Au lendemain de la marche contre l'antisémitisme, qui a rassemblé un peu plus de 100.000 personnes à Paris, près de 200.000 sur toute la France, Clément Beaune, ministre des Transports et secrétaire général de Renaissance, est l'invité de Sonia Devillers. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-13-novembre-2023-6030782
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Il est 7h48, Sonia De Villers, votre invitée ce matin, et ministre des Transports.
00:09 Et hier, il a choisi de défiler contre l'antisémitisme à Paris, dont il a aussi été élu député.
00:15 Bonjour Clément Beaune.
00:16 Bonjour Sonia De Villers.
00:18 Cette marche vous a-t-elle paru à la hauteur de la gravité du moment ?
00:21 Oui, je pense que c'était une marche nécessaire.
00:25 Un très beau moment, un moment d'espérance aussi, parce que je crois qu'il y a peu de pays
00:30 où on est capable, face à une situation internationale, une situation intérieure,
00:34 avec des actes antisémites qui malheureusement augmentent, de se mobiliser aussi vite, aussi fort.
00:38 Il y avait dans tout le pays près de 200 000 personnes qui ont marché, comme vous
00:42 le rappeliez, pour une cause, pour des valeurs, pour des principes, contre l'antisémitisme.
00:47 Et quand on est contre l'antisémitisme, on défend des valeurs républicaines qui sont
00:50 encore plus larges.
00:51 Et donc je pense que c'était tout simplement un beau moment, un moment digne.
00:55 Quand on défend des valeurs républicaines aussi profondes et aussi larges, le président
01:01 de la République se doit-il d'être présent ?
01:03 J'ai entendu cette discussion, cette polémique.
01:06 Honnêtement, ce n'était d'abord pas le sujet central.
01:07 Et il n'y a aucun doute sur l'engagement du président.
01:09 Il n'y a aucun doute sur l'engagement du président depuis, notamment le 7 octobre,
01:13 et l'attaque terroriste qui a eu lieu contre Israël et contre les Israéliens et les Juifs.
01:17 Il a été l'un des rares chefs d'État et de gouvernement à s'exprimer devant toute
01:21 la nation quelques jours après.
01:22 Il a écrit aux Françaillères avec des messages, je crois, très forts sur nos valeurs et sur
01:26 la République.
01:27 Et puis il faut que notre démocratie, notamment notre démocratie parlementaire, soit vivante.
01:32 C'est rare, je crois que c'est même la première fois, qu'une marche de cette nature
01:35 se fait à l'appel des deux présidents d'assemblée, qui ne sont pas de la même couleur politique.
01:40 Dans des assemblées, on le sait, qui sont malheureusement, notamment l'Assemblée nationale,
01:44 des lieux d'invectives, de fractures, et qui largement, malheureusement pas avec tout
01:49 le monde, mais largement, se sont rassemblés.
01:51 Et donner aussi à d'autres ces initiatives.
01:53 Je pense que c'était important.
01:55 Le message du président, le rôle du président, il est très clair.
01:58 Il recevra encore ce matin les représentants des cultes.
02:01 Il est profondément engagé pour défendre ses valeurs.
02:04 Alors, le message du président est très clair, quoique.
02:07 C'est-à-dire qu'on l'a vu quand même donner un coup de barre, un fléchir, ou
02:13 effectuer quelques volte-faces ou zigzags en fonction des analyses et des commentateurs.
02:18 Justement, sur ces propos et sur la vision que la France a du conflit au Proche-Orient.
02:24 Il n'y a aucune justification au bombardement tuant des civils à Gaza.
02:28 Nous exhortons Israël à arrêter, a déclaré le président Emmanuel Macron à la BBC.
02:33 Donc le président de la République serait-il en train d'opérer une volte-face ?
02:36 Non, non, non.
02:37 Non, non, honnêtement, sur des sujets aussi graves, on ne peut pas parler de zigzags ou
02:40 de volte-faces.
02:41 La position de la France, exprimée par le président, d'abord elle est dans une continuité
02:45 historique, une position d'équilibre et de paix.
02:48 Et puis, vous savez, sur ce sujet, depuis le 7 octobre et l'attaque dramatique du
02:53 Hamas, mouvement terroriste, redisons-le, contre Israël, il ne faut pas faire la moyenne
02:57 des situations ou des victimes.
02:59 Il faut dire les choses de manière distincte.
03:01 Qu'est-ce qui s'est passé le 7 octobre ? Une attaque terroriste, il faut la condamner
03:04 sans aucune réserve.
03:05 Le président l'a fait très clairement.
