La spécialiste de la jeunesse et de la ruralité, Salomé Berlioux et Jérôme Fourquet de l'IFOP sont les invités de 8h20. Ils évoquent la recomposition express du paysage politique après les européennes et la dissolution de l'Assemblée nationale. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-week-end-du-dimanche-16-juin-2024-4041871
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00:00Et à la fin d'une semaine de chaos, en tout cas d'une folle séquence politique que nous
00:05traversons, on va essayer de comprendre si nous sommes face à un éclatement ou à une
00:10recomposition du paysage politique.
00:13Recomposition également de cette terri-toi-ri-ta-ri-se ! Je vais y arriver, aidez-moi Jérôme Fourquet !
00:21Terri-to-ri-a-li-sa-tion ! Terri-to-ri-a-li-sa-tion ! Et vous en êtes un grand spécialiste puisque
00:26vous êtes l'auteur de l'Archipel français et l'un des grands connaisseurs de l'opinion,
00:33vous êtes de l'IFOP et bonjour ! Vous êtes avec une spécialiste de la ruralité et de
00:39sa jeunesse, fondatrice et directrice générale de Chemin d'Avenir, co-auteur d'une étude
00:44passionnante « Jeunesse et mobilité, la fracture rurale ». Bonjour Salomé Berlioz !
00:48Bonjour !
00:49Nous voulions justement croiser vos regards pour essayer de comprendre ce qui se passe,
00:54les tectoniques des plaques qui évoluent et qui bougent sur la scène politique et
01:00puis éventuellement aussi ce qui se passe dans cet archipel français dont vous aviez
01:05théorisé Jérôme Fourquet, les questions de nos auditeurs évidemment au standard le
01:1101 45 24 7000 ou sur l'application France Inter.
01:16J'en perdais mon latin mais en l'occurrence c'est vrai que je ne savais même pas par
01:20quoi commencer en essayant de reprendre le fil de tous ces événements qui se sont
01:25succédés depuis une semaine.
01:27Chaos peut-être ? Recomposition ? Éclatement ? Quel mot employez Jérôme Fourquet ? Est-ce
01:34que vous y retrouvez vos petits ?
01:36On doit avouer que c'est quand même assez spectaculaire ce que nous avons vécu cette
01:42semaine et si on devait retenir peut-être un mot ce serait celui d'accélération, d'accélération
01:48de la recomposition politique et du temps politique avec déjà ce coup de tonnerre
01:54des résultats des européennes et puis instantanément après l'annonce de la dissolution qui a
02:02effectivement comme une réaction chimique quand vous insérez le catalyseur permis que
02:09tout ça se mette en branle à une vitesse assez stupéfiante qui aurait pu penser ou
02:14parier il y a encore une semaine que les gauches irréconciliables qui s'étaient
02:20très violemment affrontées lors de toute la campagne européenne en 24 ou 48 heures
02:26signent un accord de candidature commune, un programme commun et puis remettent sur
02:33pied le mythique Front Populaire et tout ça a été permis encore une fois par la décision
02:39du Président de la République.
02:40Et on va y venir justement sur cette gauche qui va du NPA et de Philippe Poutou jusqu'à
02:47François Hollande, on va évidemment s'arrêter sur la droite, l'extrême droite et puis
02:52sur ce bloc central.
02:53Qu'est-ce qui vous a frappé d'abord Salomé Berlux lorsque vous avez vu les résultats
02:58de cette semaine comme si tout éclatait ? Est-ce que vous aussi qui avez travaillé
03:03sur la jeunesse, les jeunesses et notamment dans le monde rural, c'est une très très
03:09grande partie de la jeunesse française, est-ce que vous avez eu le sentiment qu'elle
03:13était perdue ou au contraire qu'elle s'était retrouvée ?
