Avec Mathieu Bock-Côté, sociologue & Yascha Mounk, politologue
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NewsTranscription
00:00En toute vérité, chaque dimanche, entre 11h et midi, sur Sud Radio, sécurité, économie numérique, immigration, écologie.
00:11Pendant une heure chaque semaine, nous débattons sans tabou des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain.
00:16Et ce dimanche, nous avons le plaisir de recevoir le sociologue québécois Mathieu Boquecôté et en duplex des États-Unis, l'universitaire américain Yasha Monk.
00:25À une semaine de l'élection américaine, nous tenterons d'en saisir les enjeux.
00:29Un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche est-il possible ?
00:33Avec quelles conséquences pour le monde et pour la France serait-ce le triomphe du fascisme ?
00:37Comme le dit Kamala Harris, comment expliquer la difficile campagne des démocrates ?
00:42Kamala Harris est-elle la nouvelle Hillary Clinton ? Sa victoire serait-elle celle du wookisme ?
00:47Tout de suite, les réponses de Mathieu Boquecôté et Yasha Monk, en toute vérité.
00:52En toute vérité, sur Sud Radio, Alexandre De Vecchio.
00:55Mathieu Boquecôté, Yasha Monk, bonjour.
00:58Bonjour.
00:59Ravi d'être avec vous pour parler de cette élection présidentielle américaine.
01:05Nous sommes à une semaine des résultats et le suspense est total avec peut-être quelque chose de surprenant tout de même.
01:16C'est l'incroyable résilience de Donald Trump qu'on pouvait croire finie après l'épisode du Capitol et qui est toujours là.
01:27Et dont la victoire, si l'on en croit les sondages, est possible.
01:33Donc j'ai envie de commencer par une question pour vous deux.
01:36Mais d'abord, est-ce que vous y croyez et comment on en est arrivé là ?
01:41Je ne sais pas qui est-ce qui veut commencer.
01:43Yasha Monk, dont on rappelle le dernier livre, Le piège de l'identité.
01:48C'est des éditions de l'Observatoire.
01:50C'est justement un livre sur la question du wokies dont on parlera aussi dans cette émission.
01:57Certainement, le résultat de cette élection n'est pas encore clair.
02:04Pour le moment, Trump semble même légèrement en avantage.
02:10Selon les projections électorales, selon les marchés où on peut mettre de l'argent sur le résultat de cette élection,
02:19il semble que Trump a plus de probabilités de gagner que Kamala Harris.
02:23Ça a à faire avec le fait qu'il est impopulaire, mais moins impopulaire que dans le passé.
02:30Ça a peut-être à faire avec ces deux tentatives d'assassinat de lui qui l'ont rendu plus sympathique à beaucoup d'Américains.
02:43Mais je crois que ça a à la fin plus que d'autres à faire avec les démocrates.
02:49Si on regarde les sondages, 61% des Américains croient que le parti républicain soit trop extrême.
02:56Mais 55% dans le même sondage disent que le parti démocrate, lui, est aussi trop extrême.
03:02En fait, les démocrates ont pris des positions assez impopulaires sur des sujets qui viennent de l'immigration à des questions culturelles et sociales.
03:14Et donc, ils sont en train de perdre des partis de l'électorat qui étaient censés toujours voter pour les démocrates,
03:22y compris par exemple les Américains qui sont issus de l'Amérique latine, les latinos comme on les appelle en Amérique,
03:29et même les hommes noirs qui continuent à voter 3 à 1 ou 4 à 1 pour Kamala Harris,
03:37mais où dans le passé, les Républicains avaient peut-être jusqu'à 8 ou 10% du vote.
03:43Merci, Yashamon. Qu'est-ce que vous partagez cet avis, Mathieu Boccoté ?
03:48Est-ce que finalement, on a deux candidats qui font peur ?
03:53C'est ce que nous dit Yashamon, qui est que Kamala Harris, d'une certaine manière, fait aussi peur que Donald Trump aujourd'hui.
04:00Je suis tout à fait d'accord. C'est-à-dire qu'on a un récit public, un récit médiatique en Occident qui a campé les rôles.
04:06Kamala Harris, c'est la gentille. Trump, c'est le méchant.
04:09Et à partir de là, on considère que les électeurs de Trump sont au mieux des gens terriblement cyniques et malfaisants,
04:17au pire, une collection de crétins attardés votant simplement sur le mode de l'affect négatif.
04:23Donc, refusant de comprendre que l'électorat trumpien n'est pas composé seulement d'un troupeau d'abrutis,
04:29mais d'électeurs qui, sans enthousiasme particulier, peuvent voter pour Trump.
04:32Il y a une base d'enthousiasme pour Trump.
04:34Mais il y a beaucoup de gens qui, sans être enthousiastes pour Trump, vont voter pour lui sans enthousiasme ni hésitation.
04:40Pourquoi ? Parce que les démocrates inquiètent aussi, justement.
04:44D'ailleurs, vous noterez, il y a un parfum, un mélange d'années 30 et de guerre froide dans le vocabulaire politique américain.
04:49Harris traite Trump de fasciste qui traite Harris de communiste.
04:53Bon, c'est un vocabulaire un peu original pour parler de la politique américaine.
04:57Je note, cela dit, que les Républicains, au-delà de Trump, ont de bonnes raisons,
05:03je dirais les Américains ont de bonnes raisons de s'inquiéter de ce que serait une administration Harris.
05:08Je vous donne quelques exemples.
05:09Depuis quelques semaines déjà, et quelques années si on décide d'étendre un peu la réflexion,
05:14les figures importantes du Parti démocrate ont dit que le premier amendement qui garante la liberté d'expression
05:20était un amendement qui faisait problème aujourd'hui,
05:22et qu'il serait nécessaire de l'encadrer pour limiter ce qu'ils appellent la désinformation et la haine, les discours haineux.
05:30Mais quand on voit ce qui est défini comme désinformation et discours haineux,
05:33plusieurs considèrent, et c'était presque l'aveu de Hillary Clinton dans un entretien récemment,
05:38que ce que redoutent les démocrates, c'est la perte de la maîtrise du narratif politique et médiatique.
05:42Donc une volonté de censurer les discours divergents, un.
05:45Deuxièmement, une inquiétude très réelle par rapport à l'immigration,
05:49c'est-à-dire la volonté, ou à tout le moins le consentement,
05:52à une modification démographique quasiment programmée dans certains états,
05:55pour faire en sorte de les transformer de swing state en états démocrates.
05:58Parce qu'il y a quand même une participation plus...
