Comment trouver 60 milliards ? Retraites, taxation des plus riches, entreprises, assurances maladie...
Le débat économique dans le 7/10 par Dominique Seux et Thomas Porcher (7h45 - 4 Octobre 2024)
Retrouvez tous les débats économiques de Dominique Seux et Thomas Porcher sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-economique
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00:008h moins 10, le débat éco du vendredi entre Thomas Porcher, membre des économistes atterrés
00:11et professeur à la Paris School of Business, et Dominique Seux, éditorialiste à France
00:15Inter et aux Echos.
00:16Bonjour messieurs !
00:17Bonjour à tous !
00:18Hier soir, le Premier ministre Michel Barnier répondait aux questions de Caroline Roux
00:22sur France 2, il a dévoilé un certain nombre de ses décisions fiscales et budgétaires.
00:28Vous allez les analyser et en débattre dans une seconde.
00:31La situation est alarmante, le Premier ministre a parlé de risque de crise financière à
00:36combien de reprises hier ?
00:37Trois fois, je crois.
00:38Trois fois au cours d'une interview relativement courte.
00:41Avec un objectif, il faudra faire un effort budgétaire de 60 milliards d'euros.
00:4740 milliards d'économies, 20 milliards d'impôts et de taxes supplémentaires.
00:52L'économie est une science étonnante.
00:55C'est un effort budgétaire de 60 milliards.
01:02Et 60 milliards, ce n'est pas rien, c'est un effort budgétaire énorme, ça représente
01:072% du PIB.
01:08Et comme le rappelle mon confrère, l'économiste David Cayla, c'est l'équivalent du plan
01:12d'austérité grec de mars 2010.
01:14Donc il y a peut-être un risque de crise financière, mais là nous sommes en tous
01:17les cas quasiment sûrs de fabriquer une crise économique.
01:20Effort budgétaire considérable.
01:22Si c'est réussi, ce sera totalement inédit, Dominique.
01:26Il faut expliquer d'où vient ce chiffre de 60 milliards, parce que tout le monde peut
01:28tomber des nus.
01:29On parlait de 20 milliards il y a 3 semaines, de 30 il y a 2 semaines, etc.
01:34Et très récemment, on est de 60.
01:3560, c'est, le gouvernement nous dit, si on ne fait rien, c'est-à-dire s'il n'y
01:40a aucun frein, les déficits publics montent à 7% du PIB.
01:44En 2025, c'est ce que publiaient les échos hier.
01:47Si on les ramenait à 5%, donc le PIB c'est 3 000 milliards d'euros, donc vous faites
01:53deux points, ça fait 60 milliards.
01:55Évidemment, dans la vraie vie, il n'y a jamais aucun frein.
01:58Donc c'est une…
02:00Comment ça ?
02:01C'est-à-dire que les dépenses publiques sont toujours quand même un peu contrôlées.
02:07Donc le chiffre est important.
02:09Mais la situation est vraiment sérieuse.
02:11Vous savez, on ne peut pas avoir à l'infini ouvert depuis des années des guichets.
02:15Vous avez ouvert le guichet inflation, le guichet Covid, le guichet voiture électrique,
02:19le guichet remboursement total des frais dentaires, des frais d'optique, le quoiqu'il en coûte
02:27généralisé.
02:28À un moment ou à un autre, finalement, on ne tombe pas des nues, on se dit, les choses
02:32étaient un peu inscrites.
02:33Thomas Porcher, on y est ?
02:34Oui, mais il faut faire attention à ne pas pratiquer de la politique pro-cyclique.
02:38C'est-à-dire qu'il faut quand même apprendre de ses erreurs.
02:39Moi, je me souviens, dans les années 2010, on a cru à cette austérité expansive.
02:43On s'est dit, voilà, on va faire de l'austérité, ça va faire relancer l'économie.
