L’Afghanistan et le pouvoir toujours plus fort des talibans

  • le mois dernier
Avec Asiem El Difraoui, politologue germano-égyptien
---

Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/
Nous suivre sur les réseaux sociaux
▪️ Facebook : https://www.facebook.com/SudRadioOfficiel
▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/
▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr
☀️ Et pour plus de vidéo du Grand Matin Sud Radio : https://youtube.com/playlist?list=PLaXVMKmPLMDRJgbMndsvDtzg5_BXFM7X_

##C_EST_DANS_LACTU_2-2024-08-13##

Category

🗞
News
Transcript
00:00Sud Radio, les débats de l'été, 10h-13h, Maxime Liédo.
00:05Et on est ensemble jusqu'à 13h dans quelques minutes, une dizaine de minutes.
00:09Vous retrouverez évidemment nos mousquetaires pour les grands débats de l'été qui s'ouvriront, toujours en direct.
00:13Mais on va revenir en détail sur le deuxième fait du jour qui est ce qui se passe en Afghanistan,
00:18trois ans après le départ notamment des troupes américaines, les talibans et le chaos.
00:22Assiama El-Dirifaoui, bonsoir. Bonjour plutôt, pardon.
00:25Oui, bonjour.
00:27Merci, vous êtes politologue spécialiste du monde arabe.
00:30On se souvient tous de ces images, des soldats américains fuyant le pays de façon assez catastrophique.
00:36C'était il y a plus de trois ans. Aujourd'hui, quelles sont les nouvelles du pays Afghanistan ?
00:41Donc déjà une petite remarque d'abord.
00:44Donc l'Afghanistan ne fait pas partie du monde arabe mais partie du monde musulman clairement.
00:49Mais ce ne sont pas des arabes, ce sont des Pashtuns, largement d'autres minorités, des Tadjiks, des Uzbeks.
00:56Mais pas des arabes.
00:57Concernant la fuite des Américains, ce ne sont pas les Américains qui ont fui en panique.
01:03C'est les Afghans qui ont collaboré avec les Américains,
01:07qui ont essayé avec tout moyen de quitter le Kaboul,
01:11donc avec ces scènes dramatiques qu'on a vues à l'aéroport à l'époque,
01:15avec aussi un attentat horrible commis par l'état islamique de Khorasan,
01:21mot arabe cette fois-ci, qui désigne la région.
01:25Donc des scènes complètement dramatiques.
01:27Où est-ce qu'on se trouve trois ans après ?
01:29Ça fait trois ans qu'on avait un petit espoir que les talibans ont changé,
01:35que c'est une fraction des talibans qui s'appelle la fraction de Qatar.
01:38Ceux qui ont négocié des accords avec les Américains,
01:41vont leur mot à dire, mais finalement non.
01:44C'est encore une idée plus dure.
01:46Je me permets de vous interrompre, si elle m'allait dire oui,
01:49c'est-à-dire que pendant un temps on avait même ce terme assez singulier pour beaucoup d'experts,
01:53comme vous j'imagine, on parlait des talibans modérés.
01:56Oui, on parlait des talibans modérés qui existent.
01:59Ce sont ceux qui ont longtemps vécu au Golfe Arabe,
02:02qui ont négocié l'accord avec les Américains.
02:05Mais ce n'est pas eux qui ont pris le pouvoir,
02:07c'est une fraction très dure qui a pris le pouvoir,
02:11qui s'appelle la fraction Hezmatar.
02:13C'est des guerriers très proches de l'al-Qaïda à l'époque,
02:17qui ont imposé quelque chose qui n'est pas du tout de la modération.
02:21Il y a peut-être des mini-progrès, mais jusqu'à aujourd'hui,
02:24ils ont interdit aux filles, aux femmes, d'aller plus loin que l'école primaire.
02:30Toutes ces femmes qui étaient à l'université, au collège, au lycée,
02:35ne peuvent plus poursuivre leurs études.
02:38C'est assez dramatique déjà pour les femmes,
02:40qui est aussi important pour l'économie afghane.
02:43L'économie afghane est à genoux,
02:45la vie recroissance, l'augmentation de la pauvreté,
02:49la discrimination vis-à-vis des minorités religieuses.
02:52En Afghanistan, il y a plein de minorités,
02:56des humains, notamment des chiites,
02:59qui ont aussi largement répandu par une minorité ethnique
03:06qui s'appelle la Hazara.
03:08C'est une situation inquiétante,
03:10et l'Afghanistan n'est plus à l'ordre du jour
03:14dans l'opinion mondiale, dans la presse mondiale.
03:17C'est un pays presque oublié, qui va très mal.
03:20Vous parlez d'un pays qui va très mal.
03:23Justement, économiquement, on parle d'une situation
03:25objectivement catastrophique.
