Avec Myriam Benraad, spécialiste du Moyen-Orient
On décrypte le monde, tous les samedi matin à 8h16.
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##ON_DECRYPTE_LE_MONDE-2024-11-23##
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NewsTranscription
00:00SUDRADIO, on décrypte le monde.
00:03Et on décrypte la guerre qui se poursuit au Proche-Orient avec notre invitée Myriam Benraad.
00:08Bonjour.
00:09Bonjour.
00:10Bienvenue sur SUDRADIO.
00:11Vous êtes politologue spécialiste du Moyen-Orient et professeur en relations internationales
00:15à l'Université internationale Schiller à Paris.
00:18D'abord, je le disais, la guerre continue parce que les frappes continuent, notamment
00:22sur Beyrouth.
00:23Un immeuble résidentiel a été frappé lourdement par Tsaïl cette nuit.
00:26Manifestement, on ignore encore le nombre de victimes.
00:29Mais en tout cas, il faut le rappeler, les frappes continuent tous les jours.
00:32Oui, la guerre continue.
00:35Il est vrai qu'on est centré depuis maintenant hier sur les mandats d'arrêt qui ont été
00:42lancés par la Cour pénale internationale, les réactions que ça a suscité.
00:45Mais du côté israélien, la guerre se poursuit avec, encore une fois, en tête d'éliminer
00:54leurs adversaires Hamas, Hezbollah, mais aussi, encore une fois, de faire en sorte
01:01que leur voisinage soit neutralisé.
01:05Il y a quand même cette idée, il y a une forme de vengeance qui se poursuit.
01:09Et puis, il y a cette question quand même de création, finalement, de ce qu'on pourrait
01:15appeler un large périmètre qui leur permettra de sécuriser Israël.
01:20Et Netanyahou a lui-même dit d'ailleurs que la guerre continuerait en dépit de ces mandats
01:25d'arrêt et en dépit, bien sûr, de tous les appels de la communauté internationale
01:29à la désescalade.
01:30Alors, effectivement, des appels à la désescalade.
01:32Ceci dit, la décision de la Cour pénale internationale d'émettre un mandat d'arrêt
01:35contre Benjamin Netanyahou a été aussi extrêmement critiquée par certains pays à l'international,
01:41notamment Joe Biden, le président américain.
01:44Parlons maintenant de ce que fera la France.
01:46La France a pris acte de ce mandat d'arrêt.
01:49Est-ce que ça signifie que si demain, Benjamin Netanyahou posait le pied sur le sol français,
01:55il serait interpellé ?
01:56Prendre acte, ça ne veut pas dire grand-chose, puisque d'autres pays ont pour leur part
02:04dit clairement, déclaré clairement qu'ils seraient arrêtés, en effet, s'ils se rendaient
02:09sur leur territoire.
02:10Je ne pense pas que Netanyahou ait une quelconque intention de venir en France pour l'heure.
02:16Il y a quand même une réaction en Israël, évidemment, à la fois d'agacement mais
02:20en fin d'inquiétude, parce que je pense quand même que beaucoup d'Israéliens,
02:24au sein de l'Establishment, réalisent que ces mandats d'arrêt aggravent l'état
02:30d'isolement international d'Israël et je rappelle quand même que la société
02:34israélienne est très divisée, non seulement par rapport à la guerre, mais par rapport
02:39à cette communauté internationale et, encore une fois, face à cet isolement qui est de
02:42plus en plus grand.
02:44Maintenant, il est vrai que la guerre à Gaza et la riposte israélienne, on l'a vu, ont
02:49complètement divisé la communauté internationale, le monde, entre ceux qui vont continuer de
02:54soutenir Israël, les états qui s'opposent à la guerre et qui parlent évidemment de
03:00double standard, et puis après des états aussi, des pays qui se retrouvent un peu dans
03:04un entre-deux.
03:05Je pense que c'est le cas de la France qui a voulu garder un équilibre entre la reconnaissance
03:10du droit d'Israël à se défendre et puis la connaissance du droit des Palestiniens
03:15à l'autodétermination, mais finalement on est dans un entre-deux, un équilibre qui
03:20est difficilement tenable et on le voit avec la poursuite de la guerre et ses conséquences.
03:24Oui, on le voit aussi avec la poursuite des combats.
03:28Plusieurs représentants politiques français, notamment des députés, ont appelé la France
03:32à ne pas tenir compte de ce mandat d'arrêt.
03:35Est-ce que ça veut dire aussi que la France est plus divisée que jamais ?
03:38Oui, je pense que ce conflit qui est déjà divisé par le passé, on se souvient d'autres
03:47séquences du conflit israélo-palestinien, de son exportation vers la France, de la manière
03:52dont tout est polarisé, mais là, tu fais des niveaux de violence uniques.