03:16Alors sur la question de la jeunesse, le 9 juin dernier, on est quand même plutôt
03:21sur quelque chose d'assez classique finalement, d'abord le premier parti de la jeunesse
03:27reste l'abstention, 60%, 65% des jeunes ne sont pas allés voter, alors ça c'est
03:34souvent le cas pour les élections européennes, ça montre aussi que les différentes listes
03:39n'ont pas réussi à parler directement aux jeunes, à leur envoyer des messages sur
03:44les sujets qui les intéressent directement, je pense au logement, je pense à la mobilité,
03:49donc ça c'est la première chose.
03:50Deuxième chose, mais là à nouveau rien de nouveau sous le soleil, mais les jeunes
03:54français votent plus à gauche que le reste des français et puis sur cette question du
04:01vote RN et de la jeunesse, je pense, et on aura sans doute l'occasion d'en reparler,
04:06mais qu'il faut aussi relativiser l'idée d'une grande vague bleu marine qui emporterait
04:11notamment la jeunesse, si on prend les jeunes français dans leur ensemble, abstention comprise,
04:16il n'y a que 10% des moins de 35 ans qui ont décidé de voter pour le RN, donc voilà
04:21après on peut s'intéresser à pourquoi ils ont décidé de le faire, il faut sans doute
04:25d'ailleurs regarder de manière très précise, est-ce que tout ça est lié à la figure
04:29de Jordane Bardella qui convainc les jeunes, mais je trouve qu'en matière de jeunesse,
04:35qui est la population française que je connais le mieux, on n'est pas sur quelque chose
04:39de révolutionnaire en termes de résultats pour l'instant.
04:41Et on va bien sûr détailler tout ça, mais peut-être un regard global, Jérôme Fourquet
04:45à quelques heures de la fin du dépôt des candidatures pour les élections législatives,
04:50il ressemble à quoi ce nouveau paysage politique ? C'est quoi la bonne grille d'analyse ?
04:54Est-ce qu'on a d'un côté les modérés, de l'autre côté le Rassemblement National
04:58comme semble le dire Emmanuel Macron, ou est-ce qu'il y a la gauche contre la droite
05:02et là c'est plutôt l'analyse RN-Franc-Populaire ?
05:05Alors, bien évidemment chaque grille d'analyse va être en partie connotée idéologiquement
05:13et chacun va porter le regard qui lui convient le mieux pour apporter de l'eau à son moulin,
05:19notamment dans les logiques de report de second tour, de savoir quel candidat on va cibler
05:25ou quel camp politique on va plutôt critiquer pour essayer encore une fois de faire advenir
05:31les configurations qui soient les plus profitables pour son propre camp.
05:34Quand on essaie de regarder les choses objectivement, en fait aujourd'hui on a trois blocs.
05:39On a ce bloc réconstitué du nouveau Front Populaire qui encore une fois de manière spectaculaire
05:46en 48 heures s'est agrégé, on va revenir juste après sur qu'est-ce qui a présidé à tout cela.
05:52On a un bloc central qui est affaibli et puis on a le bloc Rassemblement National qui est très puissant,
05:59qui s'élargit un peu et donc on est toujours dans ces trois blocs.
06:03Toute la question est de savoir à quel niveau vont sortir chacun de ces blocs au soir du premier tour
06:08puisque de là dépendra le nombre de circonscriptions dans lesquelles chacun de ces blocs pourra
06:15candidater au second tour.
06:18Juste sur cette union qui s'est faite très rapidement à gauche, je pense qu'il faut avoir en tête deux ou trois chiffres.
06:26En 2017 aux législatives qui ont fait suite à la première élection d'Emmanuel Macron,
06:31la gauche était présentée de manière totalement divisée et la totalisation des voix de gauche
06:37aboutissait à un score de 26% et avec 26% mais divisée, la gauche n'avait accédé qu'à 130 circonscriptions au deuxième tour.
06:45En 2022, la NUPES se met en place.
06:49Si je puis dire, le tarif est le même, les candidats de la NUPES réalisent un score moyen de 26%
06:55mais par le simple fait qu'ils soient unis dans toutes les circonscriptions de France,
07:00ils accèdent à 417 circonscriptions au deuxième tour.
