Dans le Débat Éco cette semaine, avec Dominique Seux et Thomas Porcher : "Immigration : l’impact économique du projet du RN".
Retrouvez tous les débats économiques de Dominique Seux et Thomas Porcher sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-economique
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00:00Débat écho avec, comme d'habitude, Thomas Porcher, économiste atterré, Dominique Seux,
00:04éditorialiste à France Inter et aux Echos, bonjour à tous les deux !
00:07Bonjour Marie-Aure, bonjour à tous !
00:09Alors elle figure très haut dans les motivations de vote des électeurs français à l'élection
00:13européenne.
00:14En tête même pour les électeurs du RN, c'est l'immigration, devancée par le pouvoir
00:17d'achat dans les préoccupations des citoyens.
00:19Et c'est un thème dont l'importance n'a fait que croître ces dernières années.
00:23Elle reste fondamentale dans cette campagne législative express et à 48h du scrutin
00:29qui va nous permettre à tous de désigner les députés, l'immigration qui est aussi
00:32une question économique, on en parle avec vous ce matin, avec nos débatteurs Echos,
00:37on le voit, les études le montrent, le poids de la question migratoire dans le choix électoral
00:41il est en hausse.
00:42Et pourtant, même le RN, dont ce thème fait partie de l'ADN, n'en parle que très peu.
00:48Comment vous le comprenez, Dominique Seux ?
00:50Alors, la campagne depuis trois semaines a surtout parlé des questions économiques.
00:55La retraite…
00:56Hier soir, l'immigration est arrivée très en tête du débat sur France 2 et notamment
01:01dans la bouche, évidemment, de Jordan Bardella.
01:02Un peu tardivement.
01:03En fait, un peu tardivement, effectivement, et vous avez raison, ça n'a pas été le
01:06sujet dominant.
01:07Pourquoi ? Parce que le RN n'a pas vraiment besoin d'en parler, tout le monde sait que
01:11c'est son sujet majeur et donc il ne crée pas des polémiques là-dessus.
01:15À l'inverse, la gauche pourrait en parler, mais elle sait que l'opinion n'est pas majoritairement
01:21sur sa ligne à elle, sur cette question d'immigration, toutes les enquêtes d'opinion.
01:25Le centre, lui, Gabriel Attal, il est un peu embarrassé parce qu'il y a les exécutions,
01:30par exemple, des EQTF, ne fonctionnent pas vraiment.
01:34Donc, d'une manière générale, il y a une sorte d'intérêt collectif à ne pas en
01:36parler tellement, et je dois dire que les médias, en dehors des médias du groupe Bolloré,
01:42sont très prudents.
01:43Je vous donne un exemple, je vous donne quand même un exemple.
01:45Dominique Seux, EQTF, obligation de quitter le territoire français, on le rappelle.
01:48Oui, absolument, on peut exécuter, donc il y a une sorte d'intérêt collectif à ne
01:51pas tellement en parler.
01:52Ça pose évidemment un problème.
01:53Par exemple, Jordan Bardella, hier soir, a redit au moins deux fois, je crois, il y a
01:59500 000 immigrés en France chaque année en plus, en plus était sous-entendu.
02:05En fait, c'est faux, c'est factuellement faux, c'est-à-dire que vous avez 500 000
02:09entrés, en fait un peu moins, mais si vous comptez les départs des étudiants, il y
02:14en a évidemment chaque année, les personnes qui ont fini de travailler, les décès, on
02:18tourne plutôt le solde entre 100 000 et 200 000.
02:22Ça n'est pas une paille, cette différence.
02:25Et donc, si on n'est pas rentré, et c'est un peu un regret qu'on peut avoir, c'est
02:28qu'on soit assez peu entré dans les détails sur cette question de l'immigration entre
02:33500 000 et 200 000, ou même 200 000, c'est évidemment pas la même chose.
02:36Ce que je veux dire, et je finis là-dessus, c'est qu'on doit pouvoir à la fois donner
02:40ces éléments factuels et en même temps, on doit pouvoir dire qu'il est tout à fait
02:45normal qu'un pays, un peuple, les français, aient le droit de décider qui vient, qui
02:49ne vient pas.
02:50Quelles sont les conditions ? On peut débattre de ces critères, ça n'est pas l'ouverture
02:55totale ou la fermeture totale, mais il est normal qu'un peuple s'exprime.
03:01Les critères peuvent être altruistes, ils peuvent être sévères, ils peuvent être
03:06utilitaristes, mais il est normal d'en discuter.
03:09Thomas Porcher, l'immigration c'est l'éléphant dans la pièce ?