03:06 Il a été encore une fois l'un des rares chefs d'État et de gouvernement à le faire
03:09 devant tout son peuple, toute la nation.
03:11 C'était nécessaire.
03:12 Ensuite, il a dit, il l'a redit encore dans son adresse aux Français, qu'Israël avait
03:16 un droit légitime de défendre son peuple, son territoire et de mener une opération
03:21 et qu'on prie militaire contre un groupe terroriste.
03:23 Mais que cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de limites et pas de règles et qu'on
03:26 se préoccupe évidemment, parce qu'une vie vaut une vie, de ce qui se passe pour les
03:29 populations civiles de Gaza.
03:31 Ça n'a aucune contradiction.
03:33 Et puis, troisièmement, on se préoccupe, et c'est aussi notre rôle au gouvernement,
03:37 le rôle du président de la République, de l'unité de la nation et des répercussions
03:40 qui ont lieu dans notre pays.
03:42 Et là-dessus, les messages successifs ont été toujours très cohérents.
03:45 Après ce qu'il a dit vendredi, c'est bien la première fois qu'il l'a dit.
03:47 Écoutez, je ne crois pas.
03:48 D'abord, vous savez, il faut être très précis, parce que cette interview, elle a
03:51 circulé par petits bouts, y compris par des coupes un peu douteuses.
03:54 Et quand on écoute, quand on lit, je l'ai fait, tout le propos du président de la République,
03:58 c'est la position claire de la France.
04:00 Et sur ce qui se passe précisément à Gaza, c'est de demander une trêve humanitaire
04:04 pour justement que l'opération contre un groupe terroriste ne devienne pas une opération
04:09 qui soit contre des civils et qu'on puisse avoir accès pour leur apporter, comme la
04:13 France le fait, comme l'Union Européenne le fait, une forte aide humanitaire.
04:17 Dans ce rassemblement à Paris hier, Marine Le Pen et Jordane Bardella étaient présents.
04:22 Le RN embloque le Rassemblement National avec Écharpe Tricolore et Service d'Ordre, mais
04:26 également Éric Zemmour, Marion Maréchal.
04:28 Deux lignes semblent se décider au sein de la majorité à laquelle vous appartenez.
04:33 Olivier Véran qui déclarait aux Parisiens « J'assume de dire qu'un parti politique
04:38 créé par les héritiers de Vichy et qui participe à une manifestation contre l'antisémitisme
04:41 ce n'est pas de l'unité, c'est de l'indécence ». Edouard Philippe, lui, a pris le contre-pied,
04:47 mais le parfait contre-pied, en disant « lorsqu'il s'agit de manifester contre l'antisémitisme,
04:52 moi je prends tout le monde ». Vous vous situez où ?
04:54 J'ai participé à cette marche, sans aucune réserve et sans aucun état d'âme, bien
04:59 qu'il y ait eu Marine Le Pen et des députés, notamment des élus du RN.
05:04 Parce que justement on ne doit certainement pas laisser cette marche et ce combat contre
05:08 l'antisémitisme au RN, ce serait comme un comble.
05:11 Mais je vais être très clair, ma première manifestation, j'étais un jeune électeur,
05:16 je votais pour la première fois, c'était en avril 2002, contre le Front National, contre
05:21 Le Pen-Jean-Marie.
05:22 Et je pense que le RN n'a pas profondément changé.
05:25 Et donc ce qui me choque, ce sont ces deux choses.
05:29 C'est d'abord qu'en parlant du RN, on occulte l'essentiel, qui était qu'il
05:33 y a eu une belle marche avec beaucoup de Français, de toute sensibilité politique, de toute
05:36 religion.
05:37 C'est ça le fait politique essentiel et important d'hier.
05:39 Il faut quand même le redire, c'est près de 200 000 Français qui sont sortis partout,
05:43 plus encore qui agitaient des rapports, qui applaudissaient aux fenêtres.
05:45 Et puis, ce qui suscite évidemment un sentiment de malaise, même de dégoût, chez le citoyen
05:51 et le responsable politique que je suis, ce n'est pas tant la présence avec écharpe
05:55 tricolore, les députés du RN ont été élus comme j'ai été élu.
05:59 Mais c'est de faire croire aux gens, et notamment aux Français de confession juive,
06:04 que le RN serait un rempart contre l'antisémitisme, serait un bouclier pour les Juifs de France.
06:09 Ça c'est un mensonge odieux, parce qu'il n'y a même pas besoin de se retourner
06:13 vers le passé de Jean-Marie Le Pen, même s'il faut quand même ne pas oublier que
06:17 Marine Le Pen elle-même a été sa candidate aux élections législatives, sa directrice
06:20 de campagne, ce n'était pas il y a 40 ans.
