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L'invité de Sonia Devillers est Clément Beaune, ancien député de Paris et ministre de l’Europe et des Transports (2020-2024), il publie aujourd'hui le livre "Je dirai malgré tout que la politique est belle" (éditions Stock). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-03-fevrier-2025-6116202

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Transcription
00:00Il est 7h48, Sonia De Villers, la macroniste de la première heure, dévoile les coulisses du pouvoir.
00:06Lui qui fut ministre délégué chargé de l'Europe, puis des transports, député de la majorité présidentielle, balayé par la dissolution.
00:12Que reste-t-il de ceux qui ont cru en Emmanuel Macron ?
00:16Attention, livre plein de blessures politiques, mais au titre résilient, je dirais malgré tout que la politique est belle, ça paraît chez Stock.
00:26Bonjour Clément Beaune, soyez franc, ça vous manque ?
00:30Ah oui bien sûr, sinon je ne serais pas là le bon matin avec vous.
00:32Qu'est-ce qui vous manque, la politique ou le pouvoir ?
00:35Le pouvoir au sens d'exercer des responsabilités et puis d'avoir la chance d'agir.
00:39Moi je le dis, c'est un livre plein de blessures, j'espère que ce n'est pas le message principal.
00:42Moi le message principal que je veux passer c'est plutôt un message d'espoir.
00:46Et puis sur ce qu'est la politique, parce qu'aujourd'hui on crache beaucoup sur la politique, quel que soit le parti.
00:51En disant que finalement, les critiques habituelles, ils ne s'intéressent qu'à eux-mêmes, c'est politique.
00:56Et c'est vrai que le Parlement aujourd'hui donne une image qui n'est pas très reluisante.
00:59Mais surtout, je pense qu'on oublie, c'est que oui la politique c'est la confrontation à la complexité.
01:04Je dis même souvent, la politique c'est les mains sales.
01:06C'est d'avoir à concilier des urbains et des ruraux, des riches et des pauvres, des jeunes et des vieux.
01:11Et tous n'ont pas les mêmes intérêts, les mêmes perceptions.
01:13On va y revenir sur les mains sales, parce que vous utilisez quelques expressions qui vont faire couler le livre.
01:17C'est sûr, mais par exemple, vous le dites avec pas mal d'honnêteté, on ne s'en remet pas d'avoir été ministre.
01:22On ne redevient pas citoyen lambda facilement.
01:26Vous l'écrivez ?
01:26Oui, oui, mais je ne me plains pas du tout.
01:28C'est pas ça le message, je crois que c'est pas ça qui ressort du livre.
01:30C'est d'abord un honneur et une chance auquel, à laquelle je ne pensais pas.
01:34D'être un jour ministre et de l'être même pendant quatre ans.
01:37Donc ce n'est pas du tout une complainte.
01:38Mais oui, bien sûr, parce que c'est justement la beauté de la politique.
01:42On a entre les mains, j'ai été ministre des Transports, plein de contraintes bien sûr, mais aussi plein d'opportunités d'agir.
01:46Quand on a un budget, qu'on peut investir, qu'on peut réparer des choses, qu'on peut réparer des lignes.
01:50Et puis il y a les symboles du pouvoir.
01:52Oui, je le dis avec le plus d'honnêteté possible.
01:54Bien sûr, ça vous transforme.
01:56J'ai toujours veillé, mais je suis honnête là-dessus, à mettre ça à distance.
02:00Je le dis d'ailleurs, je pense que c'est important de le dire parce que c'est républicain.
02:04Quand on est ministre, le premier soir, on vous appelle et puis on vous dit bah voilà, je suis votre officier de sécurité.
02:08Voilà, je suis votre chauffeur.
02:09Et puis le dernier jour, on vous ramène à la porte de chez vous et puis on vous dit vous n'avez plus de voiture et puis vous n'avez plus d'officier de sécurité.
02:13Et heureusement d'ailleurs, ça montre bien que le pouvoir, c'est une fonction dans laquelle on se glisse pendant quelques temps,
02:19mais dont on n'est pas propriétaire.
02:20C'est très important de le dire.