06:00Les minorités issues de l'immigration, en général, votent bien davantage pour les démocrates.
06:05Troisième élément, inquiétude réelle aussi, ce qu'on appelle l'équité, diversité, inclusion,
06:10la DEI, on dirait aux États-Unis,
06:12donc la doctrine d'une forme de socialisme diversitaire et multiculturaliste,
06:16particulièrement autoritaire, qu'on a vu dans les campus,
06:19mais pas que dans les campus, dans les grandes entreprises,
06:21qui fonctionne à la... et qui s'alimente d'une forme de racisme anti-blanc de plus en plus décomplexé,
06:26et qui en inquiète plusieurs aux États-Unis.
06:29Et on pourrait ajouter, dernier point, sans que ça soit le...
06:31On pourrait en ajouter d'autres par ailleurs,
06:33une inquiétude sur la définition même du rôle des États-Unis dans le monde aujourd'hui,
06:36c'est-à-dire la tentation impériale pour certains,
06:38une volonté d'avoir une politique américaine qui serait davantage inscrite
06:41dans le contexte de la pluralité des civilisations aujourd'hui.
06:44Donc on a tout ça à l'esprit, donc plusieurs considèrent que si Trump est excessif,
06:49si Trump est assurément un personnage inquiétant avec une personnalité autoritaire qui dira le contraire,
06:55néanmoins, de l'autre côté, il y a une inquiétude qui semble se présenter sous une apparence plus avenante,
07:02mais qui est tout aussi grande pour le remédier de la démocratie américaine.
07:05Et dernière réflexion, moi je ne me remets pas, si vous me permettez l'expression,
07:09du traitement médiatique de la passation de pouvoir entre Kamala Harris et Joe Biden,
07:15Joe Biden et Kamala Harris depuis cet été.
07:19– Depuis ce renoncement de Joe Biden.
07:21– Oui, qui est une forme de semi-putsch à mon avis,
07:23parce que bon, à CNews, la question lui a été posée,
07:27depuis combien de temps étiez-vous au courant des problèmes cognitifs de Joe Biden ?
07:30– À Fox News.
07:31– À Fox News, pardon, qu'est-ce que j'ai dit ?
07:32– À CNews.
07:33– Pardonnez-moi, pardonnez-moi.
07:34À Fox News, la question lui a été posée des problèmes cognitifs de Joe Biden
07:38et elle a trouvé le moyen d'esquiver la question alors qu'elle est fondamentale,
07:42parce qu'un récit dominant, qui est un véritable mensonge institutionnel
07:45autour de la capacité cognitive de Joe Biden depuis 4 ans,
07:48je pense que ça en dit beaucoup sur les craintes légitimes des Américains devant le discours démocrate.
07:53– Yassin Boung, vous êtes plutôt de sensibilité de centre-gauche,
07:57est-ce que vous partagez une partie de ces inquiétudes,
08:00notamment sur la liberté d'expression,
08:03ou est-ce que vous pensez que c'est simplement une réaction du parti démocrate
08:09aux excès justement de la personnalité de Donald Trump ?
08:13– Je crois que dans les faits, ces craintes sont beaucoup exagérées.
08:17Ce qui me frappe de Kamala Harris, c'est en fait qu'elle n'a pas vraiment un centre politique,
08:22elle n'a pas vraiment un point de vue politique très clair.
08:26En 2019, en 2020, quand elle s'est candidatée pour les primaires démocrates,
08:32elle faisait semblant d'être extrêmement woke,
08:35elle parlait beaucoup par exemple de l'idée du equity,
08:39de vouloir distribuer les positions sur d'autres choses
08:43selon les différents groupes démographiques.
08:46Là, elle comprend que le moment politique est plutôt centriste,
08:51et elle fait semblant d'être centriste.
08:53– Pardonnez-moi, je vous interromps, j'aime pas trop ça,
08:59mais elle a quand même pris des positions notamment sur les hommes noirs américains,
09:05des facilités notamment pour qu'ils se lancent dans le commerce de la drogue.
09:10C'est vrai que vu d'un point de vue européen et singulièrement français,
09:14ça peut paraître pour le coup extrêmement woke,
09:17ou en tout cas une discrimination positive assez agressive.
09:22– En fait, si on regarde les propos de l'administration de la campagne,
09:27ils font un peu semblant de faire ça,
09:29mais en fait les politiques qu'ils proposent ne distinguent pas par groupe.
09:33Alors il y a un site qui est peut-être choquant d'un point de vue français,
09:37que moi en tant que journaliste n'aime pas trop,
09:39qui dit qu'ici il y a ce que l'administration va faire pour les latinos.
09:45Il y a un autre site qui dit qu'ici il y a les choses
09:47que l'administration va faire pour les afro-américains.
09:50Mais si on regarde les propos de manière spécifique,
09:53il dit par exemple qu'on va donner 50 000 dollars
09:57pour fonder de nouvelles entreprises aux afro-américains et des autres.
10:03Et ça veut dire en fait que c'est un programme neutre
10:07qui va s'adresser à tous les américains qui vont essayer de faire ça.
10:12Alors pour moi, la deuxième chose c'est que c'est très peu probable
10:16que si Kamala Harris gagne la présidence,
10:19elle va aussi avoir le contrôle de la Chambre des députés,
10:23ça peut être, et certainement le Sénat.
10:25C'est très improbable que les démocrates vont avoir le contrôle
10:29des trois institutions clés, alors de la présidence, du congrès et du Sénat.
10:35Et certainement ils ne vont pas avoir le contrôle de la Cour suprême.
10:37Et alors dans les faits, je crois que la probabilité
10:41que Kamala Harris peut faire ces changements est en tout cas assez faible.
10:46Après, je suis d'accord par exemple que dans tous les discours américains,
10:50pas seulement parmi la campagne de Kamala Harris,
10:55ou par exemple Tim Walz a vraiment dit ça de manière assez claire,
10:58assez choquante dans la télévision il y a un an,
11:00mais dans tous les milieux démocrates, il y a par exemple l'idée
11:04que la liberté d'expression a une valeur de droite,
11:07une valeur qu'il ne faut pas défendre.
11:09Il y a de l'usage du mot de misinformation très ambigu,
11:15par exemple pendant la pandémie, on parlait beaucoup du fait
11:19que l'idée que le virus puisse avoir une origine pas naturelle,
11:24soit de la misinformation qui doit être censurée.
11:27La désinformation, oui.
11:28Je suis absolument d'accord que ça c'est un point où les démocrates ont tort
11:32et qui les rend impopulaires.