07:04On voit bien que dans ce type de scrutin, partir en bloc, partir unis est absolument décisif pour accéder au second tour.
07:12Derrière les considérations idéologiques, derrière la mobilisation contre la possibilité que l'extrême droite arrive au pouvoir,
07:19il y avait aussi ce calcul très arithmétique mais qui est absolument implacable dans les législatives.
07:26Mais la Union, elle est quand même relative parce qu'on voit que quelques heures à peine après la grande photo de famille,
07:30il y a des voix discordantes qui dénoncent une purge de la part de Mélenchon au sein de la France Insoumise.
07:36On va être prudent parce qu'on peut être démenti à tout moment au rythme où vont les choses
07:42mais on peut faire l'hypothèse que ces tensions qui existent vont s'aplanir, encore une fois, devant la réalité de ces chiffres.
07:49C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'autre solution que de partir unis.
07:53Il y aura ici ou là quelques entorses au règlement avec des candidatures dissidentes
07:58mais dans l'écrasante majorité des cas, manifestement, c'est sous la bannière du Nouveau Front Populaire
08:04que toutes les gauches vont se présenter.
08:06Qu'est-ce qui est frappant parmi les jeunes que vous avez étudiés dans la jeunesse rurale salomée ?
08:12Parce qu'il y a quelque chose de frappant les jeunes aux élections européennes.
08:18Comment est-ce qu'elles se positionnent par rapport au Rassemblement National ?
08:21Est-ce que la Jordanomania, mais décidément c'est très compliqué, merci Jérôme Fourquet de m'aider,
08:29la Jordanomania est un phénomène qui prend dans la jeunesse ?
08:34Oui, ça c'est indéniable pour des raisons évidentes.
08:39Il joue sur les effets de génération, sur le côté « je parle comme vous », « je parle de vous »,
08:45« je parle de vos problèmes en mangeant des chips sur les réseaux sociaux avant mes interventions »
08:53parce que c'est ce que font les jeunes bien sûr.
08:56Donc sa notoriété qui passe par des canaux de communication comme TikTok,
09:02tout ça manifestement plaît au moins en partie, en tout cas interpelle pour des jeunes qui ne se sentent pas,
09:11plus, pas assez représentés par les partis traditionnels.
09:15Après, si on va sur des sujets que je connais bien et des publics que je connais bien
09:21comme par exemple les jeunes des territoires ruraux,
09:23je trouve que c'est intéressant de ne pas tomber dans la caricature de jeunes ruraux
09:28qui seraient vent debout contre les partis traditionnels
09:31et en train de se tourner très fortement vers le Rassemblement National.
09:36L'enquête que vous citiez tout à l'heure,
09:38« Terram, chemin d'avenir sur la mobilité géographique et sociale des jeunes ruraux »,
09:42on a décidé il y a quelques semaines d'interroger les jeunes urbains et ruraux
09:46sur la façon dont ils se positionnaient eux-mêmes sur l'échec politique,
09:50à droite, très à droite, à gauche, très à gauche.
09:53Quand vous regardez un peu dans le détail la façon dont ces jeunes se positionnent,
09:57à droite, il y a juste un demi-point d'écart entre la façon dont les jeunes ruraux
10:02et les jeunes urbains se positionnent.
10:05Et quand on leur demande de se positionner à droite de la droite,
10:08en fait, on est à 10,7% d'entre eux qui se positionnent très à droite pour les jeunes ruraux
10:13et 9,4% pour les jeunes urbains.
10:16Donc attention pour des jeunes qu'on ne regarde quand même pas souvent,
10:19qui sont les jeunes ruraux,
10:20de ne pas commencer à les regarder et à les essentialiser,
10:23encore un mot compliqué à dire,
10:25à l'aune de cette histoire de vote Rassemblement National,
10:28en considérant que, décidément, ces jeunes vont soit ne pas voter, soit mal voter.
