• il y a 2 mois
Avec Michel Goya, Historien et colonel à la retraite des troupes de marine, auteur du livre « L’embrasement - Comprendre les enjeux de la guerre Israël-Hamas » (Perrin)

On décrypte le monde, tous les samedi matin à 8h16.

---
Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/
---
Nous suivre sur les réseaux sociaux

▪️ Facebook : https://www.facebook.com/SudRadioOfficiel
▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/
▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr

##ON_DECRYPTE_LE_MONDE-2024-10-12##

Category

🗞
News
Transcription
00:00On décrypte le monde, c'était il y a presque un an le début des premières opérations terrestres militaires israéliennes dans la bande de Gaza en réaction au massacre du 7 octobre.
00:15Un an après, est-ce que les buts de guerre d'Israël ont été atteints ? Combien de victimes, combattantes ou civiles ?
00:22A quoi servent les combats qui se poursuivent ? On en parle avec notre invité Michel Goya. Bonjour !
00:27Bonjour !
00:28Vous êtes colonel des troupes de marines françaises, colonel à la retraite et auteur de ce livre. On vous avait reçu pour en parler il y a justement un an.
00:35L'Embrasement. Comprendre les enjeux de la guerre entre Israël et le Hamas. C'est publié chez Perrin et chez Robert Laffont.
00:42Vous expliquiez dans ce livre pourquoi tout avait changé depuis le 7 octobre et on revenait justement sur les buts de guerre annoncés par Benyamin Netanyahou.
00:51Détruire le Hamas et libérer les otages. Un an après, force est de constater qu'il reste malheureusement des otages, notamment français, toujours en captivité.
01:00Et que le Hamas n'est pas complètement détruit, Michel Goya.
01:04Oui, effectivement. Quand Netanyahou parle de détruire le Hamas, à ce moment-là, il est difficile d'imaginer qu'il puisse arrêter de parler d'autre chose après l'attaque du 7 octobre.
01:17Quand après les attentats du 13 novembre 2015 en France, le président Hollande avait annoncé qu'il allait détruire, je cite, l'armée des fanatiques qui avait commis cela.
01:28Donc on n'imagine pas un discours différent à ce moment-là. Maintenant, dans les faits, en réalité, il n'a jamais été question de détruire, au moins à court terme, de détruire le Hamas.
01:40L'objectif qui était recherché à Gaza, en particulier, c'était d'éliminer la menace du Hamas, de l'écraser véritablement, de faire du chiffre,
01:52de faire en sorte que le Hamas ne soit plus capable de frapper le territoire israélien par des roquettes ou des incursions.
02:02Et donc c'était vraiment de, en termes militaires on appelle ça, le détruire tactiquement, c'est-à-dire le neutraliser complètement.
02:09Et de ce point de vue, le gouvernement israélien est persuadé que, depuis cet été, cet objectif a été atteint.
02:14Ce qui lui a permis de passer à une autre phase à Gaza et de passer à un autre ennemi aussi qui est l'Hezbollah.
02:22L'Hezbollah au nord de l'Israël, donc sur le front libanais.
02:25Et donc pour le gouvernement israélien, en réalité, la mission, et pour l'état-major israélien, la mission est remplie.
02:30La première mission en tout cas qui consistait à neutraliser le Hamas à Gaza.
02:39Donc ils revendiquent avoir tué 17 000 combattants ennemis.
02:42Ce qui, avec les blessés graves, les prisonniers, fait pratiquement les deux tiers, les trois quarts du potentiel militaires ennemis.
02:54Et il n'y a plus de tirs de roquettes.
02:56Ou alors vraiment très ponctuellement, il y a une roquette qui est tirée de temps en temps.
02:59Donc pour eux, mission accomplie.
03:01Et on passe à une phase de contrôle de Gaza.
03:04Donc on verrouille, on sécurise, on a mis en place un corridor à l'intérieur de Gaza.
03:10Et puis voilà, on surveille et on frappe tout ce qui se passe.
03:13Mais on n'occupe pas Gaza.
03:15Le Hamas est toujours là.
03:17Il est simplement neutralisé.
03:18Et deuxième point, bien sûr, les otages, qui visiblement n'étaient pas la priorité du gouvernement, sont évidemment toujours là.
03:31Comment expliquer, alors qu'Israël a envahi la totalité de la bande de Gaza, détruit une bonne partie de la bande de Gaza par des bombardements,
03:40et que le Hamas a quasiment disparu, en tout cas à la surface du sol, qu'il reste des otages en captivité,
03:46que le chef du Hamas, en tout cas de sa branche militaire, Yassin Noir, soit toujours en liberté ?
03:51En réalité, pour vraiment étouffer complètement l'organisation, il aurait fallu occuper le territoire de Gaza.
03:58C'est-à-dire que pas simplement le conquérir, le nettoyer, c'était ça la stratégie israélienne.
04:06Mais de réoccuper complètement le territoire.
04:11Et à partir de là, effectivement, traquer ceux qui restent de l'ennemi et chercher à libérer les otages dans le territoire.
04:21Mais en réalité, les Israéliens n'ont pas voulu réoccuper le territoire de Gaza,
04:26ils ne veulent plus s'engager dans ce qu'ils considèrent comme des bourbiers.
04:33Et donc, ils se sont contentés de frapper, de faire de grands raids de terrestres pour détruire, mais pas rester sur le terrain.
04:42Et à partir de là, ça laisse toujours en place le Hamas.
