"Depuis le début de cette campagne législative je ressens très clairement cette inquiétude, cette colère, cette fatigue", Édouard Philippe, ancien Premier Ministre, sur France Inter. "Beaucoup de gens sont désarçonnés, ne savent pas dans quel sens le pays va aller, si sa stabilité politique est garantie", dit-il.
Les programmes des "extrêmes" mènent "à la guerre civile", a lancé Emmanuel Macron dans un podcast diffusé lundi. "On ne peut pas mettre en cause avant les résultats d'une élection, les résultats de cette élection et on doit accepter quand on est un démocrate le résultat de l'élection", répond Édouard Philippe. "Les responsables politiques doivent d'abord et avant tout appeler aux valeurs de rassemblement. C'est très facile de cliver, nous devons en permanence veiller au rassemblement", selon lui.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
Les programmes des "extrêmes" mènent "à la guerre civile", a lancé Emmanuel Macron dans un podcast diffusé lundi. "On ne peut pas mettre en cause avant les résultats d'une élection, les résultats de cette élection et on doit accepter quand on est un démocrate le résultat de l'élection", répond Édouard Philippe. "Les responsables politiques doivent d'abord et avant tout appeler aux valeurs de rassemblement. C'est très facile de cliver, nous devons en permanence veiller au rassemblement", selon lui.
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00:00Et avec Yael Ghoz, nous recevons ce matin le président du parti Horizon, maire du Havre,
00:05ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron.
00:09Question, réaction, 0145 24 7000 pour le standard ou sinon l'application France Inter.
00:16Édouard Philippe, bonjour.
00:18Bonjour.
00:18Et bienvenue à ce micro, à quatre jours du premier tour des législatives.
00:23On va évidemment parler de votre programme, de vos candidats Horizon,
00:26de l'avenir de ce qu'on appelle encore la majorité présidentielle.
00:31Mais un mot d'abord sur ce sondage paru hier pour le quotidien L'Opinion et la fondation Jean Jaurès.
00:39Il analysait les émotions qui traversent les Français depuis la dissolution.
00:44Quatre sentiments dominent la fatigue, la colère, la tristesse et la peur.
00:49Ces sentiments vous traversent-ils aussi parfois ces derniers jours, Édouard Philippe ?
00:55Et qu'avez-vous à dire ce matin aux Français qui les éprouvent ?
01:00La fatigue, non.
01:01Mais je n'ai pas lu l'étude dont vous parlez.
01:04Mais je trouve que ce qu'elle révèle correspond, je dois dire, assez bien à ce que je ressens.
01:11Je suis beaucoup en campagne aujourd'hui, depuis le début de cette campagne législative,
01:15depuis d'ailleurs la campagne européenne.
01:17Et donc je me promène beaucoup en France, je rencontre beaucoup de Françaises et de Français.
01:21Et je ressens, je dois dire très clairement, cette inquiétude, cette colère, peut-être un peu cette fatigue.
01:30J'ai été frappé du nombre de gens qui me disent qu'ils auraient aimé, après cette élection européenne,
01:37dans la perspective à la fois des Jeux olympiques, du championnat d'Europe de football, d'un été qui arrivait...
01:46Souffler un peu ?
01:47Souffler un peu, c'est vrai.
01:48Donc il y a ça, je trouve que les mots que vous utilisez et qui sont décrits par cette étude correspondent très bien à ce que je ressens.
01:55Et la peur, vous la sentez aussi ?
01:57Oui, je sens une très forte inquiétude et une certaine colère.
02:02Beaucoup de gens sont désarçonnés, ne savent pas dans quel sens le pays va aller, ne savent pas si sa stabilité politique est garantie.
02:11Donc oui, il y a une vraie inquiétude qui s'exprime, c'est vrai.
02:14Il y a les mots de l'émotion, il y a les mots aussi du chef de l'État qui, dans un entretien fleuve accordé à un podcast lundi,
02:20évoquait la perspective d'une guerre civile au soir du second tour si les extrêmes, je le cite, l'emportent.
02:26Est-ce que le Président ne crée pas lui aussi un climat anxiogène, voire éruptif dans le pays, par ces mots ?
02:34Moi je pense qu'il faut que tout le monde ait en tête que nous vivons dans une démocratie.
02:39Elle n'est pas toujours célébrée, elle est probablement imparfaite, mais elle est une vieille et belle démocratie néanmoins.
02:46Dans une démocratie, il y a quelques principes qui sont intangibles et pour lesquels il faut se battre.
