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Le débat économique dans le 7/10 par Dominique Seux et Thomas Porcher.

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Transcription
00:00 7h48, le débat éco avec Thomas Porchet, économiste et membre des économistes atterrés
00:06 et Dominique Seux, éditorialiste à France Inter et aux Échos.
00:09 Bonjour messieurs ! Bonjour à vous !
00:12 Une semaine qui a commencé avec l'annonce par le Premier ministre d'une réforme de
00:16 l'assurance chômage, c'était dimanche dernier, qui finira ce soir avec l'annonce,
00:20 ou pas, d'une dégradation de la note de la dette française par l'agence Standard & Bourse.
00:26 Et entre les deux, la Cour des comptes qui écrit que la France a perdu le contrôle
00:31 de ses dépenses sociales et qui fait des propositions chocs, notamment sur les arrêts maladies.
00:36 Bref, beaucoup de sujets sur lesquels j'ai hâte de vous entendre échanger.
00:41 Dans un instant, je vais vous proposer un quiz sur des pistes de solutions extrêmement
00:45 concrètes mais d'abord une question toute bête.
00:47 Et t'as des lieux.
00:49 Est-ce qu'on vit des temps d'austérité, ce que l'on entend beaucoup, ou de largesse
00:54 je mets le mot entre guillemets, sociale ? Thomas ?
00:57 Là, il y a un retour de l'austérité.
00:59 Il y a eu une parenthèse avec le quoi qu'il en coûte pendant le Covid, mais là on est
01:02 sur un retour de l'austérité.
01:03 Et toutes les réformes qui ont été menées ces dernières années, la réforme des retraites,
01:07 la réforme de l'assurance chômage, ont eu pour but de faire des économies.
01:10 Et d'ailleurs, le gouvernement a passé un décret en février pour retirer 10 milliards
01:14 de crédits qui étaient au budget.
01:16 Il a promis d'en retirer 20 milliards en 2025.
01:18 Donc oui, nous vivons clairement une austérité.
01:20 Dominique Seux ?
01:21 Alors on n'est absolument pas dans un temps d'austérité, mais il faut aller plus loin,
01:25 y compris moi, c'est-à-dire dire qu'il y a un sentiment d'austérité qui est fondé
01:31 sur un certain nombre de réalités, mais qui ne sont pas forcément celles des chiffres.
01:33 Si on prend le tableau d'ensemble, c'est vrai que par rapport aux autres pays, on n'est
01:40 évidemment pas dans une situation d'austérité.
01:42 Les dépenses sociales, chiffre de l'OCDE sont les plus élevés.
01:47 C'est impressionnant le graphique quand on le voit sur un ordinateur, le graphique des
01:50 dépenses sociales en France par rapport aux autres pays, on est très nettement au-dessus.
01:53 Alors en même temps, on doit bien...
01:56 Si je vous dis aussi que les dépenses sociales en France ont augmenté de 31% depuis 2017,
02:03 31 depuis...
02:04 C'est énorme, c'est absolument considérable.
02:06 Est-ce que nos auditeurs peuvent réfléchir et se dire si mon salaire avait augmenté
02:12 de 31% depuis 2017, est-ce que je dirais je vis austère ?
02:15 Évidemment pas.
02:16 Mais en même temps, une fois qu'on a dit ça, on n'a pas dit grand chose.
02:19 Il faut être beaucoup plus concret.
02:20 Si vous prenez par exemple les dépenses d'assurance maladie, j'ai passé une demi-heure avec
02:26 la cour des comptières pour vérifier ce chiffre qui est incroyable.
02:30 Les dépenses d'assurance maladie depuis 2017, entre 2017 et 2023 sont passées de
02:35 208 à 288 milliards, plus 38%, plus 40% en 6 ans.
02:42 Et pourtant, les rendez-vous c'est toujours aussi compliqué pour trouver un rendez-vous
02:48 de spécialiste, les urgences sont encombrées.
02:50 Donc on voit bien que ce n'est pas simplement l'argent et les chiffres qui comptent.
02:55 Et c'est là que je dis, le sentiment d'austérité a une réalité.
03:00 C'est une question d'organisation.
03:02 L'argent met peut-être beaucoup de temps à influser et peut-être qu'il faut regarder
03:07 nos organisations.
03:08 Dans l'assurance maladie, c'est simple, il n'y a pas de médecin.
03:11 Oui mais Dominique, ça fait 15 ans qu'on nous parle des problèmes d'organisation.
