François-Xavier Bellamy, vice-président du parti "Les Républicains" et député européen était l'invité de France Inter mardi. A quatre mois des élections européennes, il appelle à un changement de majorité et dénonce "une incohérence" du Rassemblement National.
Retrouvez les entretiens de 7h50 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
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00:00 7h48, Sonia Deviller, votre invitée ce matin est députée au Parlement européen, tête
00:05 de liste des Républicains aux élections européennes.
00:08 Bonjour François-Xavier Bellamy.
00:09 Et cette bataille, vous l'amènerez désormais aux côtés de Céline Himard, une céréalière
00:15 du Tarn, multidisplômée, d'ailleurs la presse n'en revient pas, Sciences Po + l'ESSEC,
00:20 une agricultrice qui a fait des études, elle est porte-parole d'Inter Céréales qui regroupe
00:24 producteurs et exportateurs des céréales de France.
00:26 Pourquoi ce choix ?
00:27 Parce qu'elle a des diplômes ?
00:30 Parce qu'elle est agricultrice et c'est vrai que c'est fascinant de voir à quel point
00:35 certains semblent considérer que c'est impossible d'être de la ruralité, de faire vivre notre
00:40 agriculture et d'avoir ce talent extraordinaire.
00:43 Et pourtant elle est à l'image de l'agriculture française, une agriculture qui souffre aujourd'hui,
00:46 une agriculture qui crie sa colère et elle a fait partie de ceux qui disaient la gravité
00:50 de la situation de notre monde agricole.
00:52 Et en même temps une agriculture fière d'elle-même, fière de ce qu'elle produit, fière de servir
00:57 la vie des citoyens dans notre pays.
00:59 Et je crois que Céline Himard, par la voix qu'elle incarne déjà, par les engagements
01:05 qu'elle a pris, peut apporter demain au Parlement européen de quoi poursuivre les
01:09 combats que nous y menons pour défendre nos agriculteurs, nos pêcheurs, mais plus largement
01:14 toute cette France qui travaille et qui a le sentiment de n'être pas assez entendue
01:18 par le travail européen.
01:19 Les combats que vous y menez, de qui parlez-vous quand vous dites « vous » ? Car l'Union
01:24 européenne est dominée, on le sait, par votre groupe parlementaire depuis plusieurs
01:29 années.
01:30 Donc s'agit-il de votre bilan que vous contestez ?
01:32 Non, l'Union européenne est dominée aujourd'hui, elle a été dominée pendant le mandat qui
01:37 s'achève sur les sujets agricoles, en particulier par une majorité qui allait finalement de
01:43 l'extrême gauche aux élus macronistes et qui a servi un agenda de contrainte, de
01:47 complexité, de contrôle sans cesse croissant.
01:49 Un agenda auquel nous nous sommes opposés.
01:51 Beaucoup de textes ont été l'occasion de montrer ce clivage qui n'a cessé de
01:54 se renforcer et aujourd'hui il est temps justement qu'une nouvelle majorité arrive
01:58 au Parlement européen qui permette de remettre les choses dans la bonne direction.
02:02 Je pense à un des textes qui a été emblématique de ce clivage de textes sur la restauration
02:06 de la nature qui devait conduire par exemple au gel de 10% de la surface agricole en Europe.
02:11 10% ! Il faut que tout le monde comprenne bien que ce texte organisait la décroissance
02:16 de la production alimentaire et donc l'augmentation des importations, la baisse du revenu des
02:20 consommateurs, l'augmentation des prix pour les consommateurs.
02:22 C'est ça l'agenda qui était porté par des élus de gauche et aussi par les élus
02:26 macronistes, je pense à Pascal Canfin qui a porté ce texte-là.
02:29 Et donc nous nous disons aujourd'hui que sur ce texte auquel nous nous sommes opposés
02:32 dès le début, il faut apporter une réponse qui soit radicalement différente.
02:36 L'environnement aujourd'hui c'est la responsabilité de l'Europe, pas d'abord
02:40 parce qu'elle produit mais d'abord parce qu'elle importe.
02:42 Et il faut faire en sorte que l'Europe devienne le levier pour forcer les grands
02:46 producteurs mondiaux à sortir de ces émissions polluantes qui aujourd'hui contribuent à
02:51 la crise environnementale.
02:52 Alors Ursula von der Leyen qui a annoncé hier à Berlin sa candidature officielle à
02:55 un second mandat à la tête de la Commission Européenne.
02:58 Vos partis appartiennent au même groupe parlementaire européen.
03:01 Allez-vous la soutenir ? Oui ou non ?
03:02 Ursula von der Leyen n'était pas notre candidate.
03:05 En 2019, elle était la candidate d'Emmanuel Macron.
03:09 C'est lui qui a fait obstacle à ce qui aurait dû se produire dans les règles européennes.
03:15 Il était théoriquement le président de notre groupe qui aurait dû effectivement
03:18 devenir président de la Commission.