10:33Ce serait un peu facile.
10:34– Avant de filer au standard, une question toute simple.
10:37Le succès de Jordan Bardella, est-ce que c'est celui d'avoir réussi à faire
10:41des élections européennes, un référendum, contre Emmanuel Macron ?
10:44– Oui, en partie.
10:45– Pourquoi ?
10:46– Il et Marine Le Pen, en cela, ont été quand même grandement aidées
10:51par l'exécutif qui s'est choisi dans le Rassemblement National,
10:56son principal opposant, en organisant le débat Attal-Bardella,
11:02en proposant le débat Le Pen-Macron,
11:05et le RN a répondu présent en jouant beaucoup sur le vote sanction,
11:11en disant, si vous voulez vraiment envoyer un carton rouge à Emmanuel Macron,
11:15il y a un seul bulletin, c'est le nôtre.
11:17Et donc, on voit bien comment, là aussi on revient à cette question
11:20de la recomposition, le camp présidentiel a essayé de pousser à son terme
11:26cette recomposition en disant, il n'y a que nous et le RN,
11:30ce qui, en bout de cours, ça a énormément servi le RN.
11:33– Mais souvenez-vous, en 2017, on présentait Emmanuel Macron
11:35comme un génie politique qui avait réussi à faire éclater
11:37les vieilles structures et la vieille opposition droite-gauche,
11:41qu'est-ce qui, aujourd'hui, fait que ça ne marche plus,
11:45qu'on le présente comme un joueur de poker ?
11:47Il y a des propos rapportés dans Le Monde,
11:49où on entend le Président de la République,
11:51où on lit le Président de la République,
11:53dire qu'il avait prévu ça depuis des semaines,
11:56et qu'il a jeté une sorte de grenade entre les jambes de ses adversaires.
12:01Où est la vérité selon vous ?
12:02– Écoutez, là, ce qu'on constate, et encore une fois,
12:05il faut être très prudent parce que ces élections législatives
12:08sont très difficiles à lire, il y a 577 circonscriptions,
12:12mais c'est que le choix de la dissolution est quand même un choix sous-contrainte.
12:16C'est-à-dire qu'il y a tout procès, de mon point de vue,
12:19du soir, du deuxième tour des élections législatives,
12:22quand le Président de la République n'a pas obtenu une majorité à l'Assemblée.
12:25Et donc là, il a été empêché politiquement.
12:28Comme on dit en Macronie, on a essayé d'enjamber l'événement,
12:31puis on a été rattrapé par le temps politique.
12:35Il y a eu ce remaniement du début d'année pour, là aussi,
12:37essayer de relancer le quinquennat qui n'a pas ce remaniement.
12:40– Mais en 2022, il y avait des électeurs Macron,
12:42qu'est-ce qu'il s'est passé, Jérôme Fourquet ?
12:44– Alors, toute une partie de ces électeurs ont voté pour la liste Glucksmann.
12:53Et ça, ce n'était pas prévu, je pense, dans le scénario présidentiel.
12:59On avait, comme en 2019, en Macronie,
13:03escompté qu'on ferait une campagne européenne,
13:06bloc contre bloc, avec la liste présidentielle
13:10qui incarnerait le camp européen face aux camps réactionnaires et nationalistes.
13:16Et le surgissement de Raphaël Glucksmann a permis
13:20à toute une partie de l'électorat de centre-gauche pro-européen
13:23de retrouver sa famille politique naturelle et à abandonner Emmanuel Macron.
13:28On voit aussi comment une partie des électeurs macronistes de 2022
13:33notamment face à la montée de l'insécurité,
13:35de l'insatisfaction économique sur le pouvoir d'achat,
13:38il y en a à peu près 10% parmi ceux qui sont allés voter aux européennes,
13:41qui ont voté pour la liste Bardella.