02:52D'abord le respect de la loi, le respect de la constitution, et puis le fait que les résultats qui sont issus de l'élection sont souverains.
03:01C'est le peuple qui s'exprime. C'est d'ailleurs une très grande responsabilité, mais c'est le peuple qui s'exprime.
03:06On ne peut pas mettre en cause avant les résultats d'une élection, les résultats de cette élection.
03:11Et on doit accepter, lorsqu'on est un démocrate, le résultat de l'élection.
03:15Et ça vaut pour tout le monde, c'est un fait.
03:18Donc ça c'est la première chose qu'il faut dire, et je vois bien des gens dire
03:22« si tel gagne, ou si tel autre gagne, alors nous n'obéirons pas, ou nous ne respecterons pas ».
03:28Je crois que c'est fondamentalement se placer en dehors du pacte démocratique qui nous lie tous.
03:34C'est la première chose que je veux dire.
03:35La deuxième chose que je veux dire, c'est que nous sommes dans un pays où la société est tendue.
03:42Nous sommes dans un pays qui est souvent prompte, et il l'a montré dans son histoire, à des très grandes divisions.
03:49Et à des très grandes tensions.
03:51Et ça n'est pas parce que ça a existé qu'il faut dire que ça n'est pas grave. C'est un fait.
03:56Et je pense que les responsables politiques, quels que soient leurs choix, quelles que soient leurs orientations,
04:03quelles que soient leurs convictions, même d'une certaine façon, doivent d'abord et avant tout rappeler,
04:08et appeler aux valeurs du rassemblement.
04:11C'est très facile d'exister en clivant.
04:13C'est très facile d'exister en parlant à une petite section de la société, à une petite section du peuple,
04:19en disant « nous avons raison, ils ont tort », « nous sommes dans le vrai, ils sont dans le faux ».
04:23C'est assez facile.
04:24Le Président n'aurait donc pas dû dire ça ?
04:26C'est pas du tout ce que je suis en train de dire.
04:27Vous voyez bien que quand je parle de cela, je ne parle pas du Président de la République.
04:30Mais je voudrais dire que, et c'est ce que j'essaie de faire, comme maire du Havre et comme responsable politique,
04:37je pense que nous devons en permanence veiller au rassemblement.
04:41Veiller à l'ouverture.
04:43Si dans cette campagne j'appelle à une nouvelle majorité parlementaire,
04:46constituée par des forces politiques qui ne sont pas simplement celles qui existaient dans feu la majorité présidentielle,
04:52c'est bien, dans cette optique, d'essayer de construire avec des bases politiques plus larges un mouvement qui permette à la France d'avancer.
04:59C'est ce que j'essaie de faire au Havre.
05:01Et ça me paraît indispensable.
05:03Et je pense qu'il est utile, dans ce moment de très grande inquiétude, de très grande tension,
05:07et peut-être même aussi de colère, que des voix s'expriment en rappelant les fondements de la démocratie
05:12et en expliquant que nous avons besoin de travailler ensemble.
05:16Avez-vous des électeurs RN autour de vous, Edouard Philippe, parmi vos proches, des amis, de la famille ?
05:22J'ai mécaniquement des électeurs RN.
05:26Je parle de vos proches.
05:29Je ne crois pas...
05:30Oui, oui, la réponse est oui.
05:32Vous leur dites quoi ?
05:36D'abord, je ne crois pas qu'un électeur RN soit un électeur RN pour toutes les élections, pour toute la vie, dans toutes les circonstances.
05:45Voter aux européennes pour le Rassemblement National, ça ne veut pas dire que l'on va voter au Rassemblement National
05:51pour des élections législatives ou pour des élections municipales.
05:53Ça ne veut pas dire qu'on absorbe tout le programme, toute la doctrine.
05:57Je ne crois pas que ça veut dire ça.
05:59Je pense que les choses sont plus complexes que ça.
06:01Ça, c'est la première chose.
06:03La deuxième chose, c'est que j'ai rencontré plein d'électeurs RN dans cette campagne.
06:07J'ai fait une réunion dans un café à Suypes.
06:10Suypes, je peux vous dire que le Rassemblement National aux dernières élections européennes a fait un score élevé.
06:16Suypes, c'est dans la Marne.
06:18J'ai discuté avec des gens qui avaient voté pour le Rassemblement National.
06:22D'abord, un mot pour vous dire que cette discussion a été possible.
06:26Ça a été une discussion calme.
