Avec RGilles Kepel, géopolitologue et auteur "Le Bouleversement du monde - L'après 7 Octobre" - Ed. Plon
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NewsTranscription
00:00En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
00:05En toute vérité, chaque dimanche, entre 11h et midi, sécurité, économie numérique, immigration, écologie,
00:11pendant une heure chaque semaine, nous débattons sans tabou des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain.
00:15Et ce dimanche, nous avons le plaisir de recevoir le géopolitologue Gilles Kepel.
00:20Il est l'auteur d'un essai intitulé « Le bouleversement du monde », la presse 7 octobre, qui vient de paraître chez Plon.
00:27De la presse 7 octobre, nous allons justement en parler tout au long de cette émission.
00:32Le pogrom du Hamas, puis la riposte de Tsar, ont-ils bouleversé l'ordre du monde ?
00:38Jusqu'où ira l'engrenage de la guerre ? Quelles sont les conséquences à l'intérieur même des sociétés occidentales ?
00:44On en parle tout de suite, en toute vérité, avec Gilles Kepel.
00:48En toute vérité sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
00:52Gilles Kepel, bonjour.
00:54Bonjour à vous.
00:55Ravi de vous recevoir pour ce nouveau numéro « Dans toute vérité ».
00:59On va discuter de votre dernier livre « Le bouleversement du monde », la presse 7 octobre.
01:04C'est aux éditions Plon.
01:06On est justement pratiquement un an jour pour jour après le 7 octobre.
01:13Ce pogrom du Hamas a eu des conséquences en série qu'on n'avait pas forcément anticipées.
01:21Quel est le bilan après cet événement et après aussi un an de guerre de Tsar contre le Hamas ?
01:30Une guerre qui en plus s'est étendue et est désormais menée face au Hezbollah libanais.
01:38En fait, les conséquences ne sont probablement pas celles que le Hamas lui-même avait prévues.
01:44Ni du reste l'axe de la résistance dirigé par Téhéran dont le Hamas était le principal allié dans la région
01:52puisqu'il était implanté sur le territoire palestinien principalement.
01:57Parce que, en fait, ce qu'on découvre aujourd'hui à peu près avec certitude,
02:06c'est que Yair Yassinouar, le chef du Hamas, n'avait pas pris l'autorisation de Téhéran ni du Hezbollah libanais pour lancer l'opération.
02:18Et ce qui a été vécu par les victimes comme un pogrom, comme vous l'avez mentionné à l'instant,
02:26a été pensé par le chef du Hamas, qui est un mouvement djihadiste issu de la mouvance sunnite des frères musulmans,
02:34différents des chiites de l'Iran et du Hezbollah, comme une radzia.
02:39Une radzia, c'est-à-dire ces opérations très violentes et brusques de l'histoire arabe ancienne
02:46où une tribu fondait sur une autre, tuait les hommes en âge de combattre,
02:51emmenait les femmes dans les harems, les enfants en esclavage, coupait les arbres et volait les moutons.
02:56Et c'était aussi un mode principal de faire la guerre dans l'islam des débuts.
03:04Et en particulier, c'était mené par le prophète Mohammed et il y a une fameuse radzia contre une oasis juive,
03:12l'oasis de Khaybar, qui est aujourd'hui dans le territoire saoudien, près de Médine,
03:17qui est racontée en détail dans l'Histoire sainte du prophète,
03:22où celui-ci est montré comme exterminant les habitants de cette oasis qui avait refusé l'appel à l'islam
03:32et dans des termes d'une assez grande cruauté, puisqu'on lui dit en arabe
03:39qui veut dire « Ô victorieux, tue-tue ».
03:42Et le terme Khaybar, l'évocation de ce nom, est régulièrement dans la bouche de ceux qui attaquent les intérêts juifs,
03:51en Israël en particulier, du Hamas, du djihad islamique, etc.
03:55C'est l'une des choses qu'il faut avoir en tête pour comprendre pourquoi ces images du 7 octobre,
04:02qui ont été abondamment revues à l'occasion de la journée de commémoration
04:07menée principalement par les instances juives et israéliennes,
04:12sont aussi horribles et aussi terrifiantes,
04:17parce qu'une grande partie de ceux qui se sont livrés à cette attaque
04:21avaient le sentiment que l'adversaire était déshumanisé
04:26et qu'eux-mêmes étaient les exécutants d'une volonté divine telle qu'il l'apercevait.
04:32Et il faut toujours avoir ça en tête, puisque ce conflit est quand même en terre sainte, en principe,
04:41et très marqué par les interprétations de la religion qui vont pousser à agir,
04:50quelquefois dans des limites qui dépassent l'entendement des uns et des autres.
04:54Par exemple, dans le cas de la Cisjordanie, que les colons appellent la Judée et sa Marie,
05:01le modèle, ce n'est pas la radia du prophète, c'est la chute de Géricault,
05:06après les fameux épisodes des trompettes, quand Josué, le chef des Hézébreux,
05:12tue à tout ce qu'il y avait, comme dit la Bible.
05:15C'est peut-être un épisode d'ailleurs plutôt légendaire que réel,
05:19mais on voit là comment le choc des mouvements qui sont les plus fondamentalistes,
05:27va créer un précédent et rendre d'autant plus difficile ensuite les compromis nécessaires à la paix.
05:36Ce qui est intéressant en vous suivant, c'est qu'on est quand même très au-delà d'un conflit purement territorial.
05:44On voit bien que les représentations religieuses jouent un rôle.
05:47Est-ce que ce n'est pas tout simplement une guerre de religion, voire une guerre de civilisation ?
05:51Et est-ce que ce n'est pas ça qui rend ce conflit aussi si compliqué, la résolution de ce conflit si compliqué ?
05:57Mais ça comporte évidemment cette dimension.
06:01Et ça ne s'y limite pas parce que, quoi qu'une civilisation, ça englobe tout.
06:07Puisqu'il y a aussi des enjeux territoriaux importants.
06:11Parmi les solutions qui sont envisagées, certains disent, au fond,
06:16les colons israéliens en Cisjordanie, c'est un peu comme les pieds noirs en Algérie.
06:20Il va falloir qu'ils s'en aillent.
