Lionel Jospin juge durement le choix d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale, le soir des élections européennes. "Le président a plongé le pays dans un moment trouble et peut-être même dans un moment trouble", reproche l'ancien Premier ministre socialiste, ce lundi sur France Inter.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
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00:00« Il est 8h23, France Inter, Nicolas Demorand, le 7-10. Et avec Yael Gauze, nous recevons
00:11ce matin un ancien Premier ministre socialiste en poste à Matignon de 1997 à 2002. Il dirigeait
00:19alors un gouvernement de cohabitation sous la présidence de Jacques Chirac. Vos questions
00:26et réactions, amis auditeurs, amis auditrices, au 01-45-24-7000 et sur l'application de
00:33France Inter. Lionel Jospin, bonjour.
00:36– Bonjour.
00:37– Et merci d'être au micro d'Inter. Vous vous exprimez rarement dans les médias
00:43depuis que vous avez quitté la vie politique. Vous reprenez la parole aujourd'hui alors
00:47que débute la campagne législative la plus courte et la plus inattendue de la Ve République.
00:54Les Français sont appelés aux urnes suite à la décision prise il y a maintenant 8
00:59jours par Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée Nationale. Comment qualifiez-vous, Lionel
01:06Jospin, le moment politique ouvert par cette décision présidentielle ?
01:11– Le Président, par cette décision imprévue, improvisée, non réfléchie, a plongé le
01:22pays dans un moment troublé et peut-être même dans un moment trouble. Et donc voilà
01:31ma définition du moment, avec un danger bien sûr, c'est que pour la première fois dans
01:39l'histoire de la République, un parti d'extrême droite pourrait diriger la France. Jusque
01:50là, ça n'était arrivé que sous la botte de l'étranger nazi en 1940 avec le gouvernement
02:02du maréchal Pétain. Et donc c'est un moment extrêmement sérieux et imprévisible parce
02:10qu'il y a 8 jours, les Français ont voté pour les élections européennes. Le Rassemblement
02:19National, en progression, a fait 32%. Les partis de gauche et écologistes dispersés
02:28ont fait ensemble, si on peut dire, 32%. Le parti présidentiel a fait 14%. Et les Républicains
02:38ont fait 7%. Mais bon, on s'attendait à ce que les parlementaires du Rassemblement
02:45National, comme les autres d'ailleurs, les nouveaux parlementaires européens, rejoignent
02:51Strasbourg et Bruxelles et puis qu'on voit comment ils allaient réagir ou agir après
02:58ce succès indiscutable dans l'Europe. Et puis soudain, le président, je ne sais pourquoi,
03:07décide que ce scrutin qui concernait l'Europe, il allait le projeter dans la vie politique
03:16nationale française.
03:18On entend vos reproches ce matin, mais comment reprocher Emmanuel Macron, garant des institutions,
03:24de redonner la parole aux Français ? Est-ce qu'il y a l'essence même de la démocratie
03:27?
03:28Mais si il est garant des institutions, je constate qu'il les trouble. La prochaine
03:34élection nationale était dans 3 ans, c'était l'élection présidentielle. Les élections
03:38législatives, s'il s'agit de cela, devaient être dans 3 ans aussi, dans la foulée. Qu'est-ce
03:45qui justifie tout d'un coup ? Nous ne sommes pas sous la 4e République, nous sommes sous
03:49la 5e. La 5e République a beaucoup de défauts, mais au moins elle avait, paraît-il, la qualité
03:54de la stabilité. Donc il introduit lui-même, il ne se comporte pas là comme un garant
04:01des institutions, mais comme quelqu'un qui les trouble, si vous voulez.
04:05Emmanuel Macron dit que c'est la clarification, ce scrutin.
04:09Mais il ne me semble pas qu'on assiste à une clarification, puisque du côté du camp
04:16présidentiel, on est au bord du désarroi. Le Premier ministre lui-même était contre
04:23la dissolution. Madame la Présidente de l'Assemblée nationale était contre l'addition.