06:28Une discussion claire, je dois dire.
06:30Vous les avez fait changer d'avis ?
06:31Je ne sais pas.
06:32Mais en tout cas, je leur ai dit ce que je croyais.
06:33Ils m'ont dit ce qu'ils croyaient.
06:34Et nous avons eu un débat démocratique.
06:36Et je pense que c'est très heureux de dire que l'on peut avoir et que l'on doit avoir un débat démocratique.
06:40D'ailleurs, pardon, mais ça sert à ça une campagne électorale ?
06:42Donc, oui, bien sûr, je connais, oui, bien sûr, j'ai dans mon entourage des gens qui votent au Rassemblement National.
06:48Et j'essaie de leur dire les risques qui s'attachent à une domination du Rassemblement National sur l'Assemblée et sur le pays demain.
06:57Pourquoi je ne suis pas d'accord avec un certain nombre des propositions qui sont formulées ?
07:00Je n'en vois pas d'anathème.
07:02Mais je fais part de des accords qui sont extrêmement profonds, extrêmement fermes.
07:05Le pays est divisé, vous l'avez dit, fracturé.
07:09Il y a de la fatigue, de la peur.
07:13Vous avez été Premier ministre d'Emmanuel Macron, membre de cette majorité présidentielle depuis des années.
07:21Quelle responsabilité avez-vous, vous, Édouard Philippe, dans la situation actuelle de la France ?
07:28Une part.
07:29Laquelle ?
07:30J'ai du mal à la quantifier, mais une part.
07:32Non, on ne demande pas des pourcents, mais une description.
07:35J'ai une part de responsabilité.
07:37J'ai été maire d'une grande ville depuis 2010, Premier ministre pendant trois ans,
07:42député dans l'opposition de 2012 à 2017.
07:45Je me suis exprimé, j'ai fait des choses, j'ai tenté des choses, j'ai réussi des choses, j'ai raté des choses.
07:50J'ai une part de responsabilité, comme tous les responsables politiques.
07:54Et permettez-moi de dire, pas seulement les responsables politiques,
07:57comme tous nos concitoyens et nos concitoyens ont une part de responsabilité.
08:01C'est ça une démocratie.
08:02J'aurais une part peut-être un peu plus grande, parce qu'effectivement,
08:04j'ai eu l'honneur d'exercer des responsabilités importantes à Matignon.
08:11Est-ce que ça veut dire qu'il faut jeter le bébé avec l'eau du bain ?
08:16Je voudrais dire que, alors même que j'ai conscience, et que je le dis très clairement,
08:21de ne pas avoir tout réussi, de ne pas avoir tout bien fait,
08:23je voudrais dire quand même que dans les trois années où j'ai été Premier ministre,
08:26le déficit en France a baissé.
08:29Je voudrais dire que pendant ces trois années, le chômage a baissé.
08:32Et a baissé massivement.
08:34Je fais partie d'une génération qui est venue à la réflexion publique.
08:37J'étais tout petit, j'avais 11-12 ans au début des années 80.
08:40A partir du début des années 80, la problématique systématique dont on parle dans le débat public,
08:45c'est le chômage.
08:46Le chômage de masse.
08:47Le chômage qu'on n'arrive pas à faire baisser.
08:49Je constate que dans ces trois années que j'ai passées à Matignon,
08:52le chômage a effectivement baissé.
08:54L'apprentissage a effectivement augmenté.
08:56Les investissements en France ont effectivement augmenté.
08:59On a créé plus d'emplois industriels qu'on en a détruits.
09:03Et c'était la première fois depuis très longtemps.
09:05Donc je ne dis pas que tout va bien.
09:07Mais décrire la France, après ces sept années,
09:10ou après les trois années que j'ai passées à Matignon,
09:12comme une France où rien n'irait,
09:14c'est aussi, d'une certaine façon, une facilité de langage qui ne correspond pas à la réalité.
09:19Qu'est-ce qui fait grimper le RN ?
09:21Beaucoup de choses qui viennent se conjuguer.
09:24Un appauvrissement des classes moyennes populaires,
09:29dont Nicolas Demorand, vous savez parfaitement qu'il n'est pas propre à la France.