06:22Simplement, le territoire d'Israël est beaucoup plus petit que celui de la France.
06:26La question des pieds noirs est aussi une blessure dans la société française, comme on le sait.
06:32Et donc tout ça, évidemment, rend les choses d'autant plus complexes
06:38quand chacun a le sentiment que cette terre sainte est sa terre sainte à lui.
06:42Et qu'on a le droit d'y être, les autres n'ont pas le droit d'y être.
06:46On a beaucoup dit que Benyamin Netanyahou ne voulait pas forcément de résolution au conflit,
06:54qu'il avait plutôt intérêt à un état de guerre permanente,
06:57en tout cas qu'il n'avait pas volonté de créer deux états.
07:00La question, c'est que face au Hamas, face au Hezbollah,
07:05est-ce qu'il a des interlocuteurs aussi pour négocier un compromis territorial ?
07:11Lui-même, aujourd'hui, est dans une logique de tentative de victoire militaire, à mon avis, tactique.
07:19C'est-à-dire qu'il porte une responsabilité pour la survenue du 7 octobre, pour la surprise,
07:25parce qu'il ne l'a pas anticipé, il était au gouvernement.
07:28C'est lui qui avait fait libérer Sinoir, le chef du Hamas, en 2011,
07:34un peu comme le Kaiser avait envoyé Lénine dans l'Empire sahariste à Saint-Pétersbourg
07:41pour faire imploser la Russie.
07:43Ça a tellement bien marché que ça a créé le communisme ensuite.
07:46Et il le faisait financer avec l'aval américain par le Qatar,
07:51pour créer une espèce de prospérité.
07:54Et tout ça passait par des tunnels de contrebandes venant du Sinaï égyptien,
07:58où passaient aussi toutes sortes d'armements, dont on a vu l'efficacité le 7 octobre.
08:03Et donc, il a été sans doute pris au piège de ce qu'il appelait sa conception,
08:09sur lequel, selon lui, au fond, Hamas pourrait proférer les choses les plus terribles,
08:16Sinoir pourrait faire des menaces, mais ne passerait jamais à l'action.
08:20Et ça, ça a été un traumatisme terrible.
08:23Parce que, d'une part, il est probable également que Sinoir, le chef du Hamas,
08:29n'avait pas anticipé qu'il y aurait ce festival de musique,
08:34le festival de Nova, qui a fait qu'ils se sont trouvés face à des victimes potentielles
08:40en très grand nombre, d'autant plus que beaucoup d'entre eux avaient abusé de psychotropes
08:45pendant la nuit, et donc ils étaient complètement incapables de se défendre.
08:49Et, d'une certaine manière, le Hamas a créé l'irréparable.
08:54Puisque, non seulement il n'avait pas prévenu les Iraniens et les Libanais du Hezbollah,
09:01mais aussi ils se sont trouvés avec une quantité gigantesque de morts,
09:04c'est-à-dire une orgie, d'une certaine manière, de massacres,
09:07une quantité gigantesque d'otages, et de ce fait, les Israéliens n'avaient plus aucune marge de négociation.
09:16Il n'y avait qu'une chose à faire, de leur point de vue, écraser, rechercher une vengeance terrible,
09:22une revanche de Dieu, si j'ose dire, terrible.
09:25Et Netanyahou, pour son sortir politiquement, n'avait pas d'autre issue que la fuite en avant militaire.
09:33La première étape, ça a été l'encerclement de la bande de Gaza, ça a été la répression qu'on connaît.
09:39Aujourd'hui, probablement 41-42 000 morts, ce qui est quand même très important, 100 000 blessés, 2 millions de personnes déplacées.
09:47Puis, une fois que Gaza a été neutralisée militairement, en tout cas c'est ce que nous disent les Israéliens,
09:54l'armée a été déplacée vers le nord, de façon à pouvoir faire rentrer chez eux les 60 000 habitants de la Haute Galilée,
10:04Israéliens, qui étaient sous le feu des missiles et autres engins du Hezbollah, du parti chiite libanais,
10:11qui fait partie de l'Axe, la résistance dirigée par Téhéran, la résistance à Israël.
10:16Et donc Netanyahou a mené une guerre, au cours des dernières semaines, contre le Hezbollah,
10:24qui a été le plus grand blitzkrieg numérique de l'histoire, avec ces choses tout à fait stupéfiantes,
10:31qui est l'explosion simultanée des bipers par lequel le Hezbollah joignait ses capitaines et ses lieutenants,
10:38donc qui a détruit d'un coup l'encadrement moyen.
10:43Le lendemain, la guerre a été déclenchée, les bombardements ciblés qui ont décapité l'état-major du Hezbollah
10:50et surtout liquidé la personnalité la plus importante, la plus charismatique, qui tenait le Hezbollah depuis 32 ans
11:00et qui était un personnage auquel s'identifiaient aussi bien des sunnites que des chiites, et ça a forcé un coup terrible.
11:06Ajoutant à cela qu'en même temps, Israël avait tapé sur la Syrie, qui est le maillon le plus faible de l'Axe, la résistance,
11:13et qu'aujourd'hui, d'une certaine façon, c'est l'Iran, qui n'est plus protégé par le Hezbollah,
11:19qui l'avait créé comme un glaive et un bouclier, qui se trouve en première ligne face à Israël.
11:23Justement, nous allons en parler de l'Iran, parce que votre livre est intitulé « Le bouleversement du monde ».
11:29« Le bouleversement du monde », ça pourrait être notamment la chute du régime des Mollahs, vous nous en dites plus
11:33après une courte pause sur Sud Radio. A tout de suite en Toute Vérité.
11:36En Toute Vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
11:40Nous sommes de retour sur Sud Radio, en Toute Vérité, avec Gilles Kepel, spécialiste du monde arabe, islamologue, géopolitologue.
11:48Il est l'auteur de « Le bouleversement du monde », qui vient de paraître aux éditions Plon.
11:53C'est sur l'après-7 octobre, et puis depuis le début de l'émission, on essaie de dresser ce paysage de l'après-7 octobre.
12:01Vous nous disiez, avant la courte pause, que le front, finalement, s'était élargi face au Hezbollah.
12:12Le Hezbollah, décapité, finalement, par Tsahal.