02:46Et d'ailleurs, tout le monde est revenu là-dessus, y compris M. Blanchard, qui a dit qu'il avait
02:50sous-estimé les multiplicateurs en Grèce.
02:52L'économiste en chef du FMI.
02:54Tout à fait.
02:55Et je me souviens qu'au moment du quoiqu'il en coûte, juste après, tout le monde, y compris
02:59Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, disaient qu'il ne faut surtout pas refaire l'erreur
03:02que nous avons faite en 2010.
03:04Et là, nous sommes en train de la refaire.
03:06Bien sûr qu'il y avait probablement un plan à faire, parce que là, on était un petit
03:10peu dans le brouillard, et on a découvert qu'il y avait des erreurs sur les prévisions.
03:14Il y avait un plan à faire, mais il ne faut pas que ce plan soit trop violent.
03:16Justement, on va en parler, on va rentrer dans le détail, mais est-ce que c'est crédible,
03:21d'après vous ?
03:22Tout peut être appliqué, mais si c'est appliqué comme ça l'est dit, c'est-à-dire
03:27ces 60 milliards de plans budgétaires, ça risque d'être très violent.
03:30Au fond, la France a connu depuis 50 ans 3 plans de rigueur.
03:341983, la position extérieure financière de la France, on partait en vrille complètement.
03:401983, virage.
03:411995, il fallait qualifier la France pour l'euro, entrer dans la monnaie euro.
03:46Et 2011, il y avait la crise de la zone euro.
03:48Donc, à chaque fois, il a fallu prendre des mesures extrêmement fortes.
03:53Est-ce que c'est la quatrième fois en 2024 ?
03:55Parce qu'il y a un risque financier.
03:57Les taux, cette année, j'ai regardé hier soir, cette semaine, pardon, les taux français
04:02sont repassés en fin de semaine au-dessus des taux espagnols et des taux grecs à 5
04:07ans.
04:08Et nous sommes au-dessus des taux portugais.
04:09Donc, quand Michel Barnier dit 3 fois de suite…
04:11On a besoin des sous-titres.
04:12Qu'est-ce que ça veut dire ?
04:13Ça veut dire qu'on se finance un peu plus cher que les 3 pays que je viens de nommer.
04:19Alors, les taux ne sont pas encore à des niveaux exceptionnels, mais si la charge
04:24de la dette, c'est entre 50 et 60 milliards d'euros, il faut absolument réagir parce
04:31qu'il y a toujours un risque.
04:33Je sais qu'au ministère des Finances, en ce moment, ils sont assez stressés sur le
04:37risque de crise financière.
04:38Il est peut-être de 10%, de 15%, c'est faible, mais ça peut aller vite.
04:42Alors, on va parler maintenant des mesures annoncées par le Premier ministre.
04:47Il a confirmé que l'effort serait partagé entre deux tiers d'économie dans les dépenses,
04:52un tiers de hausse d'impôts.
04:53Est-ce que c'est un bon partage ? On a appris des choses hier soir.
04:57La hausse différait des retraites, Thomas Porchey.
05:00Écoutez, ça va faire un problème de pouvoir d'achat pour à peu près 13 millions de
05:05personnes.
05:06Après une hausse de l'inflation, la hausse de la CSG au début du quinquennat Macron,
05:11je pense que pour les personnes que ça concerne, ça va être effectivement douloureux pour
05:14une économie qui va être relativement faible.
05:17Au total, on connaît quand même plus les hausses d'impôts que les économies dans
05:20les dépenses pour l'instant.
05:21Et j'imagine que les chiffres de 60 milliards, ils étaient aussi mis en valeur pour montrer
05:25que les hausses d'impôts ne sont pas si considérables que ça.
05:27On connaît les hausses d'impôts.
05:28Il y en a de l'ordre, déjà maintenant, de 20 milliards.
05:31Sur les retraites, l'argument des pouvoirs publics, c'est de dire que les salaires ont
05:36augmenté plus ou moins que les retraites l'année dernière.
