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Le débat éco entre Thomas Porcher, membre des Economistes Atterrés et professeur à la Paris School of Business et Dominique Seux, éditorialiste à France Inter et aux Echos porte sur l’avenir de la réforme des retraites.

Retrouvez « Le débat éco » présenté par Dominique Seu et Thomas Porcher sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-economique

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Transcription
00:00Le débat écho avec Thomas Porchet et Dominique Seux, bonjour messieurs, ravis de vous retrouver.
00:06Thomas Porchet, membre des économistes atterrés, professeur à la Paris School of Business
00:11et Dominique Seux, éditorialiste à Inter et aux Échos, figurez-vous.
00:15Alors vous n'avez pas eu grande difficulté pour décider du sujet de votre échange ce matin.
00:21Il est évident, c'est l'avenir de la réforme des retraites.
00:24Patrick en parlait il y a un instant.
00:26François Bayrou a donc réuni en conclave le patronat et les syndicats pour revoir
00:32la réforme des retraites en remettant, éventuellement et s'il le souhaite, absolument tout sur la table
00:38jusqu'à l'âge de 64 ans.
00:41Alors que va-t-il, que peut-il, que doit-il se passer selon vous ?
00:45Première question, pour vous mettre en jambe et parce que c'est une affaire compliquée,
00:49comment résumer en 2-3 phrases ce qui s'est passé cette semaine sur les retraites ?
00:54Thomas Porchet ?
00:55Alors moi ce que j'ai constaté dans le discours de M. Bayrou, c'est quand même une charge très forte
01:00sur le système de retraite par répartition à la française.
01:03Avec une utilisation même assez fallacieuse de chiffres, on en reparlera.
01:09Mais grosso modo, le message qui nous a été envoyé, c'est que le dérapage des déficits
01:14et l'augmentation de la dette depuis 10 ans est à cause du système de retraite.
01:18Donc le principal coupable, c'est le système de retraite et pas autre chose.
01:21Et ça, c'est assez contestable.
01:23Écoutez, moi je me place sur un plan assez différent.
01:27Ce matin, c'est le 2681ème jour depuis que le chantier des retraites a été ouvert en 2017
01:35avec la nomination d'un haut-commissaire Jean-Paul Delvoye à la retraite.
01:39Honnêtement, ça fait bientôt 7 ans, donc on en a un tout petit peu assez, ça c'est sûr.
01:44Mais ça tourne un petit peu en rond.
01:46Ça c'est la première chose.
01:47Ce mardi, deuxième élément, l'INSEE a publié juste avant le discours de politique,
01:52la déclaration de politique générale, une donnée intéressante montrant que
01:55l'espérance de vie continuait d'augmenter et que l'espérance de vie depuis 2010 a augmenté d'un an.
02:01Un an pour les hommes et pour les femmes.
02:042010, ce n'est pas la préhistoire non plus.
02:06Donc évidemment, ça veut dire des pensions, des pensions qu'il faut verser un peu plus longtemps.
02:11Et on se réjouit évidemment que l'espérance de vie continue d'augmenter.
02:14Cette semaine, on a appris que l'âge moyen de départ dans le secteur privé en 2024,
02:21ce sont les échos qui ont donné cette information, a été de 63 ans et demi.
02:27Donc, on a parfois l'impression dans ce pays qu'on débat de choses, qu'on est un tout petit peu hors sol.
02:33Le débat politique par rapport à la réalité de ce qui se passe dans la démographie, l'économie.
02:40Comment approchez-vous ?
02:41Après, il y a d'autres chiffres qu'on peut dire.
02:43Par exemple, vous savez, il y a eu des études de la Darès qui montraient quasiment un salarié sur deux
02:48qui disait qu'il ne pouvait pas faire le même emploi jusqu'à 60 ans.
02:51Donc, il faut faire attention.
02:53Moi, ce qui m'a vraiment dérangé dans ce discours-là, c'est cette espèce d'effet Dracula
02:58qui a été mis en avant avec ces chiffres.
02:59L'effet Dracula ?
03:00Oui, tout à fait.
03:01Qu'est-ce que c'est ?
03:02C'est les chiffres mis en avant par M. Bayrou.
03:04Par exemple, quand il dit que 50% de la dette ces 10 dernières années s'expliquerait par le système de retraite.
03:09On ne peut pas dire des choses comme ça.
03:10C'est complètement faux.
03:11Parce que dans ce cas-là, on peut prendre par exemple les exonérations de cotisations sociales.
03:14C'est 700 milliards sur 10 ans.
03:16Donc, 70% de la dette, c'est les exonérations de cotisations sociales.
03:19Je veux dire, des études sérieuses d'économistes montrent que 60% de l'augmentation de la dette
03:24ces dernières années est due aux grosses crises.