13:43Donc les fuites ont été multiples,
13:45et on se trouve avec une liste présidentielle qui fait moins de 15%.
13:51Alors qu'il y a 5 ans, la liste macroniste plus la liste de l'UDI
13:55qui en 2024 était alliée à la Macronie, le total était à 25%.
14:01Donc il y a une chute de 10 points, ce qui est colossal.
14:03Salomé Berlioux et Jérôme Fourquet,
14:05d'ailleurs c'est une question qu'on a envie de vous poser tous les deux.
14:07Quand on regarde les cartes électorales,
14:10on a l'impression que le Rassemblement National il est partout,
14:13sauf dans les grandes villes.
14:14Il y a eu un certain nombre de digues qui sont tombées,
14:18des plafonds de verre qui ont été explosés.
14:20Alors Salomé Berlioux, vous dites qu'il ne faut pas essentialiser la jeunesse rurale,
14:25mais malgré tout vous faites le lien par exemple
14:27dans une étude que vous avez fait récemment
14:28avec le temps de transport des personnes,
14:31entre le vote et le temps de transport.
14:32Oui, là où il ne faut pas rendre les choses totalement conjoncturelles,
14:38c'est que la percée du FN dans les territoires éloignés des grandes métropoles
14:42elle ne date pas de la semaine dernière.
14:43Du FN devenu RN.
14:45Oui exactement, mais ça commence au milieu des années 90,
14:47notamment cette percée-là, avec un ensemble de facteurs
14:50qui sont à la fois géographiques et socio-économiques,
14:53à commencer par l'âge des votants,
14:56mais aussi le travail qu'ils exercent,
14:58et avant tout leur niveau de diplôme.
15:01Donc ça, dans ces territoires, c'était déjà vrai,
15:04ça l'est de plus en plus.
15:05Vous parliez de la mobilité par exemple,
15:07c'est vrai que vous êtes aujourd'hui un jeune rural,
15:10ou ses parents, mais prenons un jeune dans la ruralité,
15:12par exemple dans un territoire que je connais bien,
15:14parce que j'en viens, l'Allier.
15:15Vous grandissez dans un village pas très loin,
15:18de 5% sur Sioul par exemple,
15:20en gros ce jeune-là qui ne va pas voter,
15:23ou qui potentiellement va se tourner
15:25vers le Rassemblement National.
15:28Le ras-le-bol qu'il ressent,
15:31l'impression de ne pas être pris en considération,
15:33le fait qu'effectivement il passe 2h37 en moyenne
15:36dans les transports par jour,
15:38que 528 euros de son budget mensuel
15:41va être dédié aux transports,
15:43alors qu'il est potentiellement au SMIC,
15:45ça ne date pas d'hier, ça ne date pas des dernières années.
15:47Et le fait qu'il ait cette brutalité du quotidien,
15:50ces empêchements, ces non-moyens d'émancipation
15:53individuelle, et que quand il allume la radio,
15:55quand il entend des politiques parler,
15:57il entend parler de la trottinette à Paris,
16:01du fait que les JO, ça va être compliqué
16:03de circuler dans les grandes métropoles,
16:04et particulièrement à Paris, etc.
16:06Ça, potentiellement, ça fâche,
16:08ça rend anxieux, et ça donne envie
16:11de se détourner de ce qui avait déjà été tenté
16:13depuis des décennies, ça c'est vrai.
16:15Et l'Allier qui était un peu territoire communiste,
16:17qui est devenu maintenant un territoire
16:18Rassemblement National,
16:19les bocages finalement n'ont pas résisté.
16:22– On va juste aller au standard, retrouver Gérard.
16:24Bonjour Gérard.
16:25– Oui, bonjour.
16:26– Vous aviez une question pour nos invités ?
16:28– Oui, j'avais une question, parce que je vois
16:31le taux d'abstention qui est très élevé, toujours,
16:34et ma question allait, pourquoi on ne rend pas
16:35le vote obligatoire en France une bonne fois pour toutes ?
