L'ancien ministre Jean-Michel Blanquer dénonce un "usage erroné de la dissolution", conduisant à "une crise institutionnelle", après la décision du président Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée en juin dernier. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-29-aout-2024-5654646
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00:00France Inter, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7-10
00:05Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin un ancien ministre de l'éducation nationale,
00:10poste qui l'occupa 5 ans pendant le premier mandat d'Emmanuel Macron.
00:14Il revient sur ses années dans la citadelle, au cœur du gouvernement,
00:19publié aux éditions Albain Michel et en librairie aujourd'hui.
00:24Amis auditeurs, amies auditrices, questions réactions au 01-45-24-7000
00:30et sur l'application de France Inter.
00:32Jean-Michel Blanquer, bonjour.
00:34Bonjour.
00:35Et bienvenue à ce micro.
00:37Il fut un temps où l'on vous recevait métronomiquement à chaque rentrée des classes
00:42pour parler de l'école sur Inter, mais ça c'était avant.
00:45Aujourd'hui, vous êtes professeur de droit public à l'université Panthéon-Assas
00:50et vous êtes là donc pour ce livre que vous publiez
00:53et que vous présentez comme un exercice de vérité
00:57où vous retracez cinq années au cœur du pouvoir macroniste,
01:00de votre rencontre avec Emmanuel Macron en 2017
01:04à votre défaite aux législatives en 2022.
01:07Cinq années où vous avez cru à l'homme Macron, à son en même temps,
01:12avant de connaître la désillusion et une certaine forme d'amertume.
01:16On va y venir en détail, longuement, largement,
01:19mais commençons d'abord par quelques mots sur la situation politique inédite de cette fin d'été.
01:27Plus de 40 jours sans Premier ministre, une assemblée nationale fracturée,
01:32comment la qualifiez-vous cette situation, Jean-Michel Blanquer ?
01:36Crise politique, crise démocratique, crise institutionnelle ?
01:41On peut utiliser les trois adjectifs, effectivement.
01:44C'est plus généralement une crise démocratique qui est en arrière-plan
01:47et qui ne concerne pas que la France.
01:49On voit souvent des pays européens qui sont dans des positions
01:52où finalement les décisions sont difficiles à prendre, où il y a des blocages.
01:56Ce n'est pas quelque chose de spécifique à la France.
01:58On voit bien d'ailleurs que c'est une question, par exemple,
02:02de monter des populismes dans l'ensemble du monde occidental.
02:05On voit par exemple ce qui se passe aux États-Unis actuellement.
02:07Tout ceci doit nous interroger vraiment sur le fond des choses,
02:11sur ce qu'est la démocratie au XXIème siècle, il n'y a aucun doute.
02:13Ça, c'est l'arrière-plan.
02:14Ensuite, sur le plan strictement français, il y a évidemment une crise institutionnelle, chacun le voit,
02:18dont la source est un usage erroné de la dissolution, c'est évident.
02:24Je reviens même un peu là-dessus dans le livre.
02:26Oui, vous en parlez, vous avez des mots durs.
02:27Vous comparez la dissolution d'Emmanuel Macron le 9 juin dernier
02:31à la dissolution ratée de Mac Mahon.
02:32Vous écrivez, je vous cite, « Cela se voulait rusé et disruptif.
02:36C'était simplement irrationnel et immoral.
02:38Et par cela même, ne pouvait déboucher que sur une sévère défaite
02:40par laquelle le président emportait avec lui le pays dans le vide
02:43où il avait choisi de se précipiter.
02:45Le choix de la dissolution n'est que l'acmé d'une vision bien trop personnelle
02:48de l'usage des pouvoirs présidentiels. »
02:50C'est vos mots dans votre livre.
02:52Voilà, donc ça résume les choses, en effet.
02:54Et ça nous renvoie d'ailleurs à la lecture de la Constitution en général.
02:59La Constitution, c'est évidemment ce que l'on peut lire, les articles de la Constitution.
03:03Mais c'est aussi une histoire.
03:04Si vous regardez le préambule de la Constitution,
03:06il récapitule toute l'histoire constitutionnelle française depuis 1789.
03:11Et c'est ce qui fait l'unité, à la fois dans le temps et dans l'espace de notre pays.
03:15Si vous regardez les États-Unis, la Constitution est le socle de l'unité du pays.
03:19Donc vous ne pouvez pas utiliser la Constitution
03:22comme un contrat avec lequel vous faites des coups vis-à-vis d'un adversaire.
03:26C'est au contraire quelque chose qui doit unir.