03:26Mais on est encore à discuter des chiffres.
03:28C'est dû à la crise du Covid et à la crise de l'inflation.
03:30C'est ahurissant, 7 ans après.
03:32Oui, mais c'est important parce que les chiffres qui sont utilisés ont pour but de faire peur.
03:36Alors que ce sont des chiffres qui sont parfaitement contestables.
03:38Dominique Seux ?
03:39On ne va pas forcément rentrer dans la technique de ce qui a été dit.
03:43François Bayrou, effectivement, a une lecture du déficit des retraites
03:48qui n'est pas celle qui est usuelle, habituelle,
03:51notamment par les partenaires sociaux et par le conseil d'orientation des retraites.
03:54Je ne suis pas sûr qu'il soit vraiment nécessaire, pour dramatiser la situation,
03:59d'en rajouter et d'avoir une lecture nouvelle.
04:02Les déficits sont suffisamment évidents aux yeux de tout le monde
04:05pour qu'il n'y ait pas besoin d'en rajouter.
04:07Comptablement, on comprend la lecture, et je vais le dire en une phrase,
04:11la lecture de François Bayrou, encore une fois, je trouve qu'elle n'a pas d'intérêt.
04:14Mais comptablement, c'est de dire, au fond,
04:17au-delà des cotisations payées par les fonctionnaires pour assurer leur retraite future,
04:24il y a des subventions des contribuables au régime des fonctionnaires.
04:30Et il faut intégrer ceci.
04:32Je vous donne un seul exemple.
04:33C'est vrai que le taux de remplacement est de 75 % dans la fonction publique.
04:3675 % du dernier salaire pour les retraites dans la fonction publique,
04:41ce n'est pas le cas dans le secteur privé.
04:43Mais on pourrait mélanger, on pourrait rétorquer qu'en réalité,
04:47il n'y a pas la prise en compte des primes.
04:50Je crois qu'on n'en sort pas.
04:51Ce qui est intéressant, et c'est la seule chose qu'il faut revenir,
04:54c'est que la Cour des comptes va trancher et va dire,
04:56ça m'étonnerait qu'elle valide cette lecture,
04:58la Cour des comptes va trancher et nous dire où on en est.
05:01Et c'est une très bonne chose.
05:02On a toujours besoin d'un audit supplémentaire.
05:04Ça ne doit être qu'une cinquantième depuis dix ans.
05:06Une mission flash de la Cour des comptes qui va poser un diagnostic.
05:09Et on l'a, Thomas Porcher.
05:10Oui, on l'a, mais Beyrou a...
05:13Bayrou.
05:14Bayrou a...
05:15En fait, Beyrou, il se plaint des conséquences,
05:18notamment des déficits des retraites des fonctionnaires,
05:21mais il en chérit les causes.
05:22Vraiment, il faut expliquer pourquoi, en réalité,
05:25il y a un déficit soi-disant du système des retraites des fonctionnaires.
05:28Soi-disant.
05:29Premièrement parce qu'il y a eu le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux
05:33qui part à la retraite avec plus ou moins une forte intensité,
05:36mais c'est le cas depuis 2007.
05:38Il y a eu aussi le gel du point d'indice et de la modération salariale.
05:40Et puis, il y a un certain nombre de choix qui ont été faits,
05:42qui ont été appelés des voeux de la droite et du centre,
05:44comme par exemple la privatisation de services publics, comme La Poste.
05:47Vous savez, La Poste, elle a été privatisée.
05:49Qu'est-ce qui se passe ?
05:50C'est que La Poste, il y avait quand même un effectif conséquent de fonctionnaires
05:53qui vont partir à la retraite et qui sont remplacés par des actifs privés.
05:56Et donc, il va y avoir un déficit.
05:58Donc ça, c'est un déficit qui est dû à des choix politiques.
06:00Et M. Bayrou, c'est un fils d'agriculteur.
06:02La compensation démographique, qui est payée par l'État,
06:05concerne majoritairement des agriculteurs.
06:07Ils sont passés de 2,5 millions à 400 000.
06:09Qu'est-ce qu'on fait ?
06:10C'est quoi la conséquence de ça ?
06:12On ne paye plus la retraite des agriculteurs ?
06:14C'est ça qu'ils nous demandent, parce que c'est ça, la finalité.
06:16On vient d'apprendre deux choses très importantes.
06:18On vient d'apprendre que La Poste est une entreprise privée.
06:20Je suis certain que tous les agents de La Poste sont tombés de leur chaise.
06:25Les salariés sont des salariés, sont des contrats privés.
06:27Vous le savez aujourd'hui, Dominique.
06:30Contrats privés, ça veut dire privatisation.
06:32À qui appartient le capital de La Poste ?