02:21Et alors en ce jour de possible 49.3, qu'est-ce qu'il y a de si décevant, Clément Beaune, à être député de la Nation ?
02:28Pourquoi on s'ennuie autant à l'Assemblée nationale ?
02:32La tonalité est positive, j'insiste là-dessus.
02:34Je dis qu'au Parlement, c'est un constat démocratique, le Parlement français, indépendamment de la dissolution, a peu de pouvoir.
02:40Et on vit dans un système ultra centralisé.
02:43Et les critiques qu'on adresse à un Président, on voit bien que ce Président, Emmanuel Macron, que je soutiens encore beaucoup,
02:48c'est l'objet de critiques que je juge excessives et injustes.
02:50Oui, parce que j'ai beaucoup de reconnaissance et que la politique, c'est aussi de l'amitié.
02:53Et puis parce qu'on ne sait jamais pour la suite ?
02:56Mais vous savez, j'ai eu l'occasion, je pense, de prendre des risques et de dire ce que je pensais.
03:00Ça m'a valu de sortir du gouvernement.
03:02Mais je ne partage pas l'avis de ceux qui s'essuient les pieds sur des gens, dont le Président, qui les a aidés, qu'ils ont aidés.
03:08Et moi, je suis fidèle.
03:10Fidèle, ça ne veut pas dire qu'on n'est pas franc.
03:11Mais fidèle, c'est important.
03:13Oui, mais je reviens sur ces expressions dont vous émaillez votre texte.
03:16Et vous êtes malin, vous êtes très diplômé.
03:18Vous savez que des expressions comme ça, ça fait sauter au plafond.
03:20Cette dissolution surprise provoque en vous un immense écœurement.
03:24Vous repartez en campagne.
03:25Pour ça, il faut faire le trottoir.
03:26Il faut faire la pute.
03:29Oui, je dis ça parce que j'ai dit que j'adore les campagnes.
03:31D'abord, moi, je suis un technocrate qui est rentré en politique et j'ai aimé ça, se confronter.
03:35Ce n'est pas du tout négatif là non plus.
03:37Mais oui, parce que nous-mêmes comme citoyens, on considère, je pense un peu trop d'ailleurs,
03:41pour être honnête, la politique comme une forme de clientélisme.
03:44C'est dire qu'on reproche aux politiques de parfois ne pas s'élever,
03:49ne pas dépasser les petits intérêts locaux.
03:51Et puis, on demande nous-mêmes aussi beaucoup aux politiques de nous trouver un job, un logement, machin, etc.
03:56Et donc, je pense que c'est aussi un appel à une sorte de réflexion civique collective.
03:59On a les politiques qu'on mérite.
04:01Je pense que les politiques sont parfois décevantes.
04:02Je pense qu'ils sont beaucoup mieux que ce qu'on pense et ce qu'on dit.
04:04Sauf que vous savez bien que l'image de la pute, c'est aussi se vendre aux plus offrants.
04:08Ce n'est pas la confrontation forcément avec le réel.
04:10C'est l'idée qu'on n'a ni conviction ni sentiment et qu'on est guidé par le pur intérêt.
04:14C'est ça aussi la politique ?
04:16Non, j'essaie justement de démonter ou de démentir cela.
04:19J'espère le faire en disant que moi, j'étais extérieur à la politique, j'y suis entré.
04:23Et ce n'est pas facile, je ne me plains pas du tout.
04:25Mais c'est un engagement qui expose.
04:27Et surtout, j'ai vu beaucoup de gens qui sont en politique aujourd'hui.
04:29Moi, j'aspire à rester engagé.
04:32Des élus locaux, des présidents de régions, des présidents de départements
04:35qui ne gagnent pas très bien leur vie, des maires de petites communes
04:37qui se font engueuler toute la journée et qui sont en réalité des gens formidables.
04:41Il faut le dire aussi.
04:41Cette loi Immigration portée par Gérald Darmanin,
04:44vous étiez au gouvernement à l'époque et qui a finalement été votée par le Rassemblement National.
04:48Vous aviez fait savoir que vous étiez hostile à cette loi.
04:51Vous en reparlez dans ce livre.
