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Le romancier Aurélien Bellanger est l'invité de Sonia Devillers. Il publie "Les derniers jours du Parti socialiste" (Seuil), où il tire à boulets rouges notamment sur les fondateurs et animateurs du mouvement du "Printemps Républicain". Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-26-aout-2024-8816044

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00:00Sonia Devillers, votre invitée ce matin, publie aux éditions du Seuil les derniers
00:05jours du Parti Socialiste.
00:06C'est le livre, Nicolas, qui fait polémique en cette rentrée littéraire et qui déchire
00:11les critiques, les unricanes de cette satire politique qui pourfend une frange de la gauche,
00:16voire applaudissent les dénonciations que contiennent ce roman à clé.
00:19Les autres s'insurgent face à tant de manipulations, notamment ceux qu'on y reconnaît, car on
00:24y croise des figures très médiatiques.
00:26Michel Onfray, Raphaël Enthoven, Caroline Fourest, Philippe Valle, la rédaction de
00:31Charlie Hebdo.
00:32On y reviendra.
00:33Bonjour Aurélien Bélanger.
00:34Bonjour.
00:35Commençons par le commencement, le titre « Les derniers jours du Parti Socialiste ». Il
00:39est à l'agonie, le Parti Socialiste ?
00:41Ah, c'est compliqué.
00:42Il est à l'agonie peut-être depuis toujours parce que le Parti Socialiste, on lui dit
00:45que c'est le parti de la trahison des idéaux révolutionnaires.
00:47C'est quelque chose de compliqué, c'est le parti qui pactise toujours un moment avec
00:50le capital.
00:51Donc la crise, c'est presque son mode d'existence.
00:53C'est vrai que par contre, c'est un parti qui m'a accompagné toute ma vie, qui était
00:56le grand parti de gouvernement d'alternance en tout cas.
00:59Et sa disparition quasi brutale en 2017 a été un vrai événement, assez inattendu.
01:03Là, il a l'air un peu ressuscité, pourquoi pas un Premier ministre socialiste demain,
01:07mais c'était intéressant de raconter ce moment où cette chose qui nous avait accompagné
01:12toujours, cette espèce de monstre plein d'éléphants, les éléphants avaient quitté la pièce,
01:16il n'y avait plus personne dans le couloir, je voulais raconter ça.
01:19Votre thèse, une frange minoritaire, proche de Manuel Valls, si je simplifie, profite
01:24des attentats islamistes de 2015 pour brandir l'urgence de défendre la laïcité.
01:29Voilà qui aurait porté le coup de grâce au parti socialiste, car ces gens, faussement
01:34de gauche, si je vous lis bien Aurélien Bélanger, sont en réalité obsédés par l'islam et
01:40nourrissent l'extrême droite.
01:41On ne peut donc pas défendre la laïcité ou l'idée d'une république laïque et
01:46être véritablement de gauche ?
01:47Alors je pense que toute la charge polémique du bouquin se concentre là.
01:51J'ai dit que le parti socialiste est souvent accusé d'avoir trahi sur les questions économiques,
01:56c'est habituel, plutôt en de la rigueur on dit ça.
01:58Ce qui me semble relativement nouveau, c'est une trahison, le parti socialiste, à mon
02:01sens, enfin une frange du parti socialiste a trahi sur les questions beaucoup plus centrales
02:06en fait dans l'ADN de gauche, la question du racisme en fait.
02:08Il y a eu autour de la laïcité, une laïcité évidemment dévoyée, la réinvention d'un
02:14racisme à gauche, la réinvention d'une idée que la civilisation occidentale était
02:17supérieure aux autres.
02:18Vous parlez de racisme ?
02:19C'est tout le point en fait.
02:21Attendez, prenons les choses les unes après les autres.
02:23D'abord, la laïcité c'est un combat, c'est une idée historiquement de gauche ?
02:28La laïcité absolument, les lois de 1905, c'est porté par la gauche et c'est joué
02:35ces 20 dernières années de façon assez complexe que j'essaie de démêler dans le
02:39livre.
02:40L'idée qu'en fait la laïcité était une arme politique qui pouvait être dirigée.
02:44On l'a vu contre l'islam.
02:48En gros, ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu les attentats de 2015 et on dit souvent
02:53que le but des attentats c'est d'infliger à la cible que ce soit ses propres réactions
02:58qui vont s'auto-infliger, elle va s'auto-mutiler en fait.