06:34On parle de quoi ? Des retraites ?
06:36Les actifs privés ne financent pas les retraites des fonctionnaires, Dominique.
06:38C'est des caisses différentes.
06:39Première chose qu'on a apprise.
06:40Honnêtement, c'est un peu surprenant.
06:42Vous jouez avec mes mots, mais vous avez très bien compris mon argument.
06:45On vient d'apprendre que le nombre de fonctionnaires
06:47avait drastiquement baissé en France ces dernières années.
06:50Écoutez, ça a échappé à peu près à tout le monde.
06:52Le point important, c'est que,
06:54quelles que soient les lectures comptables,
06:58encore une fois, j'ai dit que François Bayrou,
07:00ça ne nous importait pas grand-chose, me semble-t-il,
07:02ce qu'a dit François Bayrou.
07:04Mais le corps, le conseil d'orientation des retraites,
07:06a dit que le déficit,
07:08on va vers un déficit de 15 milliards par an.
07:11De toute façon, il y a un déficit.
07:13Je crois que tout le monde est à peu près d'accord.
07:14Et j'imagine Thomas Porcher aussi,
07:16pour dire qu'il y a une question de financement à régler.
07:19La question que vous allez nous poser maintenant, j'imagine, c'est
07:22Y a-t-il...
07:24Parce qu'il faut qu'on avance un peu.
07:26Y a-t-il une alternative ?
07:28Y a-t-il une autre réforme possible ?
07:29Et les partenaires sociaux peuvent-ils aboutir à quelque chose ?
07:31Merci pour la transition.
07:33Si il faut que je fasse tout, on s'en retourne.
07:35Tout est à discuter.
07:37On peut remettre sur le chantier
07:39ces 64 ans par exemple, âge légal.
07:42On peut revenir sur la réforme par capitalisation.
07:45Pourquoi pas ?
07:46Qu'est-ce que vous attendez de cette discussion,
07:48de ce conclave-là ?
07:50Parce que ça va coucher d'une souris.
07:52Parce que tout ça est contraint par le budget.
07:55Et en fait, ils reprennent en main la réforme de Born.
07:59Et en fait, s'il y a une amélioration par exemple
08:01sur la pénibilité du travail ou sur les carrières hachées,
08:03de l'autre côté, il faut qu'il y ait une compensation supplémentaire.
08:06Comment voulez-vous que demain, il y ait une vraie remise en cause ?
08:09Vous n'avez pas répondu à l'objection démographique
08:11de Dominique Feuvesse, de la natalité,
08:14allongement de l'espérance de vie ?
08:16Il faut voir.
08:17Parce que quand même, les chiffres, aujourd'hui,
08:19on a des enfants de plus en plus tard.
08:20Il faut voir après le nombre d'enfants qu'ont les femmes à 50 ans.
08:22En tout cas, on vit de plus en plus vieux.
08:24Je vais vous expliquer une chose.
08:25Le choc démographique est derrière nous.
08:27Le nombre d'enfants que les femmes ont à 50 ans.
08:28Oui, tout à fait.
08:29C'est ça qu'on regarde en fait.
08:30Parce que les femmes ont des enfants de plus en plus tard.
08:32Donc on regarde sur l'échelle d'une vie.
08:34Au-delà de 50 ans, on ne peut plus avoir d'enfants normalement,
08:36vous le savez Dominique.
08:37Et donc on regarde le nombre de femmes.
08:38Quand on regarde aujourd'hui,
08:39c'est deux enfants à peu près jusqu'à 50 ans.
08:42Peu importe, on en avait discuté dans un autre débat.
08:44Le choc démographique est derrière nous.
08:46Dans les années 70, il y avait trois retraités.
08:48Écoutez-moi bien.
08:49Trois retraités pour dix salariés.
08:51Aujourd'hui, il y a six retraités pour dix salariés.
08:54Donc là, on augmente un choc démographique énorme.
08:56Et vous savez quel est le prochain choc démographique ?
08:58En 2030, 2050, on passerait à sept retraités pour dix salariés.
09:03Donc le choc démographique n'a rien à voir avec celui qu'on a vécu.
09:06Comment on a fait pour absorber ce choc ?
09:15On a donné une plus grosse partie de notre PIB aux retraités.
09:19On est passé de 7% à 13%.
09:22Et aujourd'hui, la population vieillit.
09:24Et on ne veut pas consacrer plus de la richesse créée aux vieux.
09:28C'est tout.
09:29Est-ce qu'on pourrait éviter la baisse des pensions, Dominique Seul ?
09:32Ça va être difficile.
09:33Vous savez, il y a trois possibilités.
09:34Et on tourne autour depuis une bonne trentaine d'années.
09:37Soit vous augmentez les prélèvements.