12:15Avec cette conséquence collatérale inattendue du 7 octobre, c'est l'Iran, le régime des Mollahs, extrêmement fragilisé.
12:25Tout le monde ne pense pas ça, d'ailleurs, mais vous, vous en êtes convaincus.
12:31L'élimination d'Hassan Nasrallah est un coup décisif pour Tsahal, en réalité.
12:40Et un coup décisif aussi pour le régime des Mollahs, qui est très affaibli.
12:44Alors, décisif, on le verra, mais en tout cas, c'est un coup très important.
12:48Parce que, en ciblant le Hezbollah, le parti chiite libanais, qui est directement aux ordres de Téhéran,
12:57qui a été créé par Téhéran, parce que le Hamas est un parti sunnite palestinien qui existait avant,
13:02qui s'est rapproché de Téhéran pendant...
13:05À partir d'une organisation terroriste aussi.
13:08Voilà, enfin, qui utilise la violence, mais qui est également comme le Hezbollah.
13:12Non, mais c'est bien de rappeler ce que c'est, parfois, le Hezbollah, puisqu'on a vu qu'il y avait des définitions parfois différentes dans la presse,
13:20parce que c'est une organisation multifacée, d'une certaine manière.
13:23Exactement, parce qu'il y a aussi un immense service social.
13:26C'est à travers le Hezbollah, financé très largement par l'Iran, d'ailleurs à la fureur d'une partie de la société iranienne,
13:33que les chiites libanais, qui étaient la communauté la plus pauvre, la plus méprisée,
13:38mais qui, de ce fait, avaient beaucoup d'enfants, et qui en étaient le plus nombreux,
13:42ont connu une ascension sociale très importante.
13:45Et ces grands immeubles assez horribles qu'on voit dans la banlieue sud de Beyrouth,
13:50pour des familles qui, autrefois, vivaient dans la misère rurale, dans des caoutchoucs.
13:55Donc, il y a cette dimension-là, il y a un sentiment d'identification de beaucoup de ces chiites au parti, à ces méthodes.
14:04Donc, on peut considérer, le Hezbollah est considéré comme terroriste par un certain nombre d'États.
14:09En Europe, on ne considère pas l'organisation civile comme terroriste, on débat avec eux, mais l'organisation militaire.
14:16Et en détruisant, en implosant des coups aussi violents, aussi forts au Hezbollah,
14:22Israël, d'une certaine manière, a affaibli considérablement l'Iran.
14:28Puisque, au fond, le Hezbollah servait de fortin avancé à l'Iran, ne l'exposait pas.
14:36Et, en même temps, comme on dirait en politique française, l'Iran a subi, ces derniers temps, un certain nombre de bouleversements inexpliqués.
14:49D'abord, il y a eu la mort, en hélicoptère, de l'ancien président, M. Raisi, avec son ministre des Affaires étrangères,
14:58à la frontière entre l'Azerbaïdjan, d'où il venait, et l'Iran. L'Azerbaïdjan est un pays où l'Israël est très influent.
15:05Le Mossad est très bien implanté. Raisi, qui était un ancien juge islamique très fanatique,
15:12qui adorait rien de plus que de signer des centaines d'ordres de condamnation à mort au début de la Révolution,
15:19pour les malheureux qui étaient dans la fameuse prison de sinistre réputation d'Evin,
15:23et qui avait eu la main sur la répression très violente contre les femmes en Iran,
15:29depuis deux ans à la suite de la mort, l'assassinat, dans un commissariat de la jeune Marsa Amini, considérée comme mal voilée,
15:37se posait comme successeur du guide suprême Ali Khamenei, qui a 85 ans et qui est atteint d'un cancer.
15:44Est-ce que sa mort est purement le fruit d'un accident ? Est-ce qu'on fait monter un pays qui est au bord du seuil nucléaire,
15:53qui doit être assez sophistiqué, dans un vieil hélicoptère Bell, qui avait été acheté aux Américains dans les années 1950 par le régime Ducha,
16:01ça soulève toutes sortes de questions. Toujours est-il que le président qui lui a succédé,
16:07qui a été élu, entre guillemets, mais avec l'assentiment évidemment de l'establishment militaro-politique,
16:14d'une partie du clergé et des guides de la Révolution, est quelqu'un qui a dit tout de suite, le docteur Pézéchkian,
16:20mais il faut qu'on se réconcilie avec l'Occident, qui lui-même lisait ce qu'on lui disait de dire,
16:25si vous voulez, qui a fait passer un autre message. Et donc on voyait bien qu'il y avait dans le sommet du pouvoir iranien
16:32des gens qui peut-être pensaient, si jamais Raisi devient le chef suprême,
16:37parce que le président de la République n'est pas le chef suprême, le chef de l'État.
16:40C'est l'ayatollah Khamenei.
16:41C'est l'ayatollah Khamenei, le guide de la Révolution, il aurait été le guide Raisi s'il avait été élu.
16:46Ça veut dire qu'on est dans une logique complètement extrémiste jusqu'au bouddhiste,
16:50et la République islamique et l'Iran avec lui va aller dans le mur, ça va finir très mal cette histoire.
16:57Ce que vous nous dites, c'est qu'il y a des lignes différentes qui s'affrontent aujourd'hui à l'intérieur du régime.
17:03En tout cas, il y a des éléments qui sont difficiles à comprendre si tout le monde était uni.
17:08Le suivant, c'est la mort d'Ismail Haniyeh, le chef du bureau politique du Hamas,
17:13convoqué ainsi que tous les clients de l'Iran pour célébrer dans grande pompe l'élection de M. Pézéchkian, le nouveau président,
17:21et qui, dans le bunker ultra sécurisé qui est la maison d'eau des gardiens de la Révolution,
17:27meurt d'une explosion dans la nuit, d'un explosif déposé dans sa chambre.
17:32On peut difficilement imaginer que ce soit quelqu'un qui faisait le ménage et qui déposait une boîte de chocolat explosive.
17:38Et donc, est-ce qu'il y a eu une infiltration du Mossad au plus haut niveau ?
17:43Ou est-ce que, carrément, une partie de l'establishment estime qu'il faut changer la donne ?
