Angleterre,
22:16 est quand même très devise dans son discours en disant, là aussi, comme Powell,
22:19 on n'attendra pas que l'inflation soit revenue à 2% pour commencer à régler,
22:23 ajuster le réglage de notre politique monétaire.
22:26 Est-ce que ça conforte ce que tout le monde attend de la BCE, par exemple ?
22:29 Aujourd'hui, Vincent, à savoir un démarrage au printemps,
22:33 on est entré hier dans la saison du printemps.
22:36 - Oui, je pense que... - Oui, non mais c'est...
22:38 C'est plié, je pense que la vraie question pour la plupart des banques centrales,
22:42 c'est de savoir quelle est l'ampleur, un petit peu le rythme,
22:46 mais je pense que pour cette année, ce n'est pas vraiment un sujet, mais c'est surtout l'ampleur.
22:51 Et je pense que là, on continue d'avoir des faucons au sein de la BCE.
22:57 - Ça va se faire à tâtons ?
22:59 C'est un peu ce que nous dit Lagarde, il nous dit, on ne s'engagera pas,
23:03 même après la première baisse, on ne s'engagera pas sur un chemin,
23:06 on ne vous donnera pas une forward guidance spécifique sur le rythme des baisses de temps.
23:10 - On continue d'être data dépendante.
23:12 Pour le moment, ils vont se cacher derrière ce prétexte
23:16 qui permet d'avancer comme vous voulez avancer.
23:19 C'est-à-dire que si vous voulez mettre en avant les datas qui justifient d'être accommodants,
23:25 vous le faites, si vous voulez justifier d'être faucon,
23:28 vous pouvez toujours trouver des datas qui vous permettent de le faire.
23:31 Donc pour moi, ça sera juste un débat politique interne.
23:36 Je pense qu'un des vrais sujets quand même, c'est les élections qui approchent.
23:42 - Lesquelles ?
23:43 - Toutes.
23:44 - En Europe ?
23:45 - En Europe.
23:46 - Il y en a partout.
23:47 - Avec un gouvernement allemand qui, d'un point de vue budgétaire, est quand même coincé.
23:52 Donc si derrière, la BCE ne vient pas soutenir un petit peu l'ensemble,
23:58 je pense qu'il n'y aura qu'une seule solution possible.
24:01 Et pour ça, les élections sont très importantes.
24:03 C'est d'essayer d'avoir une mutualisation européenne.
24:06 Donc refaire ce qu'on a fait pendant les crises récentes,
24:09 c'est-à-dire une mutualisation des dettes à l'échelle européenne.
24:11 Ça, c'est compliqué.
24:12 Donc pour moi, les élections européennes sont très importantes à ce niveau-là.
24:16 S'il est encore possible de mutualiser à l'échelle européenne les dettes,
24:22 à ce moment-là, la BCE peut garder une forme d'indépendance.
24:27 Si par contre, l'équilibre politique ne le permet pas, au sein du Parlement européen,
24:33 je pense que pour le coup, la pression qu'il y aura sur la BCE pour baisser ses taux,
24:39 pour permettre à l'ensemble de l'Union européenne de se lâcher d'un point de vue budgétaire...
24:46 - Oui, enfin, de trouver de nouvelles marges de manœuvre, Vincent.
24:49 Au-delà des marges de manœuvre domestiques et nationales.
24:52 - Donc là, je pense que ça sera... C'est une évidence.
24:55 Et il faudra relancer, pas seulement des achats de dettes green,
25:03 mais aussi des achats de dettes santé, des achats de dettes défense...
25:06 - Ah ben, c'est le sujet du jour, je crois, d'ailleurs, à Bruxelles.
25:09 - Je pense que, pour moi, c'est une évidence qu'il va falloir élargir les sujets d'achat
25:13 si jamais on n'est pas capable de faire un financement européen.
25:16 - Axel, on me demande beaucoup... On aime bien la "forward guidance" des banques centrales.
25:20 Est-ce que, du point de vue des politiques budgétaires, est-ce qu'on a une "fiscal guidance" ?
25:27 - Elle a été atténuée dans le degré de consolidation qu'on envisage.
25:32 On est toujours dans l'idée qu'il faut faire de la consolidation budgétaire
25:36 à partir de points qui peuvent être un peu préoccupants pour l'Italie, la France, comme d'habitude.
25:42 Mais on n'a pas, je pense, encore de coordination marquée dans les politiques budgétaires.