03:19 Et Emmanuel Macron s'y est opposé, ce qui a conduit von der Leyen à être nommé président
03:24 de la Commission.
03:25 Nous ne l'avons pas soutenu en 2019.
03:27 Nous ne la soutiendrons pas dans l'élection qui vient avec les Républicains parce que
03:31 nous considérons que le bilan n'est pas à la hauteur de ce que l'Europe attend
03:35 aujourd'hui et de la nécessité de redonner à ceux qui travaillent en Europe les moyens
03:40 de vivre de leur travail et les moyens de continuer de produire ce dont nous avons besoin.
03:43 Fabrice Leggeri, ancien patron de Frontex, je précise que c'est l'agence de l'Union
03:47 Européenne chargée de contrôler les frontières, sera finalement le troisième sur la liste
03:52 du Rassemblement National aux élections européennes.
03:54 Vous discutiez avec lui depuis un an.
03:57 Vous vous étiez même personnellement impliqué dans ses négociations.
04:00 Est-ce un coup dur pour vous ?
04:01 Non, c'est surprenant de voir que peut-être parfois l'opportunisme conduit certains
04:09 à… mais bon, je ne rentrerai pas dans les coulisses d'une discussion qui je crois
04:13 n'honore pas nécessairement la transparence et la clarté auxquelles je crois dans la
04:19 vie politique.
04:20 Pour moi, c'est surtout une très grande incohérence du Rassemblement National et
04:23 c'est ça qui est politiquement important.
04:25 Pourquoi ?
04:26 Parce que le Rassemblement National n'a cessé de critiquer l'agence Frontex quand
04:29 Fabrice Leggeri en était le directeur.
04:31 En 2019, au moment des élections européennes, Jordan Bardella déclarait que Frontex était
04:35 une agence d'accueil pour migrants et il critiquait avec Marine Le Pen « Frontex
04:40 comme nous, nous les migrants qui arrivés en Europe ». Il a refusé avec sa délégation
04:45 toutes les augmentations de budget demandées par l'agence Frontex au cours des dernières
04:49 années quand, je le répète, Fabrice Leggeri en était le directeur.
04:53 Et en 2019, il assumait cette mission depuis déjà 4 ans.
04:57 Donc je vois une nouvelle contradiction du Rassemblement National sur les sujets européens.
05:01 Mais ça n'est qu'une de plus parce qu'au fond, ces contradictions sont tellement
05:06 nombreuses qu'on a du mal à les recenser.
05:08 En attendant, leur liste est infiniment plus puissante dans les sondages que la vôtre.
05:12 Ils sont crédités de 28-29% des intentions de vote et vous seulement de 8%.
05:16 Donc finalement, le ralliement de ce Fabrice Leggeri au RN, ça dit ça ? Ça dit votre
05:21 faiblesse par rapport aux arguments du Rassemblement National ?
05:24 Non, ça dit peut-être en effet une forme d'opportunisme.
05:27 Je sais même que certains vont aussi au macronisme parce qu'il semble avoir le vent en poupe.
05:31 Mais moi je crois à une autre idée de la politique.
05:34 Je crois effectivement que la persévérance est ce sur quoi on finira par reconstruire
05:40 un débat politique digne de ce nom.
05:42 Et les Républicains aujourd'hui, c'est une famille qui a refusé les compromissions,
05:45 qui a refusé de baisser pavillon et qui continue de défendre ses couleurs.
05:48 Et je suis convaincu que les Français verront dans cette constance…
05:49 Jordan Bardella vous a proposé à vous, François-Xavier Bellamy, une place dans sa liste au RN.
05:56 Ça a failli être le coup politique de l'année, a écrit le Figaro.
06:00 Mais de même qu'il m'était arrivé d'avoir été approché par des élus macronistes
06:08 qui voulaient que je sois candidat dans leur famille politique.
06:11 De même que Marion Maréchal-Le Pen a expliqué que votre place, la plus cohérente compte
06:16 tenu de vos positions, François-Xavier Bellamy, aurait été à ses côtés.
06:19 Comment vous expliquez que l'extrême droite française vous juge naturellement des siens ?
06:23 Encore une fois, je le redis, les élus macronistes, il y a quelques années, m'avaient sollicité
06:28 pour être candidat au sénatorial sous leurs couleurs.
06:29 Mais vous voyez, c'est ça qui fait la différence entre la droite aujourd'hui, entre les républicains
06:36 et ces formations politiques qui semblent pratiquer une forme d'opportunisme comme doctrine politique.
06:42 Nous, nous tenons notre ligne, nous sommes constants, nous avançons, c'est vrai, aujourd'hui
06:46 à contre-courant, c'est certain.
06:48 Nous ne sommes pas en train de saisir le premier courant chaud, sondagier pour pouvoir nous
06:53 élever nous-mêmes.
06:54 Ce qui compte pour nous, c'est de servir des idées et d'avoir…
06:56 Enfin, pas complètement à contre-courant de Marion Maréchal, de Jules Le Pen et de
06:59 Jordan Bardella qui pensent que vous auriez votre place dans leur liste.