03:28Mais le prof de droit public que vous êtes,
03:30il pense aujourd'hui que la Constitution a été dévoyée ?
03:34Comme le dit la gauche qui parle du libéralisme ?
03:37Non, non, je ne pense pas.
03:38Sur un terrain strictement juridique, il est évident que rien n'a été violé.
03:44Mais sur le terrain de l'esprit de la Constitution,
03:47évidemment, on en paye le prix politique.
03:49Et le premier qui le paye, c'est malheureusement le président de la République lui-même,
03:51et avec lui, nous tous.
03:53Parce que, tout simplement, quand on se trompe de compréhension de la Constitution,
03:57eh bien, on arrive à ce genre de choses.
04:00Ça, c'est la dimension institutionnelle.
04:02Après, il y a la dimension strictement politique.
04:04Et depuis, ce qui est évident aussi,
04:07et c'était vrai déjà avec le général De Gaulle,
04:09c'est que la structuration partisane conditionne tout le reste.
04:12C'est-à-dire que la Ve République est souple,
04:15et c'est la façon dont les partis sont structurés qui, ensuite, va conditionner énormément de choses.
04:20Or, nous sommes dans une situation qui ressemble plutôt à la fin de la IVe République,
04:23avec deux extrêmes qui, finalement, embolisent le système.
04:27Jean-Michel Blanquer, pourquoi Emmanuel Macron a-t-il pris cette décision de dissoudre, selon vous ?
04:34C'est de l'orgueil blessé, de l'impulsivité.
04:36Vous semblez carrément pencher pour l'idée d'un suicide politique
04:40dans le livre. L'arraquerie symbolique accomplie en direct par le chef de l'État était spectaculaire.
04:46L'effet d'irréalité produit était inédit.
04:51Oui, je pense que, là, je faisais référence à une phrase d'Edgar Ford
04:56lorsqu'il travaillait sur la disgrâce de Turgot,
05:00qui est que, finalement, quand il y a des erreurs de ce genre,
05:03ça relève d'une sorte de suicide inconscient.
05:05Et, en l'occurrence, il n'y avait aucune raison de dissoudre le soir des élections européennes.
05:09Mais strictement aucune, vis-à-vis de personne.
05:11Pour ma part, je pensais qu'il y aurait une dissolution en 2024,
05:16et elle me paraissait devoir arriver.
05:18Elle me paraissait devoir advenir après les Jeux olympiques.
05:21Elle me paraissait devoir advenir s'il y avait un blocage constaté au Parlement.
05:26Il y aurait eu là, alors, une logique institutionnelle à dissoudre.
05:30Et le président de la République aurait d'ailleurs eu, sans doute,
05:33beaucoup plus de députés proches de lui s'il avait agi ainsi.
05:36Donc, il y a quelque chose, en effet, d'un peu masochiste et d'un peu fou dans ce qui s'est passé.
05:41– Bon, maintenant, il l'a fait.
05:42Comment, selon vous, il peut sortir de cette crise-là ?
05:46Qui pourrait-il nommer aujourd'hui, puisqu'il a refusé Lucie Casté et le NFP ?
05:51Qui pourrait-il nommer aujourd'hui pour essayer de constituer un gouvernement
05:55et essayer de gouverner la France ?
05:57Une personnalité de la société civile, un techno, quoi ?
05:59– C'est très important, d'abord, de respecter les pouvoirs qui sont les siens.
06:04Par-delà tout ce que nous avons dit précédemment, il faut respecter les institutions.
06:09La Constitution est très claire sur les pouvoirs du président,
06:11dans son article 8, en l'occurrence.
06:12Et donc, il est tout à fait normal qu'il choisisse le Premier ministre.
06:16On voit bien que si l'on ne raisonne qu'au travers des partis politiques,
06:20il n'y a pas de solution.
06:22La solution, elle est forcément si on réussit à aller au-dessus des logiques partisanes.
06:27C'est une évidence, elle est devant nous.
06:29Et donc, tout le monde doit aller au-dessus de lui-même dans cette affaire.
06:32À commencer par le Président de la République,
06:34il doit nommer quelqu'un notoirement indépendant de lui
06:36et ayant donc un passé d'opposition à sa personne.
06:39C'est évident, je crois qu'il l'a un peu admis lui-même, il l'a un peu dit.
06:43De même que la majorité parlementaire, l'ex-majorité parlementaire, pardon,
06:47dit qu'elle accepte que le Premier ministre ne soit pas de ses rangs.