04:46De toute façon, ça laisse le territoire dans un état irresponsable, la population dans un état d'abandon considérable.
04:54Et la population est finalement toujours aux mains du Hamas aussi.
04:58Donc on laisse dans une sorte d'immense prison, et aux mains des bandits qui sont à l'intérieur de cette prison.
05:04Et dans ce cadre-là, forcément, les otages, l'idée qu'on allait les récupérer uniquement en faisant pression sur l'ennemi,
05:13ou par des opérations de commandos de libération, était assez limitée. Il y en a eu.
05:20Il n'y avait pas de chance, il y en a eu, mais quoi qu'il arrive, il se sera difficile de récupérer les derniers otages.
05:26Parlons de la population civile. Est-ce qu'on arrive à savoir de manière à peu près fiable combien de dizaines de milliers de morts il y a eu depuis cette opération ?
05:35Je parle rien que des morts. Les chiffres annoncés étaient ceux du ministère de la Santé du Hamas.
05:39Ils étaient donc contestés, mais est-ce qu'ils sont fiables ?
05:42Ils sont considérés comme une approximation assez fiable.
05:47Un ordre de grandeur, c'est évidemment difficile de savoir exactement combien il y a de victimes.
05:54D'autant plus qu'il y en a beaucoup qui ont disparu.
05:58Il y a des milliers de corps qui n'ont pas été retrouvés dans les décombres.
06:04On considère que les 41 000 morts annoncées par ce ministère, qui sont reprises d'ailleurs par les Israéliens,
06:14constituent certainement un ordre de grandeur assez valable.
06:19C'est considérable par rapport aux dernières opérations militaires de l'armée israélienne dans la bande de Gaza.
06:27On a changé d'échelle. Comment expliquer qu'il y ait tant de morts et à ce point davantage de morts que les dernières fois ?
06:35Qu'est-ce qui s'est passé de nouveau ? Qu'est-ce que les Israéliens ont fait de plus que ce qu'ils avaient fait les dernières fois ?
06:40Fondamentalement, la méthode israélienne n'a pas changé.
06:43L'opération qui est en cours notamment au Liban, c'est la neuvième du genre depuis 2006.
06:49Ça passe toujours par des phases de frappes aériennes.
06:52Et si ça ne suffit pas, on lance des grands raids terrestres qui vont tout casser à l'intérieur du territoire ennemi.
06:58La méthode est toujours la même.
07:00Sauf que là, il y a 10 fois plus de morts.
07:02Exactement. C'est-à-dire que là, on est passé à une échelle très supérieure,
07:06et notamment dans la puissance de feu, et particulièrement dans la puissance de feu aérienne.
07:10C'est-à-dire que là, la différence avec les autres guerres, c'est que,
07:14ben oui, là, les Israéliens ont lancé des milliers et des milliers de bombes sur le territoire de Gaza.
07:21Je crois que le dernier affrontement véritable avec le Hamas, c'était en 2014, il y a 10 ans.
07:26Et à l'époque, on estimait que les pertes civiles de 66 jours de combat étaient dans les 1500.
07:34Donc on voit bien que là, on est passé dans tout autre chose en termes d'application de la puissance de feu.
07:42C'est ça qu'il faut bien comprendre, notamment la multiplication des frappes aériennes.
07:47Alors justement, votre livre, et ce sera mes dernières questions, portait sur l'impossibilité de la paix à court terme.
07:52Comment imaginez-vous que la paix puisse revenir après autant de morts civiles ?
07:58Non, il n'y aura pas la paix.
08:00Mais parce que, en réalité, personne ne la veut, vraiment.
08:05Un officier israélien me le disait il y a quelques années, mais nous, on ne veut pas la paix.
08:10La paix, c'est trop compliqué à obtenir.
08:13Ça demanderait déjà beaucoup trop de concessions de notre part.
08:16Et puis surtout, faire la paix avec le Hamas, qui veut notre destruction,
08:21et qui ne recherche pas du tout à négocier quoi que ce soit, c'est impossible.
08:26En revanche, ce qu'on peut obtenir, c'est une forme de sécurité.
08:29C'est-à-dire qu'on neutralise les ennemis pendant le plus longtemps possible,
08:33pendant des années s'il le faut, et après, nécessairement, on recommence.
08:38C'est-à-dire qu'au lieu de faire de la guerre, qui est un acte politique,
08:41et qui aboutit normalement à la paix, on fait une action, une grande action de police,
08:46extrêmement brutale, extrêmement violente, où on élimine les criminels.
08:50Donc c'est se condamner, de toute façon, à une ferme de guerre d'occisifs, d'éternel recommencement.
08:55Donc là, il n'y a pas de paix possible. Il peut y avoir un arrêt des combats,
09:01voire même un cessez-le-feu, mais la guerre reprendra quelques temps plus tard, bien sûr.
09:10Et c'est la raison pour laquelle, malheureusement, on sera amené à vous recevoir à nouveau,
09:13pour parler de la prochaine guerre, si jamais elle revient.
09:15Merci beaucoup, Michel Goya, d'avoir pris la parole ce matin sur Sud Radio.
09:20Je rappelle que vous êtes colonel des troupes de marines françaises à la retraite,
09:23et vous êtes l'auteur de ce livre extrêmement instructif,
09:26« L'embrasement. Comprendre les enjeux de la guerre entre Israël et le Hamas ».
09:30C'est publié chez Perrin et Robert Laffont, et surtout, c'est sans jugement de valeur.
09:34C'est difficile, sur ce conflit, de publier une analyse avec autant de recul.
09:39Merci beaucoup, Michel Goya, et à bientôt.

Recommandations