16:38C'est une action civique.
16:41– Merci pour votre question.
16:43– Il y a des tas de gens qui se sont battus pour ça,
16:44on prend l'exemple des suffragettes, par exemple en Angleterre,
16:48qui se sont battus, qui ont été emprisonnés,
16:49et même qui sont mortes.
16:51En France, les gens se sont battus,
16:53en 1945, les femmes ont eu le droit de vote,
16:55très tardivement quand même, bien après la Turquie,
16:58donc je ne vois pas pourquoi on ne rendrait pas
16:59obligatoire ce droit de vote.
17:01– Écoutez, merci pour la proposition,
17:02on va demander à nos invités ce qu'ils en pensent,
17:04puisque 60% par exemple des 18-24 ans
17:07se sont abstenus aux européennes.
17:08Alors, Jérôme Fourquet ?
17:09– Si on veut positiver un peu les choses,
17:12on peut noter qu'on a un taux de participation
17:14qui a un tout petit peu progressé aux dernières élections européennes,
17:18et qui s'inscrivait déjà dans une tendance
17:20à la hausse de la participation,
17:22comme si les enjeux européens devenaient un peu plus prégnants
17:26et intéressaient un peu davantage nos concitoyens
17:30qu'il y a quelques années.
17:31Alors, on ne peut pas se satisfaire
17:32de quasiment 50% d'abstention,
17:34mais il y a plutôt une hausse de la participation.
17:39– Mais le vote obligatoire,
17:40c'est une solution qui est radicalement simple ?
17:43– En tout cas, pour les jeunes qui ont tendance
17:45à moins aller voter et à chercher d'autres modes d'engagement
17:48qui passent par le fait de, je ne sais pas,
17:50boycotter des marques,
17:52s'exprimer sur les réseaux sociaux
17:54ou s'engager sur des causes comme la cause écologique
17:56ou l'égalité femmes-hommes,
17:57je ne suis pas sûre que ce côté coercitif
18:01serait totalement satisfaisant, mais bon.
18:03– Après tout, ça marche en Belgique.
18:04François Hollande qui revient,
18:05qu'est-ce que vous en pensez Jérôme Fourquet
18:06qu'il se présente lui aussi dans ces circonscriptions
18:09qu'il connaît si bien,
18:10et en l'occurrence en zone rurale d'ailleurs ?
18:13– Oui, oui, tout à fait.
18:14Alors, sans doute qu'il a lui aussi
18:17très bien diagnostiqué l'accélération du temps politique
18:20et qu'il se dit que, deux choses,
18:22d'une part, en tant qu'homme de gauche,
18:24il doit apporter sa contribution à ce front populaire
18:26et faire barrage à l'éventualité d'une victoire du RN
18:30parce que c'est quand même l'ingrédient dominant,
18:32cette peur que Jordan Bardella ou Marine Le Pen
18:35arrivent à Matignon.
18:36Et puis d'un autre côté, peut-être plus personnel,
18:39il se dit aussi sans doute que s'il veut un jour
18:42espérer de nouveau peser politiquement,
18:44il ne fallait absolument pas rater cette fenêtre d'opportunité
18:48d'où, à la surprise générale,
18:50son nom qui apparaît sur les listes des candidats
18:54investis par le Parti Socialiste.
18:55– Mais Salomé Berlux, vous disiez,
18:57beaucoup des problématiques ne datent pas d'hier,
18:59celles qui poussent les gens à voter pour le RN.
19:02Est-ce qu'il y a une influence dans la façon de s'informer,
19:05dans le fait que la chaîne CNews, par exemple,
19:07est devenue première chaîne d'information ?
19:09Dans les réseaux sociaux aussi,
19:10on a vu un certain nombre d'influenceurs
19:11qui ont pris position, notamment Squeezie,
19:13il y a des millions de followers sur Internet.
19:16– Oui, tout à fait, mais alors ça,
19:18ce n'est pas propre à la ruralité.