11:34Alors on ne pense pas que la liberté d'expression est normalement
11:38le sujet le plus important de la politique américaine,
11:40probablement qu'il ne l'est pas.
11:42Mais là je viens de voir un sondage de FIRE,
11:45une organisation qui défend la liberté d'expression en Amérique,
11:49qui montre en fait que c'est maintenant le sujet le deuxième plus important
11:56dans cette élection.
11:58Après l'immigration je crois d'ailleurs.
12:01Yashamonk, merci.
12:03Mathieu Bocoté, merci.
12:04Ne nous quittez pas, on continue à débattre des Etats-Unis
12:08après une courte pause sur Sud Radio.
12:10On se demandera si Kamala Harris et la nouvelle Hillary Clinton.
12:13On tentera aussi de définir plus précisément le Trump.
12:17Et c'est tout de suite sur Sud Radio, en toute vérité,
12:19avec Yashamonk et Mathieu Bocoté.
12:26Nous sommes de retour sur Sud Radio avec le sociologue américain,
12:31l'universitaire américain Yashamonk,
12:33auteur notamment du « Piège de l'identité » aux éditions de l'Observatoire.
12:37Et avec Mathieu Bocoté, sociologue québécois,
12:41bien connu des téléspectateurs de CNews et lecteurs du Figaro.
12:45Il est éditorialiste également.
12:47Nous parlons de cette campagne américaine.
12:50Mathieu Bocoté, avant la pause, vous nous expliquiez
12:52que la terminologie de la campagne était étrange.
12:55Donald Trump traitait Kamala Harris de communiste
12:59et Kamala Harris traitait Donald Trump de fasciste.
13:06Alors vous qui avez écrit « Le totalitarisme sans le goulag »,
13:09c'est votre dernier livre, c'est aux éditions Les Preuves de la Cité.
13:13Est-ce que Donald Trump est fasciste ?
13:17Et s'il n'est pas fasciste, qu'est-ce qu'il est ?
13:19Qu'est-ce que le trumpisme en réalité ?
13:21Je trouve que cette expression est absolument essencée
13:23pour définir le trumpisme et Trump.
13:26Ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut pas le critiquer très sévèrement.
13:28Mais la mobilisation de vocabulaire qui caractérise globalement les années 30
13:33pour parler d'un homme politique américain des années 2020
13:36me semble lui-même relever d'une facilité de langage absolument terrifiante.
13:39Donc, qu'est-ce que représente Trump ?
13:41Il représente un basculement dans l'histoire du conservatisme américain.
13:44On peut dire qu'il y a une histoire longue du conservatisme américain
13:49qui va des années 50 avec la création de la National Review,
13:52avec The Conservative Mind, le livre fondateur de Russell Kirk,
13:55la prise de contrôle du Parti républicain par des conservateurs
14:00avec Barry Goldwater en 1964, si je ne me trompe pas.
14:03Ensuite, la conquête de la Maison-Blanche par Ronald Reagan
14:08et ça culmine dans la victoire américaine dans la guerre froide.
14:11Le mur de Berlin tombe, l'empire démocratique américain
14:14est là pour régner et semer le bien en ce monde.
14:18Et ça culmine dans une forme de doctrine néo-conservatrice.
14:20Avec George Bush.
14:21Oui, mais Reagan est la figure qui était la figure
14:26qui incarnait cet espèce de conservatisme démocratique optimiste.
14:30Et le conservatisme américain, après la guerre froide,
14:33s'est cherché une nouvelle doctrine.
14:34Il s'est replié sur une forme de triangle doctrinal.
14:37D'un côté, l'impérialisme démocratique.
14:39De l'autre côté, une définition strictement universaliste de la nation
14:42sans contenu culturel.
14:44Et aussi la droite religieuse.
14:48J'ajoute un quatrième élément que je n'aurais pas dû négliger.
14:50Évidemment, un capitalisme mondialisé.
14:54Ça, c'est le néo-conservatisme.
14:56Après ça, c'est le point d'aboutissement du conservatisme
14:58qui culmine avec George Bush, fils.
15:00Ensuite, il y a une autre tradition conservatrice américaine
15:03qui avait été laissée de côté au fil du temps
15:05et qui est associée à une figure comme Pat Buchanan, par exemple,
15:08qui va incarner cette constatation du néo-conservatisme dans les années 90.
15:13Et quel est cet autre conservatisme ?
15:15C'est un conservatisme qui est inquiet devant la vocation impériale des États-Unis,
15:20qui a une définition beaucoup plus culturelle de la nation.
15:22Samuel Huntington écrit un livre très important,
15:24« Who are we ? Qui sommes-nous ? »,
15:26où il dit qu'en un instant, nous ne sommes pas qu'une nation universaliste,
15:28nous sommes une nation culture,
15:30qui est très critique de l'immigration massive,
15:32qui prend en sérieux la fameuse guerre culturelle,
15:34qui prend aujourd'hui le visage du wokeisme.
15:36Et cette tradition conservatrice alternative,
15:38qui va aussi mordre chez les électeurs indépendants,
15:41cette tradition-là a été longtemps méprisée, laissée de côté,
15:44et cherchait son héros, en quelque sorte.
15:46Et Trump, en 2016,
15:48lui qui ne venait pas de ça du tout,
15:50de cette mouvance dont il provenait,
15:52s'est emparé de ce courant
15:54qui contestait de l'intérieur la droite américaine,
15:56qui a proposé une autre lecture,
15:58une autre définition de la droite américaine.
16:00Donc Trump représente aujourd'hui,
16:02de manière caricaturale, grossière, tout ce qu'on voudra,
16:04ce qu'on appelle aujourd'hui dans le monde occidental
16:06le national-conservatisme.
16:08Donc un conservatisme centré sur la restauration de la souveraineté nationale,
16:11sur la critique de l'immigration massive,
16:13sur la guerre contre le wokeisme,
16:15et surtout, par ailleurs, il faut que nous ne l'oublions pas,
16:17aussi, sur une réhabilitation partielle du rôle de l'État
16:20après les illusions de ce qu'on appelait la mondialisation néolibérale.
16:23Donc Trump incarne politiquement,
16:25sans avoir lui-même une grande finesse doctrinale,
16:27ce basculement du conservatisme américain,
16:30d'une synthèse à une autre.
16:32Yash Amouk, est-ce que vous partagez cette définition ?
16:35Est-ce que vous partagez ou pas la définition de Kamala Harris ?
16:38Est-ce qu'il est fasciste ? Est-ce qu'il y a un risque pour la démocratie ?
16:41Et sinon, comment est-ce que vous définissez le trumpisme ?