04:30L'addition, oui absolument. Sans parler du Président du Sénat, mais qui n'est pas de
04:36la mouvance du camp présidentiel. Et donc, ils sont obligés maintenant de défendre
04:44la dissolution contre laquelle ils étaient. Le Président de la République vient de déclarer,
04:50semble-t-il, quelque chose du genre, le seul vote utile pour écarter un danger, donc le
04:59danger du Rassemblement national, disons-le. C'est le seul vote utile, c'est le vote
05:05pour le parti présidentiel. Mais c'est lui qui vient d'exposer les Français par
05:11cette décision à ce danger lui-même. Et donc, la résistance ne va pas venir de ce
05:18côté-là. Vous ne considérez pas que ce serait arrivé
05:20de toute façon à l'automne, vu les conditions bloquées au Parlement, vu la motion de censure
05:25probable que la droite aurait déposée à l'automne sur le budget, sur la loi de
05:29finances, et donc on se serait retrouvé dans la même situation, un gouvernement qui tombe
05:33et Emmanuel Macron appelant à la dissolution ?
05:36Pardonnez-moi, mais jusqu'ici nous commentions des événements qui se sont produits, la
05:40dissolution, une législative qui est en cours. Là, vous faites une anticipation ou une prévision.
05:46Mais même si je m'inscris dans la logique de votre raisonnement, après tout, si le
05:51président de la République et son gouvernement montraient qu'une fois de plus, ils ne sont
05:56pas capables de gouverner avec une majorité relative, qu'ils ne savent pas dialoguer,
06:02qu'ils ne savent pas unir autour d'eux, eh bien, s'il y avait une motion de censure,
06:07alors là, il y avait une justification compréhensible par les Français pour que, encore que ce
06:12n'est pas une obligation pour le président de dissoudre, même s'il y a une censure,
06:16mais enfin, il pouvait décider. Effectivement, là, c'était compréhensible.
06:19Donc, ça reste incompréhensible pour vous, quel que soit l'angle sous lequel on regarde
06:25cette décision ?
06:26J'ai lu dans un journal du soir, bien fait, comme on dit, que le scénario rationnel auquel
06:33pensait le président de la République, c'était que la gauche restant divisée, le Front National
06:44restant une menace, ce seraient les centres, en quelque sorte, qui, non seulement se réuniraient,
06:52mais même auraient une majorité absolue. Ce qui risque de se produire pour le parti
06:59présidentiel, c'est plutôt la perte de sa majorité relative. Donc, il y a quelque
07:04chose, effectivement, d'incompréhensible, un jeu avec les institutions, et donc maintenant,
07:11ayant fait cette analyse, en tout cas, c'est mon analyse, bien sûr, et je l'ai fait avec
07:17calme, mais je l'ai fait en même temps avec gravité, si vous voulez. Maintenant, il faut
07:22savoir qu'est-ce qu'on fait maintenant, parce que c'est un fait, il y a des élections
07:25législatives.
07:26Venons-en à la campagne et à ce nouveau Front Populaire rassemblant les différents partis
07:31et formations de gauche dans un entretien au Monde ce week-end. Vous estimez, je vous
07:36cite, que ce nouveau Front Populaire est une des digues contre lesquelles peut se briser
07:42la vague de l'extrême-droite. Est-ce que cette digue est assez haute, compte tenu des
07:49chiffres que vous avez rappelés à l'instant, compte tenu du score du RN et du total des
07:55gauches aux européennes ? C'était 32%, vous l'avez dit tout parti confondu, mais c'est
08:02un total gauche faible ?
