Dans le débat économique du vendredi 21 mars sur France Inter, Dominique Seux et Thomas Porcher discutent du conclave sur la réforme des retraites : est-il encore utile de se parler ?
Retrouvez « Le débat éco » présenté par Dominique Seu et Thomas Porcher sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-economique
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00:00France Inter, Mario Lourd, Ali Baddou, le 6-9.
00:05Et l'économie s'écrit en prose, Thomas Porcher, Dominique Seux, merci d'être là, bonjour !
00:11Bonjour !
00:13Membre des économistes atterrés, professeur à la Paris School of Business, Thomas Porcher,
00:19éditorialiste, tiens, à France Inter et aux échos, Dominique Seux, je parle des échos
00:23parce qu'il y a à la une des échos, la question des retraites avec le MEDEF qui veut repartir
00:28à zéro et une interview du patron des patrons, à l'ordre du jour de ce débat, les retraites
00:34donc pour commencer, la CGT qui s'en est allée, le conclave était-il mort dès le
00:40premier jour en fait ? Thomas Porcher ?
00:43Je pense qu'on ne pouvait pas s'attendre à, je ne sais pas moi, une conclusion qui
00:47allait mettre en avant des avancées sociales parce qu'il y a eu le premier discours de
00:54monsieur Bayrou qui quand même pointait du doigt les retraites dès le début, qui utilisait
00:58un certain nombre de chiffres fantaisistes qui ont été contredits par la cour des comptes
01:02et qui sortaient principalement en général d'associations proches du patronat, ces chiffres
01:06utilisés, et puis il y a eu la lettre de cadrage, etc.
01:09Donc on savait finalement qu'il pouvait discuter, mais il fallait quand même que la réponse
01:14soit assez proche de ce que lui voulait.
01:15Même question, Dominique Seux ?
01:17Non, je pense que le bébé certes était mal né, il n'était pas très beau au début,
01:23il n'y a aucun doute là-dessus, parce qu'un lien avait été créé entre le budget et
01:26les retraites, entre la censure et le maintien du gouvernement, et de fait ça a rendu les
01:31choses assez illisibles dès le début.
01:34Néanmoins, je pense qu'il y avait, il y a peut-être encore, mais il y avait du grain
01:40à moutre comme on dit pour renégocier, ou revoir, ou ajuster, ou améliorer.
01:45Alors améliorer peut-être quand même l'équilibre des retraites, puisqu'il y a toujours un
01:49déficit, et puis bouger un certain nombre de curseurs, puisque la loi de 2023, elle
01:54a été portée, mais le bébé n'était pas très beau non plus.
01:59Donc je pense qu'il y avait un espace pour faire quelque chose, et c'est un peu gâché.
02:02On commence, c'est ni tabou ni totem.
02:06Alors ça commence là-dessus, alors très bien, c'est ce que dit M.
02:09Béroud, ils se réunissent, j'ai pas de tabou, j'ai pas de totem, vous discutez,
02:13on voit ce qu'il en sort.
02:14Et peut-être après, ex post, là effectivement il peut y avoir une discussion politique,
02:17ce qui est normal.
02:18Puis on envoie une lettre de cadrage, comme ça leur dit attention, vous pouvez discuter,
02:21mais vous discutez dans ce cadre-là.
02:23Alors moi ça me fait penser à toutes les dernières réformes qu'on a eues, c'est-à-dire
02:25que, oui vous savez on veut réformer l'assurance chômage pour que les gens puissent travailler,
02:29mais on doit la réformer à partir du moment où on doit faire 10 milliards d'économies.
02:32Donc on sait très bien que… Non mais, toutes les réformes, elles sont disponibles…
02:35Non mais Thomas, je termine juste mon propos.
02:36Et après, qu'est-ce qu'on a ? On a, ben maintenant c'est l'âge.
02:40Alors l'âge aussi, il n'y a pas de tabou, mais maintenant, après la lettre de cadrage,
02:44voilà c'est l'âge.
02:45Donc à la fin c'est quoi ? C'est qu'on leur donne le résultat ? Ils discutent mais
02:47on leur donne le résultat ? Comme la Convention pour l'équilibrement, on leur donne le résultat ?
02:50Non mais c'est ridicule.
02:51Non mais je réponds sur… Non mais est-ce que les dés étaient pipés dès le départ ?
02:55Je vous l'ai dit, non ! La première indication, c'était qu'il ne faut pas dégrader l'équilibre.