06:50C'est normal, c'est pour le coup la logique de ce qui s'est passé aux élections.
06:53Et il faut nommer une personne qui soit capable d'unir à gauche et à droite.
06:57Donc, soit quelqu'un qui vient de la gauche et qui sait parler à la droite,
07:00soit quelqu'un qui vient de la droite et qui sait parler à la gauche.
07:02– Vous avez un profil, Bernard Cazeneuve, Xavier Bertrand ?
07:05– Les deux que vous venez de citer sont effectivement deux
07:07qui viennent en premier à l'esprit à partir de cette définition.
07:12Puisqu'il y a eu une tendance à gauche,
07:14ce serait, il semble que Bernard Cazeneuve soit un homme
07:18que tout le monde reconnaît comme un homme d'État
07:20et qui peut tout à fait assumer cette fonction.
07:24Xavier Bertrand, symétriquement, il y en a d'autres que l'on peut citer.
07:28Je pense évidemment à des gens comme François Baroin que je connais bien,
07:31d'autres venant de la droite ou venant de la gauche
07:34qui ont tout à fait les compétences.
07:37Mais quelle que soit cette personne,
07:39imaginons que ce soit Bernard Cazeneuve dans les jours qui viennent,
07:42cette personne va devoir rassembler d'abord les Français.
07:45Et à ce moment-là, les structures suivront.
07:48Et c'est l'effet de souffle que cette nomination produira
07:52qui doit nous permettre de dépasser les clivages dans l'intérêt général.
07:54Nous ne devons penser qu'à la France.
07:56– Alors, venons-en à votre livre.
07:58Pourquoi avez-vous eu envie de vous livrer à l'exercice périlleux des mémoires,
08:02souvent prétexte à l'autocongratulation, au règlement de comptes ?
08:07C'était quoi le désir ?
08:09– Il y en a plusieurs.
08:10Le premier, c'est que je pense que, de façon générale,
08:13et je l'ai fait dans des périodes précédentes de ma vie,
08:15quand on passe une étape, il est très important de poser ce qui a été fait
08:18et de le faire pour soi-même et si possible vis-à-vis des autres.
08:22Ensuite, eu égard à l'importance de ce qui se joue au travers de l'éducation,
08:26ça me paraît très important de faire l'exercice démocratique, de poser chose.
08:29Enfin, et vous le savez bien, il y a eu de telles campagnes de dénigrement
08:32sur ce que je pouvais faire et une telle faible défense de la part de mon propre camp,
08:39puisque c'est au fond de ça que j'ai pâti.
08:41C'est-à-dire qu'à un moment donné, le Président de la République
08:43et une partie de la majorité ont décidé qu'ils n'avaient plus envie de défendre
08:47ce qui pourtant faisait leur fierté précédemment.
08:49Prenez le dédoublement des classes en grande section en CP, CEA,
08:52j'en suis extrêmement fier.
08:53C'est 400 000 enfants qui en bénéficient chaque année.
08:55L'école primaire française a amorcé son rebond.
08:58Vous avez une étude internationale très fiable,
09:01PEARLS, qui mesure le niveau des élèves de 8 ans dans le monde entier.
09:05La France est le seul pays avec le Portugal à avoir augmenté son niveau
09:09dans les cinq années qui vont de 2016 à 2021.
09:12Ces choses-là, personne ne le dit.
09:14Et donc, pour moi, c'est très important de le faire.
09:16Vous dites parce que, voilà, c'est aussi le propos de ce livre-là.
09:19On va revenir sur votre bilan comme ministre de l'Éducation nationale pendant 5 ans.
09:22Ce que vous avez fait et ce que vous n'avez pas fait.
09:25Ce que le président vous a reproché lors de la campagne présidentielle de 2022.
09:29Puisque c'est ça, ce livre-là.
09:31Ce qui est très intéressant dans votre livre,
09:33c'est la description que vous faites au fond de cette aventure politique
09:36qu'on est encore en train d'essayer d'appréhender, de comprendre.
09:39Qu'est-ce que le macronisme et quand restera-t-il ?
09:42Et ce qui est intéressant dans ce livre-là,
09:43c'est que ce n'est pas un livre de journaliste.
09:45Il y en a eu d'autres sur Emmanuel Macron et sur le macronisme.
09:47Ce n'est pas un livre de politiste non plus.
09:49C'est la première fois, c'est le premier inventaire du macronisme de l'intérieur.
09:52Par un de ses acteurs de premier plan qui fut au cœur du pouvoir.