08:03Oui, et le Front National ne fait pas beaucoup plus. Enfin, il y a des sondages récents
08:10qui tendraient à indiquer une montée, je ne les ignore pas, et nous verrons comment
08:17la campagne va permettre de créer ou non des dynamiques, si vous voulez. Mais imaginez
08:23que cette gauche soit restée divisée. Ça voudrait dire que dans le prochain Parlement,
08:30parce qu'il y aura un prochain Parlement, la gauche, quelles que soient les discussions
08:37en son sein et quelles que soient même les divergences qui existent, serait extraordinairement
08:47minoritaire. Alors c'est vrai qu'en rassemblant dans un ensemble, il y a une perte relative
08:54qui se produit, je la comprends. Et donc je m'adresse aux gens de gauche, comme je suis
09:00prêt d'ailleurs à m'adresser à tous les autres, si vous voulez. Moi, je ne suis plus
09:04directement dans la politique, même si je garde mes convictions et ma fidélité. Eh
09:08bien, il faut se dire qu'est-ce qui est essentiel ? Et moi, je crois qu'il est essentiel que
09:14dans le prochain Parlement, il y ait une force de gauche qui soit suffisamment forte pour
09:20résister. Parce que si on regarde le parti présidentiel, il était à 14% aux élections
09:27européennes. Le président est impopulaire et il y a du désarroi dans ce camp. Si on
09:34regarde les Républicains, les Républicains sont en pleine crise. Monsieur Ciotti a proposé
09:42de rejoindre, au fond, dans une alliance, le Rassemblement national. Et je me réjouis
09:48au moins, puisque vous parlez de digues, il en faut plusieurs des digues. Je me réjouis
09:53que tous les autres dirigeants du parti républicain aient condamné cette démarche solitaire
09:59et fait dans leur dos. Mais parlons de votre digue, votre digue de gauche, si c'est une
10:02digue. Quel est le rapport entre Philippe Poutou et François Hollande ? Tous les deux
10:06investis par le nouveau Front populaire ? Je ne pense pas que Félix Poutou va peser
10:11considérablement dans le rassemblement qui s'opérera dans le Parlement futur. Et François
10:19Hollande, je le rappelle quand même, le seul socialiste qui a été en mesure de devenir
10:25président de la République après François Mitterrand. Moi, ça m'a été refusé en
10:30raison de la division. Et donc, je sais ce qu'est la division. Je sais ce qu'est l'unité.
10:35Ça a été la victoire de 97 et nous avons bien gouverné pendant cinq ans. L'extrême
10:40gauche n'était pas dans votre gauche pluriel. Et je sais, la présence de Poutou, un singulier
10:49dans un ensemble de députés de plusieurs centaines, ne paraît pas véritablement un
10:54problème. Par contre, ce qui vient de se produire dans cette alliance qu'on peut discuter,
11:02c'est qu'alors que LFI avait 328 candidats en 2022, il en a maintenant 229. Alors que
11:10le PS en avait 70 en 2022, il en a 175. Les écologistes baissant un peu et le PC gardant
11:24le même score. Et donc, je vous rappelle que l'ensemble PC, PS, écologistes, places
11:32publiques, qui sont assez proches au fond et qui étaient dans une évolution que le
11:38président de la République l'a brisé par cette dissolution, représenteront 297 candidats
11:44dans ces élections contre 229 pour la FI. Donc l'idée qu'il y aurait une soumission
11:51alors que se produit une inflexion, y compris dans le contenu de l'accord, quand on regarde
11:56ce qui est dit sur l'Ukraine, quand on regarde ce qui est dit sur l'antisémitisme et sa
12:00condamnation, je pense que ces analyses sont fausses.
12:04La campagne des européennes, Lionel Jospin, vous le savez, a été violente entre les
12:07formations de gauche, des fractures sont apparues sur l'Ukraine, sur Gaza, sur l'avenir européen
12:13de la France. Comprenez-vous, du point de vue des citoyens, et il y en a ce matin encore
12:18au standard inter, comprenez-vous le scepticisme, voire le désarroi d'une partie des français
12:24qui avaient voté, par exemple pour Raphaël Glucksmann, contre Jean-Luc Mélenchon et
12:30la France insoumise ? Est-ce qu'en une semaine, on peut tout effacer et recommencer ?
12:35D'abord, je ne sais pas s'ils avaient voté contre, j'espère qu'ils avaient voté pour Raphaël Glucksmann,
12:40contre Mélenchon, qui a fait une très bonne campagne et qu'il faut remercier pour cela.
12:45Mais à ces français, je dis, en lisant ce que dit l'accord sur l'Ukraine, pour faire
12:52échec à la guerre d'agression de Vladimir Poutine, et qu'ils répondent de ces crimes
12:57devant la justice internationale, défendre indéfectiblement la souveraineté, la liberté
13:03du peuple ukrainien, ainsi que l'intégrité de ses frontières, par la livraison d'armes
13:09si nécessaire.
13:10Je pense que la position qui est adoptée par ce rassemblement, qui a choisi de s'appeler
13:16le Nouveau Front Populaire, sur l'Ukraine, est extrêmement claire, de même qu'il l'est
13:21sur la condamnation de l'antisémitisme.