09:41C'est ce que propose Thomas.
09:43Il faut augmenter.
09:45La difficulté, c'est qu'on a des prélèvements qui sont,
09:47y compris sur les retraites, plus élevés qu'ailleurs.
09:49Vrai sur l'ensemble de l'économie.
09:52Mais sur les retraites, c'est plus élevé qu'ailleurs en France.
09:54Et donc on a une vraie question sur les entreprises.
09:57On a quand même des entreprises, des commerces qui ferment.
10:00On a 1500 commerces qui ferment chaque jour en ce moment.
10:04Ce n'est pas à cause des retraites.
10:06Le coût du travail est peut-être quelque chose.
10:08Vous avez la deuxième possibilité, qui est de baisser les pensions.
10:12Donc il y a un certain nombre de débats qui sont posés.
10:14Est-ce que c'est la question de la désindexation ?
10:16Et c'est vrai que le niveau de vie relatif de l'ensemble des retraités
10:20par rapport aux actifs est plus élevé que dans les autres pays.
10:24Il n'y a aucun doute là-dessus.
10:25Toutes les études le montrent.
10:26Donc vous avez plusieurs possibilités.
10:28Soit désindexer, soit enlever, par exemple, la réduction d'impôts,
10:32la déduction fiscale de 10%.
10:34Ça, c'est une piste qui est sur là.
10:36Et puis vous avez une troisième possibilité qui est...
10:38Franchement, il n'y en a que trois.
10:40C'est de travailler plus longtemps.
10:41Mais là, il y a plusieurs possibilités.
10:42La possibilité de l'âge légal, c'est celle qui est sur la table dont on parle.
10:47C'est l'âge légal.
10:48On ne peut pas partir en dessous.
10:50Mais il y a une autre possibilité.
10:52Puisque vous souhaitiez ouvrir des pistes de réforme.
10:55Il y a la possibilité de dire que l'âge légal n'est plus un âge coupré.
10:59Et on n'a pas le droit de partir avant.
11:01Mais c'est la durée de cotisation qui va compter.
11:04C'est ce qui se fait dans un certain nombre de pays.
11:06Sauf que dans ce cas-là, il faut dire à l'ensemble des Français
11:10que les pensions vont baisser beaucoup.
11:12Parce que l'âge légal, il va être à 60, 67, 68.
11:15En Belgique, il est à 66 depuis le 1er janvier.
11:18Mais dans ce cas-là, les gens partent avec 10, 20 ou 10, 20% de pensions en moins.
11:24Laissez Thomas vous répondre.
11:26J'ai l'impression de l'éternel retour du même.
11:29De ce débat qui, au moins depuis 7 ans, se relie à ces 3 paramètres-là.
11:34Les réformes qui ont été passées, notamment la réforme Touraine et la réforme Borne,
11:38vont faire diminuer les pensions quoi qu'il arrive.
11:40Les pensions vont diminuer. Déjà.
11:42Alors que si on retire le fait qu'elles doivent s'ajuster à l'inflation,
11:48si on en retire encore, elles vont continuer à diminuer.
11:50Donc ceux qui le peuvent doivent capitaliser ?
11:52Non, je ne pense pas.
11:54Ouvrir des plans épargne-retraite, éventuellement de l'assurance-vie, acheter leur logement ?
11:58Tout ça, c'est des choix politiques.
12:01Et aujourd'hui, quand je vois l'attachement des Français au système par répartition,
12:05et puis la capitalisation, c'est encore une fois.
12:07Pour capitaliser, il faut avoir du capital.
12:09Plus vous avez du capital, plus vous capitalisez.
12:11Deux choses pour finir, me semble-t-il.
12:14C'est que, un, la capitalisation existe d'une certaine manière.
12:19Avec les complémentaires.
12:21Non, parce que les personnes les plus aisées peuvent souscrire à des plans d'épargne-retraite
12:26dont les versements sont déductibles de l'impôt.
12:28Il n'y a pas de raison que ce soit réservé uniquement à une partie de la population.
12:32La capitalisation collective est une piste.
12:35Avec le SMIC, on capitalise beaucoup.
12:37Le deuxième point important, c'est...
12:41Il faut lire l'interview de Marie-Lise Léon, de la CFDT, hier, dans Libération,
12:46qui dit une chose importante.
12:48Elle dit qu'elle va se battre pour revenir aux 62 ans.
12:51Mais qu'en réalité, ce ne sera pas les 62 ans.
12:54Et la CFDT, à mon avis, défendra les 63 ans.
12:58Si on lit l'interview de Libération, c'est à peu près ça.
13:00La négociation, en tout cas, démarre.
13:02Merci, messieurs.
13:04Et on reprendra le débat, évidemment.

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