05:41Donc il faut inverser.
05:42Ce sont des économies, il ne faut pas raconter d'histoire.
05:44Ce sont des économies.
05:45Si on avait maintenu la réforme de l'assurance-chômage, peut-être qu'on ne serait pas obligé de
05:53faire cette économie sur la retraite.
05:55Ce que je comprends, c'est que les 20 milliards de taxes et d'impôts seront beaucoup plus
05:59faciles à trouver que les 40 milliards d'économies dans la dépense publique.
06:03Ce que je dis, c'est qu'on connaît les hausses d'impôts et on ne connaît pas encore complètement
06:06les économies.
06:07La hausse des impôts pour les plus fortunés, Thomas Porcher ?
06:09On les connaît de manière théorique.
06:11Après, il faut voir si elles vont être appliquées.
06:13Parce que vous savez qu'il y a toujours un taux théorique et après, il y a une application
06:16qui est faite et vous savez toujours que les gens les plus riches, notamment, regardez,
06:20quand on parle des 300 entreprises les plus taxées d'un milliard de chiffre d'affaires,
06:23dans les 1 milliard de chiffre d'affaires…
06:24Je vous donne cet exemple, je le finis, comme je suis engagé, je le finis.
06:30Les 300 entreprises taxées d'un milliard de chiffre d'affaires.
06:32Vous avez McKinsey qui est dedans.
06:34McKinsey, le rapport du Sénat montrait qu'il n'avait pas payé pendant 10 ans d'impôts
06:37sur les sociétés.
06:38Donc vous voyez, théoriquement, il devait en payer, il n'en a pas payé.
06:40Donc vous voyez, il y a toujours l'impôt théorique et la réalité des faits.
06:43Maintenant, je reviens sur ce qu'a dit Dominique, notamment sur la charge des taux d'intérêt.
06:46C'est important de le rappeler.
06:47Effectivement, on a une charge des taux d'intérêt qui a augmenté.
06:49Mais vous savez, on ne la paye pas dans la même monnaie, parce que la monnaie a été
06:52dévaluée avec l'inflation.
06:53Donc quand on prend la charge d'intérêt tenant compte de l'inflation, elle n'est
06:58pas aussi élevée.
06:59Donc c'est important de regarder, oui, les taux ont augmenté, les spread ont augmenté,
07:03mais notre dette est encore extrêmement attractive.
07:06Donc il ne faut pas créer une espèce de maladie imaginaire et que le remède soit
07:11pire que le mal.
07:12Et c'est ce qu'il y a au risque de faire.
07:13Une maladie imaginaire, c'est la Première Ministre qui a parlé de risque de crise financière
07:16hier soir.
07:17Je remarque là-dessus, il y a dix ans, cette pays avait une dette publique supérieure
07:23à celle de la France.
07:24Aujourd'hui, il n'y en a plus que deux, l'Italie et la Grèce.
07:26Alors, on a parlé rapidement de la taxation des entreprises, mais je reviens à la hausse
07:30des impôts pour les plus riches et donc les ménages qui gagnent plus de 500 000 euros
07:34par an.
07:35Dominique Seux, est-ce que c'est finalement une réponse et une manière de répartir
07:39la charge qui est juste selon vous ?
07:41Ça peut être une réponse pour rassurer les classes moyennes et les classes moyennes
07:45supérieures pour dire, vous payez beaucoup d'impôts et peut-être qu'un certain nombre
07:49de gens échappent aux impôts et donc c'est créé un filet.
07:53Il faut voir la technique.
07:55Ça peut être intelligent, mais attention, il faut quand même rappeler que c'est 65
07:59000 personnes.
08:0065 000 personnes en France.
08:02Il ne faut pas imaginer qu'elles ne payent pas d'impôts.
08:04J'ai regardé hier soir les données, tard hier soir, les données de la DGFIP, la direction
08:10générale.