17:48On n'en sait rien. Mais ça fait beaucoup de questions qui se posent.
17:52Et ensuite, il y a la mort de Nasrallah.
17:57Il a aussi comment cet homme, qui était l'un des plus mieux protégés du monde, a été maintenu dans la zone du sud
18:05où l'armée israélienne, avec des informateurs, peut-être même certains des traîtres de Téhéran et autres,
18:11avaient des capacités d'attaque qu'ils avaient démontrées.
18:14Ils avaient déjà liquidé l'essentiel de l'état-major avant de se débarrasser de Nasrallah.
18:20Donc tout ça pose énormément de questions.
18:22Est-ce que l'Iran, aujourd'hui, est capable d'encaisser le choc d'une frappe israélienne ?
18:28De quelle manière exactement ?
18:31Est-ce que vous avez, à l'intérieur de l'Iran, des gens dans l'establishment qui se disent
18:37qu'au fond, la république islamique, c'est un épiphénomène,
18:41ce qui est important, c'est la nation iranienne,
18:44à la manière dont l'Union soviétique, après la défaite de Kaboul le 15 février 1989,
18:52quand l'armée rouge est partie et défaite,
18:54l'establishment du KGB et la Gorbatchevisation du système
18:58a abouti à la chute du mur de Berlin, à la fin du communisme.
19:01On est peut-être à la veille de la chute du...
19:03C'est une hypothèse, je n'en sais rien, je ne veux pas faire...
19:06Est-ce qu'il y a une hypothèse de guerre totale aussi, à votre avis, entre l'Iran et Israël ?
19:13Tout ça va dépendre, au moment où nous enregistrons cette émission,
19:20les scénarios de frappe auraient été, en Israël, approuvés,
19:26on ne sait pas quels ils sont.
19:28Alors Biden a tout de suite fait savoir qu'il ne donnerait pas la main
19:32à une frappe contre des objectifs stratégiques nucléaires ou pétroliers,
19:36et autres, pour des raisons aussi,
19:38et c'est un peu la dimension bouleversement du monde de cette affaire.
19:42Imaginez une frappe sur des terminaux pétroliers ou gaziers iraniens,
19:48l'Iran peut être tenté de répliquer en neutralisant des terminaux saoudiens
19:54ou émiratis, ou qataris.
19:56On a vu, du reste, les Arabes sunnites de la péninsule arabique
20:02recevoir toutes sortes d'officiels iraniens ces derniers jours,
20:06un peu pour se prémunir,
20:08et ça, ça ferait pourquoi, comme conséquence,
20:11l'augmentation du prix des carburants gigantesques,
20:15en pleine élection présidentielle américaine,
20:17et c'est Trump qui gagne,
20:19parce que, dans ce cas-là, Mme Harris sera considérée comme
20:23la créature de Biden qui, quelles que soient les circonstances,
20:26a fait que les prix du carburant ont bondi.
20:29Les américains sont très sensibles à tout ça,
20:32mais on fait en sorte, comme vous l'avez dit tout à l'heure,
20:35que ce qui se joue au Moyen-Orient aujourd'hui
20:38est très lié à l'ensemble des bouleversements d'un monde
20:43que le 7 octobre a fait vaciller sur ses fondements.
20:46On va y revenir, voir effectivement comment le 7 octobre
20:50a peut-être redéfini les rapports de force,
20:53pas seulement au Moyen-Orient, mais dans le monde entier,
20:56avec un affrontement peut-être entre le Sud global et l'Occident.
21:00En fait, c'est ce qui se joue également.
21:02Mais restons un moment sur la question d'Illérand.
21:06On a l'impression que la stratégie suivie par Israël,
21:10et finalement, et par le monde occidental,
21:12est finalement aussi peut-être d'affaiblir suffisamment le régime
21:15pour qu'il y ait une forme de révolte interne.
21:19On voit bien qu'il y a eu le mouvement des femmes iraniennes.
21:22La société iralienne a l'air aussi d'être épuisée par le régime d'Emmola,
21:28ou au moins une partie de cette société.
21:30C'est probablement l'une des raisons de l'épuisement du modèle rhaïssi.
21:35C'est-à-dire qu'une partie de la société,
21:38qui au fond en Iran, vous savez, dans le chiisme,
21:41il y a ce qu'on appelle le barten et le zahel,
21:43c'est-à-dire ce qui est caché et ce qui est public.
21:46On peut faire tout ce qu'on veut.
21:47Caché, moi, quand j'allais en Iran autrefois,
21:50avant que ce soit devenu impossible,
21:52pour faire mon travail d'analyse et d'écrire,
21:55j'ai observé, sans y participer,
21:59des soirées très arrosées
22:02où le libertinage se donnait libre cours à Téhéran,
22:06que je n'avais jamais vues en France, si vous voulez.
22:09C'était autrefois, bien sûr.
22:12Et il suffisait de donner un bac chiche
22:14aux gardiens de la Révolution qui étaient en bas.
22:16Et là, la répression des femmes est allée très loin
22:20puisque même des couches sociales
22:23qui, au fond, ne voulaient pas se révolter
22:28explicitement contre le régime,
22:30parce qu'il y avait quand même un maintien d'un certain ordre,
22:33alors qu'ailleurs, c'est le désordre et la violence,
22:36en Irak, ailleurs, etc.,
22:38dans beaucoup d'environnements locaux,
22:40et qui, là, ont dû penser que trop, c'est trop.
22:44Alors, de leur propre mouvement,
22:47ils n'avaient pas la capacité d'enverser le régime,
22:49mais là, maintenant,
22:51les plus radicaux, en tout cas,
22:54se trouvent, me semble-t-il, isolés,
22:57parce que leur politique aussi de taper sur Israël,
23:00finalement, se retourne contre eux,
23:03et l'Iran, comme après lui, le Hezbollah,
23:06est pris dans une escalade,
23:08dans un engrenage,
23:10dont il a du mal à se sortir.
23:12Merci, Gilles Kepel.
23:13On se retrouve après une courte pause.
23:15On continue à parler de l'après-7 octobre
23:17et du bouleversement du monde qui est devant nous.
23:20A tout de suite sur Sud Radio, En Toute Vérité.