03:02Et il me semble que sur cette question de la laïcité, qu'a été instrumentalisée
03:05par des gens qui avaient des agendas politiques relativement pervers, que c'est là que
03:09le mal s'est fait et que la laïcité qui est une valeur cardinale de la gauche s'est
03:13beaucoup manipulée par des gens qui n'en ont pas grand-chose à faire des vraies valeurs
03:17de gauche.
03:18Donc Raphaël Enthoven, Caroline Fourez que j'ai cité dans mon chapeau, Philippe Valle,
03:24la rédaction de Charlie Hebdo, ce sont des racistes ?
03:27Présenté comme ça, la question est compliquée.
03:30Il y a une islamophobie extrêmement forte qui travaille la société française, une
03:36islamophobie qui est devenue de passion populaire, elle est devenue une passion d'intellectuel.
03:42Et l'islamophobie, aujourd'hui quand on allume un certain nombre de chaînes de
03:45télévision, elle est extrêmement présente sur les plateaux et ceci est une anomalie.
03:50Et il me semble que la société française était malade de cette islamophobie et que
03:55des personnes l'avaient volontairement baptisée.
03:58Mais elle est portée par ces gens-là ? C'est-à-dire que les gens qui dénoncent la montée des
04:03communautarismes, les gens qui dénoncent les dérives de l'islam, les gens qui dénoncent
04:09l'islamisme et non pas l'islam, portent une islamophobie ?
04:12Alors c'est là où on est sur le fil, c'est qu'il faut évidemment dénoncer l'islamisme
04:17mais il y a une façon de le faire qui me semble pas bien faite ou pas faite de cette
04:24façon.
04:25Il ne s'agit pas de dire que par exemple l'islam est incompatible avec la république
04:30parce qu'on finit toujours par dire ce genre de choses et on finit toujours par stigmatiser
04:34une communauté et il me semble qu'on est allé trop loin dans ce sens-là et le livre
04:38raconte pourquoi ça s'est fait, qui a fait ça et quelles en ont été les conséquences.
04:42Et parce que ça serait notamment diffamatoire ou sur le fil ou très compliqué comme vous
04:47venez de le dire vous-même, c'est pour ça que vous leur avez choisi des pseudos à
04:51tous parce que c'est un roman à clés, c'est-à-dire que Laurent Bouvet, le sociologue
04:56qui a créé le printemps républicain, vous l'appelez Grément, le printemps républicain
05:01vous lui avez trouvé un autre nom, le mouvement du 9 décembre et puis ensuite vous leur
05:05avez trouvé à tous des doubles de littérature.
05:08C'est pour ça ?
05:09Alors, la question de l'actualité en littérature est compliquée parce qu'on allume les chaînes
05:15d'information continue, on a de l'actualité.
05:16Je pense qu'en fait c'est une actualité qui est tronquée parce qu'elle est trop
05:19rapide et il est important d'avoir le temps qui ne soit pas non plus celui de l'historien,
05:22on n'a pas envie de savoir ce qui va se passer dans 10 ans ou raconter ce qui s'est
05:25passé.
05:26Il y a un temps un peu intermédiaire entre le direct et le temps de l'histoire qui
05:28est le temps du romancier, c'est des libertés qu'on peut prendre par rapport à l'histoire,
05:32utiliser les figures existantes, les transformer en fantasmagories, exagérer, utiliser la
05:36satire, utiliser plein d'arguments pour essayer de raconter quelque chose de l'esprit
05:40du temps.
05:41Et donc, effectivement, il y a des figures reconnaissables que j'utilise, d'autres
05:44qui sont moins reconnaissables.
05:45Et vous faites cohabiter les deux ?
05:47En fait, je l'ai toujours fait, j'ai toujours fait des romans où il y avait des figures
05:50réelles, des figures pas réelles, et c'est pas la question, la question c'est qu'on
05:52vit dans un monde où ces choses existent, nous hantent en fait des personnes.
05:56Le cerveau du romancier n'est pas différent du cerveau de tout le monde, c'est qu'il
06:02y a des fantômes qui traversent, c'est des éclairs comme ça, on nage dans ces
06:06éclairs.
06:07Mais ce qui est intéressant à comprendre, c'est quel est le pacte avec le lecteur ?