07:03 Ce qui compte pour nous, c'est de défendre nos idées et moi-même, comme tous les élus
07:07 qui sont restés fidèles à cette famille politique, nous nous présentons aujourd'hui
07:10 devant les français avec la clarté de cet engagement dont nous n'avons pas dérogé.
07:14 Alors justement…
07:15 Et je crois que ça compte en politique, un peu de constance et de transparence.
07:18 François-Xavier Bellamy, demain, Missac-Manouchian, entrera au Panthéon aux côtés de sa femme
07:22 Méliné.
07:23 Ils étaient tous les deux des travailleurs étrangers, ils étaient tous les deux membres
07:27 du Parti Communiste.
07:28 Que pensez-vous de ce choix ?
07:29 C'est un choix magnifique.
07:31 Pas d'abord parce qu'on pourrait les ranger dans des cases, mais d'abord parce qu'ils
07:35 ont donné leur vie à la France.
07:37 Ils sont devenus français d'abord par le sang qu'ils ont donné à ce pays pour notre
07:43 liberté aujourd'hui.
07:44 Et je crois qu'à travers cette panthéonisation, c'est à l'engagement d'eux-mêmes et
07:48 de tous leurs camarades de résistance que la France dit sa reconnaissance.
07:53 C'est un choix qui fait aussi pour nous l'occasion de nous souvenir que la liberté
07:59 dont nous avons la chance de bénéficier aujourd'hui, elle ne vient pas de rien.
08:03 Elle vient du sacrifice de ceux qui ont donné leur vie pour que nous soyons restés un pays
08:08 souverain capable de décider de son avenir et de maîtriser son destin.
08:11 Vous avez récemment bataillé au niveau européen pour que le communisme soit reconnu, je vous
08:16 cite, comme un fléau du XXe siècle.
08:18 Emmanuel Macron n'a pas choisi un gaulliste pour entrer au Panthéon.
08:21 Il a choisi un couple de communistes et Méliné a servi le parti longtemps après la guerre.
08:26 J'ai simplement expliqué au Parlement européen que si on devait condamner dans le XXe siècle
08:31 les crimes du nazisme et du fascisme, évidemment cette condamnation est nécessaire.
08:35 Il fallait aussi condamner les crimes du communisme qui a été une idéologie totalitaire
08:40 qui a causé des millions de morts.
08:41 Et je crois que si Missak, Méliné et Manouchian avaient pu vivre jusqu'à la révélation
08:47 des crimes du goulag qu'ils n'avaient pas connus au moment où ils militaient au
08:51 parti communiste, je ne doute pas un seul instant qu'ils les auraient condamnés eux
08:54 aussi.
08:55 Je ne veux pas parler en leur nom mais je crois que des milliers de militants communistes
08:59 sincères ont été les premiers à condamner les crimes du communisme staliniste au moment
09:04 où ils les ont découverts.
09:05 Et donc je crois que ce serait faire une immense faute contre des héros de la lutte contre
09:11 le totalitarisme nazi que de justifier en leur nom des crimes que non seulement ils
09:16 n'ont pas commis mais qu'en plus ils auraient assurément condamné s'ils l'avaient
09:20 vu et s'ils les avaient su.
09:21 La loi sur l'immigration que vous appelez de vos voeux permettrait-elle à Missak Manouchian
09:25 d'entrer sur le territoire français ? Permettrait-elle de s'y établir ? Permettrait-elle à Missak
09:32 Manouchian de travailler en France ?
09:33 Mais bien sûr et pour une raison très simple, vous le savez certainement, Missak Manouchian
09:37 était un survivant du génocide arménien.
09:39 Et donc le droit d'asile s'applique évidemment à des situations comme celle d'un Missak
09:43 Manouchian qui, rappelons-le, a demandé pour la première fois la nationalité française
09:47 pour pouvoir faire le plus vite possible son service militaire, dans une période où sa
09:50 vie était déjà en danger s'il s'engageait dans les forces armées françaises.
09:54 Je crois que quand on en est à ce degré de désir d'intégration, à cette volonté
09:58 de devenir français pour donner sa vie à la France, quand on a choisi la France par
10:02 préférence, quand comme le dit Aragon de Manouchian 23 qui criait la France en s'abattant
10:07 « Oui ! » alors là pour le coup de manière certaine, la France s'est construite par
10:11 ce don de ceux qui lui ont apporté leur vie.
10:13 Mais ça n'a rien à voir avec le contournement permanent du droit d'asile auquel nous assistons
10:19 tous les jours sur notre sol.
10:20 Et là aussi, au nom de ceux qui ont vécu ce sacrifice, au nom de ceux qui ont reçu
10:25 l'asile avec cette légitimité, nous n'avons pas le droit de laisser le droit d'asile
10:29 être contourné tous les jours comme il l'est sur notre sol.
10:31 Merci François-Xavier Bélami.
10:33 Et merci Sonia De Villers.