25:50 On n'a pas de budget européen. Alors, certes, on peut ponctuellement faire des plans de relance,
25:54 qu'on ne sait pas financer, d'ailleurs, puisque la fiscalité associée au "next-gen EU",
25:58 elle est encore à déterminer, on va dire.
26:01 Ce sera probablement une fiscalité verte, une sorte de protectionnisme
26:07 qui peut-être occasionne ces rushs sur les véhicules électriques chinois
26:12 avant qu'ils ne puissent plus entrer.
26:14 Non, mais voilà, c'est ce genre de choses qui n'est pas...
26:17 On a mis un peu la charrue avant les bœufs parce que l'urgence le commandait,
26:20 mais on n'a pas encore ce... On n'a pas de budget fédéral ligne de tronc.
26:23 - Non !
26:24 - Et effectivement, ça rend le truc beaucoup moins réactif que les contraintes nationales
26:31 et l'interaction entre les réticences et les contraintes de chaque pays.
26:37 On a des pays qui sont en récession, comme l'Allemagne,
26:40 et une des causes essentielles, c'est qu'il n'y a aucun support fiscal,
26:46 aucun amortisseur face à l'évidence d'un changement d'environnement.
26:50 Vous n'avez plus l'énergie basse chère, vous n'avez plus les débouchés chinois,
26:53 vous n'avez plus plein de trucs, vous avez la construction qui part à volo,
26:56 et il n'y a pas de réponse.
26:58 Donc effectivement, ça paraît absurde.
27:02 Et probablement, si on avait un budget européen, d'une manière ou d'une autre,
27:06 on passerait outre ces réticences nationales.
27:10 - Mais ça veut dire que, là aussi, la divergence entre les États-Unis et l'Europe
27:13 va se creuser sur le plan de l'impulsion budgétaire,
27:17 ou est-ce que tout le monde, à un moment, quand même, va remettre un peu d'ordre dans tout ça,
27:22 profitant d'ailleurs de la croissance nominale,
27:25 et peut-être d'une forme de régime économique un peu stable pour quelque temps, on peut l'espérer ?
27:31 - Je pense qu'à court terme, ça va quand même continuer de se creuser.
27:34 On n'imagine pas qu'il y ait vraiment de durcissement budgétaire aux États-Unis à court terme.
27:39 Vous savez, en fait, dans le budget américain, vous avez à peu près les trois quarts des dépenses
27:43 qui sont gravées dans le marbre maintenant.
27:46 Il faut augmenter la fiscalité, et les élections c'est tous les deux ans aux États-Unis,
27:51 c'est très souvent difficile de faire passer,
27:54 si Trump en plus parvient à regagner, ce ne sera pas le sens de l'histoire.
27:59 Donc je pense qu'effectivement, l'écart en termes d'impulsion budgétaire va se maintenir entre les deux zones.
28:11 - Sur les marchés, Vincent, quand tout monte, qu'est-ce qu'on fait ?
28:15 Est-ce qu'on achète tout ? Est-ce qu'on fait du tri quand même ?
28:19 Est-ce que tout monte déjà ?
28:22 - Non, tout ne monte pas.
28:24 Vous avez encore un retard très important des marchés émergents,
28:28 vous avez un retard encore très important des petites capitalisations,
28:32 vous avez beaucoup de thématiques industrielles qui restent encore en retard.
28:39 On continue d'avoir des décrochages, et ça sur des tas de secteurs différents,
28:44 de 10, 15, 20, 30% sur les titres.
28:48 Tant que je vois ça, pour moi, c'est qu'on n'est toujours pas dans l'euphorie généralisée.
28:55 Donc pour moi, ça veut dire qu'il y a encore des possibilités,
28:59 mais par contre, il faut être relativement sélectif.
29:02 Le problème, c'est que des thématiques comme l'intelligence artificielle,
29:05 on sait très bien que ça va bouleverser beaucoup de business model,
29:09 et ça dans énormément de secteurs.
29:11 Le problème, c'est que vous ne savez pas qui est gagnant, qui est perdant.
29:14 Donc vous pouvez tenter un peu de stock picking,
29:18 mais vous n'êtes pas certain de réussir votre coup.
29:21 Donc vous faites de l'indiciel.
29:24 Et si vous faites de l'indiciel, vous continuez d'entretenir l'achat
29:28 sur les principaux leaders des indices,
29:30 et donc vous tournez un petit peu en rond sur le fait que les retardataires
29:34 continuent de traîner un petit peu la patte.