09:33Ce déclassement, cet appauvrissement relatif et parfois absolu des classes moyennes populaires,
09:38c'est-à-dire de Françaises et de Français qui travaillent,
09:41c'est un phénomène qui est très net en France,
09:43qui est plutôt moins net en France d'ailleurs que dans d'autres pays,
09:46mais qui affecte tous les pays d'Europe occidentale,
09:49et qui crée partout en Europe occidentale une colère, un déclassement,
09:54et une envie de renverser la table politique
09:57qui s'est exprimée en Italie, qui s'est exprimée au Royaume-Uni,
10:00et qui continue à s'exprimer en Allemagne.
10:02Donc le phénomène n'est pas spécifique à la France,
10:05ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des causes françaises, mais il n'est pas spécifique.
10:08Le déclassement, la difficulté que nous avons à répondre à des interrogations
10:13et à des problèmes que vivent les Français,
10:15en matière de sécurité, en matière d'accès aux services publics,
10:19en matière d'éloignement des centres de décision,
10:21puisqu'on a l'impression qu'on n'a plus prise sur le monde,
10:23tout ça c'est vrai, tout ça ça existe,
10:26et tout ça, il faut bien le reconnaître,
10:28nous n'avons pas réussi à apporter des réponses suffisantes.
10:31Mais ça ne veut pas dire, et après tout on a le droit d'avoir un discours nuancé,
10:34si on ne peut pas avoir un discours nuancé à cette antenne,
10:37on pourra l'avoir nulle part.
10:39Bon, on a le droit aussi de dire que dans ces dernières années,
10:42il y a des choses qui ont été faites et qui permettent d'aller dans le bon sens.
10:45On en revient à la campagne.
10:47La nuance est minoritaire, dans l'époque.
10:51La nuance, et essayer d'avoir un constat objectif sur les choses,
10:55c'est le socle sur lequel on peut s'appuyer pour avoir un débat démocratique.
11:00Et il faut le revendiquer.
11:02Je connais trop de gens qui aiment cliver,
11:04je connais trop de gens qui aiment raser gratis,
11:06je connais trop de gens qui prospèrent en politique sur des affirmations simplistes.
11:10Alors le débat démocratique justement, on en revient à la campagne.
11:12J-4 avant le premier tour, votre parti Horizon présente 82 candidats,
11:16c'était 58 en 2022.
11:18Horizon qui va seul à l'élection, sous ses propres couleurs.
11:21Vous ne vous êtes pas enregistré en préfecture sous l'étiquette commune
11:24« Ensemble » des différentes parties de la coalition présidentielle.
11:27Est-ce une émancipation ? Est-ce une rupture ?
11:30Je suis attaché en toute matière à mon indépendance.
11:33Indépendance d'esprit, autant que c'est souhaitable, c'est-à-dire absolue,
11:39et indépendance politique et indépendance financière.
11:43J'y suis extrêmement attaché et il se trouve que le parti que j'ai créé Horizon,
11:46créé en 2021, a grandi.
11:48On a aujourd'hui un peu plus de 27 000 adhérents à jour de cotisation,
11:53on a beaucoup d'élus locaux qui nous ont rejoints,
11:56et nous avons considéré que nous pouvions assumer cette indépendance.
11:59Mais je voudrais vous dire que l'indépendance, ça ne veut pas dire l'isolement.
12:02Ça ne veut pas dire un splendide isolement.
12:04L'indépendance, c'est au contraire la capacité qu'on a à choisir librement
12:08de travailler avec d'autres.
12:09Et vous aurez remarqué dans cette campagne que j'appelle de mes voeux
12:12une nouvelle majorité parlementaire.
12:13Avec un cordon coupé avec Emmanuel Macron ?
12:15C'est-à-dire un travail avec des forces politiques qui étaient à l'intérieur
12:18de la majorité présidentielle jusqu'à présent,
12:20et avec des forces politiques qui avaient choisi,
12:22et après tout c'est leur droit, de ne pas y être.
12:24Et donc, moi je veux travailler avec d'autres.
12:26Vous avez dit qu'Emmanuel Macron avait tué la majorité présidentielle.
12:29Le mot « tué », le mot est fort, ça signifie quoi derrière ?
12:32J'ai pris acte de ce qu'il avait lui-même en prononçant la dissolution
12:35de l'Assemblée nationale, mis un terme à la majorité parlementaire
12:38telle qu'elle était sortie des urnes en 2022.
12:41Ça n'est pas moi qui l'ai décidé, ça n'est pas vous.
12:43Mais le mot « tué » veut dire qu'on se sent un reproche, un regret
12:45derrière le mot « tué ».
12:46C'est le président de la République qui l'a fait. J'en prends acte.
12:48Et je veux construire non pas la même chose, mais quelque chose
12:51qui soit plus large, plus stable et plus ouvert.