23:27En Toute Vérité, sur Sud Radio,
23:29avec, ce dimanche, Gilles Kepel.
23:32Gilles Kepel qui vient nous présenter son nouveau livre,
23:34Le bouleversement du monde, l'après-7 octobre,
23:36séché plomb.
23:38On parlait effectivement des conséquences
23:41de ce 7 octobre, conséquences en série,
23:43escalade de violences,
23:45conflits qui s'est propagés
23:47face au Hezbollah,
23:49qui s'est propagés au Liban,
23:50mais également, ce qui se joue,
23:52c'est un affrontement entre Israël et l'Iran,
23:56ou en tout cas, entre Israël et le régime des Mollahs.
24:00Vous nous parliez d'un régime affaibli,
24:03d'une société civile iranienne aussi,
24:07qui a peut-être envie de renverser la table.
24:11Je rageais à ce que vous avez dit tout à l'heure.
24:13Vous avez expliqué qu'une partie de la société iranienne
24:17était contre le régime,
24:19mais se disait que c'était malgré tout un ordre
24:22dans un Moyen-Orient
24:25qui était une terre de désordre.
24:29Est-ce que malgré tout,
24:32un renversement du régime iranien,
24:35contrairement à d'autres renversements
24:38qu'on a pu observer, je pense à l'Irak,
24:41pourrait fonctionner ?
24:43Parce que, précisément, il y a tout de même
24:45une élite, je crois, iranienne
24:47qu'on ne voit pas ailleurs au Moyen-Orient,
24:49qui n'existe pas dans notre pays.
24:51Il me semble.
24:52– Oui, c'est difficile de tirer des plans sur la comète, bien sûr,
24:55mais, effectivement, l'Iran dispose
24:59d'une éducation de grande qualité
25:03qui remonte à l'époque du chat,
25:05de très nombreux ingénieurs, médecins,
25:07à preuve, l'arme nucléaire
25:10qu'ils sont sur le point d'acquérir,
25:13puisque l'Iran est un état dit du seuil nucléaire,
25:16même si les coréens leur ont donné un petit coup de main à un moment,
25:19c'est eux qui l'ont, pour l'essentiel, construite.
25:23Moi, j'ai toujours été frappé quand j'étais en Iran,
25:26ils traduisent tout,
25:28alors, sans payer de droits d'auteur,
25:30mais ils lisent tout,
25:32alors que dans le monde arabe, en gros,
25:34le nombre de livres qui sont traduits en arabe
25:36en un an est inférieur
25:38à ceux qui sont traduits en grec,
25:40un pays qui est beaucoup plus petit,
25:42en un an, vous voyez ?
25:44Et on sent bien que si l'Iran
25:46revenait dans une sorte de consensus
25:49de la région,
25:51celle-ci pourrait avoir
25:54une insertion internationale
25:56beaucoup plus forte,
25:58mais, et en particulier,
26:01que ce serait un élément clé
26:03pour une solution
26:05au problème israélo-palestinien,
26:08avec les financements qui pourraient sortir de tout ça.
26:10Bon, bien sûr, ça veut dire
26:12plus de pétrole sur le marché sans embargo,
26:14probablement une baisse des cours,
26:16ça fera peut-être pas l'affaire des saoudiens,
26:19mais tout ça, ce sont des plans sur la comète,
26:21mais aujourd'hui, si vous voulez,
26:23un certain nombre d'opérateurs
26:25internationaux
26:27réfléchissent
26:29à ces scénarios multiples,
26:31à ce que ça va apporter.
26:33Je vous donne un exemple aussi
26:35qui n'était pas du tout prévu
26:37par les Iraniens.
26:39Le 3 novembre 2023,
26:41donc plus de 3 semaines
26:43après le 7 octobre,
26:45finalement, les Iraniens
26:47font parler Nasrallah en arabe,
26:49le chef du Hezbollah.
26:51Vos collègues m'avaient demandé,
26:53parce qu'il n'y a plus beaucoup de gens qui, aujourd'hui,
26:55suivent ces choses-là en arabe en France...
26:57On rappelle que vous êtes un rabisor,
26:59un des rares chercheurs...
27:01Oui, il y en a d'autres, mais si vous voulez,
27:03c'est vrai que les études se sont quand même effondrées
27:05par rapport à l'ampleur des enjeux,
27:07on en reparlera de la situation des universités françaises,
27:09parce que la situation dans le monde
27:11a aussi des répercussions
27:13jusque dans les universités françaises.
27:15Nasrallah, dont vos collègues m'avaient demandé,
27:17est-ce qu'il va annoncer la Troisième Guerre mondiale ?
27:19Donc j'étais là, et puis il a dit
27:21non, c'est pas nous, donc on m'a dit, ça va, tu peux rentrer chez toi.
27:23Et fréquentement,
27:25ce n'était pas eux.
27:27Parce que c'est Sinoir
27:29qui visiblement a pensé
27:31qu'il y avait un avantage,
27:33un effet de surprise, il allait s'en servir
27:35pour tendre le bras aux Iraniens,
27:37les obliger à le suivre,
27:39et lui-même gagner des points contre Netanyahou.
27:41Dans cette affaire,
27:43les Iraniens,
27:45pour faire quelque chose quand même,
27:47ont délégué aux Houthis du Yémen
27:49le fait d'attaquer
27:51les bateaux croisants en mer rouge
27:53et qui étaient censés relâcher
27:55dans les ports israéliens.
27:57Les Houthis, pleins de zèle et totalement
27:59dépendants des désordres,
28:01ont commencé
28:03à tirer sur tout ce qui flottait.
28:05Qui passait par la mer rouge
28:07et le canal de Suez,
28:09la flottille des containers,
28:11des portes aux containers venant de Chine
28:13qui vous apportaient
28:15vos lunettes,
28:17les claviers d'ordinateur,
28:19tout ce qui nous entoure ici,
28:21les micros même,
28:23et les Chinois sont furieux.