03:11Déjà, sur le chiffre qu'a donné Dominique et que je partage, il faut rappeler qu'il
03:16y a quand même un tiers d'étudiants.
03:18Quand on parle de l'immigration globale, il y a un tiers d'européens.
03:21Les chiffres, les gens les perçoivent mal parce qu'en fait, ils confondent l'immigration
03:28avec les français d'origine étrangère.
03:29Moi, je me souviens d'un sondage qui m'avait marqué il y a une dizaine d'années.
03:32Les français évaluaient l'immigration à 23%, 24%, c'est-à-dire trois fois plus élevée
03:37que ce qu'elle est réellement.
03:38Il y a cette confusion qui est entretenue constamment par l'ERN.
03:42Alors, pourquoi l'ERN n'a pas parlé de l'immigration ?
03:45Moi, je pense que sur cette question-là, ils ont un passé et ils ont un passif aussi.
03:47Et dans cette volonté de s'affranchir de ce passé qu'est l'ERN, il y a une volonté
03:54de toujours dire maintenant, écoutez, on n'est pas xénophobe.
03:57C'est juste qu'en réalité, on n'a plus les moyens d'accueillir la misère du monde.
04:01Mais si on va au fond de leur programme, qui est un programme xénophobe, notamment de
04:07tri sur les prestations sociales, de priorité nationale sur les prestations et également
04:11sur l'emploi, on se rend compte que ça ne dégagerait pas du tout de marge.
04:15Parce que quand on regarde les deux grosses études qui ont été faites sur l'immigration,
04:18on est quasiment soit sur du neutre, soit sur du positif en impact budgétaire.
04:22Donc le fait de récupérer des marges budgétaires en triant les étrangers sur les prestations
04:27sociales, ça ne rapportera rien du tout.
04:29Et donc là-dessus, il y a une forme d'impasse.
04:31Si on allait sur ce programme-là, on se rendrait compte que la raison n'est pas économique,
04:34mais bien xénophobe.
04:35Dominique Seux, ça s'est chiffré aujourd'hui dans votre journal, les économies promises
04:40par l'ERN grâce à ces restrictions, notamment sur les prestations sociales.
04:44Oui, alors l'Asie du Montaigne a évalué un certain nombre de mesures proposées par
04:47le Rassemblement national et effectivement, elles sont plutôt surestimées par l'ERN,
04:52que ce soit le fait de réserver les prestations sociales aux Français ou le droit du sol.
04:58Bon, ces évaluations en milliards d'euros, en fait, intéressent, mais elles ne constituent
05:04pas le cœur du débat politique.
05:07Vous utilisez le mot xénophobe.
05:08On publie aussi dans les Échos ce matin une interview de Jean-Louis Bourlange, qui
05:11est l'ancien président de la Commission des affaires étrangères, qui dit que l'immigration
05:14est un problème trop sérieux pour être confié au xénophobe.
05:17Et Dominique Seux, ils en disent quoi les chefs d'entreprise de ce programme ?
05:21Depuis trois semaines, les chefs d'entreprise sont clairement favorables, eux, à l'ouverture
05:27des frontières, que ce soit pour les marchandises, pour les capitaux, pour les personnes, parce
05:30que la France est un pays qui a besoin de main d'œuvre pour des raisons démographiques,
05:36qui a besoin de talent, qui a besoin d'immigration.
05:39Ça ne veut pas dire qu'elle soit totalement dérégulée, non contrôlée.
05:44Il y a des grandes questions sur est-ce que c'est une immigration qualifiée, moins qualifiée.
05:49Un actif sur dix en France est étranger.
05:53En région parisienne, en Ile-de-France, pardon, c'est 22%.
05:57Dans certains métiers, la cuisine, c'est 60%, dans le bâtiment, c'est quelque chose
06:02comme ça.
06:03Donc les milieux d'économie…
06:04Mais c'est le mouvement populaire qui a été hué par les chefs d'entreprise quand
06:06il a fait son grand oral, c'est pas ?
06:07Alors ce n'était pas du tout sur ce sujet-là.
06:09Non.
06:10Ce n'était pas du tout sur ce sujet-là.
06:11Je ne sais plus honnêtement sur quel sujet.
06:12À mon avis, ça devait être sur la fiscalité des entreprises, j'imagine.
06:15Mais je ne me souviens plus.
06:16Ce que je veux dire, c'est que vous avez des milieux d'entreprise qui ont beaucoup
06:19réagi ces dernières semaines en disant, les start-up par exemple, elles ont dit « mais
06:22attendez, nous on vit à 90% de personnes internationales ». Donc les milieux économiques
06:28sont très inquiets de cette fermeture.