03:02Il ne disait même pas qu'il faut revenir à zéro, il disait qu'il ne faut pas dégrader
03:05l'équilibre.
03:06Ce sont quand même un minimum.
03:07La deuxième intervention, c'était dimanche dernier dans le studio voisin, les 62 ans,
03:13François Bayrou a dit, alors c'était peut-être maladroit de le dire, mais enfin il a dit
03:16une évidence, on ne va pas revenir aux 62 ans.
03:18Mais en même temps, ce qu'il a exprimé, il n'a pas interdit de négocier sur le retour
03:22aux 62 ans.
03:23Il a dit honnêtement j'y crois pas.
03:25Vous savez, le patronat et le syndicat sont des grands garçons et des grandes filles.
03:28Ils auraient pu trouver des solutions pour revenir aux 62 ans s'ils pensent que c'est
03:33utile.
03:34Il n'a pas donné un ouquin, c'est le Premier Ministre ! Voilà, c'était maladroit, peut-être,
03:38mais vous savez, il y a tellement de tactique dans tous les sens, on ne comprend plus rien
03:42à la stratégie.
03:43Vous savez, Ali, j'ai regardé ce matin, nous en sommes au 2745ème jour de débat
03:51sur la retraite depuis la nomination de Jean-Paul Delvoivre comme haut-commissaire le 14 septembre
03:562017.
03:57Vous vous rendez compte un petit peu ? Ce pays est obsessionnel sur le sujet.
04:00Par ailleurs, si vous mettez ça, le temps qu'on consacre au sujet, et par ailleurs
04:06le fait qu'en un coup de plume, sur deux ans, on a revalorisé les retraites à
04:13la hauteur de 22 milliards d'euros, 2024-2025, alors qu'on cherche partout un milliard
04:20sous le tapis pour financer telle et telle chose.
04:23Et ça s'est fait en un coup de plume.
04:24Est-ce qu'il n'y a pas quand même quelque chose qui ne va pas dans notre fonctionnement ?
04:27Le sujet revient constamment, parce que des gens en ont des obsessions.
04:32Par exemple, on parle de l'économie de la défense, il y a un grand danger imminent.
04:36Je ne suis pas un spécialiste, donc c'est ce qu'on me dit.
04:38Donc il faut des financements, et là, dès le lendemain, ah oui, il faut des financements,
04:42donc on va revenir sur… La retraite, ça paraît minoritaire par rapport à ces grands
04:46problèmes, c'est un peu ce qu'a dit le Président Ducor, d'autres ont dit qu'il
04:51va aller faire des courses…
04:52Le Conseil d'Orientation des Retraites, mais malgré tout, Thomas Bourget, on ne peut
04:56pas oublier le contexte géopolitique, est-ce qu'il change la donne ? Les canons ou les
05:00pensions ? C'est une formule qui vous ennuie.
05:03Les obus ou la CMU, on peut rimer ici.
05:06Non mais ce qui m'embête, c'est que les gens veulent toujours, c'est toujours cette
05:10question d'âge qui revient sur le tapis, alors il faudrait travailler, il faudrait
05:13l'arrêt augmenter à 65, 70, etc.
05:15On en discute tout le temps, mais alors que chaque fois qu'on reporte l'âge de départ
05:18à la retraite, il y a des effets socialement inégaux, et il faut vraiment le rappeler.
05:22C'est-à-dire que la différence d'espérance de vie entre un cadre et un ouvrier, c'est
05:257 ans.
05:26Les classes populaires sont plus touchées par des décès précoces, les femmes ont plus
05:29de carrières hachées.
05:30Donc il faut arrêter de regarder uniquement cet âge-là, et il faut redébattre de l'ensemble,
05:36même de nos conditions de travail, pour qu'à la fin, nous puissions, parce que rappelons
05:41une chose qui est très importante pour nous, c'est-à-dire, je finis là-dessus, c'est-à-dire
05:45que quand vous faites deux années de travail en plus, c'est les deux années souvent les
05:48plus dures quand vous travaillez, mais c'est aussi les deux plus belles années que vous
05:51allez avoir à la retraite, parce que souvent vous êtes moins malade, etc. que quand vous
05:53vieillissez.
05:54Et c'est là-dessus que l'on veut supprimer justement ces deux années-là, et c'est pour
05:57ça qu'il faut vraiment qu'il y ait un débat qui sorte d'un débat purement paramétrique
06:01pour faire des économies à droite et à gauche, parce qu'on a l'impression que c'est ça
06:04qui domine aujourd'hui.