04:53Ça vous a coûté, dites-vous, votre place au gouvernement, vous venez de le dire.
04:56N'aurait-il pas été plus intègre, pour ne pas dire plus courageux, de démissionner en décembre 2023 ?
05:02Alors, chacun se fera un avis.
05:04J'essaye de décrire au moins ce qui s'est passé.
05:06Moi, je n'ai pas menacé de démissionner.
05:08C'est l'occasion de le redire, parce qu'on me reproche de ne pas avoir fait quelque chose
05:11que je n'ai d'ailleurs jamais dit.
05:12On va me dire, vous auriez dû y aller, mais je n'ai pas menacé de démissionner.
05:15J'ai exprimé effectivement un désaccord.
05:18Je note simplement que quand on fait quelque chose,
05:21on parlait beaucoup de nuances dans l'hito de Patrick Cohen.
05:24Quand on fait quelque chose de nuancé ou de modéré,
05:26c'est-à-dire on essaie d'avoir un débat sans aller à la rupture,
05:28on vous le reproche plus que quand vous fermez votre gueule.
05:31Oui, je comprends que ce soit intéressant et peut-être productif
05:35d'avoir un débat sans aller jusqu'à la rupture,
05:37mais est-ce qu'il y a un moment, il y a des vraies lignes rouges ?
05:40Je n'arrête pas d'agiter en politique des livres.
05:43Est-ce qu'on a des principes ? Est-ce qu'on a une intégrité ?
05:45Est-ce qu'il y a un moment, Aurélien Rousseau, votre collègue,
05:47qui était ministre de la Santé, qui venait de la gauche comme vous,
05:49a dit « mais moi, je ne peux plus me regarder dans une glace, je trahis mes principes ».
05:52Vous le comprenez ?
05:53Je le comprends très bien et on est encore beaucoup en contact avec Aurélien Rousseau.
05:57C'était, sans rentrer dans le détail, plus spécifique pour lui.
05:59Il devait porter la réforme de l'aide médicale d'État en tant que ministre de la Santé.
06:02Il ne le souhaitait pas.
06:03Il y a eu des sujets sur lesquels, si je puis dire de manière un peu provocatrice,
06:06j'étais plus à gauche que lui, peut-être sur la réforme des retraites.
06:08Donc voilà, chacun fait son choix.
06:10Mais on peut s'achoir sur tout ?
06:11Pas du tout, mais pas du tout.
06:12Ce n'est pas du tout, je crois, ce que j'ai fait.
06:14Ce n'est pas du tout ce qu'ont fait d'autres.
06:15Et moi, je retire de cette expérience politique, qui n'est pas finie, j'espère,
06:20que le cynisme qu'on prête aux politiques n'est pas la règle générale.
06:23Dans tout parti politique, il y a des gens qui passent leur semaine à voter à l'Assemblée,
06:28à se faire engueuler sur les marchés.
06:29Les socialistes, par exemple.
06:30Là, ils passent leur semaine à voter à l'Assemblée.
06:33Ils sont en face d'un gouvernement dans lequel Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur,
06:37dit que l'immigration n'est pas une chance pour la France.
06:38Ils sont en face d'un Premier ministre, François Bayrou,
06:41qui estime que la France approche du sentiment de submersion.
06:44Elle revient, la loi immigration.
06:46En tout cas, le thème revient.
06:47Qu'est-ce qu'ils doivent faire ?
06:48Vous parlez des socialistes.
06:49C'est très intéressant.
06:49Justement, ils sont choqués, je le comprends, par des mots ou des thèses.
06:54Et la question qu'il leur est posée, c'est ce que ça justifie sur tout le reste,
06:57y compris sur le budget de la France,
06:58qui est l'urgence du moment, de claquer la porte et de ne pas discuter.
07:01J'ai l'impression, j'espère que ça va se confirmer,
07:03que les socialistes, qu'ils l'ont déjà fait, ont négocié un certain nombre d'avancées
07:07qui sont conformes à leurs engagements et que, j'espère,
07:10ils vont considérer en responsabilité qu'il vaut mieux quand même donner un budget à la France
07:14et ne pas censurer le gouvernement malgré leurs désaccords sur un certain nombre de points
07:17que je partage d'ailleurs en partie sur les questions migratoires.