28:25Ils sont furieux de ce qui s'est passé
28:27parce que la Chine est
28:29confrontée à une crise de surproduction
28:31aujourd'hui, la situation sociale
28:33n'est pas bonne,
28:35donc ils sont obligés de faire le tour
28:37par l'Afrique,
28:39par le Sénégal,
28:41par Tangier, etc. Trois semaines de plus
28:43de navigation, les containers
28:45s'empilent dans les ports chinois
28:47et le résultat c'est que
28:49les Chinois maintenant achètent leur pétrole
28:51à la Russie et non plus à l'Iran
28:53à qui ils donnaient un coup de main,
28:55donc l'Iran a quand même aliéné
28:57pas mal la Chine et
28:59d'autre part,
29:01la Chine reconnaît aujourd'hui
29:03la souveraineté des Émirats sur trois
29:05petites îles, les deux tombes et Abu Musa
29:07qui sont au milieu du Golfe Persique
29:09qui sont clés pour contrôler la navigation
29:11des tankeurs du pétrole et du gaz
29:13et que l'Iran, du chat d'ailleurs
29:15avait annexé. Et donc ça,
29:17tout ça montre que
29:19les conséquences, vous voyez, on a l'impression
29:21bon ben les Houthis vont tirer sur des bateaux
29:23genre les pirates de la mer
29:25rouge d'Henri de Montfrey, si vous voulez
29:27et en réalité ça se traduit
29:29par des blocages internationaux
29:31ça perturbe l'économie chinoise
29:33etc. De même
29:35ce qui peut se passer
29:37en conséquence
29:39d'un conflit
29:41ouvert irano-israélien
29:43c'est
29:45évidemment une montée immédiate
29:47des prix du pétrole, un bouleversement
29:49de l'économie mondiale comme en 73
29:51rappelons-nous que
29:53c'est l'octobre 73 au Moyen-Orient
29:55donc 50 ans plus
29:57un jour avant octobre
29:592023
30:01qui a déclenché
30:03dans l'Occident le bouleversement
30:05complet du système économique
30:07les délocalisations
30:09de masse et autres
30:11et une crise dont un certain nombre
30:13de pays ne sont pas complètement sortis
30:15donc tout ça est extrêmement
30:17lié. Bien sûr le 7 octobre
30:19ça fait aussi penser au 11 septembre
30:21mais le 11 septembre
30:23n'avait pas bouleversé le monde
30:25comme cela
30:27justement pendant du monde, le quotidien
30:29du soir qui porte ce nom
30:31la France avait titré à l'époque
30:33nous sommes tous américains
30:35ce qui serait impossible aujourd'hui
30:37ils ne sont pas tous israéliens
30:39aujourd'hui
30:41puisque le jour de l'anniversaire du 7 octobre
30:43ils n'ont pas titré sur le pogrom
30:45ils ont titré sur
30:47la riposte israélienne
30:49qui a fait effectivement des morts
30:51en quantité très importante
30:53mais bon c'était quand même curieux
30:55vous avez raison de le rappeler
30:57je pense que c'était tout à fait délibéré
30:59ce qui pouvait apparaître
31:01indécent
31:03ils auraient pu attendre
31:05le 8 octobre pour
31:07parler du reste
31:09puisque c'est important
31:11donc ils ne sont pas tous
31:13israéliens
31:15alors bien sûr
31:17on comprend aussi
31:19que la sensibilité en France
31:21en particulier
31:23pour les victimes
31:25non seulement palestiniennes mais libanaises
31:27soit intense
31:29et il y a eu la prise de bec
31:31entre Emmanuel Macron
31:33Emmanuel Macron n'en a pas parlé
31:35et Bibi Netanyahou
31:37parce qu'au sommet de la francophonie
31:39et la francophonie d'une certaine manière
31:41c'est le sud global francophone
31:43et le Liban
31:45est un pays co-fondateur
31:47de la francophonie à Villers-Cotterêts
31:49et c'était la moindre des choses
31:51qu'Emmanuel Macron
31:53exprime sa préoccupation
31:55pour
31:57il y a maintenant apparemment un million et demi
31:59de déplacés au Liban
32:01du sud vers le nord, vers le centre
32:03il a fait plus qu'exprimer sa préoccupation
32:05puisqu'il a expliqué qu'il fallait
32:07plus vendre d'armes
32:09à Israël, on n'en vend pas beaucoup
32:11effectivement ça fait 0,2%
32:13des importations
32:15donc c'était quelque chose
32:17mais effectivement ça a eu un effet
32:19comme vous le soulignez
32:21mais c'est un élément qui est particulièrement
32:23complexe bien sûr
32:25et qui a des conséquences à l'intérieur
32:27des sociétés mondiales
32:29et des sociétés
32:31nationales
32:33Arrêtons-nous une minute
32:35oui effectivement cette guerre
32:37cette guerre au Moyen-Orient
32:39s'insère dans une guerre je dirais plus globale
32:41entre ce qu'on appelle désormais
32:43le sud global
32:45et l'Occident
32:47le nord, si il y a le sud c'est le nord
32:49oui c'est le nord mais en fait c'est plus compliqué que ça
32:51la Russie également qui n'est pas spécialement
32:53au sud
32:55remarquez avec le réchauffement climatique
32:57que l'Arctique va peut-être devenir tropical
32:59et donc
33:01cette guerre
33:03elle existe réellement
33:05est-ce qu'on peut dire qu'il y a deux camps
33:07comme au moment de la guerre froide
33:09et est-ce que finalement
33:11ces attentats du 7 octobre
33:13ce programme du 7 octobre a accentué
33:15ce clivage mondial
33:17alors ce sont les acteurs qui veulent ce clivage
33:19effectivement l'ont mis en lumière
33:21on n'y est pas encore
33:23mais néanmoins on voit bien comment
33:25c'est un peu la thèse du livre, ce bouleversement du monde
33:27c'est qu'au fond
33:29les fondements moraux de l'ordre du monde
33:31auquel nous étions habitués
33:33vous moins que moi parce que je suis malheureusement
33:35un peu plus âgé que vous
33:37c'était ce qui était créé
33:39après la défaite du nazisme
33:41en 1945
33:43et c'est la charte des Nations Unies
33:45et qui considère que
33:47le crime le plus atroce dans l'histoire
33:49contemporaine de l'humanité
33:51c'est le génocide
33:53des juifs par les
33:55nazis, plus jamais ça
33:57et donc c'est là dessus
33:59que aussi bien l'Est
34:01que l'Ouest qui vont pourtant
34:03s'affronter jusqu'à la chute
34:05du mur de Berlin dont on a parlé tout à l'heure
34:07font un consensus
34:09or ce qui se passe avec le 7 octobre
34:11pour ses conséquences c'est que vous avez un certain nombre
34:13d'acteurs qui vont créer ce
34:15sud global, on en reviendra tout à l'heure
34:17qui disent
34:19non, le vrai génocide
34:21c'est ce que font les israéliens
34:23à Gaza
34:25et c'est ça qui fonde
34:27l'injustice mondiale
34:29aujourd'hui
34:31le génocide d'autrefois, celui des
34:33juifs ça fait longtemps
34:35c'est par les nazis, c'est de l'histoire
34:37puis les réseaux complotistes sont passés
34:39par là sur l'internet, on ne sait pas trop
34:41ce qui s'est passé, de toute façon
34:43ça ne concernait que des européens
34:45population blanche qui est en
34:47voie de régression
34:49considérable, et c'est pas ça
34:51le véritable crime
34:53c'est la colonisation
34:55menée par les états du nord
34:57c'est la traite négrière, c'est l'esclavage
34:59et comme s'il n'y avait que les européens
35:01qui avaient fait ça, on en reviendra tout à l'heure
35:03et au fond ce que fait
35:05Israël en Palestine
35:07c'est le point ultime
35:09de cette colonisation, le génocide
35:11colonial, et les palestiniens
35:13sont la figure par excellence
35:15de cette
35:17victimisation, et c'est ça qui est en train
35:19aujourd'hui d'aller jusque
35:21dans nos universités.