06:22 Mais Jordan Bardella, qui a moins de 30 ans, c'est le présent, n'a pas été capable
06:27 de dire que Jean-Marie Le Pen était un antisémite, il a été condamné par la justice.
06:31 Pour ceux qui nous écoutent et qui ne l'ont pas vécu, il faisait des jeux de mots sur
06:35 les fours crématoires.
06:36 Il n'était pas capable de condamner l'antisémitisme, un tant soit peu.
06:40 Il a même dit que la Shoah était un point de détail, et Chambre à gaz un point de
06:44 détail de l'histoire de la seconde guerre mondiale.
06:45 Ce n'est pas seulement de Jean-Marie Le Pen qu'on parle, c'est de ses héritiers
06:48 les plus directs qui ne le condamnent pas.
06:50 Donc je ne cherche pas à faire un combat moral qui serait mal placé.
06:55 Mais enfin, hier, on a tous défilé, tous ceux qui ont été dans la rue, qui ont soutenu
06:59 cette manifestation, ils l'ont été aussi pour la morale et pour les principes.
07:03 Elle est où la morale ? C'est-à-dire que le président de la République a sèchement
07:06 recadré sa première ministre, il y a de ça à peine quelques mois.
07:10 Ah si, il l'a sèchement recadré quand elle a qualifié précisément le RN d'héritier
07:19 d'un passé vichiste, d'héritier du maréchal Pétain.
07:23 Elle a été sèchement recadrée ? On lui a dit "on ne combat pas le RN avec des arguments
07:28 moraux".
07:29 Le rapport des propos du conseil des ministres, etc.
07:30 Le président de la République, il a toujours été clair, il a mené deux campagnes, j'ai
07:33 été à ses côtés depuis 2016, contre le Rassemblement National et contre Marine Le
07:37 Pen qu'il a battue.
07:38 Et c'est lui qui a été un rempart contre l'extrême droite et nous avec lui.
07:40 Donc il n'y a aucune ambiguïté là-dessus.
07:42 Ce combat, il se mène, on a raison de le rappeler bien sûr, par l'efficacité.
07:45 Si on n'a pas de résultat, si on n'a pas un bilan, si on n'a pas des choses qui
07:48 s'améliorent dans la vie des Français, si y compris dans la lutte contre l'antisémitisme,
07:52 on n'arrive pas à endiguer les choses, notre première réponse elle est policière et judiciaire.
07:55 Pas seulement une marche, évidemment, mais ça fait quand même, je pense, du bien de
07:59 rappeler à tout le monde ce qu'est le Front National.
08:02 Et ce n'est pas encore une fois le Front National des années 80, c'est le Rassemblement
08:07 National d'aujourd'hui qui a ses ambiguïtés.
08:09 Et croire, surtout au-delà des commentaires ou des déclarations de Jordane Mardela, un
08:14 parti dont l'essence même c'est la démagogie et la désignation de bouc émissaire.
08:19 C'est la faute de l'autre, c'est la faute de l'Europe, c'est la faute des étrangers,
08:22 c'est la faute des immigrés.
08:23 C'est ça le Front National d'aujourd'hui, ou le Rassemblement National.
08:26 C'est un parti qui ne pourra jamais être un protecteur des Juifs de France.
08:30 Une dernière question parce qu'elle est très importante Clément Beaune.
08:32 Il semblerait qu'il y ait eu bien peu de jeunes à cette manifestation.
08:35 Que cela vous inspire-t-il ?
08:36 Oui, alors il y en avait.
08:39 D'abord je me suis un peu baladé ensuite dans la manifestation, il y en avait.
08:41 Peut-être qu'il faut rappeler cela aussi, que l'antisémitisme ce n'est pas un fléau
08:46 du passé, que ce n'est pas simplement ce qu'on apprend dans les livres d'histoire
08:50 de l'affaire Dreyfus à la Shoah.
08:51 C'est un danger qui est multiforme et qui peut reprendre aujourd'hui par bêtise,
08:56 par complaisance, par ignorance ou par violence pure, alimentée par les réseaux sociaux.
09:00 Et donc je le dis à tous les jeunes, c'est votre combat aussi.
09:05 Parce que quand quelqu'un, un Juif, un musulman, qui que ce soit, au titre de sa religion,
09:09 de son orientation, de son origine, est stigmatisé, nous serons tous victimes un jour.
09:14 Merci Monsieur le Ministre.
09:16 Merci à vous Sonia De Villers