16:46Je crois que cette caractérisation a été plus ou moins correcte,
16:51mais incomplète.
16:52C'est-à-dire que je suis d'accord que c'est pas juste une erreur politique,
16:56mais aussi une erreur analytique de dire que Donald Trump soit fasciste.
17:00Je suis d'accord que son arrivée au pouvoir
17:03et le basculement de ce consensus conservateur
17:06basé sur les trois plans qui ont été évoqués.
17:11Mais il y a un autre côté de Donald Trump
17:14qui est très important à comprendre.
17:15Si on regarde, par exemple, Giorgia Meloni en Italie,
17:18elle est peut-être vraiment une conservatrice nationaliste de cette manière,
17:23qui a des vrais racins dans un mouvement post-fasciste,
17:28mais elle s'est éloignée de ce mouvement.
17:31Et aujourd'hui, elle ne semble pas être un danger pour les institutions démocratiques.
17:35Pour moi, Donald Trump, autre que les choses idéologiques qui ont été évoquées,
17:40est aussi un populiste, un populiste autoritaire
17:43qui est basé sur l'idée que lui, juste lui, est le vrai représentant du peuple
17:50et que ça ne lui permet pas juste de critiquer les élites,
17:53ce qui est une chose complètement légitime dans une démocratie,
17:57mais aussi de se refuser un certain pluralisme,
18:00de dire que les gens qui ne sont pas d'accord avec lui sont de ces faits illégitimes.
18:06On a vu ça de manière la plus claire après l'élection de 2020,
18:10où il est allé bien au-delà de certaines positions de réforme,
18:15de politique des conservateurs nationalistes,
18:18pour dire que l'élection n'était pas légitime,
18:21qu'il était le vrai vainqueur de cette élection,
18:24où il a au moins inspiré une foule à attaquer le capital américain,
18:32ce qui est quand même un fait extrêmement important et rare dans l'histoire américaine.
18:40Et maintenant, c'est très clair que s'il perd dans neuf jours,
18:46c'est bien possible qu'il va gagner,
18:48mais s'il perd, c'est très clair qu'il va encore refuser d'accepter cette élection.
18:53Et ça pour moi, c'est quand même le principe fondamental de la démocratie.
18:58On peut avoir des accords fondamentaux.
19:01On a même le droit, ce n'est peut-être pas très poli,
19:05mais on a le droit de se traiter de fasciste, de communiste.
19:08On n'a pas le droit de refuser d'accepter le résultat de l'élection,
19:12parce que c'est ça le principe fondamental qui nous permet
19:16d'avoir des accords fondamentaux sur la politique sans résoudre à la violence.
19:21Mathieu, c'est vrai que c'est une objection qu'on peut entendre.
19:25J'aimerais vous entendre aussi sur le populisme,
19:28qui est peut-être un courant qui est à l'origine même de la création des Etats-Unis,
19:33enfin qui existe depuis l'origine même de la création des Etats-Unis.
19:37Mais avant, sur cette objection, est-ce que Donald Trump a commis une faute
19:42tout simplement en refusant le résultat de l'élection ?
19:46Et comment on explique que malgré ça, il soit toujours là ?
19:49C'est ça qui est fascinant.
19:51Il y a deux choses. Je pense que c'est une faute absolument grave.
19:53Qui dira le contraire ? Je ferai simplement la nuance suivante.
19:56Je crois qu'en 2020, peu importe qui aurait remporté l'élection,
20:00les deux auraient contesté les résultats.
20:02Et je pense que dans dix jours, quand il y aura l'élection américaine,
20:06il y aura contestation des résultats, que ce soit les démocrates ou les républicains
20:10qui l'emportent. La contestation ne prendra pas la même forme nécessairement.
20:14Mais là, il y a eu plus que contestation.
20:17C'est vrai que la contestation a existé par le passé avec George Bush, Al Gore.
20:21Même la première élection de Donald Trump.
20:23On peut même rappeler que la première élection, les démocrates ont accusé
20:27les russes d'être derrière tout ça.
20:29Mais il a quand même refusé, il a été jusqu'à mettre la pression
20:33sur un certain nombre d'élus. Il était quand même beaucoup plus loin.
20:36Et personne ne va relativiser la gravité des gestes.
20:38Donc ça nous conduit à la deuxième question, c'est-à-dire pourquoi...
20:41Parce qu'en 2005, en 2020, on était en droit de croire que Trump était fini.
20:45Tout simplement. Or, il s'est élu. Pourquoi ?
20:48Parce qu'il y a une part suffisante des Américains qui a une défiance profonde,
20:52je dirais insurmontable, envers ce qui est devenu le système politique américain.
20:57Au-delà du système politique, du système d'élite aux États-Unis.
21:01Ce qui fait en sorte que cette masse-là s'est reconnue dans le récit,
21:05par ailleurs faux, de l'élection volée, et a soutenu Trump,
21:09qui par ailleurs avait exercé, par sa personnalité, une emprise,
21:12de ce coup-là, véritablement autoritaire, sur le parti républicain.
21:15Donc qu'est-ce qu'on a vu ? On a vu des gens qui n'acceptent plus...
21:18En fait, ils vivent dans des mondes parallèles.
21:19Je pense qu'il ne faut pas sous-estimer à quel point les États-Unis, aujourd'hui,
21:22sont une société irréconciliable.
21:24Je suis de ceux qui pensent qu'à l'horizon du présent siècle,
21:28les États-Unis vont connaître, sans la violence d'hier, une forme de garde à sécession.
21:32J'entends par là qu'il n'y a plus de pays communs.
21:34Donc qu'est-ce qu'on a ? On a différents pays qui existent dans celui-là.
21:38Entre la Californie et la Floride, il n'y a plus aucun lien commun.
21:42Faites la liste des différents États.
21:44Donc qu'est-ce qu'on va voir ?
21:45Je crois que c'est une forme de reconfédéralisation des États-Unis,
21:48où la vie politique substantielle va se déplacer de Washington vers les États,
21:52où Washington va conserver sa vocation impériale, d'une certaine manière,
21:56mais où les Américains vont se replier sur leurs États
21:59parce qu'ils ne sont plus capables de vivre ensemble.
22:01Y aura-t-il une nouvelle guerre de sécession aux États-Unis ?
22:04C'est une très bonne question qu'on se posera,
22:07ou qu'on posera également à Yasha Monk,
22:09après une courte pause sur Sud Radio.
22:11On se retrouve pour parler élections américaines
22:13dans quelques minutes sur Sud Radio.
22:15En toute vérité avec Yasha Monk et Mathieu Bocoté.