09:55Vous avez été longtemps le chouchou, le ministre emblématique d'Emmanuel Macron
10:00avant de tomber, et c'est vos mots, en disgrâce.
10:03Avant d'avoir été trahi.
10:05D'abord, sur les bons moments,
10:07vous parlez de votre rencontre avec Emmanuel Macron en 2017
10:09qui vous donne rendez-vous dans un restaurant qui s'appelle
10:12« Je t'aime », ça ne s'invente pas.
10:14« Je t'aimais », « Je t'aime », je ne sais pas, vous l'écrivez bizarrement.
10:17Oui, c'est comme ça que c'est appelé.
10:18« Je-t-me ».
10:20Voilà, vous parlez de sa capacité de séduction,
10:22l'impression donnée à chaque interlocuteur d'avoir avec lui une relation unique,
10:25exclusive, privilégiée.
10:27À ce moment-là, vous croyez vraiment, et vous l'écrivez,
10:29qu'il va révolutionner la politique française,
10:32qu'il va opérer le dépassement que vous souhaitiez.
10:35Oui, d'ailleurs, d'une certaine façon, je le crois toujours.
10:39Non pas au travers forcément de lui-même,
10:41mais ce qu'il a porté avait une très grande valeur et continue à en avoir.
10:46De ce point de vue-là, je ne change pas du tout ma perception de ce moment-là.
10:49Il y avait depuis fort longtemps, en France,
10:52le besoin de dépasser les clivages et de dépasser les logiques partisanes,
10:56ce qui est d'une certaine façon le projet du fondateur de la Ve République.
11:00Et cette capacité à le faire, Emmanuel Macron a eu une forme de génie
11:04dans la capacité à cristalliser ça en 2017, et ça avait une grande valeur.
11:08Et d'ailleurs, tout ceci a produit des choses très positives pendant plusieurs années.
11:12Moi, je tiens à un bilan positif pour l'essentiel du premier quinquennat,
11:15et l'histoire sera...
11:16Et après ?
11:17Je pense qu'à un moment donné, si vous voulez, où les choses se dégradent,
11:20il faut lire le livre pour en voir tous les détails.
11:23Mais si je dois résumer, je dirais qu'Emmanuel Macron a eu une très bonne gestion de la crise sanitaire.
11:29J'en suis pour le coup un témoin direct, j'ai été dans tous les conseils de défense.
11:33Tout ça a été beaucoup critiqué aussi à l'époque.
11:34Mais en réalité, je peux le dire, il y a eu à l'époque une collégialité,
11:38un respect des institutions aussi, en réalité, contrairement à ce qui a été dit,
11:41puisqu'on allait en permanence devant le Parlement.
11:44Et les circonstances très graves exigeaient une concentration très forte du pouvoir.
11:48Et là, toutes les qualités d'Emmanuel Macron se voyaient.
11:50L'intelligence, la capacité de travail, la capacité de décision, de la prise de risque pertinente.
11:56Tout ça était là.
11:57Le problème, c'est que quand la crise sanitaire s'est arrêtée,
12:00il y a eu comme une sorte de crise psychologique,
12:02au sens où il a continué à travailler avec cette concentration des pouvoirs.
12:07Et avec son secrétaire général de l'Élysée, à deux, d'une certaine façon,
12:10ils se sont mis à prendre toutes les décisions.
12:12Et avec cette idée folle que si ce n'est pas fait par moi, ce n'est pas bien fait.
12:16Donc vous arrivez à ce que chacun connaît dans ses structures,
12:19tous ceux qui nous écoutent savent ça très bien,
12:21si le chef commence à faire du micromanagement, les choses ne peuvent pas marcher.
12:25Et donc...
12:26C'est ce que vous pointez, clairement, c'est la concentration des pouvoirs dans les mains de deux hommes,
12:32vous l'écrivez, Emmanuel Macron a l'exicolaire.
12:34Absolument.
12:34Et deuxième problème de fond,
12:37j'avais une position très républicaine qui me semblait être la position indépassable de notre époque,
12:42qu'il faut garantir l'unité du pays, lutter contre les séparatismes de tous ordres.
12:47Et au fond, le président de la République n'a jamais été complètement sur cette ligne.
12:51Il a eu un discours auquel j'ai pu contribuer,
12:54qui est le discours des Mureaux, qui à mon avis est un excellent discours.
12:56Je considère que s'il s'était tenu sur cette ligne,
12:59aujourd'hui il aurait une majorité absolue aux législatives de 2022,
13:03on ne serait pas dans la crise dans laquelle nous sommes,
13:04les Français verraient les choses avec clarté.