08:11C'est 65 000 personnes qui payent déjà 12 milliards d'impôts sur le revenu.
08:16Donc il ne faut pas imaginer qu'elles payent zéro et qu'elles montraient.
08:19Elles payent des sommes absolument considérables et tant mieux et c'est normal, bien sûr.
08:24Attention, par exemple, si le système de filet fiscal qui est évoqué est mis en place,
08:30la flat tax, c'est-à-dire l'imposition des revenus financiers, va monter à plus
08:36de 42%.
08:37À 42%.
08:38On change.
08:39On ne peut pas dire le matin, le lundi, il faut réindustrialiser la France et le mardi
08:44dire qu'il faut augmenter les impôts de tout le monde.
08:46Thomas Porcher ?
08:47Le lien entre hausse des impôts et réindustrialisation, je ne suis pas sûr qu'il soit complètement
08:53vrai.
08:54Mais après, là où je rejoins Dominique, c'est vrai que c'est important d'aller
08:57voir si ces gens payent l'impôt de manière progressive par rapport aux autres revenus.
09:04C'est-à-dire, est-ce qu'ils n'arrivent pas à échapper à l'impôt ?
09:06Et donc là, il faut aller fouiller dans ces très hauts revenus, et c'est pareil
09:10pour les entreprises, c'est aussi valable, pour voir si elles payent leur juste impôt.
09:14Parce que ça remet en cause après le fait que les gens aient envie de payer des impôts.
09:19Ce qui est amusant, c'est qu'en fait, si vous prenez l'IFI, c'est-à-dire l'impôt
09:23sur la fortune immobilière, qui rapporte entre 2 et 3 milliards, vous rajoutez la
09:27taxation qui a été annoncée hier soir par Michel Barnier de 2 à 3 milliards, vous
09:32retombez sur le produit de l'ISF d'avant.
09:35Donc on est loin, très loin de l'effort à atteindre.
09:38Et là, je suis d'accord, et je comprends.
09:39Non, ce n'est pas ce que je veux dire.
09:40En fait, c'est assez drôle de voir qu'on revient à la situation de l'ISF.
09:44Oui, tout à fait.
09:45Mais de manière contournée, parce que je pense qu'il ne fallait pas trop vexer Emmanuel
09:47Macron, parce que l'ISF était la première mesure qu'il avait mise en place, mais je
09:50pense qu'il aurait dû plutôt aller sur les patrimoines, et revenir sur cet ISF qui
09:53n'a pas eu l'effet escompté en termes d'investissement, et c'est ce que disent les rapports de France
09:57Stratégie.
09:58Et là, pour le coup, qui concerne tout le monde, la consultation chez les médecins.
10:01Qu'en pensez-vous dans la mesure où il faut répartir l'effort de manière juste, Thomas
10:06Borchers ?
10:07Moi, ça me choque, parce que je ne comprends pas pourquoi on doit faire payer les gens
10:10qui sont malades.
10:11Ils n'ont rien fait ! Non, mais c'est vrai, ils n'ont rien fait ! La moitié du déficit
10:17s'explique par des baisses de fiscalité sur les très riches et sur les grandes entreprises.
10:21Alors, pourquoi on doit se rattraper maintenant sur les malades ? Donc, c'est les vieux,
10:26c'est les retraités, les malades, l'assurance chômage a déjà payé, les collectivités
10:31locales qui vont payer avec les baisses des fonctionnaires.
10:33Je pense que ça va être douloureux.
10:35On en aura le détail, en tout cas, la semaine prochaine, jeudi, au moment de la présentation
10:39du projet de loi de finances.
10:40Le débat n'est pas fini, Dominique Seux, merci d'y avoir participé, en tout cas à
10:44être Thomas Borchers, également ! On vous retrouve vendredi prochain, Florence Paracuylos
10:49vient d'entrer en studio.