03:26Une croissance qui s'est contractée de plus de 26%,
03:29proche de zéro les trois prochaines années,
03:31nous avertit la Banque mondiale.
03:33C'est ça qui est devenu l'Afghanistan ?
03:35Oui, c'est ça qui est devenu.
03:36C'est un pays complètement oublié.
03:38L'Occident s'est barré de manière honteuse,
03:42en laissant aussi plein de gens derrière.
03:45Avec l'actualité mondiale, à savoir la guerre en Ukraine,
03:49la guerre Hamas-Israël,
03:51plus personne ne se préoccupe de l'Afghanistan,
03:53comme d'ailleurs d'autres pays qui vont très mal.
03:55Il y a d'autres pays que je peux citer,
03:57où c'est la catastrophe totale,
03:59le Soudan, le Yémen,
04:01mais l'Afghanistan est complètement oublié.
04:03Après vraiment 30 ans d'investissement occidental,
04:08où on a promis aux Afghans,
04:11quand on va vous aider,
04:13vous allez avoir un avenir meilleur.
04:15Là, on revient à la case de départ,
04:17avec l'Égypte, le Taliban,
04:19très dur,
04:21et avec une population complètement oubliée.
04:23Le pire, c'est que les Talibans
04:25arrivent à consolider leurs pouvoirs,
04:28à avoir une certaine reconnaissance internationale,
04:32pas parmi les pays occidentaux.
04:34C'est ça que j'essaie de comprendre.
04:36On entend depuis des mois et des mois
04:38que les Talibans renforcent leurs pouvoirs,
04:40mais quand on voit
04:42tout ce que vous nous décrivez,
04:44l'état économique du pays,
04:46et la situation des femmes sur place,
04:48que dit l'ONU à propos de ce pays,
04:50comment, tous les 3, 4, 6 mois,
04:521 an, on en est encore à dire
04:54que les Talibans renforcent leurs pouvoirs ?
04:56Comment ça se passe dans les faits ?
04:58En effet, c'est une région très agressive,
05:01qui au début laissait encore des autres opinions exister,
05:06mais là, elles imposent leurs lois,
05:10elles arrêtent les opposants,
05:12presque tous les opposants,
05:14et donc, elles arrivent,
05:16elles ont aussi une lutte interne,
05:18donc elles arrivent, dans cette fraction très dure
05:20qui est le pouvoir,
05:21elles arrivent aussi à marginaliser
05:23des voix un peu modérées.
05:25Mais en même temps,
05:27leur contrôle, depuis, n'est pas absolu.
05:29Donc, par exemple,
05:31l'état islamique au Corazon
05:33représente un risque énorme.
05:35C'est-à-dire que cette branche
05:37de l'état islamique,
05:39en Afghane,
05:41est aujourd'hui considérée comme la branche
05:43la plus dangereuse, capable de mener
05:45des attentats spectaculaires à l'extérieur.
05:47On l'a vu, par exemple, au mois de mars,
05:49qu'elles sont attaquées à la Russie,
05:51à cette confère,
05:53à côté de Moscou,
05:55avec des dizaines et des dizaines de morts.
05:57Elles sont capables de mener
05:59de grands attentats en Iran,
06:01ennemi géré de l'état islamique,
06:03et même,
06:05c'est-à-dire, par exemple, ce qu'on a vu en Europe,
06:07pour le concert d'état à la Swift,
06:09ces jeunes
06:11russifiens d'origine du Balkan,
06:13ils ont prêté, apparemment,
06:15allégeance à cette fraction de l'état islamique.
06:17Donc,
06:19l'Afghanistan, dans un sens,
06:21c'est pas uniquement un drame
06:23pour les populations locaux,
06:25mais également, ça devient
06:27vite très très dangereux.
06:29Pour le monde.
06:31Une de nos dernières questions, il y a aussi la question des femmes.
06:33On le sait, la condition est plus
06:35qu'exécrable. Une scolarité interdite
06:37dès l'âge de 12 ans, 20 millions de femmes,
06:39qu'on qualifie de femmes fantômes. En 3 ans,
06:41il y a une cinquantaine de décrets sous prétexte de moralité
06:43islamique. Ça concerne l'emploi,
06:45la santé, la justice. Elles sont bannies de la plupart
06:47des métiers du secteur et des lieux publics.
06:49Comment expliquer qu'on en entende
06:51si peu parler, en réalité ?
06:53Bon, c'est-à-dire,
06:55c'est-à-dire,
06:57c'est une vie de journaliste, pourquoi
06:59je suis très content d'en parler
07:01des sujets. C'est-à-dire, vu l'actualité
07:03mondiale, l'Afghanistan,
07:05elle est vraiment bannie. C'est plus une priorité mondiale.
07:07Donc, les Nations
07:09Unies sont en train de relater en permanence
07:11la situation des femmes, mais
07:13ça trouve très peu d'échos
07:15actuellement parmi
07:17les pays occidentaux. Donc, il n'y a pas