13:06Le drame de la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui,
13:09c'est que je suis persuadé que 70% des Français,
13:11voire davantage, se reconnaîtraient dans quelques grands principes de bon sens,
13:16à commencer par la défense de la République,
13:18qui signifie à la fois autorité, justice sociale, égalité des territoires,
13:22des sujets qui sont absolument essentiels et sur lesquels on peut unir.
13:25Il avait cela dans les mains,
13:27et aujourd'hui on a presque l'inverse de ça,
13:29c'est-à-dire une structuration partisane qui empêche,
13:32ce que j'appellerais la majorité tranquille des Français, de s'exprimer,
13:35et on a au contraire la domination des extrêmes qui brutalise la vie politique.
13:39Il faut sortir de là par le haut,
13:41aussi bien sur le fond par les éléments de doctrine, je dirais,
13:44la théorie que nous développons,
13:46que sur la forme, c'est-à-dire l'équilibre, le calme,
13:49la lucidité, l'esprit de vérité,
13:51et moi je crois encore à ça en politique, et c'est pour ça que j'ai écrit ce livre.
13:54Et vous racontez dans ce livre très vite comment vos collègues ministres
13:58et les conseillers de l'Elysée vous envoient des pots de bananes,
14:01en faisant fuiter des infos et des offres aux journalistes,
14:05ce que vous appelez une descente aux enfers à partir du moment
14:09où vous refusez la demande d'Emmanuel Macron d'être tête de liste au régional.
14:14C'est la disgrâce, elle durera jusqu'au bout.
14:17Vous évoquez la colère d'Emmanuel Macron, je cite,
14:21il ressortait que j'étais au fond un ingrat,
14:23qu'il était inouï que je me permette de refuser sa demande,
14:27qu'il faudrait que je comprenne bientôt qui m'avait fait ministre,
14:31et que ceux qui m'avaient fait pouvaient me défaire.
14:34Comment ça ? Alors donc, une forme de descente aux enfers.
14:38A priori, vous ne regrettez pas de ne pas avoir accepté d'y aller à ces régionales,
14:43comme il vous le demandait, par peur de perdre face à Valérie Pécresse ?
14:48J'avais aucune peur de perdre.
14:50Si j'y allais, j'étais certain de perdre, mais ça ne me faisait pas peur.
14:53Si vous êtes dans le pur calcul politique, mon intérêt c'était d'y aller.
14:58En termes d'épaisseur, grâce au fait de se confronter à l'élection,
15:02je pense que j'aurais su faire une bonne campagne,
15:04j'aurais perdu très honorablement,
15:06et donc si je ne pensais qu'à ma pomme, si vous me permettez l'expression,
15:10j'y aurais été, ne serait-ce que pour faire plaisir au président.
15:13Il me semblait au contraire que c'était une très mauvaise décision,
15:16au moment où je devais me concentrer complètement sur la gestion de la crise Covid.
15:20Et donc, il me semblait aussi que nous avions une telle relation de confiance
15:23que je pouvais me permettre tout simplement d'être franc,
15:26ce que j'ai toujours été, ce que je suis toujours.
15:28Et il s'est passé quelque chose d'assez fou en réalité,
15:32c'est que pour ce sujet finalement relativement secondaire,
15:35a commencé une sorte de cercle vicieux.
15:38Là où nous étions dans un magnifique cercle vertueux de la confiance,
15:42je garde ma reconnaissance au président de m'avoir nommé tout simplement,
15:45c'est la fonction la plus noble qui soit dans la République à mes yeux,
15:48ministre de l'éducation nationale.
15:50J'ai vécu 4 ans absolument fantastiques sur le plan de la capacité d'action,
15:54ça a été très dur bien sûr pour plein de raisons,
15:57mais à partir du moment où vous avez le soutien du président,
16:00tout est possible, moi je suis prêt à tous les combats.
16:03Mais ce qui est terrible, c'est quand vous commencez à prendre des coups de poignard dans le dos,
16:07et on commence à piétiner des choses dont vous avez tout lieu d'être fier.
16:11Jean-Michel Blanquer, vous dites, je n'ai pas accepté d'aller au régional
16:14parce que j'avais trop à faire au ministère de l'éducation.
16:17Une des choses qu'on vous a reprochées, c'est justement en plein déconfinement,
16:21en pleine Covid, en pleine rentrée de l'école, vos vacances à Ibiza.
16:26Vous y revenez dans le livre.
16:28D'ailleurs, sur ces vacances, comme sur beaucoup d'autres choses, vous n'avez pas de regrets.