13:24Oui, mais quand vous voyez qu'un candidat, Ali Diouara, investi par El-Efi, qualifiait
13:28il y a un mois, sur son compte Twitter, Raphaël Glucksmann, de candidationniste de la droite
13:33libérale de gauche, quel commentaire ça suscite chez vous ? On a plein d'auditeurs
13:36qui ont appelé, vendredi matin, pendant le 8h20, Ali Baddou, en posant cette question
13:42en substance, « Moi, juif de gauche, je ne sais pas comment choisir entre l'antisémitisme
13:46historique de l'extrême droite, et celui qui s'est exprimé chez certains insoumis
13:50pendant les européennes ».
13:51Je crois que c'est bien dit, « chez certains insoumis » pendant les élections européennes.
13:56Mais on fait accord quand même !
13:57Mais pourquoi ne pas vous tourner, en l'espèce, vers Raphaël Glucksmann, qui a fait cette
14:05belle campagne, qui a participé par le numéro 2 de son petit parti, Place Publique, à la
14:13négociation elle-même, et qui, en gardant ses convictions, son authenticité et sa fidélité
14:20à lui-même, a dit qu'il accompagnait cet accord, comme je le fais d'ailleurs moi-même.
14:25Et vous y êtes allé dans cet accord de bon cœur.
14:31Vous n'y êtes pas allé à reculons, ce n'est pas un soutien fragile.
14:34Moi, je n'ai pas été à l'accord, je n'étais pas partout.
14:37Non, mais enfin, l'état d'esprit dans lequel vous êtes, c'est un soutien plein et entier.
14:42C'est un soutien au fait que la gauche constitue un môle possible de résistance à la menace
14:51que représente, et on en parlera, j'espère, l'arrivée d'un parti d'extrême-droite,
14:57en France, isolé dans toute l'Europe.
15:00Parce que cette montée de l'extrême-droite, elle s'est manifestée aussi dans d'autres
15:05pays, mais elle a généralement été contenue, et dans aucun pays, la question du pouvoir,
15:12la question de l'occupation du pouvoir par l'extrême-droite n'a été posée.
15:16Et en France, elle n'aurait pas été posée sans cette invraisemblable dissolution qui
15:24ramène cette question du pouvoir en France devant les Français, en plus, dans une élection
15:34dont vous avez dit vous-même qu'elle sera la plus brève du point de vue de la campagne,
15:39que les Français vont devoir prendre des décisions lourdes dans un temps très étroit.
15:44On file au Standard Inter, bonjour Laetitia.
15:47Bonjour.
15:48On vous écoute.
15:49Je viens d'entendre très attentivement M.
15:55Jostein, d'abord une remarque, plusieurs remarques.
15:59Einstein a dit quelque chose du genre « faire quelque chose en se trompant, c'est humain,
16:05c'est pas grave, la refaire cent fois en espérant d'autres résultats est une folie ».
16:11La gauche s'était alliée avec l'AFI et l'ANUSPES, et là il y a à nouveau une
16:17alliance avec l'ANUSPES, n'est-ce pas une folie, en espérant autre chose ?
16:21Là vous venez de citer de craine, je crois que l'AFI n'était pas dans l'hémicycle
16:25quand M.
16:26Zelensky a fait son discours.
16:29Qu'est-ce qui vous a fait peur dans le programme d'Emmanuel Macron, en tout cas de son parti,
16:37au point de vous allier plutôt avec l'extrême-gauche plutôt que de revenir peut-être un peu vers
16:44Emmanuel Macron ?
16:45Qu'est-ce qui fait que vous avez pris cette décision-là, plutôt vers l'extrême ?
16:49Merci Laetitia pour cette question.
16:52Pourquoi le nouveau Front populaire plutôt qu'Emmanuel Macron ?
16:59Lionel Jospin.
17:01Historiquement, j'appartiens à la gauche.
17:05J'ai gouverné avec une majorité plurielle pendant cinq ans.
17:10Je ne pense pas que c'est laisser un mauvais souvenir aux Français.
17:15Donc je m'inscris dans cette tradition, qui était aussi celle d'ailleurs de François
17:19Mitterrand, à partir des années 1970.
17:21Et je pense qu'il est en train de s'opérer dans la gauche justement, et chez les écologistes,
17:28une évolution, une inflexion, qui fait qu'on peut revenir à une certaine authenticité
17:35de la gauche.
17:36D'une gauche qui peut être audacieuse, qui doit l'être, qui doit répondre aux
17:40attentes populaires.