06:09Est-ce que c'est un pacte de fiction ? Est-ce que c'est un pacte de réalisme, de vérité
06:12? Vous parlez vous-même, vous utilisez vous-même, votre narrateur fictif utilise le mot d'enquête
06:16et Raphaël Enthoven vous répond dans L'Express que vous racontez, je le cite, exactement
06:22n'importe quoi, ce qui en soi n'est pas un problème, j'imagine qu'il respecte la licence
06:26poétique, le droit à la littérature, mais devient plus gênant quand on prétend raconter
06:31ce qui s'est vraiment passé.
06:33Alors moi, j'ai toujours écrit mes romans à partir d'une force et d'une faiblesse
06:38qui est je ne comprends pas, je ne supporte pas ne pas comprendre.
06:40Comment est-ce que la gauche est dans cet état ? C'était compliqué à raconter.
06:43Un jour, je me suis dit, je faisais du vélo, je me suis dit tiens, qu'est-ce qui s'est
06:46passé pour que le PS soudain disparaisse ou passe d'un parti avec 400 députés à
06:50un parti avec 30 députés ? Qu'est-ce qui s'est passé ici ? Ça, c'est un bon sujet
06:52et il faut que j'explore.
06:54Et donc, le roman est un type d'enquête, il y a l'enquête sociologique, il y a l'enquête
06:57romanesque, il y a l'enquête historique et l'enquête romanesque est intéressante
07:00dans la mesure où, effectivement, on a des droits, des licences poétiques qu'on n'accorderait
07:04pas à d'autres scientifiques, mais qui permettent de raconter autrement.
07:08Et effectivement, j'abuse de ce droit qui est le droit à la satire, qui est le droit
07:12à l'exagération parce qu'à la fin, j'ai envie de comprendre ce qui s'est passé
07:15et une fois que mon roman était terminé, j'ai eu un peu la séquence politique de
07:21ces 20 dernières années avec plus de sens.
07:23D'où parlez-vous, Aurélien Bélanger, politiquement ?
07:26Je crois que le point de départ, ce qui m'a le plus agacé, c'est cette espèce de tyrannie
07:30qui pesait sur les gens de gauche, des gens qui avaient appartenu à la gauche et qui
07:34disaient « j'ai perdu ma gauche », « la gauche n'est plus la gauche », « la gauche
07:37a trahi ses valeurs », etc.
07:38Et la gauche s'est laissée sadiser de façon assez complexe par des gens qui lui expliquaient
07:42qu'elle se trompait.
07:43Que sur la question du racisme, elle n'avait pas en parlé comme ça.
07:46Sur la question du communautarisme, elle n'avait pas en parlé comme ça.
07:47Et à la fin, on a une sorte de noyau de gens de gauche qui ont tenu la gauche, on peut
07:51parler autour de Manuel Valls si on veut, qui n'étaient profondément plus de gauche
07:56et qui ont réussi à tyranniser la gauche.
07:58Et profondément, ceci m'a agacé.
07:59Vous expliquez dans un entretien donné au magazine Les Inoccupables « c'est la première
08:03fois que j'ai envie d'écrire un roman pour faire mal à des gens.
08:06J'ai des ennemis, ce qui est relativement nouveau pour moi.
08:09Je veux leur infliger le plus de dommages possible.
08:12Comprendre, c'est une chose, dénoncer, c'est une chose, chercher délibérément
08:17à faire mal, c'en est une autre.
08:19J'ai passé beaucoup de temps sur Twitter et sur les réseaux sociaux ces 15 dernières
08:22années et j'ai vu des agitateurs essayer de détruire le débat public, essayer de
08:29détruire le contrat de vivre ensemble, essayer de dresser les uns contre les autres, essayer
08:35de dresser les communautés les unes contre les autres et harceler les gens.
08:38Enfin, beaucoup de choses.
08:39Et je me suis dit je ne vais pas faire de tweets, je ne vais pas faire de tweets.
08:41Je me suis retenu, je ne vais pas m'agacer 10 fois, 15 fois, je ne vais pas rentrer dans
08:44cette arène-là.
08:45Je vais essayer de créer ma propre arène.
08:47C'est mon propre réseau social qui est ce roman, « Derniers jours du PS », c'est
08:51le réseau social d'où je parle.
08:52Alors, ce n'est qu'un roman, ce n'est pas un réseau social, il n'y a que moi qui
08:55parle effectivement.
08:56C'est un gros tweet.
08:57Mais voilà, c'est un gros tweet.
08:58C'est un gros tweet de 470 pages qui paraît aux éditions du Seuil, les derniers jours
09:02du PS.
09:03Merci Aurélien Bélanger.
09:04Merci beaucoup.
09:05Merci Sonia De Villers.

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