12:53Donc cette indépendance que je revendique, elle n'est pas un isolement.
12:56Elle est au contraire le moyen, me semble-t-il, de travailler avec d'autres
13:00et de construire avec d'autres.
13:02Est-ce la fin du macronisme, Edouard Philippe ?
13:05Écoutez, je ne sais pas si c'est la fin du macronisme.
13:09Ce que je sais, c'est que c'est une élection qui est absolument décisive.
13:12Je sais qu'en France, on aime à la fois tout ramener au président de la République
13:17et on aime déplorer que tout soit ramené au président de la République.
13:20Honnêtement, ces deux sentiments sont extrêmement puissants
13:22et je suis certain que si on prend une tranche de matinale de trois heures,
13:26vous les entendrez tous les deux formuler à des moments.
13:29Ça fait partie des magnifiques contradictions françaises.
13:32Je me permets d'indiquer que l'élection législative que nous allons trancher
13:36le 30 juin et le 7 juillet n'est pas une élection présidentielle.
13:39Qu'Emmanuel Macron n'est pas candidat à l'élection législative.
13:42Et qu'il s'agit, pour les Françaises et pour les Français, souverainement
13:44de déterminer la majorité et donc le gouvernement
13:47et donc la direction dans laquelle la France s'engage dans les années qui viennent.
13:51On prend la direction du standard.
13:52Gilles, bonjour.
13:54Oui, bonjour.
13:55Gilles Agrenoble.
13:56Oui, Gilles Agrenoble, c'est ça.
13:58Bonjour M. le Premier ministre, bonjour M. Gosse, bonjour M. Demerand.
14:02Je vous trouve, M. le Premier ministre, un peu sévère avec le président de la République.
14:07Après tout, vous lui devez d'avoir été Premier ministre sans avoir été très très connu, sauf au Havre.
14:14Certes, cette dissolution avant les yeux n'est pas l'idéal, mais y a-t-il une date idéale ?
14:19Cette dissolution ne serait-elle pas arrivée dans quelques mois et nous serons dans la même situation difficile ?
14:25N'êtes-vous pas un peu dans la logique où on casse le thermomètre ?
14:29Personnellement, je préfère le comportement de Gabriel Attal qui se bat comme un lion.
14:34Et je reste optimiste, je n'exclus pas la constitution du plafond de verre contre le Rassemblement National.
14:42Je vous remercie.
14:44Merci à vous, Gilles, pour cette intervention.
14:46Edouard Philippe vous répond.
14:48Merci beaucoup.
14:49Écoutez, vous avez raison de dire qu'il faut se battre.
14:53Et personnellement, je me bats très activement dans cette campagne électorale.
14:57Je fais des déplacements tous les jours.
14:59Je vais soutenir des candidats qui sont d'ailleurs pas simplement, monsieur, des candidats horizon,
15:02qui sont des candidats qui s'inscrivent dans cette nouvelle majorité parlementaire que j'appelle de mes voeux.
15:07Parfois ce sont des candidats modem, parfois ce sont des candidats renaissance.
15:10Je le fais avec plaisir et avec combativité.
15:13Je ne suis pas exagérément dur avec le président de la République.
15:17Je dis ce que je pense.
15:19Je lui dois le respect parce qu'il est président de la République et j'ai le respect des institutions.
15:23J'ai été, je crois, d'une parfaite loyauté avec lui lorsque j'étais Premier ministre.
15:28Et c'est naturel, car quand on est Premier ministre,
15:31et quand tu es Premier ministre choisi disposant d'une majorité qui s'inscrit dans l'action du Président,
15:36c'est comme ça qu'il faut être.
15:39Mais je ne peux pas renoncer à ma liberté de parole.
15:42Je ne peux pas ne pas constater que cette dissolution et la façon dont elle a été conduite
15:48ont mis un terme à ce qui était sorti des urnes en 2022.
15:51Et je ne crois pas qu'il faille essayer de recommencer la même chose.
15:54Je pense qu'il faut, avec ceux qui étaient dans la majorité présidentielle,
15:58mais dans une logique un peu nouvelle, plus ouverte,
16:01créer une nouvelle majorité parlementaire avec des forces politiques
16:04qui s'inscrivent dans ce grand bloc central que j'appelle de mes voeux.
16:07Et je ne suis pas sûr, contrairement à ce que vous disiez,
16:09que le Premier ministre actuel dise des choses qui soient si différentes.