29:36 Ce qui est vrai, par contre, c'est que la baisse des taux d'intérêt
29:40 va quand même provoquer, j'imagine, un petit peu de rotation
29:45 vers les dossiers qui sont endettés.
29:48 Ça va relancer l'espoir d'avoir un cycle économique un peu pérenne.
29:53 Ça va relancer l'hypothèse des OPA,
29:57 puisque vous avez besoin assez souvent de financer votre acquisition.
30:01 Ça va pérenniser certains investissements,
30:06 puisque vous avez des coûts qui sont moins importants.
30:09 Ça veut dire aussi que les sociétés qui ont une trésorerie colossale
30:13 et qui "vivent dessus", parce qu'elles étaient extrêmement bien rémunérées
30:18 depuis deux ans...
30:19 - Qui ont un peu moins de revenus financiers de ce point de vue-là.
30:21 - Exactement. Donc tout ça, pour moi, ça justifie quand même
30:23 d'avoir un petit peu de rotation vers les small cap, vers les émergents.
30:27 Vous voulez pas aller sur les émergents ?
30:29 Faites de l'Europe, puisque de toute façon, l'Europe,
30:31 vous jouez les émergents indirectement.
30:33 Donc pour moi, il y a moyen quand même de...
30:35 - On se pose la question d'avoir de l'Europe.
30:37 - On peut se demander s'il faut avoir des émergents.
30:39 - Pour moi, il faut le faire avant les émergents.
30:41 - L'Europe ? - Ah oui !
30:43 - Ah oui, d'accord ! Non mais d'accord !
30:44 Parce que vous disiez... J'avais l'impression que dans la chronologie,
30:47 c'était "Ah, est-ce que je fais des émergents ?
30:49 Et si je fais pas d'émergents, je vais peut-être faire de l'Europe alors ?"
30:51 - La tentation, c'est de regarder une valo.
30:53 Si vous regardez les valos, vous allez d'abord sur les small cap,
30:56 vous allez sur les émergents, et ensuite, vous vous occupez de l'Europe.
31:00 Pour moi, les small cap américaines, dans la mesure où c'est le marché leader,
31:05 pour moi, c'est une évidence que s'il faut le tenter quelque part,
31:07 c'est là qu'il faut le tenter en priorité.
31:09 Ensuite, pour moi, il faut aller sur l'Europe.
31:11 Parce qu'avec l'Europe, vous jouez la dynamique économique américaine,
31:15 mais aussi celle des émergents.
31:17 Et comme il y a quand même une forme de recentrage,
31:19 il y a quand même une dynamique de relocalisation d'activité qui se produit,
31:26 on essaye quand même de créer, tant bien que mal, des batteries électriques,
31:31 des semi-conducteurs en Europe, un peu de défense.
31:34 On a quand même reconstitué un petit peu de circuits énergétiques avec la crise en Ukraine.
31:40 Donc, toutes ces choses-là, pour moi, elles justifient quand même d'être repositionnées sur l'Europe.
31:44 Et il faut quand même se rappeler qu'on a un taux d'épargne qui est monstrueux !
31:48 Monstrueux ! En Europe, en France, on a 17% de taux d'épargne.
31:52 Aux États-Unis, ils sont aux alentours de 4% à l'heure actuelle.
31:55 — Oui, mais enfin, là, c'est des comparaisons...
31:57 — Non, non. Donc, je veux bien qu'on soit pessimistes sur les perspectives,
32:01 mais dès lors que vous avez un tout petit peu de reprise économique,
32:04 que vous avez un peu moins d'inflation en Europe, l'épargne, je suis pas certain qu'elle reste à ce niveau-là.
32:11 Donc elle va se redéverser dans de la consommation ou dans de l'investissement de la part des ménages.
32:16 Donc vous aurez, pour moi, une justification à vous repositionner sur l'Europe.
32:21 Oui, pour moi, c'est une belle zone. C'est une belle zone.
32:24 — Oui, oui. Pour un investisseur américain en dollars, là, il y a un vrai intérêt à sortir un petit peu, justement, du dollar.
32:32 Je sais pas. En plus, ils doivent être tous au max, quand même, de ce qu'ils peuvent acheter en Nvidia, en tech, en tout ça.
32:37 Est-ce que là, il y a quand même un alignement de planètes pour que ces investisseurs globaux,
32:41 importants pour les marchés financiers, amènent un peu de new money sur des marchés comme l'Europe ?
32:48 Est-ce que l'Europe, là, peut justement tirer son épingle du jeu dans le contexte du moment, Axel ?
32:55 — Alors peut-être que le glissement monétaire apportera un petit peu de détente sur le dollar.