03:15 D'ailleurs, c'est pour ça qu'on a fait le New Public Management et qu'on a fait
03:18 un tas de réformes, notamment à l'hôpital, qui ont été assez contre-productives.
03:21 Pourquoi les dépenses sociales ont augmenté ?
03:23 Est-ce que j'ai plus de 40% d'info ou pas ?
03:25 Attendez, je vous explique d'abord le premier argument que vous avez donné sur les dépenses
03:30 sociales.
03:31 Pourquoi les dépenses sociales augmentent ?
03:32 C'est très simple, parce que nous avons eu le Covid, une perte d'activité.
03:35 Aujourd'hui, la croissance est assez faible.
03:37 Et qu'est-ce qui se passe ? Vous avez moins d'activité, donc vous avez moins de rentrées
03:40 et vous avez plus de sorties parce que vous avez plus de gens qui vont être au chômage.
03:43 C'est ce qui s'est passé ces dernières années.
03:45 Quand on prend le chiffre, il y a eu quand même le Covid qui a fait augmenter le chômage,
03:50 le chômage partiel, etc.
03:51 Donc, les dépenses sociales, quand vous avez une baisse d'activité, vous avez moins de
03:55 rentrées et plus de dépenses sociales.
03:57 Ça, c'est la première des choses.
03:58 Et d'ailleurs, ce n'est pas Thomas Porcher qui le dit, vous avez 36 sociétés savantes
04:02 qui ont signé une tribune dans le monde et qui ont dit tout simplement qu'il y avait
04:06 une austérité budgétaire qui était menée à courte vue et qui n'avait aucune raison
04:10 scientifique.
04:11 Vous voyez, je ne suis pas le seul à le dire.
04:12 Mais il n'y a pas de juste milieu entre l'argent magique et l'austérité ?
04:15 La première des choses, c'est qu'il faut dire que sur les dépenses sociales, qu'est-ce
04:23 que nous avons choisi ? Nous avons choisi qu'elles soient publiques.
04:25 Si nous regardons par exemple la dépense sociale privée, les assurances privées,
04:30 les assurances maladies privées, elles sont extrêmement faibles en France, 3,6% du PIB.
04:34 Quand vous regardez d'autres pays comme à côté, par exemple les Pays-Bas, elles
04:37 sont à 13%.
04:38 Aux Etats-Unis, elles sont à 16%.
04:39 Donc en fait, le niveau de dépense sociale publique dépend finalement d'un choix.
04:44 Est-ce qu'on veut confier notre assurance maladie au public ou au privé ?
04:47 Je pense que notre modèle social, malheureusement, est en difficulté.
04:52 Oui, bien sûr qu'il est en difficulté.
04:53 Parce que notre modèle social vit au-dessus des moyens de notre modèle économique.
04:58 C'est-à-dire qu'il y a trop de dépenses, pas assez de recettes.
05:01 Notre modèle social est surdimensionné par rapport à notre modèle économique.
05:03 Et je le regrette, je préférais que notre modèle économique nous permette de financer
05:06 un modèle social plus large.
05:08 En fait, arrêtons de parler des chiffres un instant.
05:11 La machine à redistribuer est enrayée.
05:15 C'est Jérôme Fourquet en fait, vous l'aviez, il était invité en début de semaine lundi
05:19 matin en débat avec Michael Zemmour notamment.
05:21 Il décrit les choses.
05:24 L'argent n'est pas tout.
05:25 Dans tel et tel secteur, il n'y a pas assez d'argent.
05:28 Dans tel et tel secteur, c'est mal distribué, ça ne cible pas les bonnes personnes.
05:33 Mais nous voyons bien que nous sommes obligés en permanence de colmater.
05:37 Donc une informe des retraites, puis une information en chemin, puis on recommence.
05:39 Parce qu'au total, nous avons du mal à hiérarchiser.
05:42 C'est un problème d'organisation.
05:43 Je mentionnais les médecins.
05:45 On peut faire ce qu'on veut et augmenter les dépenses tant qu'il n'y aura pas suffisamment
05:49 de médecins formés.
05:50 Les pouvoirs publics de droite, de gauche, du milieu, du bas, etc. ont fait beaucoup
05:54 de choses sur les médecins.
05:55 Ils ont débloqué petit à petit, mais ça aura un effet dans quelques années, le numerus
05:58 clausus.
05:59 Après, ils ont créé les assistants médicaux pour décharger du temps médical.