16:13Justement, vous parliez de votre bloc nouveau à imaginer,
16:17qui irait de la gauche midiérandienne, vous dites, à la droite conservatrice.
16:20La gauche social-démocrate.
16:22C'est-à-dire de cette gauche qui existe,
16:27qui électoralement aujourd'hui a du mal à exister,
16:30mais qui s'est exprimée autour notamment de Raphaël Glucksmann.
16:33C'est-à-dire d'une gauche pro-européenne.
16:35C'est-à-dire d'une gauche qui ne renonce pas à l'économie de marché,
16:38mais qui sait qu'il faut l'encadrer.
16:40Jusqu'au républicain.
16:41C'est-à-dire d'une gauche qui peut et a l'habitude de discuter
16:47et de travailler, c'est souvent vrai localement,
16:49avec des forces politiques qui ne sont pas simplement LFI
16:53et la partie la plus gauche et la plus dure du Front populaire.
16:57Mais soyons pragmatiques.
16:58Est-ce que vous pensez que des sociodémocrates,
17:00même ceux qui n'ont pas rejoint le Front populaire,
17:02peuvent suivre la majorité, vous,
17:04quand elle durcit les règles de l'assurance-chômage par décret,
17:07quand elle fait la loi immigration ou quand elle réforme les retraites ?
17:10Mais mon objectif n'est pas de refaire la majorité présidentielle.
17:14Et je vous remercie de m'offrir la possibilité de le dire à nouveau.
17:17Mon objectif, ce que je souhaite, ce que je propose,
17:20ce pourquoi je me bats avant le premier tour pour avoir une chance de le faire après le second,
17:24c'est de tendre la main aux forces politiques
17:27qui ne sont pas dans la majorité présidentielle,
17:29qui ne veulent pas rentrer dans la majorité présidentielle,
17:31mais qui peuvent s'entendre pour faire le constat
17:34qu'un certain nombre de mesures prioritaires sont bonnes pour le pays.
17:36En matière d'éducation.
17:38En matière de défense.
17:40En matière de justice.
17:42Dans beaucoup de domaines où nous pouvons faire avancer le pays.
17:46Ce que je dis semble curieux en France,
17:49et pourtant, c'est la norme ailleurs.
17:52C'est la norme dans toutes les grandes démocraties parlementaires.
17:54C'est même ce qui se pratique à certains égards dans les collectivités territoriales.
17:58Dans ma majorité au Havre,
18:00et je suis heureux de parler du Havre à cette antenne,
18:02dans ma majorité du Havre,
18:04il n'y a pas un parti monocolore.
18:06Ça n'existe pas.
18:07Il y a des gens qui viennent de la droite conservatrice,
18:09et il y a des gens qui viennent de la gauche.
18:11Et ensemble, ils s'entendent sur un projet
18:13dont ils considèrent qu'il permet de faire avancer le Havre dans le bon sens.
18:15C'est ça que je propose aux Françaises et aux Français.
18:18C'est ça que je propose aux forces politiques en leur disant
18:20acceptons l'idée, après l'élection,
18:23de parler, de travailler ensemble,
18:25et de voir comment on peut faire avancer le pays.
18:28Ça me paraît être du bon sens,
18:30et je suis certain, je suis certain,
18:32qu'un très grand nombre de Françaises et de Français
18:34n'ont pas envie d'être prisonniers du piège mortifère
18:37dans lequel on les enferme,
18:39entre LFI d'un côté, et le Rassemblement National de l'autre.
18:42Daniel est au standard.
18:44Daniel, bonjour.
18:45Bonjour.
18:46Vous nous appelez de Villeurbanne.
18:48Oui. D'abord, merci France Inter de prendre ma question.
18:53Merci à vous.
18:54Merci France Inter, dont je demeure malgré tout un auditeur réitéré.
18:59Et voilà ma question.
19:00En cas de triangulaire, au second tour,
19:04si le Rassemblement National est en tête,
19:07et si vous pouvez vous maintenir,
19:091. Est-ce que vous vous maintenez ?
19:112. Vous vous désistez ?
19:13Et dans ce cas-là, est-ce que vous vous désistez
19:15avec consigne de vote, ou sans consigne de vote ?
19:18Merci.
19:19Merci Daniel.
19:20La question est très précise,
19:22et la réponse doit l'être aussi.
19:24Edouard Philippe.
19:25Alors c'est une très bonne question monsieur.
19:26Je vous remercie de me l'avoir posée,
19:27je ne vais pas y répondre.