32:59 Je pense que c'est aussi ce gros rééquilibrage. Je pense qu'il est indissociable du taux de change euro/dollar.
33:05 Si jamais le dollar enlevait un petit peu cette prime de stabilité que l'économie américaine en général nous apporte,
33:13 là, probablement, il y aurait une débilité de diversification. Mais je rejoins clairement le propos précédent en disant
33:21 qu'il y a des rotations qui vont s'opérer déjà au sein du marché américain, peut-être avant.
33:25 Effectivement, les small caps seront sensibles à l'allègement monétaire. Le Russell a quasiment rien fait depuis l'année dernière,
33:32 quasiment rien fait cette année encore. Donc il y a un rattrapage là-dessus. Et ensuite, effectivement, éventuellement,
33:41 aller racheter l'Europe. L'Europe est un peu une énigme quand vous regardez les flux, parce qu'on a l'impression que tout le monde
33:48 vend l'Europe tout le temps. Et c'est assez bizarre. — Troublant, oui.
33:54 — Assez troublant. Et pour autant, quand on regarde les rendements en dividende, les 200 milliards de rachats d'actions maintenant
34:01 qui sont régulièrement postés chaque année, on pense qu'il y a des flux auxquels il faut faire attention, qui sont internes aux entreprises,
34:13 et qui sont des rendements à l'actionnaire qui peuvent être très attrayants. Mais c'est des tendances qui peuvent perdurer longtemps.
34:22 Pendant des années, on a regardé la bourge japonaise. On s'est dit que c'était pas possible. Il y a plus de cash que de market cap
34:28 dans beaucoup de boîtes. — Très bon exemple. — Et donc ça a mis du temps à redevenir une thématique qui... Pour le coup,
34:37 le début d'inflation, de normalisation, quelque chose comme ça a été... — Et puis il y a eu un vrai travail structurel des opérateurs de marché
34:44 japonais pour, justement, inciter les entreprises à se vendre un peu mieux peut-être auprès des investisseurs globaux aussi.
34:52 — Ça, c'est certain. On avait totalement oublié un marché qui était peut-être extraordinaire, le marché leader de la fin des années 80.
35:00 — Ah bah oui. — Et ça avait peut-être traumatisé beaucoup de gens. Mais tout d'un coup, une thématique qu'on voit dormir pendant des années
35:07 se raffermit. Ça peut être le cas de l'Europe. Ça peut se payer plus cher, le marché européen, sans problème.
35:13 — Structurellement. — Structurellement, oui. On fait souvent la comparaison avec les 7 magnifiques. On a des équivalents
35:19 avec des marges très élevées, très stables, très visibles... — Bien sûr. — ...qui peuvent être ces éléments leaders aussi d'un rebalancement.
35:26 — Regardez tout simplement la composition de l'euro-stocks aujourd'hui par rapport à la composition de l'euro-stocks, allez, on va dire,
35:32 au moment de la grande crise financière ou avant. C'est plus du tout la même chose. — Bien sûr, ça évolue beaucoup. Et je pense...
35:40 Voilà. Il y a quelque chose qui se passe sur la bourse européenne. C'est peut-être sous-apprécié par les investisseurs internationaux.
35:45 — Ouais. Bon, on verra. Je voyais dans l'enquête BOFA sur le mois de mars auprès des gestionnaires d'actifs le plus gros mouvement
35:51 de réallocation vers les actions européennes qu'on n'a pas vu depuis 4 ans maintenant. Donc il y a quand même au moins sur 1 mois une intention
35:58 affichée quand même de réallouer un peu d'actifs sur l'Europe. Quand je disais tout à l'heure tout le monde... Est-ce qu'il y a du tri à faire ?
36:10 Je pense notamment à la tech américaine. Alors je comprends dans votre idée, Vincent, il faut pas lâcher. Est-ce que ça peut se payer encore plus cher ?
36:19 — Oui. — Oui. — Enfin ça dépend des dossiers. Moi, ce que je note, c'est que tout le monde a un focus sur les 7 magnifiques.
36:27 Les 7 magnifiques, il faut essayer de relativiser un petit peu les choses. La première, c'est que si on cumule l'année 2022-2023...
36:37 — Ah oui. — Tout le monde n'a en souvenir que 2023, qui a été fabuleuse pour ses dossiers. Mais si on cumule les 2 années, on se rend compte à ce moment-là
36:46 que 3 des 7 magnifiques étaient dans le rouge cette année-là et que la moyenne des 7 magnifiques sur 2022-2023 faisait moins bien que le CAC 40. Voilà.