06:05Alors paramétrique, c'est un mot qu'on avait oublié, qui était très souvent prononcé
06:08dans la bouche d'Edouard Philippe lorsqu'il était Premier ministre et qu'il portait le
06:12projet de réforme à point.
06:13Il y a donc ce conclave et l'intervention du président du Medef, Patrick Martin, que
06:18j'aimerais vous voir commenter, puisque lui, il plaide non pas pour remettre à plat la
06:23question de l'âge, il plaide pour un changement complet de méthode.
06:26Il veut repartir à zéro, il faut revoir l'ordre des sujets et commencer justement par l'équilibre
06:32des retraites à l'horizon 2030, ça c'est impréalable, et ensuite élargir le chantier
06:37au financement de l'ensemble de la protection sociale.
06:40Est-ce qu'il a raison ?
06:41Non mais il y a trois stratégies, c'est difficile de savoir où on va là, mais il y a trois
06:46stratégies.
06:47La CGT a parié dès le début qu'en fait il ne sortirait rien du conclave et que c'est
06:52au Parlement qu'il doit avoir le dernier mot.
06:54Donc la CGT est sortie, c'était assez annoncé, c'était annoncé qu'elle sortirait, et la
07:00CGT n'est pas connue pour signer des accords interprofessionnels un peu tout le temps,
07:05voilà, il n'y en a pas beaucoup.
07:06La CFDT dit je veux gratter un petit peu des choses, quitte à ce que le Parlement
07:12intervienne derrière, mais moi la pénibilité c'est ce qui m'importe le plus.
07:15Et le patronat dit bon bah puisque le conclave est mort, vive le conclave, le conclave on
07:21va lui donner un autre ordre du jour, alors un, rétablir les comptes, ce que n'avait
07:25pas dit François Bayrou au début, et par ailleurs, c'est ça, réfléchir sur une
07:31modification du financement de la protection sociale, puisqu'on voit bien que toute la
07:36protection sociale, qui est un vieux débat, et je vais résumer en une phrase ce qu'il
07:42dit dans cette interview, c'est au fond pourquoi ne pas basculer le financement de
07:46la protection sociale des revenus du travail à la TVA sociale, pour avoir une base plus
07:52large.
07:53Exercice de pédagogie, qu'est-ce que ça impliquerait Dominique avant de laisser Thomas
07:59vous répondre ?
08:00Non mais l'idée, si j'ai bien lu l'interview, l'idée c'est de dire en fait, c'est trop
08:04étroit de ne prendre en compte que le travail, où certains revenus du capital, puisqu'ils
08:10sont taxés les revenus du capital aujourd'hui, c'est élargissant parce qu'on a des besoins
08:15à financer qui sont importants, donc nous avons un taux de TVA qui est un peu plus
08:19bas que la moyenne européenne, 20%.
08:21Augmentons le, prenons un point, et comme ça, un point d'un coup, on efface à peu
08:27près tous les sujets.
08:28Thomas Porcher, vous avez l'air indigné par l'idée.
08:30Oui, non, mais ce qui est bien avec le MEDEF, c'est qu'il est aussi prévisible que
08:33moi, c'est-à-dire que…
08:34Ce qui n'est pas peu dit !
08:36Voilà, donc la TVA, ça ressort, vous savez la TVA c'est un impôt qui est extrêmement
08:40injuste, on peut même dire que c'est un impôt régressif, parce qu'il ne tient
08:43pas compte de celui qui le paye, et donc la pression fiscale est beaucoup plus faible
08:47sur ceux qui gagnent bien quand on paye de la TVA, sur un litre de carburant il y a
08:50deux TVA, une TVA sur le produit, une TVA sur la TICPE, et sur ce litre de carburant,
08:54quand vous avez de l'argent, vous le payez moins cher, donc la pression fiscale est
08:57faible.
08:58Donc la TVA est tout sauf l'impôt progressif, et le MEDEF n'aime pas trop l'impôt progressif,
09:04n'aime pas trop l'impôt tout court d'ailleurs, mais sauf l'impôt sur la consommation.
09:08Donc non, je pense que c'est une mauvaise idée, et puis moi, quand on remet à plat
09:12le modèle social, ça suppose toujours, surtout venant de la bouche du patron des patrons,
09:18on a quand même un espèce de passif pour savoir ce qu'il en pense, ça revient toujours
09:22à limiter, à ouvrir à la capitalisation, à parler de la TVA, etc.
09:25Donc je méfie quand même de ce type d'idée.