19:20Effectivement, le fait qu'on s'informe
19:22– Aux jeunes ?
19:22– Oui, aux jeunes pour les réseaux sociaux,
19:25effectivement, ça joue.
19:28Mais là où ce n'est pas essentiel,
19:30c'est que je pense que ce que les jeunes
19:33dans ces territoires-là attendent,
19:35ce que les jeunes, de manière générale, attendent,
19:36mais notamment dans ces territoires
19:38où, effectivement, pendant des décennies,
19:39ils n'ont pas été vus,
19:40c'est-à-dire qu'on réduisait les jeunes ruraux
19:42à une poignée de filles et de fils d'agriculteurs,
19:45alors que les agriculteurs,
19:46c'est 5,7% des actifs ruraux,
19:50et que les jeunes ruraux, c'est 30%,
19:52des 3 à 24 ans,
19:53donc on est loin d'être sur cette poignée de jeunes-là.
19:56Pendant des décennies, on ne les regarde pas.
19:58Et aujourd'hui, on voit bien qu'il y a des gestes
20:00qui sont faits pour ces jeunes,
20:01je pense par exemple au permis de conduire à 17 ans,
20:04c'est clairement un geste adressé par le gouvernement
20:07il y a quelques mois aux jeunes de la ruralité.
20:09Mais en fait, ça ne suffit pas
20:11à rattraper des décennies de retard,
20:13et peut-être, et là c'est très personnel,
20:15mais je trouve que plus que la victoire du RN,
20:19on est là sur, en tout cas dans ces territoires,
20:22une forme d'échec collectif
20:24des partis politiques,
20:25mais il n'y a pas que les politiques,
20:26des grandes entreprises
20:27qui ne parlent pas de diversité territoriale,
20:29des médias qui pendant des années
20:31n'ont pas regardé ces jeunes,
20:32et de l'économie sociale et solidaire,
20:34et j'inclue Chemin d'Avenir là-dedans,
20:36à ne pas réussir à renverser la vapeur suffisamment vite.
20:40Je dirais que j'étais agriculteur,
20:41on les a oubliés par contre dans l'histoire.
20:43Oui, alors, même s'ils ont voté,
20:46mais Salomé donnait les chiffres,
20:49pour les agriculteurs c'est 5,7% des actifs
20:53dans le monde rural,
20:54et donc sur l'ensemble de la population française
20:56et donc du corps électoral, c'est 380 000 personnes.
20:59Mais les mesures qui avaient été décidées pour eux
21:01ont disparu en revanche, en grande partie.
21:03Elles sont là, mais ils se feront entendre,
21:06juste, je rebondis un instant
21:08sur ce que Salomé Berlioux évoquait
21:10sur la question des mobilités.
21:12Jordan Bardella et l'ERN ont mis par exemple un objet,
21:15la voiture électrique, au cœur de leur campagne,
21:19en s'adressant justement à cette France
21:21qui est dépendante de la voiture,
21:23en leur expliquant que c'était un scandale,
21:25qu'on les oblige à abandonner leurs vieux moteurs thermiques, etc.
21:29Et dans nos enquêtes, on voit comment
21:31la question de la hausse des prix des carburants
21:34a été un des ingrédients déterminants
21:36dans le vote pour le Rassemblement National,
21:38bien plus que pour d'autres électorats.
21:42Donc ces questions des mobilités
21:43sont devenues un vrai sujet politique.
21:45D'un mot et d'un mot seulement,
21:46que joue Emmanuel Macron ?
21:47Sa survie politique.
21:49Sa survie politique, c'est-à-dire que
21:50s'il n'y a pas de majorité,
21:52peut-être qu'après la dissolution,
21:54il y aura sans doute une autre issue à envisager.
21:57Ce sera le mot de la fin.
21:58Merci infiniment Salomé Berlioux et Jérôme Fourquet
22:01d'avoir été les invités d'Inter ce matin.