36:57 Donc il y a des choses... — Voilà. C'était déjà il y a 2 ans qu'il fallait jouer l'Europe, alors. — Mais certains l'ont fait.
37:05 — Certains l'ont fait. — C'est pour les Américains que je dis ça. — Personne ne s'en prend pas privé. Non, non. Donc déjà, je pense qu'il faut essayer de relativiser
37:13 un tout petit peu les choses sur la performance. Et il faut regarder aussi le caractère opérationnel, c'est-à-dire que ces sociétés sont en situation de monopole,
37:23 quasi-monopole, imposent leurs tarifs, et ça à travers le monde entier. Et quand bien même CF Apple, aujourd'hui, quand bien même les autorités
37:33 essayent de leur tordre un petit peu le bras une fois de temps en temps, ça va leur coûter quelques milliards, c'est-à-dire une semaine d'activité.
37:41 Et puis merci, au revoir. Circuler, il n'y a rien à voir. Donc déjà, à ce niveau-là, je pense qu'il faut bien comprendre que tant que les autorités américaines
37:51 ne voudront pas casser les modèles de ces sociétés, elles vont continuer de performer, elles vont continuer d'être en situation de monopole ou quasi-monopole.
38:01 Ensuite, il y a une très grosse partie de la tech américaine qui est restée complètement en arrière, c'est-à-dire que le gros du Nasdaq, il était dans le rouge,
38:13 et non pas dans le vert. Donc cette partie du Nasdaq, je serais surpris qu'avec les développements de l'intelligence artificielle, même si c'est de l'IA-washing,
38:23 je serais surpris qu'il n'y ait pas beaucoup de ces sociétés qui ne soient pas capables de mettre en avant, que ça soit réel ou faux, une forme de compétence dans ce domaine,
38:33 et du coup avoir une réappréciation, une revalorisation de ces titres. Donc je pense qu'il faut rester positionné sur la tech, et de mon point de vue,
38:41 on numérise de plus en plus nos activités, nos vies courantes, donc... - Oui, c'est incompréhensible !
38:49 - A tous les niveaux, que ce soit au niveau de l'entreprise ou de monsieur Vincent Le Quartier, dans sa vie courante, moi j'ai de plus en plus de numérique.
38:57 Donc pour moi c'est logique de m'investir de plus en plus sur des thèmes qui sont des thèmes de l'avenir.
39:04 D'une certaine manière, pour moi c'est simplement une industrie comme une autre. Alors, on fait un focus dessus parce que ça s'appelle tech,
39:11 mais il y a quelques années de ça, un dossier comme Général Électrique ou je ne sais quoi, c'était des stars !
39:19 - Ah c'est les blue-cheap de l'époque, oui bien sûr ! - Elles ont éclaté très bien, et peut-être que ces dossiers éclateront demain.
39:26 Mais il ne faut pas, en tout cas je pense, sous-évaluer leur potentiel et imaginer que tous les dossiers se payent cher, ce n'est pas le cas.
39:34 - Je crois que les Mac 7, c'est moins de 32 PE si on prend le groupe aujourd'hui, c'est ça !
39:39 - On est un exemple comme Nvidia... - Combien vous dites Axel ?
39:42 - Non je pense, j'irais dire un peu plus, mais Tesla c'est quand même... - Oui Tesla ça drague un peu l'Europe, oui bon...
39:49 - Nvidia sur l'année prochaine, PE de 25, on est à 37 je crois sur Hermès ?
39:57 - Ah bah oui mais ce n'est pas la même franchise ! - Ah mais on est bien d'accord !
40:02 - Hermès ça existe depuis un bail ! - Les marges d'Hermès c'est 65, on doit être à 75 sur Nvidia !
40:08 - Mais Hermès ça dure, depuis très longtemps ! - Oui ! Nvidia est très volatile !
40:16 - Il faut encore des années pour trouver la résilience d'une franchise au même niveau que celle d'Hermès !
40:22 - Ça fait des années quand même qu'elle est là !
40:23 - Hermès au plus haut historique, quel que soit le sort de Kering ou des autres valeurs du luxe, il faut le noter, c'est un monde à part.
40:31 Merci beaucoup messieurs, merci d'avoir été des invités de Planète Marché ce soir.
40:33 Vincent Lecartier, responsable de l'allocation d'actifs de WeSave, et Axel Bott, directeur de la stratégie de marché chez Ostrom Asset Management.