35:23Et on en parle dans la dernière partie de cette émission
35:25avec vous, Gilles Kepel
35:27on se retrouve après une courte pause sur
35:29Sud Radio, En Toute Vérité, à tout de suite !
35:31En Toute Vérité, 11h30
35:33sur Sud Radio, Alexandre Devecchio
35:35Nous sommes de retour sur
35:37Sud Radio, on parle de
35:39l'après 7 octobre
35:41avec Gilles Kepel, Gilles Kepel
35:43auteur d'un essai
35:45intitulé Le bouleversement du monde,
35:47sécher plomb, on en parle depuis
35:49presque une heure sur Sud Radio
35:51de ce bouleversement du monde
35:53Gilles Kepel, vous montrez bien que
35:55cette attaque du 7 octobre
35:57s'est finalement
35:59insérée dans un conflit
36:01plus global, entre le sud
36:03global et les sociétés
36:05occidentales
36:07a même accru sans doute
36:09c'est une forme de polarisation
36:11une polarisation du monde, mais une polarisation
36:13des sociétés occidentales elles-mêmes
36:15puisque ceux qui
36:17veulent mettre en avant ce conflit
36:19notamment au sud, expliquent
36:21ce que vous nous expliquiez avant la
36:23pause, mais que la colonisation
36:25est le crime
36:27ultime, que cette colonisation se poursuit
36:29aujourd'hui à travers
36:31l'état d'Israël
36:33c'est un discours qui porte dans les
36:35sociétés effectivement
36:37du sud, mais c'est un discours qui
36:39porte aussi de plus en
36:41plus dans les sociétés occidentales
36:43elles-mêmes, et singulièrement
36:45à l'université que vous connaissez bien
36:47oui, et avant même l'université
36:49qui est aussi la traduction
36:51que les sociétés, alors qui seraient du nord
36:53face au sud, puisque
36:55d'une certaine manière, après
36:57la seconde guerre mondiale
36:59on a une espèce d'ordre du monde
37:01longitudinal, c'est-à-dire
37:03qu'il y a l'ouest contre l'est
37:05qui est traduit dans les sociétés elles-mêmes
37:07en Occident ou en Europe par exemple
37:09la gauche contre la droite
37:11et qui est basée sur des identifications
37:13de classes sociales, le
37:15travail contre le capital, si vous voulez
37:17et là, le bouleversement
37:19au sens propre, c'est-à-dire qu'on renverse
37:21la table
37:23est davantage latitudinal
37:25c'est-à-dire, ce serait le sud
37:27dit global contre le nord, dit
37:29maléfique, l'un porteur du bien
37:31l'autre du mal
37:33fondé à réclamer
37:35son dû, et vous avez eu
37:37ça du reste récemment dans l'élection
37:39au Sénégal, où
37:41c'est le sentiment anti-français
37:43entre guillemets, qui a été l'un des
37:45éléments clés du succès
37:47de l'actuel
37:49président et du premier ministre
37:51derrière lui, face à
37:53Macky Sall, perçu comme l'homme qui s'est
37:55trop aligné sur la France, si vous voulez
37:57et tout cela
37:59a complètement changé
38:01les choses
38:03et cela d'autant plus que nos sociétés
38:05dites du nord
38:07se sont transformées démographiquement
38:09du fait de l'immigration
38:11et de la sédentarisation
38:13sur leur sol de populations
38:15issues justement du sud
38:17qui, jusqu'à une époque
38:19récente
38:21dans un pays comme la France
38:23où le modèle de l'intégration
38:25républicaine laïque
38:27et la norme
38:29faisait que les étrangers
38:31d'une certaine manière s'assimilaient
38:33et que l'italien de Vecchio
38:35ou le tchèque Kepel
38:37étaient des français extraordinaires
38:39et cela a été aussi le cas de
38:41beaucoup de gens venus du Maghreb
38:43et d'Afrique noire et puis
38:45avec ce type d'idéologie
38:47avec le séparatisme
38:49porté par les mouvements
38:51islamistes, si vous voulez
38:53vous avez désormais une revendication
38:55identitaire
38:57qui se substitue aux affrontements
38:59de classes sociales et si vous regardez
39:01notre société française
39:03aux Etats-Unis, au Royaume-Uni
39:05en Italie et ailleurs
39:07on est tout à fait semblables
39:09ce sont davantage des polarisations
39:11identitaires qui vont définir
39:13le jeu politique aujourd'hui
39:15que les alignements
39:17sociaux, les affrontements de classes
39:19regardez la France d'aujourd'hui
39:21vous avez à l'extrême gauche
39:23la France insoumise
39:25laquelle a soumis d'ailleurs
39:27je parle sous le contrôle de Laurent Geoffrin
39:29une partie de la
39:31social-démocratie puisqu'il traduit
39:33PS en parti soumis aujourd'hui
39:35et qui
39:37considère que c'est à la fois
39:39la radicalité et
39:41le fait d'utiliser par exemple
39:43la figure de Rima Hassan
39:45la juriste franco-palestinienne
39:47pour cristalliser
39:49les votes pour LFI
39:51sur le thème de Gaza
39:53pour les élections
39:55européennes par exemple
39:57et à l'autre bout du spectre
39:59vous avez donc le rassemblement national
40:01qui considère que
40:03c'est une partie
40:05du basculement des 11 millions
40:07de bouleversements aussi
40:09presque 11 millions de voix pour le Front National
40:11c'est gigantesque effectivement même si