22:17À tout de suite.
22:18En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio.
22:21Alexandre Desvecquiaux.
22:22Nous sommes de retour sur Sud Radio.
22:24En toute vérité avec Yasha Monk,
22:27auteur du « Piège de l'identité » aux éditions de l'Observatoire.
22:31C'est un universitaire américain,
22:33fin observatoire de la vie politique américaine.
22:35Et Mathieu Bocoté, que tout le monde connaît en France,
22:39éditorialiste au Figaro, figure de la chaîne CNews,
22:44auteur de plusieurs livres.
22:47Le dernier, « Le totalitarisme sans le goulag »,
22:49c'est aux presses de la Cité.
22:51Donc on parle ce matin des élections américaines.
22:54Avant la pause, Mathieu Bocoté expliquait
22:56qu'il y aurait probablement une forme de nouvelle sécession aux États-Unis
23:01dans le siècle à venir.
23:03Est-ce que vous partagez ce point de vue, Yasha Monk ?
23:07Est-ce que finalement, cette élection extrêmement serrée
23:11reflète surtout une société hyper polarisée
23:15avec la naissance de deux Amériques, en quelque sorte,
23:19ou la confirmation de deux Amériques peut-être irréconciliables ?
23:23Oui et non.
23:25Certainement, la société américaine est très divisée.
23:29Il y a un certain électorat qui est passionné de Donald Trump.
23:33Il y a un certain électorat qui est passionné des démocrates.
23:36Mais les faits sont un peu plus compliqués que ça.
23:39Premièrement, il y a beaucoup d'Américains
23:41qui sont modérés dans leurs opinions politiques.
23:45C'est une des raisons pourquoi il y a beaucoup d'Américains
23:47dans cette élection qui n'aiment ni les démocrates ni les républicains,
23:51qui peut-être sachent pour qui ils vont voter,
23:55mais ils vont le faire sans enthousiasme,
23:57ou qui peut-être sont vraiment vexés
23:59parce qu'ils ne savent pas lequel mal préférer.
24:03Deuxièmement, c'est important de comprendre
24:05que la comparaison qu'on fait parfois aux États-Unis,
24:08entre les États-Unis et des pays comme le Bosnie,
24:11par exemple, ou le Liban ou le Kenya,
24:15est complètement erronée.
24:16Alors, il y a l'idée que l'Amérique a vraiment deux tribes
24:19qui sont tellement divisées que rien ne change
24:22et que presque tout le monde appartient à l'un de ces groupes.
24:25Mais si on regarde ces sociétés profondément divisées,
24:29ils ont des groupes où si je sais pour qui a voté votre grand-père,
24:33je sais pour qui va voter votre père,
24:35je sais pour qui vous votez,
24:37je sais pour qui vont voter vos enfants.
24:40En fait, en Amérique, on est en train de regarder
24:43un changement politique très vite,
24:45où en 2016, savoir l'ethnicité d'un voteur
24:49modélisait beaucoup sur qui il allait voter.
24:51En 2024, ça veut dire beaucoup de moins
24:54parce qu'en fait, les démocrates ont des scores beaucoup mieux
24:58parmi les voteurs blancs
25:00et les républicains ont des scores beaucoup mieux
25:02parmi, par exemple, les Latinos et les Africains-Américains,
25:06les minorités.
25:08Et donc, c'est bien possible que,
25:10comme dans d'autres ères de la politique américaine,
25:13en 2028, en 2032, on aura une grande majorité
25:17pour un candidat soit républicain, soit démocrate,
25:20qui sache encadrer les opinions de la grande majorité
25:23des Américains.
25:25Deuxièmement, je ne crois pas à une sécession régionale
25:29parce que l'Amérique est extrêmement divisée
25:32d'une manière géographique plus compliquée.
25:34En Europe, on pense parfois que le Texas est tout conservateur
25:38et New York est tout libéral.
25:40Mais en fait, la ville de New York est assez à gauche,
25:44mais c'est aussi vrai d'Austin, Texas,
25:47et de plus en plus de Houston, Texas,
25:49et d'autres grandes villes en Texas.
25:51Par contre, les régions plus rurales du New York
25:56sont extrêmement condamnateurs.
25:58Alors, il n'y aura aucune logique
26:00pour avoir une forme de sécession nationale.
26:03Ce qu'on voit, c'est une guerre civile froide
26:05entre les élites politicisées de l'Amérique.
26:08Je ne peux pas m'imaginer comment ça peut arriver
26:12à une vraie sécession dans le pays.
26:14Si je vous le permets, je ne parle pas d'une sécession
26:17au sens où il y aura un éclatement de plusieurs États souverains,
26:20mais une forme de sécession interne.
26:22Je parle pour ça de reconfédéralisation
26:24avec un renforcement de l'identité politique régionale
26:29au niveau des États plutôt qu'au niveau national.
26:32Ensuite, on me dira qu'il y a beaucoup d'Américains
26:35qui tanguent entre deux options.
26:37Je voudrais rappeler que ce sont généralement,
26:39ou peut-être pas hélas, les minorités résolues
26:41qui font l'histoire.
26:42Or, on est devant des catégories de la population
26:44qui sont plus politisées que jamais
26:47et qui ne se reconnaissent plus dans la définition
26:49de certaines évidences.
26:51Donc, je pense que cet éclatement intérieur
26:53des États-Unis est possible.
26:54Ensuite, il est tout à fait vrai
26:56qu'au Texas ou ailleurs,
26:59la métropole est souvent progressiste
27:01et le reste de l'État est plus conservateur.
27:05Il n'en demeure pas moins qu'il y a des différences significatives
27:07par exemple entre la Californie et ce qu'elle est devenue
27:09et la Floride et ce qu'elle est devenue.
27:11Justement, il y a Chamounk qui a parlé du Kenya
27:15ou du Liban qui sont effectivement des exemples extrêmes.
27:18Mais ce que vous me décrivez, moi, me fait penser
27:21à la France d'une certaine manière
27:23avec des grandes métropoles qui votent à gauche
27:25voire aujourd'hui à l'extrême gauche
27:27et une France dite périphérique
27:29qui est plus proche du rassemblement national
27:32avec un phénomène d'archipélisation
27:34comme l'a décrit Jérôme Fourquet.
27:36Finalement, on présente souvent les États-Unis
27:38comme un pays extraterrestre.
27:40Est-ce que ce n'est pas exactement le même phénomène
27:42qu'en France ou dans d'autres pays occidentaux ?
27:44Il y a une différence, je crois, c'est que
27:46les États-Unis, c'est une fédération.