19:28Mais je vais vous dire pourquoi je n'y répondrai pas.
19:30D'abord, j'y répondrai, mais j'y répondrai le moment venu.
19:33Je ne vais pas y répondre, non pas du tout parce que ça serait une mauvaise question.
19:36Je ne vais pas y répondre parce qu'elle est à l'opposé de ce pourquoi,
19:40aujourd'hui, je me bats.
19:41Aujourd'hui, je me bats pour le premier tour.
19:43Et je me bats pour que, dans le maximum de circonscriptions,
19:46et si possible dans toutes les circonscriptions,
19:48nous nous trouvions justement dans une situation
19:50qui ne soit pas le face-à-face entre LFI et le Rassemblement National.
19:56Et donc, j'essaie d'expliquer, avec mes mots,
20:00avec ma conviction, avec mon enthousiasme,
20:02que les français ne sont pas prisonniers de cette tenaille
20:06et qu'il y a une alternative.
20:07Qu'il y a une alternative dans un espace central qui existe,
20:11qui est composé de forces politiques diverses, c'est vrai,
20:14dont je ne revendique pas la totalité de cet espace central,
20:17mais qui existe.
20:18Et que les français, et qu'un très grand nombre de français en tout cas,
20:22préféreront avoir un choix qui ne soit pas contraint
20:25par ce face-à-face entre LFI d'un côté et le RN de l'autre.
20:29Et si je réponds à votre question aujourd'hui,
20:31alors la seule chose dont on va discuter dans les derniers jours de la campagne,
20:35ce sera le bien fondé ou le mal fondé de telle ou telle position.
20:38La question que vous me posez est une bonne question
20:40et je vous garantis qu'au soir du premier tour
20:44et au lendemain du premier tour,
20:46j'aurai l'occasion de m'exprimer de façon extrêmement claire sur le sujet.
20:50D'ici là, avez-vous quelque chose à dire aux électeurs de gauche
20:53qui ont voté Emmanuel Macron à deux reprises en 2017 et 2022
20:58pour faire barrage à Marine Le Pen ?
21:00Je peux leur dire de façon très claire
21:03que je ne fais, et qu'il n'y a dans mon esprit,
21:08aucune espèce de confusion entre les formations politiques,
21:15les candidats, les électeurs, les militants
21:17qui s'inscrivent aux partis socialistes,
21:19avec lesquels j'ai des différences qui sont notables.
21:22Chez les écologistes, avec qui j'ai des différences qui sont notables
21:26et qui le notent d'ailleurs très justement.
21:28Avec les communistes qui sont mes adversaires au Havre
21:30et qui ne m'ont pas exactement fait de cadeau.
21:32Mais pas avec les Insoumis ?
21:33Et avec les Insoumis.
21:34Et avec les Insoumis ?
21:35Non, non, non, je considère que je fais la différence
21:38entre des partis, entre des électeurs
21:41et avec la France Insoumise ou le NPA
21:45pour lequel j'ai beaucoup plus de mal à engager une discussion sereine
21:49et pour lequel j'ai beaucoup plus de mal à accepter des positions
21:53qui sont non seulement très souvent limite
21:57mais bien souvent de l'autre côté de la limite.
21:59On parle beaucoup retraite dans cette fin de campagne législative.
22:02Objectif 60 ans du côté du Nouveau Front Populaire.
22:05ORN c'est 60 ans si on a travaillé, commencé à travailler avant 20 ans.
22:09En octobre 2022, vous appeliez dans Le Parisien
22:12à bouger, bouger beaucoup sur les retraites.
22:14Vous parliez d'un report à l'âge d'égal, de l'âge d'égal à 65, 66 ou 67 ans.
22:19Est-ce que vous l'assumez toujours ?
22:21Oui, je disais ce qu'il se passe dans les pays qui nous entourent.
22:24Je pointais et je suis fasciné qu'en France, on n'accepte pas.
22:28Et j'espère que sur France Inter, vous me permettrez de dire
22:33qu'en Espagne, pays dirigé par la gauche
22:36et par une gauche ambitieuse.
22:38C'est pas une gauche la petite semaine.
22:41Une gauche ambitieuse, une gauche de gauche.
22:43Bon, est-ce qu'on a rabaissé l'âge de départ à la retraite en Espagne ?
22:47La réponse est non, on l'a augmenté.
22:49Est-ce que le gouvernement de Pedro Sanchez est revenu sur cette mesure ?