03:57Il y a eu le 7 octobre, tout d'abord les tueries du 7 octobre, ensuite évidemment
04:00la dévastation de la bande de Gaza, c'est vrai que ça a radicalisé les positions,
04:05mais j'aimerais quand même dire une chose, là je parle de mon point de vue d'universitaire,
04:09au point qu'il n'y a plus véritablement de dialogue, soyons honnêtes, il n'y a plus
04:14de dialogue sur cette question, qu'il soit un dialogue posé, mesuré, qui tente de chercher
04:18des solutions.
04:19Maintenant, le problème avec cette posture qui est anti-CPI, c'est qu'il y a quand même
04:24la question du droit international derrière et que la France est tenue par un certain
04:29nombre de conventions, de traités internationaux, donc j'entends la réaction de certains députés,
04:35mais la France, tout de même, a par ailleurs, par la voix de son représentant au conseil
04:39de sécurité, dit qu'il fallait aller dans ce sens-là, donc il n'y aura pas de changement
04:45majeur puisque ça reviendrait finalement indirectement à dire que la France récuse ses propres
04:49engagements internationaux.
04:50C'est ce qu'a précisé d'ailleurs le Quai d'Orsay, dans un communiqué, la France rappelle
04:54son attachement au travail indépendant de la cour, confermément au statut de Rhum,
05:01donc c'est une manière aussi de ménager la chèvre et le chou.
05:04Benyamin Netanyahou n'est pas le premier chef de gouvernement ou d'État à être visé
05:09par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale, Vladimir Poutine est visé
05:12par un mandat d'arrêt international, on compare souvent les deux hommes d'État,
05:18on compare souvent les actes des deux pays, Israël et la Russie, vous avez employé le
05:24terme double standard, c'est quelque chose qui en dehors de l'Occident est reproché
05:27très souvent aux Occidentaux, qui seraient trop durs avec Poutine et pas assez durs avec
05:33Israël, est-ce que pour vous il faut mettre les deux personnes sur le même plan ?
05:37Je pense qu'il n'y a pas de réponse simple parce que les configurations ne sont pas les
05:44mêmes, parce que quoi qu'on en dise, Israël ce n'est pas le gouvernement, le système de
05:52gouvernance, la démocratie, enfin je mets des guillemets parce qu'évidemment cette guerre
05:57précipite une forme de changement de régime à l'intérieur d'Israël, mais enfin il est
06:01quand même difficile de comparer ce qu'est la Russie en interne à Israël où il y a
06:07quand même un débat démocratique, des millions de manifestants, voilà exactement donc prenons
06:13des précautions maintenant au niveau des personnalités de ces deux hommes, on est quand
06:19même sur des personnalités de chefs autoritaires avec une forte dimension populiste évidemment
06:24qui parle, puisque c'est bien pour cela qu'un certain nombre, y compris en Occident, les
06:29soutiennent et trouvent que finalement ils ont raison dans leur jusqu'au-boutisme, et puis d'ailleurs
06:35les deux hommes ont eu des relations très très resserrées pendant longtemps.
06:40L'autre sens de ma question Myriam Benrad, et c'est là que je voulais en venir, Vladimir
06:45Poutine est lui-même visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale, ça n'a pas
06:49empêché Antonio Guterres, le président de l'Organisation des Nations Unies, le secrétaire
06:52général pardon, de lui serrer la main il y a quelques semaines, est-ce que vraiment un mandat
06:57d'arrêt de la Cour pénale internationale est encore synonyme d'isolement ?
07:00Il y a deux choses, je pense qu'il faut vraiment prendre en compte le niveau du droit international,
07:08le niveau juridique, de la norme, on ne peut pas comme je l'ai dit récuser des normes
07:14que nous avons finalement mises en place, nous-mêmes occidentaux, dans le même temps
07:18il y a la question politique, diplomatique, et aujourd'hui tout le monde sait qu'il va
07:22falloir parler à Netanyahou sur la question de Gaza, et de la même manière qu'il faudra
07:26parler à Poutine sur la question ukrainienne, donc après on peut se voiler la face et
07:31s'enfermer dans un raisonnement purement juridique, mais vous avez raison de poser
07:35la question, il y a ensuite derrière évidemment des logiques politiques qui vont faire qu'il
07:41faudra de toute façon d'une manière ou d'une autre parler avec les Israéliens et parler
07:46avec les Russes.
07:47Allez, restez avec nous en tout cas sur Sud Radio, merci infiniment Myriam Benrad d'avoir
07:51pris la parole ce matin sur Sud Radio, je rappelle que vous êtes politologue spécialiste
07:55en relations internationales et spécialiste notamment du Moyen-Orient.