16:32Il ne faut pas chercher beaucoup de mea culpa dans le livre, il n'y en a pas.
16:35En gros, pour vous, les vacances à Ibiza, c'était la faute des autres.
16:39Des autres ministres qui vous ont lâché, vous pointez un ministre sans donner son nom,
16:43qui a balancé à la presse, de Mediapart, de Libération.
16:46Vous, vous n'avez pas grand-chose à vous reprocher d'être ministre de l'éducation en plein déconfinement.
16:49Si vous regardez ça avec le recul, d'abord, il y a les sujets de fond et puis il y a les sujets de surface.
16:54On est là sur un sujet de surface.
16:56Le sujet de fond, c'est que nous sommes le pays qui a le moins fermé son école pendant la crise sanitaire.
17:00Et on voit dans les annexes ce que nous avons fait.
17:04C'est salué par les organisations internationales.
17:06Évidemment, on ne remercie jamais quelqu'un pour les problèmes qu'il a évités.
17:10Par contre, tout ce qui crée toutes les difficultés, on ne manque pas de les souligner.
17:16J'ai évidemment strictement pas à m'excuser de prendre trois jours de vacances au Nouvel An.
17:22Et je suis allé dans ce lieu qui, malheureusement, a cette symbolique-là.
17:25Mais c'est comme si j'étais allé dans une station de balnéaire française.
17:28Il fait 12 degrés, j'étais en télétravail.
17:30Je me reposais pendant trois jours d'une année de travail énorme.
17:34Et par ailleurs, pour prendre une décision collective que nous avions à assumer tous.
17:40Et qui d'ailleurs, évidemment, a été difficile à vivre.
17:45Tout était difficile à vivre pendant la crise sanitaire.
17:47Donc il y a eu une forme de logique, de bouc émissaire.
17:49Et d'ailleurs, je cite dans le livre le fait que, de manière presque amusante, il y a eu un sondage là-dessus.
17:54J'aurais jamais cru qu'il pouvait y avoir un sondage sur des vacances.
17:57Mais sur mes vacances, j'ai passé trois jours.
17:59En gros, j'ai fêté le Nouvel An dans une station balnéaire.
18:01À mes frais, bien entendu.
18:03Et j'y suis allé d'ailleurs parce que j'avais habillé pas cher.
18:06Ça, c'est un péché capital quand vous êtes le ministre du pays qui a le moins fermé les écoles
18:12contre des oppositions incroyables.
18:15Écoutez, je crois que chacun doit se faire une opinion.
18:19Il n'y a pas de mémoire, en tout cas sans portrait et sans traits assassins.
18:25Vous ne ménagez pas vos pics, vos flèches à l'endroit de plusieurs ténors de la majorité
18:31comme Alexis Colère, Édouard Philippe.
18:33Mais la charge la plus virulente est réservée à François Bayrou.
18:37Extrait parmi les plus tendres, on n'a pas pris les pires.
18:41Bayrou, je vous cite, est le génial inventeur du volontarisme d'atmosphère.
18:47Une fumée que l'on sent toujours mais que l'on ne voit jamais.
18:51Ami des forces de l'esprit, il reste à l'état gazeux.
18:55Ce qui comptait pour lui, c'était le verbe plutôt que l'acte.
18:59L'apparence plutôt que la réalité.
19:02Les joies de Narcisse plutôt que les travaux d'Hercule.
19:06On a compris que vous ne partirez pas à Ibiza ensemble.
19:10Mais qu'est-ce que vous ne lui pardonnez pas, à lui plus qu'à quiconque ?
19:16On a des mandats comparables en termes de durée.
19:20Il a eu 4 ans de mandat, j'en ai eu 5.
19:24Que chacun regarde les bilans.
19:27C'est tellement facile d'acheter la paix sociale par des concessions permanentes.
19:31Et ensuite de faire la leçon à ceux qui vont au combat pour faire progresser le pays.
19:36Le tout en utilisant des grands mots.
19:39Lorsque j'ai eu à affronter des sujets difficiles.
19:43Il y en a un que j'explicite dans le livre.
19:47J'ai eu à me battre contre l'idée qu'on puisse créer des écoles en langue régionale à l'exclusion de la langue française.
19:53Là aussi, ça a été caricaturé.
19:56On m'a présenté comme un jacobin, ce que je ne suis pas.
19:59Je suis au contraire très favorable aux langues régionales.
20:01Mais je ne suis pas pour certaines extrémités.
20:04Et François Bayrou a considéré que...
