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Le débat éco entre Agathe Cagé, politiste et auteure du livre "Classes figées" aux éditions Flammarion et Dominique Seux, éditorialiste à France Inter et aux échos.

Retrouvez tous les débats économiques de Dominique Seux et Thomas Porcher sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-economique

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Transcription
00:00Le Doliprane en revanche donne mal à la tête à Sanofi et à beaucoup sur la scène politique
00:05et économique.
00:06Le débat écho ce vendredi entre Agathe Cagé et Dominique Seux.
00:11Bonjour à tous les deux.
00:12Bonjour Ali, bonjour à tous.
00:13Agathe Cagé, ravi de vous accueillir, vous êtes politiste et auteure du livre « Classe
00:18figée » aux éditions Flammarion, Dominique Seux, je ne vous présente pas, éditorialiste
00:22à France Inter et aux échos.
00:25Et justement, ce jeu de mots, le Doliprane qui donne des mots de tête à Sanofi, on
00:29le trouve dans l'un des journaux que vous lisez, que vous appréciez peut-être en
00:34tout cas.
00:35Vous parliez tout à l'heure de « Trésor national » Marion quand vous évoquiez cette
00:39petite boîte jaune qui est devenue au centre des discussions un enjeu économique, politique
00:45et qui derrière soulève le débat sur la souveraineté, la réindustrialisation, la
00:51politique industrielle.
00:52Avant d'entrer dans le détail et des différents rebondissements qui se sont produits encore
00:59ce jeudi soir, on va démarrer par une question toute simple, Agathe Cagé, êtes-vous choquée
01:03par le projet de Sanofi ?
01:05Je ne suis pas choquée par le projet de Sanofi, je pense seulement que c'est un projet qui
01:10ne correspond pas à ce dont la France a besoin en termes de souveraineté sanitaire, en termes
01:13de souveraineté industrielle et qu'en plus c'est un projet qui va totalement contre
01:18le sens de l'histoire.
01:19C'est-à-dire que les entreprises les plus innovantes aujourd'hui, ce ne sont pas les
01:22entreprises qui pensent uniquement en termes financiers mais qui pensent également leur
01:25inscription sur les territoires où elles produisent, leur inscription en termes d'emploi,
01:29leur inscription en termes de production industrielle, leur inscription en termes de protection de
01:34la santé.
01:35Donc on a un projet qui va contre le sens de l'histoire et on a un projet qui de toute
01:38façon du point de vue de la France doit être bloqué parce qu'il serait destructeur d'emploi
01:44et surtout il mettrait la France en danger par rapport à sa souveraineté sanitaire.
01:49On sait depuis le Covid que c'est un sujet qu'on ne peut plus prendre à la légère
01:53et qu'on a trop pris à la légère.
01:54On va y venir.
01:55Dominique, choqué par le projet de Sanofi ?
01:57Je ne suis pas choqué, je ne comprends pas très bien le bruit que fait cette affaire.
02:01Le Doliprance a une valeur ajoutée assez faible quand même.
02:05Le laboratoire touche sur chaque boîte 75 centimes.
02:09Donc c'est vraiment très peu de valeur ajoutée.
02:12C'est du packaging, c'est du marketing.
02:14Il y a une confusion totale dans le débat public entre le principe actif qui est le
02:19paracétamol, qu'il est bon de rapatrier de Chine ou d'Inde, mais essentiellement
02:24de Chine, en France.
02:25C'est en cours et c'est la bonne nouvelle.
02:27Et Sanofi et Opéra, qui est donc la filiale de Sanofi, qui fait du packaging dans deux
02:33usines.
02:34Autrement dit, vous y voyez surtout une question de marketing qui, du coup, réveille les imaginaires.
02:39Oui, ça réveille beaucoup d'imaginaires.
02:41Et le patriotisme français.
02:42Ça réveille beaucoup d'imaginaires, mais ce n'est pas le bon sujet.
02:44On peut avoir un débat sur la stratégie industrielle globale de Sanofi.
02:48Ça, c'est un vrai sujet.
02:49Mais le sujet de l'IPRAN n'est pas un sujet.
02:52Qui sait qu'UPSA est japonais ? UPSA appartient à un actionnaire japonais depuis longtemps.
02:58Il y a une confusion, je crois, entre le paracétamol et le d'oliprane.
03:01Alors, Agathe Cagé, est-ce que c'est aussi une question symbolique de marketing et de
03:06sociétés de consommation avant d'en venir à la politique industrielle dont parlait Dominique ?
03:11Déjà, c'est une question à vraie valeur ajoutée.
03:13C'est-à-dire que c'est une question à valeur ajoutée matérielle.
03:16La filière qui est en train d'être vendue, c'est 1,4 milliard de bénéfices par an.