09:28Moi ce que je regarde, c'est que quand le système des retraites était excédentaire,
09:34ce qu'il a été au moment où nous avons négocié la dernière réforme des retraites,
09:37c'était très mal parce qu'il allait devenir déficitaire.
09:39Aujourd'hui il est déficitaire, vraiment, on parle vraiment de rien du tout, d'un
09:43tiers d'un point de PIB, c'est vraiment pas grand-chose, oulala c'est très très
09:46grave, il y a un choc démographique qui va arriver, alors que nous avons vécu déjà
09:50toutes ces situations.
09:51La vraie question qu'il faudrait se poser, c'est la question vraiment des besoins.
09:55Notre population va vieillir, comment on fait pour accompagner ces gens qui vieillissent ?
09:58C'est ça la réalité.
09:59Ce qui n'est pas possible, c'est de considérer qu'un régime de retraite, où ce sont des
10:07dépenses, j'allais dire, ordinaires, puisse être en déficit.
10:11Autant vous pouvez être en déficit pour investir pour l'avenir, que ce soit pour
10:16les équipements, les infrastructures, voire la défense quand on est menacé, mais sur
10:22des dépenses, que ce soit d'assurance maladie ou de retraite, c'est absolument inadmissible
10:26d'être en déficit.
10:27Je vais vous rapporter aux générations à venir.
10:29Deuxième sujet à l'ordre du jour de ce débat, et pour conclure, il y a les annonces
10:33françaises et européennes sur l'effort de défense.
10:36Qu'est-ce que vous en retenez, Dominique Seux, puis Thomas Porcher ?
10:39Alors ce qui m'a frappé, c'est la lecture du Livre Blanc, qui indique clairement, alors
10:46on est d'accord ou pas, mais qui dit « Notorisant, c'est 2030 ». Les menaces sont-elles ? La
10:51Russie, il cite la Chine aussi, mais pour mémoire, c'est-à-dire les menaces, c'est
10:54en 2030, il faut dans les cinq ans être prêt à frotter un choc majeur, évidemment c'est
10:58assez flippant.
11:00Le point important sur le plan politique et économique, c'est de dire, c'est la préférence
11:07européenne dans l'achat d'armement, il y a eu beaucoup de discussions, la France a
11:10gagné sur ce point, on verra ce que dira, si le Parlement est saisi, ce qu'il en pense,
11:15c'est complexe vis-à-vis des Etats-Unis, et par ailleurs, il y a une communication
11:20autour de la création d'un livret d'épargne, et alors, pour être tout à fait franc, le
11:25niveau européen nous disait, il y a quelques années, il faut arrêter totalement de financer
11:29les dépenses de défense, parce que ça n'est pas ESG, c'est pas durable, et maintenant
11:35on se précipiterait, personne n'y comprend strictement rien.
11:39Moi, on me dit que le danger est fort, et c'est pas moi qui évalue le danger, mais
11:42quand je vois les réponses, je me demande si le danger est si fort que ça, parce que
11:45si le danger est très fort, qu'on fasse des emprunts communs, parce que là on peut faire
11:49des emprunts élevés, énormément d'argent, ce serait une bonne chose, qu'on fasse en
11:54sorte que l'ABCE protège plus les dettes, puisqu'on puisse sortir du pacte de stabilité
11:59beaucoup plus fortement, pour financer l'effort d'armement, et en fait, tout ça, c'est laissé
12:03sous le tapis, on a des petites mesurettes à droite à gauche, donc je me dis, si le
12:06danger est fort, il faut aller quand même un peu plus loin, et s'il faut aller plus
12:08loin, il faut revoir un certain nombre de règles.
12:10Un emprunt a été discuté une partie de la nuit, et l'idée semble avancer, tout
12:16le monde attend de savoir ce que dira le futur chancelier, qui n'est pas encore vraiment
12:20chancelier, et donc ça peut changer dans les semaines qui viennent, ce qui est frappant,
12:25c'est de savoir que les moyens de défense de l'Union Européenne ont augmenté de 30%
12:29en 3 ans.
12:30Vous allez placer de l'argent pour contribuer à l'effort de guerre ? D'un mot, Dominique,
12:34Thomas, vous ne savez pas ?
12:36Je ne sais pas encore.
12:37Comme beaucoup de français.
12:38Même Dominique ne sait pas.
12:39C'est une réponse qui mérite un peu plus de temps.
12:43C'est vrai.
12:44Et on le prendra la semaine prochaine.
12:45Ah, alors Marion Laudan, le studio, dit, ça dépend du taux de rémunération.