17:41Parce que dans la situation d'aujourd'hui, il y a aussi un mélange de crainte, celle
17:47que d'ailleurs j'exprime moi-même, mais aussi de colère.
17:50Et cette colère, elle peut aussi passer par un certain vote protestataire.
17:55Ceux qui ont voté pour le rassemblement national aux élections européennes n'étaient pas
18:01tous des partisans des idées d'extrême-droite.
18:05Je ne parle pas de fascisme.
18:06Je n'ai jamais caractérisé ni le rassemblement national, ni même le Front National comme
18:11fasciste.
18:12Parce que c'est faux, et parce que ça serait insulter ceux qui votent pour lui.
18:16Mais par contre, c'est un parti d'extrême-droite.
18:19C'est un parti qui isolera la France en Europe, c'est un parti dont une série des
18:26propositions sont contraires aux principes et aux valeurs républicains, et contraires
18:33aux droits, par ailleurs, ce qui veut dire que ce parti, s'il était au pouvoir, entrerait
18:39en conflit avec ceux qui disent le droit en France, c'est-à-dire avec la justice indépendante,
18:44éventuellement avec le conseil constitutionnel.
18:47J'ai entendu M. Chenu, je crois, parler du conseil constitutionnel.
18:53Il disait, plutôt que de mettre des anciens ministres, des anciens techniciens du droit.
19:01Je peux assurer à M. Chenu, sauf si c'est lui qui les nommait, bien sûr, que les techniciens
19:08du droit seraient encore plus vigilants sur les principes que l'ont été certains des
19:13politiques qui sont, en l'occurrence, devenus des juristes.
19:16Et que dites-vous ce matin à ceux qui pensent, on les entend, on peut les lire dans différents
19:22reportages, à ceux qui pensent que l'extrême-droite au pouvoir, ça n'est pas si grave que ça,
19:27et que ça n'a pas encore été essayé.
19:29Vous leur dites quoi à ces électeurs potentiels, Lionel Jospin ?
19:32Mais l'extrême-droite, si elle n'a pas encore été essayée en France, et c'est quand même
19:38caractéristique, si vous voulez, que ça n'appartienne pas à l'identité de la République,
19:46ça a été essayé ailleurs.
19:47Et quand ça a été essayé ailleurs, ça a nourri souvent de terribles drames.
19:55Et ça se maintient en pouvoir en Italie ?
19:58Oui, c'est transitoire.
20:00Grande victoire aux européennes.
20:01Je voudrais vous rappeler qu'en Italie, il y a eu une période fasciste en Italie, là,
20:09pour le coup.
20:10Fasciste, avec Mussolini.
20:12Tant que ça a appartenu à l'histoire italienne, les Français jamais n'ont porté l'extrême-droite
20:19au pouvoir pendant toute l'histoire de la République.
20:23Quand j'entends M. Sarkozy, ou plutôt que je lis M. Sarkozy, dans le JDD de M. Bolloré,
20:30dire que quand on se présente à une élection, on est forcément un républicain, et donc
20:36il pensait aux gens du Rassemblement National, je voudrais lui rappeler notre histoire, qui
20:43est qu'il y a eu quelqu'un qui a été candidat aux élections sous la Deuxième République
20:50En France, Louis-Napoléon Bonaparte a été élu président dans la Deuxième République.
20:57Quelques mois après, deux ans après, il faisait un coup d'État.
21:01Non, il ne suffit pas de participer à une élection pour être un républicain.
21:05Pour être un républicain, il faut partager les valeurs de la République, et notamment
21:11dire liberté, égalité, fraternité, et non pas identité, sécurité, et autorité,
21:21même si je ne crois pas avoir gouverné sans autorité, si l'identité de la France,
21:28j'y suis attaché, c'est une identité républicaine, et la sécurité, ça a été
21:34une de mes premières priorités.
21:35Pierre est au Standard, bonjour, bienvenue Pierre.
21:38Bonjour, bonjour M. Jospin, d'abord toujours un bonheur d'entendre votre analyse, ma question
21:45est comment pouvez-vous rassurer les électeurs traditionnels de la social-démocratie vis-à-vis
21:50en particulier de la politique internationale et de la politique fiscale ? Alors vous avez
21:53répondu sur la politique internationale il y a quelques instants, néanmoins la place
22:00importante de LFI avec ses outrances peut toutefois induire des craintes chez les sympathisants
22:04socialistes, et sur le plan économique, on se souvient que pour François Hollande
22:08on est riche à 4000 euros, probablement le seuil est beaucoup plus bas pour les insoumis,
22:12et on peut craindre un certain matraquage.