06:30D'ailleurs, ils disent tout simplement « ça ne fonctionne pas, c'est absurde ». Il
06:34faut quand même rentrer sur le fond des propositions.
06:38L'ERN dit « il faut un solde annuel de 10 000 immigrés ». On a dit qu'on était…
06:44Alors selon l'ERN, c'est 100 000, dans la réalité des chiffres, 100, 200 000, on
06:48peut discuter à l'infinité.
06:49Mais donc c'est divisé par 50 où il faut que je fasse le calcul.
06:55Et donc un solde de 10 000 n'a absolument aucun sens.
07:00Et il y a beaucoup de choses qui n'ont pas de sens en réalité.
07:03L'immigration, c'est un fait.
07:08C'est-à-dire que là, il y a eu une trentaine de réformes qui ont été faites, de lois
07:13proposées sur l'immigration depuis les années 70, ça n'a rien changé.
07:16C'est un fait.
07:17Ça dépend des désordres du monde.
07:18Ça dépend aussi de l'activité économique.
07:22Ça ne dépend pas, comme le fait croire l'ERN, du modèle social, puisque vous avez
07:27les Etats-Unis qui sont un modèle plutôt libéral qui attire énormément l'immigration,
07:30le Royaume-Uni, ça n'a absolument rien à voir avec le modèle social.
07:32Et toutes ces théories des pompes aspirantes qui ont été reprises parfois par la majorité
07:36présidentielle au moment de la loi immigration sont parfaitement fausses.
07:39Je vais vous donner deux exemples.
07:40Le RSA, aujourd'hui, il faut 5 ans pour le toucher quand vous êtes un étranger.
07:46Avant, il fallait 3 ans.
07:47On est passé de 3 à 5 ans avec cette idée que si on mettait des barrières au fait de
07:51toucher cette prestation sociale, ça allait limiter l'immigration.
07:55Ça n'a pas été le cas.
07:56Le minimum vieillesse, au début, on le touchait au bout d'un an.
07:58Puis après, ça a été 3 ans.
07:59Maintenant, c'est 10 ans.
08:00Avec cette idée qu'on va mettre des barrières, que les gens vont moins venir.
08:03Parce qu'il y a toujours cette idée, en fait, qu'à 5000, 6000 kilomètres, des gens
08:07connaissent le modèle social mieux que certains Français qui sont en France et donc décident
08:11de traverser la Méditerranée, etc. pour profiter du modèle social.
08:14C'est parfaitement faux.
08:15Les flux migratoires se dirigent là où il y a de l'activité économique et ils se
08:17dirigent plus dans des pays libéraux que dans des pays qui ont des modèles sociaux
08:22généreux comme le nôtre.
08:23Thomas, on peut dire ça et en même temps, on ne peut pas dire matin, midi et soir aux
08:28Français qui s'expriment dans les enquêtes, vous n'avez rien compris, ce que vous ressentez
08:33est complètement stupide.
08:34Ça n'est pas la question économique qui est manifestement centrale dans les enquêtes.
08:38D'abord, la proportion d'immigration a augmenté depuis 20 ans.
08:41Elle est passée de 7 à 10% de la population.
08:43Plus 2,5.
08:45Il y a eu la guerre de l'Ukraine, notamment.
08:46Sur 30 ans.
08:47On peut trouver que c'est de 1999 pour être précis, de 7 à 10%.
08:51Donc on n'est pas dans ce grand remplacement qui a été mis en avant.
08:54Mais on voit bien que ce n'est pas la question économique, ce sont des représentations.
08:59Ce n'est pas un hasard que le vote RN soit fort là où l'immigration est faible en
09:04milieu rural, qu'il soit faible là où l'immigration est forte.
09:07Donc on voit bien qu'on est sur d'autres choses.
09:09Il faut qu'ils éteignent la télé.
09:10Il faut qu'ils éteignent la télé.
09:11Qu'ils allument la radio.
09:12Évidemment, les attentats terroristes ont changé la donne.
09:17Évidemment, les interrogations sur la capacité et la réussite ou les échecs collectifs
09:24de l'intégration de la troisième génération, qui est très différente de l'intégration
09:28d'il y a première génération.
09:30Il y a une différence.
09:31La troisième génération, elle est française, donc elle n'a pas à s'intégrer.
09:33Elle est française.
09:34Oui, mais on voit bien.
09:36Entendez aussi ce que disent quand même.
09:39J'entends, mais s'ils disent n'importe quoi, je ne vais pas leur dire qu'ils disent
09:42des choses justes.
09:43C'est-à-dire que la troisième génération est française.