20:07Et ça c'est typique.
20:09Si on est républicain, on est forcément du côté de ce que j'avais présenté à l'époque.
20:13Qui d'ailleurs est un point de vue juridiquement très assis sur la constitution.
20:17Puisque le conseil constitutionnel a évidemment donné raison à mes arguments.
20:21Ce à quoi j'en appelle, c'est à une façon de faire de la politique.
20:25C'est trop facile de se payer de mots.
20:27Je crois que ce qui illustre mon mandat...
20:29On a le droit de ne pas aimer certaines choses que j'ai faites.
20:31Mais j'ai toujours été dans un esprit de vérité et de progrès du pays.
20:35Et aujourd'hui, je ne voudrais pas non plus qu'au travers de ce qu'on se dit,
20:39nos auditeurs pensent que c'est juste un travail de critique.
20:42Ce n'est pas du tout le cas.
20:44Il y a un travail de philosophie politique dans ce qui a été fait là.
20:47Un travail de recul et parfois d'autocritique.
20:50Je relativiserai ce que vous avez dit à l'instant.
20:52Si vous le voyez, il y a des moments où je dis ce qui a été fait, ce qui n'a pas été fait.
20:56Et surtout ce qui reste à faire.
20:58Mais ce que j'affirme, c'est que nous avons fait progresser l'école pendant les 5 ans.
21:02Et j'en donne plusieurs éléments de preuve.
21:04Justement, vous défendez votre bilan, clairement dans ce livre.
21:08On ne dit pas ce matin que rien n'a été fait, loin de là.
21:11Vous regrettez qu'Emmanuel Macron ne l'ait pas assez défendu en 2022, le bilan de l'école.
21:15On a plein de messages d'auditeurs ce matin.
21:18De gens qui vous reprochent ce que vous avez fait aussi.
21:21La réforme du bac, Parcoursup, le retrait des maths du tronc commun.
21:25Allez-y Nicolas, lisez quelque chose.
21:27Frédéric, un ministre de l'éducation Fossoyeur.
21:30Comment vivez-vous l'organisation du démantèlement de l'école publique ?
21:34Organisation dont vous êtes l'instigateur.
21:36Roland, Monsieur Blanquer, êtes-vous content d'avoir mis par terre l'éducation nationale ?
21:40Aurélie, votre réforme du bac a détruit cette fierté de la France à l'international.
21:46Voilà, je vous cite quelques exemples.
21:49Les gens qui nous écoutent, ceux qui sont contents de la réforme du baccalauréat.
21:53Vous croyez qu'ils téléphonent à France Inter ?
21:55On ne vit que sous le régime de ce que vous venez de faire.
21:58C'est-à-dire la brutalisation de la vie publique, l'expression des extrêmes.
22:03On peut évidemment par exemple être contre la réforme du baccalauréat.
22:06Il faudrait deux heures maintenant pour expliquer pourquoi en réalité,
22:09elle a énormément fait progresser le sujet.
22:11Est-ce que nos auditeurs savent que les programmes sont devenus plus exigeants
22:15à la faveur de la réforme du baccalauréat ?
22:17Est-ce que nos auditeurs savent que chaque fois qu'il y a une enquête,
22:19les lycéens sont très majoritaires à dire qu'ils aiment cette réforme
22:21par rapport à ce qu'il y avait avant ?
22:23Parce qu'ils ont plus de liberté, parce qu'ils peuvent approfondir.
22:25Est-ce qu'on a envie de revenir en arrière par rapport à certains progrès qui ont été faits ?
22:28Par exemple l'oral, qui permet de développer cette compétence qui est fondamentale.
22:32Tout est allé dans le sens de plus de liberté et plus d'exigence.
22:36C'est-à-dire ce dont on a besoin.
22:37Et donc, évidemment, il y a eu des opposants de tous ordres.
22:41Je ne dis pas d'ailleurs qu'elle était parfaite.
22:43Quelle regret vous avez comme ministre de l'Éducation,
22:46sur une réforme où vous dites « celle-là, je n'aurais pas dû ? »
22:49Non, surtout celle que je n'ai pas pu faire.
22:52Sur les maths, vous n'avez pas un regret ?
22:54Sur les maths, il y a un malentendu, si vous voulez.
22:56C'est-à-dire qu'aujourd'hui, les mathématiques sortent renforcées de ce que nous avons fait.
23:00Sur les mathématiques, regardez les programmes de mathématiques qu'il y avait avant et ceux qu'il y a aujourd'hui.