03:20Opélin, qui fabrique entre autres le d'oliprane.
03:23Qui fabrique parmi 100 produits le d'oliprane, 1,4 milliard de bénéfices nets.
03:28C'est 1700 emplois.
03:29C'est deux sites de production en France, seulement en France.
03:32C'est deux sites de production industrielle en France.
03:34Donc, on a une pépite française réelle et la pépite française, ce n'est pas uniquement
03:38une boîte jaune.
03:39Si on arrive à rapatrier en France, enfin, à partir de 2025, la production du principe
03:44actif qui est en effet un principe actif essentiel, c'est aussi parce qu'on a les usines de production
03:48du d'oliprane derrière.
03:49C'est-à-dire qu'on est en train de rapatrier l'ensemble d'une chaîne de valeur.
03:53On voit bien, depuis la pandémie de Covid, qu'il nous faut l'ensemble de la chaîne
03:57de valeur pour garantir notre souveraineté.
03:59Si on rapatrie le principe actif dans une usine qui n'a quand même pas encore aujourd'hui
04:03commencé à produire, en fermant les deux usines à court terme ou à moyen terme, en
04:08fonction des engagements qui seront pris, plus ou moins tenus, qui produisent le d'oliprane
04:12en France, on n'aura plus de production de paracétamol en France et si on perd la
04:15production de paracétamol en France, on perd un produit qui est essentiel pour les Français.
04:19Le risque de délocalisation ou de fermeture d'usines n'est nul, puisque la France et
04:24les Français sont les seuls, sur la planète quasiment, à acheter du d'oliprane.
04:28Les autres achètent… Dans tous les pays du monde, il y a des antalgiques, mais sous
04:32d'autres marques, sur d'autres couleurs de boîtes, sous d'autres formules…
04:35Advil, l'Europe, Rennebon…
04:36Non, mais il y en a partout, donc en fait, ça ne changera pas grand-chose.
04:38La question, en fait, c'est de savoir si…
04:40Pourquoi est-il laissé à Agathe Cajet pour répondre ?
04:42La question, c'est de savoir pourquoi Sanofi fait ça.
04:45Sanofi fait ça, comme à peu près tous les laboratoires dans le monde, qui est, on se
04:49sépare des branches grands publics, qui sont, encore une fois, du marketing, du packaging,
04:54ce n'est pas leur métier…
04:55Et d'ailleurs, pas toute la branche, c'est 50% de cette filiale…
04:57Absolument, oui, et ils gardent 50% d'ailleurs, ils gardent 50% du capital, en tout cas pour
05:00les années qui viennent.
05:02Donc déjà, ce n'est pas une disparition totale de l'empreinte dite « actionnaire
05:06française ». Ils vont récupérer 7 milliards et ils
05:09vont utiliser cet argent, en partie pour investir, parce qu'ils ont un vrai problème
05:16Sanofi de stratégie ces 15 dernières années.
05:19Et c'est ça dont il faut parler, parce que c'est beaucoup plus intéressant.
05:22Que se passe-t-il autour de Sanofi depuis 15 ans ?
05:24Il se passe qu'ils ont une stratégie qui a, dans le meilleur des cas, subi des échecs,
05:30dans le pire des cas, été à courte vue avec une stratégie trop de dividendes ou
05:36de court terme mises.
05:37Le sujet, c'est Sanofi.
05:38Je vais vous répondre, parce que la question, c'est effectivement celle de gagner de l'argent
05:42pour le réinvestir en recherche et développement, par exemple.
05:45Alors, Sanofi gagne de l'argent avec Opéra, déjà c'est une réalité, il y a un risque
05:48sur l'emploi qui est un risque réel.
05:50Ce n'est pas parce que le marché français est le marché où il y a 97% du doliprane
05:55qui est vendu que le doliprane pourrait ne pas être produit en France.
05:58On sait quand même aujourd'hui que tout ce qui est vendu en France n'est pas forcément
06:01produit en France, ou alors je n'ai pas totalement la vision du monde économique
06:04telle qu'elle existe aujourd'hui.
06:07On a Sanofi qui nous dit, en termes d'innovation, j'ai besoin de récupérer cet argent.
06:11En effet, on a Sanofi qui n'arrive pas à innover, qui est à contre-temps sur l'innovation
06:15depuis des années.
06:16Pourquoi Sanofi est à contre-temps sur l'innovation depuis des années ? Parce que depuis des
06:19années, Sanofi a pris pour seule la boussole financière sans investir sur le long terme,
06:24sur les politiques d'innovation.
06:26Sanofi a supprimé en France 330 mêmes postes de chercheurs en recherche et développement
06:32en avril 2024 et nous dit aujourd'hui, j'ai besoin de mettre l'accent sur la recherche
06:35et le développement.