09:45À partir du moment où elle est française, elle n'a pas à s'intégrer.
09:48C'est-à-dire qu'il y a une partie des Français qui sont d'origine étrangère
09:53qui n'en finissent pas d'être immigrés.
09:54Et le Rassemblement national joue avec ça.
09:58Comme je l'ai dit, avec cette perception.
10:00La France va changer.
10:02Elle change de visage.
10:03Elle va changer de couleur de peau.
10:04Elle va se mélanger.
10:05Et ça a l'air de déranger une partie des gens.
10:06Donc ils jouent avec cette différence qu'il y a entre français d'origine étrangère
10:11de deuxième, troisième, quatrième génération et immigration, qui n'a absolument rien à voir.
10:16Mais on voit bien que les services publics ont du mal à réussir ces intégrations.
10:22Et en même temps, on a une démographie en berne.
10:25Mais Dominique Seux, cette image de l'étranger qui va venir nous piquer notre travail et
10:28faire baisser notre salaire, elle est réelle ou pas ?
10:30Non.
10:31Non.
10:32On vous a mis d'accord pour une fois ?
10:34Oui.
10:35On est assez d'accord.
10:36Sur ce sujet, on est quand même plutôt globalement d'accord.
10:38Donc la motivation du vote RN n'est pas sur ce programme d'immigration, elle est que sur
10:44des représentations.
10:45C'est ça que vous dites, Dominique Seux ?
10:46Non, non.
10:47Je ne dis pas que ça.
10:48Je dis qu'il faut entendre aussi ce qu'exprime l'opinion sondage après sondage.
10:52Mais revenons un instant quand même sur le projet du Rassemblement national sur ce sujet-là.
10:56Parce que je trouve vraiment qu'on n'est pas allé creuser suffisamment.
10:59Je vous donne un exemple.
11:01Hier matin, j'évoquais une mesure qui a été proposée par Jordan Bardella devant
11:06les chefs d'entreprise en disant que les chômeurs étrangers doivent partir au bout
11:14de six mois de chômage.
11:15Sinon, plus d'activité.
11:16Ils doivent partir.
11:17Et ça, vous êtes contre ?
11:18Non, je ne suis pas contre.
11:19C'est ignoble.
11:20Vous êtes contre ?
11:21C'est aberrant.
11:22Ça n'a aucun sens.
11:23Mais en fait, c'était une proposition.
11:28Ça a été chiffré par Marine Le Pen en 2022 à un gain de 5 milliards d'euros sur
11:39un quinquennat entier.
11:40Ça veut dire qu'elle pensait que ça concernait, qu'elle voulait que ça concerne tous les
11:45chômeurs étrangers, y compris les gens qui ont une famille, des enfants, etc.
11:49L'équipe de David Pujadas sur LCI a mené l'enquête hier soir.
11:52Ils ont regardé, ils ont appelé le RN qui a changé de position, peut-être dans la
11:57journée, en disant que ça ne concerne pas la totalité des étrangers réguliers qui
12:03seraient éventuellement au chômage pendant six mois, d'ailleurs c'était un an avec
12:06Marine Le Pen en 2022, mais ça concerne uniquement ceux qui sont sous contrat de travail et qui
12:11devraient repartir.
12:12Sur tous les sujets, la binationalité, les retraites, ça a changé incroyablement, carrément
12:17en 24 heures, en 48 heures.
12:19Ces mesures sont xénophobes.
12:20Par exemple, quand on voit l'aide médicale d'Etat, il y a une volonté de la supprimer.
12:24Vous savez, le taux de recours est seulement de 50%.
12:25La plupart des gens ne savent même pas que ça existe.
12:27Même des étrangers qui sont depuis cinq ans en France, il y a 35% qui n'ont pas recours
12:31à cette aide médicale d'Etat.
12:33C'est quoi ? 1 ou 2 milliards ?
12:35C'est rien du tout, c'est un peu plus d'un milliard, 1,2 milliard, c'est 0,4% des dépenses,
12:42c'est rien du tout.
12:43Moi je pense que la France vieillit, le temps des yéyés c'est fini, et qu'il y a des représentations
12:48comme ça dans leur tête qui font qu'ils n'acceptent pas le changement, l'évolution
12:53de la population française.
12:54Sur l'AME, il faut pouvoir dire aussi que c'était un rapport gauche-droite qui avait
13:00été fait là-dessus, qui disait qu'il y avait quand même des abus, et donc il faut
13:02corriger ces abus.
13:03Non, non, non, il y a un problème de santé publique, il y a un problème financier, et
13:08en fait il nécessiterait justement que les gens aient plus recours à cette AME.