23:05On a sorti des chiffres à votre antenne, des gens ont même répondu des fake news.
23:08Par exemple, sur la baisse du nombre de filles, ce n'est pas vrai.
23:10Vous avez autant de filles aujourd'hui dans ce qu'on appelle « MathExperts » que précédemment.
23:15C'est autour de 20 000 à peu près.
23:17Sauf qu'elles font 9 heures par semaine là où c'était 8 heures avant.
23:21Le programme est plus approfondi.
23:23Et aujourd'hui, on voit qu'elles sont un peu plus nombreuses à aller dans l'enseignement supérieur scientifique.
23:27Donc si vous voulez, on fait peur aux gens.
23:29On dit des choses fausses.
23:30Et évidemment, ça peut participer de certains échecs de notre pays.
23:34C'est un peu comme pour les Jeux Olympiques.
23:36Ce qu'on disait avant les Jeux Olympiques, c'est ce qu'on en dit maintenant.
23:39De la même façon, il y a une espèce de volonté de la part de certains que les choses ne marchent pas.
23:45Et même quand elles marchent, on n'est pas...
23:47Après, je ne dis pas que tout est parfait.
23:49Ce serait caricaturé de dire ça.
23:51Les gens liront parce que c'est très précis.
23:53Il faut lire. Je donne la démonstration.
23:55Il faut beaucoup de pages. Il faut des heures aussi pour expliquer ces choses-là.
23:59Pour finir, parce que vous le dites aussi, c'est un essai de philosophie politique de l'intérieur.
24:04Qu'est-ce qui restera d'Emmanuel Macron et du macronisme ?
24:07Vous avez une réponse qui est là aussi très dure.
24:09Vous dites qu'il y a une anthropologie du gaullisme, une anthropologie du pompidolisme,
24:13une anthropologie du giscardisme.
24:15Quelle sera l'anthropologie du macronisme ?
24:17De sémillants trentenaires, technocrates ou intrigants,
24:20les yeux rivés sur les sondages et les écrans pour piloter à vue,
24:24sans culture, sans vision et sans valeur.
24:27C'est quand même un point d'interrogation.
24:30C'est une question que j'ai posée au président de la République
24:32en lui disant que c'est ça que vous voulez.
24:34Mais regardez le personnel politique que nous avions au début du premier quinquennat
24:38et ce qui s'est passé ensuite.
24:41C'est comme si on avait, je pense à Gérard Collomb que j'aimais beaucoup,
24:46évacué très rapidement.
24:48Regardez ce qui m'est arrivé.
24:49C'est-à-dire que nous avons besoin, pardon de le dire ainsi, je le dis sans prétention,
24:54mais d'épaisseur humaine.
24:55On a besoin aussi de diversité de point de vue.
24:57On n'a pas besoin d'avoir simplement un seul chef et ensuite des jeunes ambitieux derrière.
25:02Vous voulez même proposer qu'on ait bossé pendant dix ans
25:07dans une activité professionnelle avant d'être nommé ministre.
25:10Gabriel Attal appréciera.
25:12Je regardais le débat Attal, Bardella, Bompard.
25:15Je les regardais tous les trois.
25:17Et je me disais mais au fond, aucun des trois n'a une expérience professionnelle.
25:21Aucun n'a mené un projet de A à Z dans sa vie.
25:25C'est-à-dire que je crois que dans un moment comme celui-là,
25:28où ce qui compte, le moment où nous vivons actuellement,
25:30où ce qui compte ce n'est pas les partis politiques mais le pays,
25:33où ce qui compte c'est les êtres humains, c'est l'intérêt général,
25:35faisons un peu attention à la valeur du homme.
25:37C'est pour ça que j'ai dit du bien, parce que je dis de beaucoup de bien de beaucoup de gens aussi dans ce livre,
25:41je tiens à le dire, ce matin je dis du bien de Bernard Cazeneuve,
25:44je dis du bien de Xavier Bertrand, du bien de François Barmain,
25:46je dis du bien de Françoise Nyssen dans le livre par exemple.
25:49C'est des gens de valeur. C'est important la valeur humaine.
25:52Et j'y crois. Et j'y ai cru en suivant Emmanuel Macron.
25:56Et je crois que c'est encore possible.
25:57Je crois encore à cette capacité à dépasser les clivages et à vouloir l'intérêt général.
26:01Merci Jean-Michel Blanquer d'avoir été au micro d'Inter,
26:05la citadelle au cœur du gouvernement chez Albin Michel et en librairie aujourd'hui.
26:10Merci encore. 8h49.