22:14Merci Pierre pour cette question, Yael ? Et pour prolonger votre question, 180 mesures
22:19dans le nouveau Front Populaire, dont l'abrogation de la réforme des retraites, l'augmentation
22:23des fonctionnaires de 10%, la hausse du SMIC à 1600 euros net, vous rappeliez récemment
22:28dans votre Retien au Monde que votre gauche a su gérer les comptes publics, qualifier
22:33la France pour l'euro, la monnaie, en 2000, est-ce que ce programme-là vous paraît
22:36tout simplement réaliste, financé, soutenable ?
22:38Lionel Jaspin ? Alors, oui, nous avons pris en compte les réalités, nous avons diminué
22:45la dette, nous avons fait passer le déficit budgétaire sous les 3%, nous n'avons pas
22:51mené une politique d'austérité, nous avons créé des emplois quand j'étais au gouvernement,
22:55donc on peut faire cette synthèse.
22:56Je pense qu'il est un peu injuste de la part des membres du camp présidentiel, je ne parle
23:02pas de la personne qui vient de dire quelque chose dont je ne connais pas évidemment la
23:07conviction et sa question est pertinente et je vais essayer d'y répondre.
23:10Je pense qu'il est un peu injuste de critiquer le programme économique, on va dire, qui
23:19a été élaboré, puisqu'on a obligé ces parties à trouver un accord en 4 jours, si
23:26vous voulez.
23:27Vous ne menez pas en 97, il y a 3000 milliards d'euros de dette aujourd'hui, comment on
23:30fait ?
23:32C'est pourquoi je pense personnellement que ce qui est important pour moi, c'est que
23:42les parties de ce regroupement Nouveau Front Populaire aient une place importante au parlement
23:49demain.
23:50Seront-ils en mesure, les français leur feront-ils confiance pour remporter une victoire ? Je
23:57ne le sais pas.
23:58Aujourd'hui, ça n'est pas inscrit, nous le verrons si une dynamique se crée après
24:03le premier tour.
24:04Mais en tout état de cause, compte tenu de ce qu'est la situation du pays, il est clair
24:09que dans cette hypothèse où ce rassemblement de gauche serait au pouvoir ou proche du pouvoir,
24:18il faudrait que soit au poste principaux choisis des personnalités capables de maîtriser
24:27et d'opérer une synthèse.
24:28Vous savez, je vois le Rassemblement National, il s'est battu pour la retraite à 60 ans,
24:34lui aussi d'ailleurs, et tout d'un coup il est en train de reculer.
24:37Alors je pense que seront examinées ces propositions à la lumière des réalités économiques
24:45et de la réalité du pouvoir.
24:46Et je fais confiance pour que cette inflexion dont je parlais dans l'accord se produise
24:53et se poursuive.
24:54Dernière question Lionel Jospin, est-ce que le nouveau front populaire doit appeler
24:57au barrage républicain en cas de non-qualification au deuxième tour ? Autrement dit, appeler
25:02à voter clairement Renaissance ou droite républicaine face au RN ?
25:06Je dirais personnellement que je me suis réjoui de voir que tous les dirigeants des Républicains
25:15sauf M.
25:16Ciotti s'étaient insurgés contre cette proposition d'alliance.
25:21Et j'ai envie de dire, même si ça n'est pas ma famille politique, à ceux qui se reconnaissent
25:28dans le parti républicain, votez pour des candidats qui sont contre cette alliance avec
25:34le RN.
25:35Ils ont dit ni, ni.
25:36Et non pour les candidats présentés par M.
25:42Ciotti.
25:43Ça sera une façon, vous aussi, d'être une des digues, de faire barrage.
25:47Donc, c'est ce que je dis, et quant au désistement, moi je suis très clair, à partir du moment
25:56où il y aurait, dans un second tour d'une élection législative, dans une circonscription,
26:02un représentant des Républicains, par exemple, ou du parti même présidentiel, et contre
26:11un représentant du Front National, je pense qu'effectivement, il faudrait voter pour
26:16ces candidats et contre le candidat du RN.