07:19Mais la politique, c'est justement un peu mon message.
07:21Ce n'est pas le tout-ou-rien.
07:23C'est ça qui est le plus difficile.
07:24On est dans une société où on aime les causes.
07:25On aime marcher pour le climat.
07:26Comme ça, on est 100% pur et on défend le climat.
07:29Mais être ministre de l'écologie, être ministre de l'agriculture, c'est plus compliqué.
07:32Être maire, on le voyait d'ailleurs, et les gens ne s'y trompent pas,
07:34ils ne veulent pas la radicalité insoumise.
07:36Ils veulent des gens qui mettent les mains dans le cambouis,
07:38qui sont capables de faire des compromis.
07:39Et maintenant, c'est important, et il faut assumer cette complexité
07:43Et soutenir le nouveau Front populaire au second tour des législatives,
07:47je vous cite, je l'assume, entre un salaud minoritaire et un salaud majoritaire,
07:52je préfère malgré tout le salaud minoritaire,
07:55parce que le risque concret en l'espèce, c'est l'arrivée au pouvoir du RN.
07:59On comprend très bien ce que vous voulez dire.
08:00N'empêche que vous parlez de soutenir un salaud.
08:03Là aussi, les mots sont très forts.
08:05Oui, c'est justement pour réfléchir.
08:06Parfois, en politique, c'est le cas pour un deuxième tour,
08:08peut-être d'une présidentielle ou d'une législative,
08:10ça a été le cas en juillet.
08:11Il faut faire des choix qu'on n'aime pas.
08:13Moi, j'ai été opposé à la France insoumise dans une précédente élection législative.
08:16Donc, je n'ai rien en commun avec eux et j'en veux.
08:18C'est d'ailleurs pour ça que je ne me suis pas rallié à des amis socialistes.
08:21J'en veux au Parti socialiste d'avoir longtemps été,
08:22j'espère qu'on l'a fini cette période, soumis aux insoumis.
08:25Mais parfois, il faut faire un choix.
08:27Et effectivement, il n'y avait pas de risque au deuxième tour,
08:29je le redis en juillet dernier, d'avoir la majorité de la France insoumise.
08:33Et donc, entre éviter le péril du RN au pouvoir et voter pour la France insoumise,
08:38parfois, il faut faire des mauvais choix
08:40parce que c'est l'intérêt du pays.
08:41Vous qui avez tant fréquenté Emmanuel Macron,
08:46qui avez été un très proche collaborateur de lui,
08:48vous trouvez qu'il a changé ?
08:50Vous trouvez que dix ans de pouvoir entre Bercy et aujourd'hui, ça l'a changé ?
08:54Bien sûr, on change. Il y a plus de gravité.
08:56Il y a plus de fatigue peut-être.
09:00Mais moi, je garde, je le redis...
09:02Oui, vous l'avez dit.
09:03On peut avoir du fond et on peut avoir de la fidélité.
09:05Je pense que c'est compatible.
09:07Et moi, je garde une reconnaissance, je vous le dis, mais aussi...
09:09Vous pensez qu'il va tenir jusqu'en 2027 ?
09:11Oui, je pense qu'il le doit et qu'il le fera.
09:13Parce que là aussi, il faut donner du sens à la démocratie.
09:16Le président de la République, il a été élu, c'est un contrat avec les Français,
09:18il le savait, pour cinq ans.
09:20Et l'agitation de la France insoumise,
09:22c'est-à-dire toujours les mêmes qui créent cette radicalité, cette tension,
09:25à mon avis, ne crée rien de bon pour notre démocratie.
09:27Donc oui, il faut que le président tienne et puis il faut que le Parlement fasse son boulot,
09:30c'est-à-dire voter des textes, trouver un budget
09:32et ne pas considérer que la meilleure opposition, c'est l'opposition la plus radicale.
09:35Clément Beaune, je dirais malgré tout que la politique est belle, ça paraît chez Stock.
09:39Merci.
09:40Merci.
09:41Et merci Sonia.

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