22:52Pas du tout.
22:53En Italie, pays dirigé par un gouvernement à droite et très à droite,
22:58est-ce qu'on est revenu sur l'âge de départ à la retraite
23:00qui est à 67 ans en Italie ?
23:01La réponse est non.
23:02Alors même qu'on s'y était engagé.
23:04Pourquoi ?
23:05Parce que la démographie des systèmes européens, des pays européens,
23:08elle ne ment pas.
23:09Parce que l'équilibre des systèmes de retraite
23:12impose dans notre démographie et dans nos sociétés
23:15de travailler plus longtemps.
23:16Je me borne à dire que l'idée selon laquelle
23:19notre pays pourrait être plus prospère en travaillant moins
23:22est une idée fausse.
23:24Et qu'on peut toujours vouloir raser gratis,
23:27on peut toujours vouloir, pendant la campagne électorale,
23:29dire aux électeurs ce que l'on pense qu'ils ont envie d'entendre.
23:32Mais je ne fais pas de la politique comme ça.
23:34J'essaie de dire les choses telles que je les vois.
23:36Ça ne veut pas dire que j'ai toujours raison.
23:37Et ça laisse parfaitement la place
23:39à tous ceux qui ne sont pas d'accord avec moi.
23:41Mais j'essaie de dire la réalité telle que je la vois.
23:44Jordan Bardella a annoncé en conférence de presse
23:47que certains postes dits stratégiques
23:50de la fonction publique seraient fermés aux binationaux.
23:53Comment avez-vous reçu cet engagement
23:56du Rassemblement National, Édouard Philippe ?
23:58J'y vois la trace
24:00que d'ailleurs le Front National a essayé de gommer
24:03considérablement depuis que Monsieur...
24:06C'est comme ça avec le Rassemblement National.
24:08Vous me posez la question sur les retraites.
24:10Il y a plein de gens qui ne sont pas d'accord avec moi.
24:12Mais moi au moins, je suis clair.
24:14Est-ce que le Rassemblement National est clair ?
24:16Je ne sais pas.
24:17Je n'ai pas bien compris leur position.
24:19Un coup c'est 60 ans,
24:20puis hier on a appris que c'était 66 ans.
24:22Je pense qu'il y a des gens qui ont été surpris.
24:24Sur les binationaux ?
24:26J'y ai vu la trace de quelque chose
24:28qui est à mon avis assez régulier au Front National.
24:31C'est le besoin de créer des catégories de Français.
24:35Et clairement, quand le Front National dit ça,
24:37il crée, même si c'est pour quelques postes,
24:40même si c'est pour quelques postes stratégiques,
24:42de catégories de Français.
24:43Il y avait dans le gouvernement sortant
24:45un ministre de l'Industrie, Roland Lescure,
24:48que j'ai personnellement trouvé remarquable.
24:50Je trouvais que c'était un très bon ministre,
24:51je trouvais que c'était un très bon parlementaire
24:52lorsqu'il était président de la Commission des Affaires Économiques.
24:54Vraiment un très bon ministre.
24:56Quelqu'un d'ailleurs qui a eu des relations poussées
24:58et je crois confiante avec les organisations syndicales.
25:01Vraiment je le dis, un très bon ministre.
25:02Bon, il est franco-canadien.
25:05Quand on est ministre,
25:06et quand on est ministre de l'Industrie et de l'Énergie,
25:08on voit passer un certain nombre de dossiers.
25:10Est-ce que selon le Front National,
25:11Monsieur Lescure n'aurait pas dû être ministre ?
25:13Pourquoi ?
25:15Parce que dans sa vie, il a vécu au Canada
25:18et qu'il est allé à l'Université américaine
25:19parce que son père ou sa mère est d'une autre nationalité ?
25:22Est-ce que ça veut dire que l'on peut, dans notre pays,
25:25créer des catégories de Français
25:28dans leur relation à la citoyenneté ?
25:31On est un parti républicain quand on fait ces différences
25:33entre les Français ?
25:34On a le droit de se poser des questions.
25:36Je pense que derrière cette proposition
25:38qui concerne sans doute peu de gens,
25:40il y a quelque chose de beaucoup plus fondamental
25:42qui se joue et je dis notamment
25:44aux plus jeunes d'entre nous qui nous écoutent,
25:46qui ont été sensibles au discours de Monsieur Bardella,
25:50réfléchissez bien.
25:52Merci Edouard Philippe d'avoir été au micro d'Inter ce matin.
25:55Merci.