06:03 Et après, ils disent aux pharmaciens, prenez le boulot d'une partie des médecins pour
06:07 dégager du temps.
06:08 Mais en fait, ça ne changera rien tant qu'il n'y aura pas plus de médecins qui seront
06:13 devant les patients.
06:14 Ça, c'est pas une question d'argent.
06:15 NICOLAS ROCHEFORT - C'est pas une question d'argent, mais il y a aussi des questions
06:17 d'argent.
06:18 On va recevoir la ministre du Travail tout à l'heure.
06:20 Un mot sur l'assurance chômage.
06:21 C'est une réforme pour vous légitime ou inique dans la Porche ?
06:25 NICOLAS ROCHEFORT - Non, c'est pas.
06:26 Il y a une étude de Pôle emploi qui a montré que 98% des gens recherchaient activement
06:32 un emploi.
06:34 Ça veut dire que les gens recherchent un travail.
06:38 Donc, quand on nous dit qu'il faut couper dans les prestations ou dans la durée des
06:41 indemnisations pour que les gens puissent trouver plus activement un travail, c'est
06:46 faux.
06:47 D'ailleurs, les études montrent qu'ils trouvent souvent des travails en dessous de leurs qualifications.
06:50 Mais je tiens à rappeler une chose qui est très importante.
06:52 Au début, quand Macron s'est fait élire en 2017, on nous a dit qu'il était dans
06:57 la flexi-sécurité.
06:58 Le volet sécurité de son programme, c'était d'offrir des prestations chômage aux démissionnaires
07:03 tous les 5 ans et aux auto-entrepreneurs.
07:05 Déjà à l'époque, cette réforme était conditionnée à une économie de 10 milliards
07:10 sur l'assurance-chômage.
07:11 C'est-à-dire que le but des réformes de l'assurance-chômage, elles sont constamment
07:14 de faire des économies.
07:15 D'ailleurs, la dernière réforme qui arrive à un moment où le déficit déraille a pour
07:19 but de faire des économies.
07:20 NICOLAS ROCHEFORT - Si vous prenez les pays qui sont autour de nous, le taux de chômage
07:24 vous le disiez, Ali, est à 7,3, 7,4, 7,5 selon les données INSEE et Eurostat.
07:30 Vous prenez la Belgique, on est à -6.
07:32 Le Luxembourg, on est à -6.
07:33 L'Allemagne, on est à 3.
07:34 La Suisse, on est à 4.
07:36 L'Italie, on est à -7.
07:37 NICOLAS ROCHEFORT - Parce qu'ils ont radié massivement ?
07:38 NICOLAS ROCHEFORT - Parce qu'ils ont radié massivement ?
07:40 NICOLAS ROCHEFORT - Mais non.
07:41 En fait, vous ne pouvez pas dire que tous les pays autour de nous sont dans la précarité
07:45 la plus totale.
07:46 Vous aurez du mal à en convaincre les personnes qui nous écoutent.
07:49 Sur les 7 pays qui nous entourent, si je fais bien le calcul, il y en a un, l'Espagne,
07:53 qui a un taux de chômage.
07:54 Ce qu'essaye de faire ce gouvernement, alors il y a une limite que j'évoquerai après
07:58 à sa réforme, mais ce qu'essaye de faire le gouvernement, c'est au fond de répondre
08:01 à François Mitterrand 30 ans après.
08:02 François Mitterrand avait dit « on a tout essayé contre le chômage ». Le gouvernement
08:08 actuel dit « non, on n'a pas tout essayé ». Il y a une chose qu'on n'a pas essayé,
08:12 c'est d'avoir le même niveau d'indemnisation du chômage que les pays qui nous entourent.
08:17 Et on va voir ce qui va se passer.
08:19 Alors évidemment, si je suis très critique, je vais dire « les chômeurs ne sont pas
08:24 des cobayes ». Si je regarde un peu factuellement les choses, je dis « est-ce qu'il a raison
08:30 de tenter ça ? ». La limite, je pense qu'il a raison de tenter ça.
08:35 Évidemment, la limite très forte, et vous allez en parler avec la ministre, c'est
08:40 qu'on aimerait un peu plus d'études qui nous disent ce que les réformes précédentes
08:45 ont eues comme résultat jusqu'à maintenant.
08:47 Pour l'instant, on ne les voit pas.
08:48 Il y a eu une grosse étude dirigée par un Canadien, etc.
08:51 C'est vrai que je l'ai relue, 80 pages, dimanche dernier.