06:36Après tout, c'est une entreprise privée qui s'inscrit quand même.
06:40C'est déjà une entreprise privée qui a des activités essentielles, une entreprise
06:44privée qui a des activités essentielles pour la France et pour l'Union Européenne
06:47ne peut pas faire ce qu'elle veut.
06:48Il y a des dispositifs de contrôle, notamment des investissements directs étrangers.
06:51C'est le débat dont on est en train de parler aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il y a une
06:55manière de préserver la souveraineté et Sanofi est une entreprise qui bénéficie
07:00énormément des politiques publiques françaises, notamment avec le crédit d'impôt recherche
07:04dont elle a bénéficié environ à hauteur d'un milliard sur les dix dernières années.
07:08Pourquoi ? Pour ne pas innover, pour être à contre-temps sur la production d'un vaccin
07:13contre le Covid-19, pour changer de pied en disant on met l'accent sur la cancérologie
07:17le lendemain, on met l'accent sur l'immunologie et la promesse de dire on sera beaucoup plus
07:21innovant parce qu'on vend le Doliprane, c'est une promesse que pour ceux qui veulent bien
07:26l'entendre.
07:27Donc AKG met le doigt sur effectivement le sujet qui est le plus important et beaucoup
07:30plus intéressant en réalité que le Doliprane, donc oublions une seconde le Doliprane.
07:33On va y rester malgré tout parce qu'il y a une dernière question que je voulais vous
07:37poser là-dessus.
07:38Que s'est-il passé sur Sanofi ? C'est qu'effectivement, ils ont changé à plusieurs reprises de stratégie.
07:42Ils se sont mis à… l'ARN messager, Sanofi a été un des premiers à partir sur l'ARN
07:49messager et ils ont arrêté deux ans avant le Covid, erreur évidemment phénoménale.
07:55A postériori oui.
07:56A postériori oui, c'est évidemment facile à dire, ils se sont lancés sur… ils ont
08:00aujourd'hui un médicament, le Dupixent contre l'asthme qui est leur blockbuster,
08:05qui est leur médicament le plus rentable aujourd'hui, ils en ont disent-ils douze
08:10dans le pipe comme on dit, dans le tuyau, qui vont sortir et ils ont besoin d'argent
08:15pour faire des dépenses de recherche et de développement, et donc ça c'est le point
08:20important.
08:21Mais on n'est pas sûr que ça va marcher, Sanofi est passé en gros du troisième au
08:25sixième ou septième rang mondial en quelques années, donc c'est un petit peu en ce
08:28moment, je ne vais pas dire leur dernière chance, mais c'est la bataille mondiale.
08:33Quel est le médicament aujourd'hui qui marche le mieux dans le monde entier ? C'est
08:41un médicament, ça s'appelle le Ketruda, c'est contre le cancer, c'est l'immunothérapie,
08:47ça n'existait pas il y a quinze ans, c'est une bataille phénoménale mais c'est une
08:51bataille pour les patients.
08:52Question politique très rapidement, oui, non, les débats politiques, la France insoumise
08:57demande la nationalisation de Sanofi, est-ce que vous y seriez favorable, Agathe Cajet ?
09:00Ce n'est pas la solution, aujourd'hui on a d'autres moyens d'éviter la vente de
09:05cette branche, et notamment de faire jouer notre dispositif de contrôle des investissements
09:09directs étrangers.
09:10Dominique Seux, j'imagine que la réponse…
09:12Oui, je le fais quand même, on peut être surpris, ça fait rire Patrick Cohen et j'imagine
09:17beaucoup de nos auditeurs, mais on peut être surpris parfois par la vie.
09:20Il faudrait mettre sur la table, je ne sais pas, 140 milliards d'euros, mais il n'y
09:23a aucun souci, 170, regardez sous la table s'il y a 170 milliards d'euros, et vous
09:29imaginez bien que le bureau BA4 du ministère de la Santé ou de Bercy a la solution pour
09:35savoir sur quels médicaments innover, il n'y a aucun doute.
09:37Alors justement, on va parler de la question de la souveraineté et de la politique industrielle,
09:41Agathe Cajet, puisqu'on a parlé du symbole, on a parlé de l'émotion que suscite cette
09:45boîte jaune, comment faire la liste de ce qui est absolument nécessaire, de ce qu'il
09:50faut produire en France, de ce qu'il faut absolument maîtriser, parce que la liste
09:56elle pourrait être infinie et personne n'est capable de la faire, même pendant la crise
10:00Covid, on n'était pas capable de l'établir.