27:48Donc, elle est constituée politiquement
27:50pour accentuer ces différences.
27:52La France, il y a une tradition girondine, certes,
27:54mais fondamentalement, la France culmine
27:57vers Paris encore aujourd'hui
27:59et le pouvoir régional n'est qu'un tremplin
28:02vers le pouvoir national.
28:03Alors qu'aux États-Unis, quoi qu'on en dise,
28:05le système fédéral, malgré le New Deal,
28:08malgré Johnson, malgré le XXe siècle,
28:11demeure quand même, structure un espace politique
28:14où les identités régionales fortes peuvent se constituer
28:16et servir de vraie base de repli
28:19pour avoir des projets politiques presque irréconciliables.
28:23Je mets le contraste entre la Californie.
28:25Ça a changé, la Californie, en 50 ans.
28:27C'était quand même l'État de Reagan
28:29et c'est devenu aujourd'hui le Wauquistan américain
28:31et la Floride, de l'autre côté,
28:33qui, au moment de l'élection...
28:35Qui a changé aussi.
28:36Ben oui, en 2000, il ne faut pas oublier,
28:38il y avait la Floride autour de Bush
28:40et aujourd'hui, c'est considéré comme le château fort
28:42de l'anti-wauquisme américain,
28:44politiquement constitué avec M. De Santis.
28:46Donc, il faut voir à quel point
28:48la constitution fédérale américaine
28:50permet une accentuation de ces contrats,
28:52cette archivalisation.
28:53C'est vrai, mais en même temps,
28:54je vous l'avais dit,
28:55avec une tectonique des plaques,
28:56avec une Californie qui a changé politiquement en 50 ans...
28:59Et démographiquement.
29:00Et démographiquement.
29:01Et la même chose à l'inverse.
29:03En Floride, il y a Chaboum,
29:04que vous disiez tout à l'heure,
29:07il y avait un phénomène intéressant,
29:09c'est que les Américains blancs
29:11votaient plus démocrate, d'une certaine manière,
29:13et que les minorités, désormais,
29:15même si les minorités continuent à voter majoritairement démocrate,
29:18votent un peu plus républicain.
29:21Est-ce que ça dit aussi des choses de la gauche ?
29:24Il y a un aspect dont on a peu parlé sur le Trumpisme,
29:27c'est la question sociale
29:29et de l'Amérique populaire,
29:31où parfois, Donald Trump se revendique
29:33comme le candidat de cette Amérique-là.
29:35Est-ce qu'il y a aussi un sentiment d'abandon, je dirais,
29:40des classes populaires par la gauche,
29:42qui expliquent leur reprise sur le parti républicain,
29:45voire aussi un sentiment d'une partie des minorités,
29:49visible, d'être traitées avec condescendance par les démocrates,
29:53et que même ces minorités ne se révoltent finalement
29:56contre une politique des identités ?
29:59Oui, absolument.
30:00Alors, en 2012,
30:01après que Barack Obama avait gagné son deuxième mandat
30:05contre Mitt Romney,
30:07il y avait un fameux rapport de Reince Priebus,
30:12le chef des Républicains à l'époque,
30:15qui disait qu'en fait,
30:16pour que le Républicain sache gagner des élections nationales,
30:20il devait trouver une manière de convaincre des minorités,
30:26d'avoir plus de soutien parmi les minorités.
30:29Et à l'époque, on pensait que la manière de faire ça,
30:32c'était de modérer les positions du parti républicain,
30:36d'aller vers le centre politique comme il était vu à l'époque.
30:40Et quand Donald Trump a gagné la nomination présidentielle en 2016,
30:45ça a été vu comme un rejet de cette stratégie,
30:49comme manière de dire,
30:50non, en fait, on va juste pointer sur les voteurs blancs,
30:53on s'en fout de ces voteurs issus des minorités ethniques,
30:58et c'était pour cette raison que tout le monde était convaincu
31:00que Donald Trump ne pourrait pas gagner.
31:02Il y avait des articles fameux sur des grands publications américaines
31:07qui disaient de manière purement arithmétique,
31:09Trump ne peut pas gagner à cause des minorités ethniques.
31:12Et ce qui est arrivé, en fait,
31:14c'est que le style populiste de Trump
31:18a eu beaucoup plus de soutien parmi les groupes minoritaires
31:22qu'on ne le pensait.
31:23Et alors donc c'est Donald Trump,
31:25qui était vu comme la personne qui rejetait la stratégie
31:29de faire avancer le parti républicain
31:31parmi les groupes minoritaires,
31:33qui a eu beaucoup de succès en transformant
31:37la situation américaine de cette manière.
31:41Et alors, d'une certaine manière,
31:43pendant les dernières dizaines d'années,
31:46l'Amérique s'est dépolarisée sur le point de vue ethnique,
31:51au moins quand on regarde le vote des partis.
31:54Et là, c'est en partie l'appel populiste de Trump qui joue.
32:01D'une certaine manière, il a des certaines similarités,
32:05par exemple, à des populistes latino-américains.
32:08Il y a donc une certaine familiarité aux votes latinaux.
32:13Sur beaucoup de questions sociales et culturelles,
32:16ces groupes sont en tout cas plutôt conservateurs.
32:19Et même sur l'immigration,
32:21ils sont beaucoup plus ouverts au point de vue de Trump
32:25que ceux que réalisent beaucoup de groupes activistes
32:28ou même des politiciens démocrates.
32:30Maintenant, par exemple, il y a une majorité parmi les latinaux
32:34qui veulent des départations de masse
32:37contre des immigrés illégaux, évidemment, sans papiers,
32:40pas ceux qui sont là de manière légitime.
32:44Merci Yashamounk, merci Mathieu Bocoté.
32:46On se retrouve dans quelques minutes
32:48pour la dernière partie de cette émission.
32:51On vous demandera notamment vos pronostics
32:53à une semaine du vote des Américains.
32:55A tout de suite sur Sud Radio, en toute vérité.
32:57En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Desvecques.
33:01Nous sommes de retour en toute vérité sur Sud Radio
33:04pour parler des élections américaines.
33:06Nous sommes à une semaine du vote et le suspens est entier.
33:10Pour en parler, nous recevons ce matin,
33:13pour ceux qui nous rejoignent, Mathieu Bocoté,
33:16essayiste universitaire québécois,
33:19auteur du totalitarisme sur le goulag aux preuves de la cité.
33:22Yashamounk, universitaire américain,
33:26auteur du piège de l'identité aux éditions de l'Observatoire.