08:54 C'est vrai que la réponse est peut-être bien oui, peut-être bien non.
08:57 Justement, on va passer au quiz promis.
08:59 Beaucoup de pistes de solutions vont arriver sur la table dans les semaines qui viennent.
09:04 Quel est votre avis ? Votre avis économique et non pas politique sur chacune d'entre
09:08 elles.
09:09 Premièrement, est-ce qu'une revalorisation des prestations sociales inférieures à la
09:13 hausse des prix, ce serait une solution ?
09:15 Non, c'est une grosse bêtise.
09:17 Non, parce que déjà l'indice des prix à la consommation a augmenté plus vite que
09:21 le RSA et que les retraites.
09:22 Donc non.
09:23 C'est à la fois le plus bête et le moins douloureux de revaloriser en dessous de l'inflation
09:28 toutes les prestations sociales.
09:29 C'est vrai que ça économise 25 milliards d'euros d'un coup.
09:33 Non mais si vous revalorisez, non pas les retraites, elles ont été revalorisées de
09:37 5,3% au début de l'année.
09:39 Si ça avait été 5,1, ce n'était pas la fin du monde.
09:42 Oui, mais les prix ont augmenté de 12%.
09:44 Deuxième solution, une réforme des indemnités pour les arrêts de travail en cas de maladie.
09:48 Alors là, c'est la pire des choses.
09:49 C'est une grosse bêtise.
09:50 Je vais vous dire pourquoi.
09:51 Parce que quand quelqu'un est malade et qu'on augmente les journées de carence,
09:55 il va aller travailler en étant malade.
09:56 Et vous savez, il va transmettre sa maladie à quelqu'un.
09:58 Donc il faut qu'on retienne quand même quelque chose du Covid.
10:01 Il y a eu une confusion sur ce qui a été dit sur la Cour des comptes avant-hier.
10:06 Elle n'a pas dit "on arrête d'indemniser".
10:08 Elle dit "c'est l'entreprise qui doit le faire".
10:10 Mais il y a un tiers des gens qui sont...
10:12 Je trouve que c'est honnêtement pas très malin.
10:15 Il vaut mieux lutter contre les fraudes.
10:17 Et manifestement, la lutte contre la fraude ou les abus est epsilonesque.
10:21 Mais un tiers des salariés, aujourd'hui, ne sont pas pris en charge par leur entreprise.
10:26 Troisième piste, une hausse des recettes.
10:28 Quand on a fait 70 milliards de baisse d'impôts et qu'on n'a pas eu les effets escomptés,
10:33 il faut peut-être revenir là-dessus.
10:34 Dominique ?
10:35 La hausse des recettes, absolument.
10:36 Oui, bien sûr.
10:37 Et le baissement du chômage qui remontera les cotisations pour tous les systèmes de
10:42 sécurité sociale et qui ramènera les déficits, qui les baissera beaucoup.
10:46 Est-ce qu'on est encore dans cette grande question qui est maintenant liée à Nicolas
10:51 Sarkozy ?
10:52 Est-ce qu'on est prêt à travailler plus pour gagner plus ?
10:55 Ou est-ce qu'on doit plutôt privilégier un équilibre entre vie professionnelle et
10:59 vie privée ?
11:00 J'ai l'impression que c'est ce que demandent les jeunes générations aujourd'hui.
11:03 Ils sont beaucoup moins dupes que nous et ils veulent cet équilibre de plus en plus.
11:06 Et le modèle social tiendrait malgré tout ?
11:08 La France, elle est faite le monde, travaille globalement moins que la totalité des pays
11:17 développés.
11:18 C'est à la fois les jeunes, les plus âgés.
11:21 Et donc c'est vrai que nous avons une répartition du travail qui n'est pas formidable.
11:26 Et travailler plus globalement, mais dans des conditions différentes.
11:30 C'est-à-dire qu'on ne travaille plus comme il y a 15 ans.
11:32 Oui, mais les plus vieux veulent travailler plus, c'est les entreprises qui n'en veulent
11:35 pas.
11:36 Donc c'est vrai, les seniors veulent travailler plus en général.
11:39 Ils sont mis au chômage.
11:40 Je suis entièrement d'accord avec vous pour dénoncer la schizophrénie des entreprises
11:44 qui le matin nous disent qu'il faut réformer les retraites et qui l'après-midi disent
11:48 qu'on a moins envie des personnes de plus de 55 ans.

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