07:19une grande solidarité
07:21avec les femmes afghanes.
07:23Mais c'est très intéressant. Donc là, encore,
07:25les talibans agissent contre
07:27la volonté de la population.
07:29Les Afghans, eux-mêmes,
07:31surtout, même dans
07:33les villages, ils ont compris, après
07:35ces décennies d'aide occidentale
07:37que l'éducation des femmes est très
07:39très importante. Et même les Afghans
07:41conservateurs, ils ne sont pas d'accord
07:43avec les talibans sur le fait
07:45que les femmes sont bannies
07:47de l'économie, bannies de l'éducation et tout ça.
07:49Mais l'ONU avait qualifié
07:51d'ailleurs cette situation l'année dernière d'apartheid
07:53sexiste et constitutive de crimes
07:55contre l'humanité. Donc, comment
07:57ça se fait, au-delà même des Etats-Unis que vous évoquiez
07:59régulièrement, que d'autres pays de l'Occident,
08:01peut-être l'Union Européenne, la France,
08:03même, qu'on qualifie souvent de pays des droits de l'homme,
08:05ne réagissent pas ? Ou que nos grands féministes
08:07ne réagissent pas, quand on sait, on va dire,
08:09la popularité de cette
08:11thématique-là, de cette défense-là, ici,
08:13en France, notamment ? Comment vous
08:15l'observez ?
08:17Je pense que tout le monde réagit un peu.
08:19Mais, c'est-à-dire, quels sont
08:21nos moyens d'être récents
08:23de l'Afghanistan ? Donc, militairement,
08:25c'est clair que plus
08:27personne ne va intervenir
08:29dans l'avenir. La pression économique
08:31des pays occidentaux est
08:33au max. C'est-à-dire, les avoirs
08:35des gouvernements
08:37afghans sont encore
08:39gelés, avec
08:41quelques centaines de millions, voire des milliards
08:43de dollars à l'extérieur. Mais
08:45les talibans ne réagissent pas
08:47à cette pression. Donc, est-ce qu'on a
08:49comme moyens de nous mettre
08:51sous pression ? Très peu. On peut juste
08:53uniquement accorder des bourses à des
08:55femmes qui puissent quitter
08:57l'Afghanistan. On peut essayer
08:59d'avoir des programmes éducatifs
09:01à travers
09:03l'Internet, qui est encore
09:05accessible, et qui est accessible dans les
09:07villes de l'Afghanistan. Donc, c'est-à-dire,
09:09nos leviers et nos
09:11moyens de pression sont très limités.
09:13Dernière question
09:15qui suit votre prise de parole
09:17à Siam El-Divraoui. En réalité,
09:19la France n'a aucun pouvoir. Elle ne peut rien faire.
09:21Elle ne peut même pas faire semblant de taper du
09:23poing sur la table. Ce sera le silence éternel.
09:25Non, il faut
09:27taper en permanence sur la table, mais
09:29on a bien vu que les talibans ne réagissent pas.
09:31Mais la France doit
09:33donner la possibilité, par exemple,
09:35elle doit aider ces Afghans
09:37qui sont réfugiés
09:39à l'étranger, notamment en partie
09:41en Iran,
09:43au Pakistan, qui a expulsé
09:45d'ailleurs plein de réfugiés afghans,
09:47mais qui sont aussi présents dans
09:49l'ex-république
09:51l'ex-Union soviétique.
09:53Donc déjà, il faut vraiment
09:55aider la diaspora afghane
09:57qui compose des millions
09:59et des millions de personnes.
10:01Je suis désolé de donner cette image
10:03très sombre, très noire.
10:05Non, non, mais si c'est l'image de la réalité,
10:07je vous remercie de la donner ici au micro de son radio.
10:09C'est ça, c'est ça. Et c'est toujours étonnant
10:11quand on arrive à oublier
10:13des pays qui sont plus
10:15la une,
10:17ou ce que les Américains ou les Anglo-Saxons
10:19appellent le new cycle,
10:21le circuit de l'information.
10:23Moi, je suis toujours attristé quand on voit
10:25qu'il y a ces pays qui n'ont pas
10:27parlé complètement de les oublier.
10:29Écoutez, merci
10:31beaucoup, en tout cas, d'en avoir parlé
10:33avec Franchise, d'avoir respecté le slogan
10:35de Sud Radio Parlons Vrai. Merci beaucoup
10:37à Siam El-Defraoui, d'avoir été avec nous. Vous êtes
10:39politologue et spécialiste du monde arabe,
10:41l'Afghanistan, le pays qui sombre
10:43dans le chaos et où l'Occident regarde d'ailleurs.
10:45Dans quelques instants, on revient à la politique
10:47franco-française. Emmanuel Macron,
10:49Édouard Philippe, Lucie Casté, vous avez
10:51le thème des grands débats de l'été qui s'ouvrent dans quelques
10:53instants. Sur Sud Radio, à tout de suite.

Recommandée