33:31Yashamounk, on a beaucoup parlé de Donald Trump dans cette émission,
33:36essayez de définir ce qu'était le trumpisme,
33:38un peu moins de Kamala Harris.
33:41Kamala Harris, Trump, traite Donald Trump de fascisme
33:44et Donald Trump la traite de communiste.
33:46Est-ce que c'est une communiste, la candidate démocrate ?
33:49Et si ce n'est pas le cas, comment la définir ?
33:52Est-ce que c'est une social-démocrate ?
33:54Est-ce que c'est une wokiste radicale ?
33:56Est-ce que c'est la nouvelle Hillary Clinton, tout simplement ?
34:01En politique, des politiciens vraiment doués
34:04sachent imposer leur vision sur un pays, sur une société.
34:09Deux politiciens plutôt doués sachent réfléchir aujourd'hui
34:14à ce que va être la majorité, le moment politique dans deux semaines.
34:20Et avec Kamala Harris, on a l'impression qu'elle est toujours là
34:25où le mainstream américain, plutôt sur gauche,
34:29était il y a une semaine ou il y a un mois.
34:32Elle a un temps de retard.
34:35Quand elle était politicienne en Californie,
34:39elle était plutôt centriste.
34:41Elle disait qu'elle était très dure avec le crime,
34:45avec les criminels, quand elle était attorney general,
34:48l'avocat le plus important de Californie.
34:52Quand elle se candidatait en 2019, en 2020,
34:56pour l'investiture démocrate,
34:58c'était un moment très dominé par Twitter.
35:01Twitter, à l'époque, était très de gauche,
35:04très dominée par des propos wokistes.
35:07Elle a répété beaucoup de ces slogans.
35:10Elle s'est montrée vraiment comme une wokiste,
35:13une gauchiste convaincue.
35:15Aujourd'hui, c'est devenu clair que ces idées
35:18sont heureusement impopulaires dans le milieu de la société,
35:22dans la majorité de la société.
35:24Elle mène une campagne dans laquelle elle n'a pas eu le courage
35:28ou la vision de se séparer de manière très claire
35:32de ses propos, mais où elle ne les répète pas.
35:36Elle semble avoir des propos plutôt modérés,
35:40pas tellement différents de Joe Biden.
35:43Ce qui me frappe avec Kamala Harris,
35:46on l'entend beaucoup parmi les gens qui ont travaillé pour elle,
35:50qui la connaissent depuis des décennies,
35:53qui ont un vrai accès à elle,
35:55c'est qu'elle n'a pas un profil politique très décisé.
35:59Et ça a une différence avec Hillary Clinton, par exemple,
36:03qui n'est peut-être pas une candidate très douée,
36:06pour de variées raisons, mais qui avait certainement,
36:09elle, une vision de la politique où tout le monde savait
36:12plus ou moins ce qu'elle allait faire à la présidence.
36:15Je crois que si Kamala Harris devient présidente,
36:18ça va beaucoup dépendre de l'opinion publique,
36:21des derniers sondages, du moment politique.
36:24Dans ce sens-là, je ne crois pas qu'elle va mener
36:27une politique particulièrement radicale,
36:30mais elle ne va aussi pas avoir le courage
36:33de se séparer des positions plutôt extrêmes
36:36sur certains sujets culturels qui sont maintenant devenus
36:39le mainstream du Parti démocrate.
36:41Mathieu, d'un autre côté, il y a Chamoun que nous explique
36:44finalement que Kamala Harris n'a pas beaucoup
36:47de colonne vertébrale politique.
36:49Elle est peut-être aussi le reflet de ce qui est parti
36:52du Parti démocrate aujourd'hui, coincé entre une aile gauche
36:55très radicale et une aile centriste, assez libérale
36:59sur le plan économique, qui n'a plus vraiment
37:02de vision de gauche non plus, ni de vision
37:05sur la question du travail.
37:07Est-ce qu'on peut dire ça ? Je vous vois
37:09dodginer de la tête.
37:10Je dirais, alors j'utiliserai le concept,
37:12il y a un côté d'extrême-centre chez Kamala Harris,
37:15mais d'extrême-centre avec tous les éléments que ça compose.
37:17Donc une gauche culturelle très affirmée,
37:20la gauche woke, et de l'autre côté,
37:23une appartenance aux élites et la certitude
37:26d'avoir un droit fondamental à gouverner.
37:28Donc elle l'est, je dirais, c'est pas pour rien
37:31que le système l'a porté au moment
37:34de la démission du retrait de Joe Biden.
37:37Il faut voir, Kamala Harris était considérée
37:39par plusieurs, sinon par la grande majorité,
37:42comme une des plus mauvaises vice-présidentes
37:44de l'histoire des États-Unis depuis au moins
37:47plusieurs décennies.
37:49Et là, elle est propulsée au premier rang,
37:51et la puissance du système médiatique
37:53qui la traite, c'est un produit du système
37:55de ce point de vue, la traite comme la plus belle
37:57invention qu'on pouvait imaginer depuis,
38:00je sais pas trop ce qu'on dirait,
38:01je crois depuis le pain tranché.
38:02Donc là, c'est une fin.
38:04On la présente comme une candidate,
38:05et là, on la présente comme une super-héroïne
38:07de Marvel, on la présente comme une candidature
38:09d'exception, on la présente comme une femme
38:11absolument remarquable, et le récit médiatique
38:13tient pendant un temps.
38:15Et le récit médiatique finit par se dégonfler.
38:17C'est un peu la sidération aussi du renoncement
38:19de Joe Biden.
38:20Renoncement, renoncement.
38:21Ce qu'on a présenté pudiquement comme un renoncement,
38:23je crois.
38:24Du fait qu'il a été débranché, en tout cas,
38:26de ce rebondissement-là,
38:27il y a un effet de sidération.
38:28Oui, il y a un effet de sidération,
38:29mais je pense que, idéologiquement,
38:31pour la situer, elle représente, oui,
38:33cet extrême centre.
38:34C'est l'esprit woke plus l'appartenance
38:36à la classe bourgeoise.
38:37Et de ce point de vue, elle incarne bien
38:39les élites américaines.
38:41Et j'insiste sur le fait,
38:42il y a une rupture entre elle et Joe Biden.
38:44Ce qu'on a présenté, c'était le dernier écho
38:47du Parti démocrate version Kennedy.
38:49C'est-à-dire qu'il prétend parler aux classes moyennes,
38:52qu'il se veut centriste.
38:53C'est Average Joe.
38:54C'est Joe le normal.