10:02Alors ce qu'il faut maîtriser d'abord en France, c'est nos activités stratégiques
10:06et nos activités de défense, c'est d'ailleurs pourquoi dès 2021, on a déjà bloqué la
10:10vente d'un de nos fleurons de l'obtructing de la défense qui allait être acheté par
10:15les Etats-Unis, c'est parce que les Etats-Unis sont un de nos partenaires commerciaux qu'on
10:18peut leur laisser tout acheter chez nous.
10:20On a des activités sensibles et dans le domaine du sanitaire, les activités sensibles sont
10:24des activités essentielles et notre capacité à produire en masse plus de 450 millions
10:29de boîtes de paracétamol pour les Français, c'est quelque chose d'essentiel, on le
10:32voit dans le domaine sanitaire, on peut allonger un peu la liste, aujourd'hui la France depuis
10:35une dizaine d'années connaît des pénuries en termes d'antiviraux, en termes de vaccins,
10:39en termes d'anticancéreux, c'est-à-dire que sur tous nos points de fragilisation,
10:43il faut renforcer notre souveraineté et on a des activités sensibles bien sûr dans
10:48les nouvelles technologies, notre capacité à produire de l'intelligence artificielle,
10:51bien sûr la liste est longue mais c'est comme ça qu'on affirme une souveraineté
10:54économique française et c'est comme ça qu'on affirme une souveraineté économique
10:57européenne.
10:58Mario Draghi le dit sans relâche depuis qu'il a sorti son rapport et les défenseurs de
11:02la souveraineté française le disent également sans relâche, il faut être sans naïveté,
11:05on va voir ce qu'il va se passer aux Etats-Unis en termes politiques, il faut être sans
11:08naïveté par rapport à nos partenaires.
11:10Mais il y a loin du Doliprane, d'un produit aussi simple, à l'intelligence artificielle
11:16et aux produits très sophistiqués que vient d'évoquer Agathe Cagé, Dominique Seul.
11:19C'est la raison pour laquelle nous sommes en désaccord et je pense que le Doliprane
11:22n'est pas sur la liste des médicaments stratégiques sur laquelle la souveraineté
11:25doit absolument s'exercer, la défense, vous l'avez mentionné, il n'y a aucun doute,
11:29on peut se poser la question sur l'automobile et il faut prononcer le nom de l'entreprise
11:34qui va rapatrier le principe actif, le paracétamol, c'est Secans, c'est une entreprise lyonnaise
11:41dont personne ne parle évidemment dans le débat depuis 10 jours mais c'est celle
11:44qui est importante, c'est celle-là qui est importante.
11:46Après, juste un mot quand même, on a l'impression que depuis une quinzaine d'années, et je
11:54comprends que nos auditeurs et auditrices puissent avoir cette impression, que beaucoup
11:58d'entreprises françaises ont quitté le giron de la nationalité française, Alcatel,
12:03Alstom, Lafarge, etc.
12:05Mais il faut regarder de l'autre côté, j'ai une nature un peu optimiste, regardez
12:09les champions français qui existent, vous avez Vinci, champion mondial des aéroports,
12:14vous avez Airbus naturellement, vous avez LVMH dans le luxe, vous avez beaucoup d'entreprises
12:18qui… La BNP Paribas, champion mondial !
12:21Et on peut faire les deux, si on a une vision stratégique, de là on veut aller, le fait
12:25qu'un produit soit simple ne veut pas dire qu'il n'est pas stratégique, on l'a
12:28vu pendant la crise du Covid, nous n'avions pas de masque, qu'est-ce que les masques
12:31? Est-ce qu'un produit stratégique ? Non, mais c'était nécessaire à nous protéger.
12:35Dernière question avant le journal, l'entreprise dont on a le plus parlé dans le débat public
12:43en France, c'est Sanofi, et donc se produit le Doliprane, aux Etats-Unis c'était Tesla,
12:47SpaceX et donc Elon Musk, c'est intéressant de voir le décalage entre les sujets dont
12:53on discute en termes justement de souveraineté industrielle et de politique économique.
12:57Mais notre capacité à produire des médicaments qui sont essentiels aux français, une capacité
13:02aussi essentielle qu'être innovants en termes de voitures électriques, et ce qui
13:05est formidable en France c'est qu'on arrive à l'être sur plusieurs sujets et sur plusieurs
13:08domaines.
13:09L'erreur c'est qu'on se trouve beaucoup de sujets, aux Etats-Unis ils ont parlé toute
13:12la semaine dernière de la fusée Starship qui est redescendue, vous savez, sur son
13:18pas de tir, et en France on a discuté du Doliprane.
13:20Et nous avons une politique spatiale européenne, et nous avons une politique spatiale européenne
13:24également.
13:25Merci infiniment à tous les deux, Agathe Cagé et Dominique Seux, c'était le débat
13:29écho du vendredi.
13:30Vous êtes bien sur France Inter et les 8h.

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