40:13le Front Républicain du deuxième
40:15tour n'a pas permis d'accéder au pouvoir
40:17qui considère que l'immigration
40:19est le problème principal
40:21et que dans l'immigration
40:23c'est l'islamisme radical
40:25qui est la partie visible de l'iceberg
40:27et donc ces polarisations sont beaucoup plus
40:29identitaires que sociales puisque vous avez
40:31parmi les lectorats
40:33du rassemblement national
40:35vous n'avez pas uniquement des capitalistes
40:37au contraire vous avez
40:39des classes paupérisées mais contentes
40:41de leur sort, vous en avez aussi
40:43de l'autre côté
40:45chez la France Insoumise mais au lieu de
40:47s'unir d'une certaine manière
40:49contre les capitalistes
40:51comme on aurait dit à l'époque du communisme
40:53elles vont se
40:55constituer en chiens de
40:57faillances si vous voulez
40:59dans un système où
41:01la référence à l'identité
41:03est plus forte que la référence
41:05au niveau social
41:07et vous avez la même chose qui est encore plus frappante
41:09l'éjection américaine qui est quand même
41:11le grand enjeu politique mondial
41:13n'avait jamais été prise
41:15en otage des
41:17problèmes internationaux généralement
41:19comme le disait autrefois le président
41:21Clinton citant un fameux économiste
41:23c'est « it's the economy stupid »
41:25donc c'est le marché
41:27de l'emploi, les salaires
41:29etc. Et là
41:31on en parlait tout à l'heure
41:33une action
41:35moyen-orient qui se traduirait
41:37par une augmentation massive
41:39des prix du carburant même si
41:41l'Amérique est productrice
41:43de gaz de schiste etc.
41:45mais il y a plus de conducteurs
41:47de voitures et de camions qu'il n'y a
41:49de propriétaires de puits de pétrole
41:51et donc ça aurait des conséquences
41:53et on le voit.
41:54Ça aurait des conséquences économiques
41:56mais même sans parler de ça, ça à la limite
41:58les chocs pétroliers ont toujours eu
42:00des conséquences économiques puis politiques
42:02ça peut dire la victoire de Trump si vous voulez
42:04immédiatement parce que Biden en serait perdu.
42:06Mais même sans parler de ça, vous parliez
42:08dans le livre vous parliez de l'état
42:10de Michigan notamment où
42:12une minorité musulmane pourrait
42:14faire l'élection
42:16puisque ça se joue état par état
42:18aux Etats-Unis.
42:19Avec le système très compliqué des grands électeurs
42:21qui était un peu comme autrefois
42:23le Sénat face à l'Assemblée
42:25c'est pour corriger
42:27pour pondérer
42:29le vote des régions
42:31rurales par rapport aux concentrations urbaines
42:33et ce qui est assez paradoxal
42:35c'est que alors que
42:37le Hezbollah est aujourd'hui
42:39en situation très difficile, écrasé
42:41par Israël, pas partout parce que dans le sud du pays
42:43il continue à se battre avec
42:45pas mal d'efficience contre les troupes
42:47israéliennes au sol comme on l'a vu
42:49le Hezbollah qui serait
42:51marginalisé
42:53au Moyen-Orient
42:55du fait que vous avez un certain nombre
42:57de Libanais chiites qui ont émigré
42:59aux Etats-Unis, au Michigan
43:01et dont certains sont sensibles au vote
43:03du Hezbollah, si tout était
43:05égal par ailleurs dans les autres états
43:07américains et que ce soit les
43:09grands électeurs du Michigan qui fassent l'élection
43:11finalement, ça pourrait être
43:13l'influence du Hezbollah, c'est un cas d'école
43:15pourrait faire
43:17l'élection du président américain, ce qui serait
43:19effectivement quelque chose de tout à fait stupéfiant
43:21et vous avez aussi surtout
43:23le clivage
43:25qui passe à l'intérieur du monde universitaire
43:27avec
43:29une appétence pour le sud global
43:31chez un certain nombre de profs
43:33et de jeunes, on a vu
43:35Harvard, Columbia
43:37Sciences Po, l'école normale supérieure
43:39cliver comme jamais
43:41autour de ces enjeux idéologiques
43:43le savoir marginalisé par rapport
43:45à l'engagement
43:47et c'est ce qui fait que votre serviteur, vous ne pouvez plus
43:49le présenter comme professeur de l'université
43:51parce qu'il a été viré
43:53par le woke de l'école normale supérieure
43:55on a fermé les études arabes
43:57là où j'enseignais, si vous voulez
43:59mis à la retraite en anticipation, ça ne m'empêche pas de vivre
44:01mais c'est assez frappant
44:03si vous voulez, de ce bouleversement
44:05de la confusion
44:07des élites
44:09et ça vraiment, on est dans le grand bouleversement
44:11du monde, me semble-t-il
44:13ce qui nous permet
44:15de vous recevoir peut-être plus souvent
44:17sur ceux des radios, vous avez un peu plus
44:19de temps, même si vous n'êtes plus
44:21à l'université
44:23bouleversement du monde, je crois qu'on pourra en parler
44:25encore longtemps
44:27merci Gilles Kipel d'avoir été
44:29avec nous, on se retrouve la semaine prochaine
44:31pour un nouveau numéro dans Toute Vérité