38:56Avec elle, on est devant ce Parti démocrate nouveau,
38:59cette nouvelle synthèse du Parti démocrate
39:02qui, justement, s'alimente idéologiquement
39:05dans la gauche radicale,
39:06mais prétend avoir des techniques de gouvernement
39:08qui ne sont pas celles de la gauche radicale.
39:10Pour le reste, j'y reviens,
39:11je l'ai dit en début d'émission,
39:12mais ça me semble important.
39:13La remise en question de la liberté d'expression
39:15aux États-Unis,
39:16d'assimiler aujourd'hui une valeur de droite
39:18et qu'on assimile,
39:19on dit que la liberté d'expression
39:20ne devrait pas être celle de désinformer
39:22ou mésinformer ou de tenir des propos haineux,
39:24pour moi, c'est une tendance très claire
39:25liée à la gauche autoritaire,
39:26normalisée par l'extrême-centre.
39:28On le voit partout dans le monde occidental.
39:30Et ça, je crois que c'est davantage
39:31au cœur de son programme qu'on ne le dit.
39:33Donc, en fait, c'est pas Hillary Clinton,
39:35c'est Emmanuel Macron.
39:36Non, non.
39:37Si je peux bien, oui.
39:38C'était une boutade,
39:39mais le côté extrême-centre.
39:41Mais cela dit,
39:42elle hérite d'Hillary Clinton
39:43qui était l'incarnation aussi
39:44de cette tendance dans le parti démocrate.
39:45Hillary Clinton,
39:46qui était beaucoup plus à gauche que son mari
39:47dans la vie politique,
39:50dans la vie du parti démocrate.
39:54Il nous reste trois minutes.
39:56Je voudrais avoir vos pronostics,
39:58mais avant, peut-être une dernière question
39:59très rapidement.
40:01Cette élection avec Donald Trump,
40:04qui est un conjoint au NON,
40:05a réussi à redevenir candidat
40:07après avoir perdu,
40:08ce qui est extrêmement rare,
40:09voire inédit aux Etats-Unis.
40:12C'est aussi effectivement
40:13la résilience d'un mouvement populiste.
40:16Est-ce que ce mouvement populiste,
40:18il est uniquement américain
40:19ou est-ce que c'est le nouveau clivage
40:20du XXIe siècle en Occident ?
40:22Et c'est finalement comparable
40:23à ce qu'on observe dans d'autres pays.
40:25On a parlé tout à l'heure de Mélanie.
40:27On pourrait parler de Marine Le Pen en France,
40:30par exemple.
40:31Est-ce que la comparaison vous paraît juste,
40:34Mathieu Bocoté,
40:35puis Yachamon,
40:36qui ensuite vous nous donnerez
40:37vos pronostics pour cette élection ?
40:38Je pense qu'ils participent
40:39à la même tendance de fond,
40:41mais la spécificité américaine,
40:43enfin le propre du populisme,
40:44c'est de s'ancrer dans les caractéristiques
40:45d'un peuple à bien des égards.
40:46Or, la culture politique américaine
40:48est tout à fait singulière.
40:49Mais oui, je crois que c'est une tendance lourde
40:51avec un pôle plus conservateur,
40:52un pôle plus populiste,
40:53mais c'est un mouvement de contestation
40:55de la gouvernance globale,
40:57de l'immigration massive,
40:58de l'État thérapeutique,
40:59du multiculturalisme, du wokeisme et tout ça.
41:01Ensuite, selon les pays,
41:02il y a tendance à être plus populiste.
41:04En gros, on le voit un peu avec le RN en France,
41:07et aux États-Unis,
41:08évidemment, vu l'histoire du pays,
41:10avec une dimension plus libérale économiquement.
41:12Yesamoun, sur la tendance globale,
41:17vous avez écrit un livre également
41:18sur les populismes.
41:19Donc, est-ce que vous diriez
41:21que c'est un mouvement occidental ?
41:23Oui, absolument.
41:25Je crois qu'il y a ces similarités
41:26entre Donald Trump et des figures
41:28comme Viktor Orban en Hongrie,
41:30Narendra Modi en Inde,
41:32ou même des populistes de gauche
41:34comme Hugo Chavez en Venezuela.
41:39Il faut préciser qu'il y a aussi
41:42une similarité socio-économique.
41:44Ce qui est intéressant,
41:45c'est qu'aujourd'hui,
41:46la gauche est beaucoup de fois
41:48plus votée parmi les diplômés
41:51et parmi les gens plutôt aisés,
41:55qui ont des salaires plutôt hauts,
41:59que parmi le prolétariat.
42:01Ce qu'on voit en France,
42:03en beaucoup de pays d'Europe,
42:04mais aussi maintenant
42:05de plus en plus aux États-Unis,
42:07c'est cette tendance
42:08de la classe prolétaire populaire
42:11de décomper des partis traditionnels
42:15de la gauche
42:16à ces mouvements populistes de droite.
42:19Merci à vous deux.
42:21Pour finir votre pronostic,
42:24on est à un peu plus
42:25d'une semaine du vote.
42:27Vous direz,
42:28qui sera le vainqueur selon vous,
42:31Yasha Monk ?
42:33Je crois que personne ne sait.
42:35Tout le monde qui prétend savoir
42:36qu'il va gagner…
42:37Mais vous pouvez avoir une intuition.
42:39Trump ou Kamala ?
42:41Je n'ai aucune intuition à ce moment-là.
42:44Mathieu va au côté,
42:45est-ce que vous prenez votre risque ?
42:46Je crois que les sondages
42:47tirent à la hausse en ce moment
42:48Donald Trump un peu.
42:49Pourquoi ?
42:50Parce qu'ils l'ont à ce point
42:51sous-évalué en 2016 et en 2020,
42:54qu'ils ne veulent pas
42:55se donner l'impression aujourd'hui
42:56d'avoir sous-évalué encore une fois.
42:57Donc ils le corrigent à la hausse
42:59peut-être exagérément
43:00à tout le moins,
43:01c'est mon impression
43:02pour ce que je comprends
43:03de la construction des sondages aujourd'hui.
43:04Donc Mathieu Bocoté prédit Kamala.
43:07Je ne prédis rien.
43:09J'ajoute cet élément.
43:11On verra dans une semaine et demie.
43:14On reprendra votre pronostic Mathieu Bocoté.
43:18Merci à tous.
43:20La question des États-Unis est passionnante.
43:22Elle donnera sans doute lieu
43:23à d'autres émissions.
43:24Dans tous les cas,
43:25on se retrouve la semaine prochaine
43:26pour un nouveau numéro
43:27dans Toute Vérité sur Sud Radio.