• il y a 7 mois
En mai 2023, le Commission européenne a adopté la Retail investment strategy (RIS) qui a pour objectif d'améliorer la participation des investisseurs particuliers au financement de l'économie et qui met par conséquent en danger les commissions qui sont des sources de rémunérations pour les professionnels du secteur. Sébastien Acedo, délégué général de ROAM, et Nicolas Ducros, directeur général de la CNCGP expliquent dans SMART PATRIMOINE les répercussions de cette réforme.

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00:00 Nous enchaînons à présent avec enjeu patrimoine. Nous allons revenir sur une réglementation,
00:10 sur un texte réglementaire au niveau européen qui a pu créer certaines angoisses au sein
00:15 du monde des conseillers en gestion de patrimoine il y a quelques mois, beaucoup moins aujourd'hui.
00:19 Je parle bien sûr de la RIS, la Retail Investment Strategy. Nous allons nous demander ensemble
00:24 ce qui attend réellement la profession avec ce texte, sachant que ce texte avait un moment
00:30 notamment remis en cause le modèle de rémunération d'un certain nombre de conseillers en gestion
00:34 de patrimoine, au moins le modèle français. Pour en parler, nous avons le plaisir de recevoir
00:39 sur le plateau de Smart Patrimoine Sébastien Acédo. Tout d'abord, bonjour Sébastien
00:42 Acédo. Bonjour Nicolas. Délégué général de Roam. Roam, donc une association qui regroupe
00:46 80 assureurs et notamment des assureurs mutualistes. Et nous avons le plaisir d'accueillir également
00:51 Nicolas Ducrox. Bonjour Nicolas Ducrox. Bonjour. Directeur général de la CNCGP, l'une des
00:57 plus grosses associations de conseillers en gestion de patrimoine en France. Peut-être
01:01 commencer avec vous rapidement Sébastien Acédo avant de vous passer la parole. Nicolas Ducrox,
01:07 la Retail Investment Strategy, telle qu'elle a été portée par mairée de McGuinness,
01:11 avait fait peur, on peut le dire. Le sujet, c'était les rétrocommissions. C'était
01:15 de supprimer purement et simplement les rétrocommissions qui fait quand même partie d'un modèle
01:19 de rémunération assez répandu en France aujourd'hui. Effectivement, vous l'avez
01:23 bien fait de le rappeler, c'était le projet un peu funeste de la commissaire mairée de
01:27 McGuinness, il y a plus d'un an, qui avait fait couler beaucoup d'entes et qui menaçait
01:32 purement et simplement la suppression, ce qu'on appelle le ban on commission, la suppression
01:36 des rémunérations sous forme de commission. Il faut savoir que c'est le modèle dominant
01:38 du marché français. Elle s'inspirait beaucoup de ce qui se passait au Royaume-Uni. Bien
01:44 sûr. Au Pays-Bas également où le modèle est plutôt celui des honoraires. Elle souhaitait
01:48 le généraliser à l'ensemble du marché européen. Et heureusement, il y a eu une
01:53 réaction à la fois des assureurs, des gestionnaires d'actifs, de toute la profession, des intermédiaires,
01:59 des distributeurs, le soutien de la direction générale du Trésor, le soutien d'autres
02:05 partenaires européens qui ont réussi à faire fléchir la position de mairée de McGuinness.
02:10 Il restait une menace dans la première version du texte de la RIS puisqu'on était passé
02:14 d'une suppression totale à une suppression partielle. Bien sûr. Et heureusement, grâce
02:18 au travail de l'eurodéputé Stéphanie Yancourtin qui était rapporteur du texte au Parlement
02:22 européen, on a pu fort heureusement voir cette menace totalement écartée à l'issue
02:28 du vote du 23 avril dernier. Donc le sujet des rétrocommissions n'est plus à l'ordre
02:34 du jour dans le texte et ne reviendra pas, c'est ce qu'il faut comprendre ? Il faut
02:39 être très méfiant au milieu du parcours législatif. Il ne faut pas oublier que les
02:45 discussions se poursuivent également sous la présidence belge dans le cadre du Conseil
02:49 de l'Union européenne. Il y a encore des discussions tout le mois de mai. Il va y avoir
02:53 ensuite un trilogue, en trois parties, avec le Parlement européen, le Conseil de l'Union
02:58 européenne et la Commission exécutive, probablement à l'automne, après les élections européennes
03:02 qui vont peut-être aussi jouer sur la coloration du texte. Il ne faut pas oublier que la gauche
03:07 du Parlement européen, les socialistes et les écologistes étaient farouchement opposés
03:12 au maintien des commissions. Donc la menace n'est pas totalement écartée. Le processus
03:16 est encore long jusqu'à la transposition dans le droit français, dans le droit de
03:19 chaque État de l'Union européenne, c'est-à-dire à horizon 2028, tout au mieux. Donc d'ici
03:25 là, on a encore peut-être des surprises. Il faut rester particulièrement vigilant.
03:28 Nicolas Ducroix, le sujet des rétrocommissions n'est pas nouveau. Il est régulièrement
03:33 attaqué. On a quand même eu l'impression que cette fois-ci, avec la Retail Investment
03:38 Strategy, ça a créé un peu plus d'angoisse quelque part en France parce que ça avait
03:42 peut-être un tout petit peu plus de chance d'aboutir et finalement, ou de soulagement
03:46 pour l'instant, en tout cas, c'est sorti du texte.
03:48 Oui, alors c'est vrai que ça a pu susciter l'interrogation parce qu'effectivement, on
03:52 en parle depuis un moment de ce sujet des commissions. C'était déjà à l'ordre du
03:58 jour sous MIF 1, MIF 2, dans DDA. Puis à chaque fois, le modèle a survécu. Il a survécu
04:02 parce qu'on a été en capacité d'expliquer pourquoi ce modèle existait, pourquoi il
04:07 allait encore exister et pourquoi surtout en France, la chance que les épargnants ont,
04:12 c'est que leur intermédiaire, leur conseiller, peut se faire rémunérer par le biais de
04:16 commission, mais également par le biais d'honoraires.
04:18 Bien sûr.
04:19 Donc ça, on a tendance à…
04:20 On a le choix entre les deux.
04:21 Exactement, mais ça existe. Alors c'est vrai qu'on a vu apparaître cette interrogation
04:26 de la part de la commissaire européenne. Ça a créé beaucoup d'interrogations parce
04:31 que forcément, on avait des craintes quant à une relecture opportuniste de la réglementation.
04:38 Et puis finalement, on voit qu'on est plutôt dans une période de construction européenne.
04:44 On n'est pas dans une création de loi en fait.
04:49 Oui, bien sûr.
04:50 Et donc, il faut en référer au Parlement, en référer au Conseil, en référer à la
04:54 commission. Et n'oublions pas qu'avec les élections du mois de juin, on va encore
04:58 être amené à évoquer ces sujets-là qui sont… Alors, on parle beaucoup des commissions,
05:03 mais le sujet est tellement vaste qu'on pourrait en parler pendant…
05:08 J'ai commencé effectivement par les commissions parce que c'est ce qui a le plus, à mon
05:11 avis, titillé la profession. Mais aujourd'hui, Nicolas Ducrot, au global, qu'est-ce qui
05:18 attend la profession en France avec le texte dans sa version actuelle, donc à savoir avec
05:25 la suppression du sujet des rétrocommissions, avec un allègement du sujet value for money
05:30 aussi dont on peut dire un petit mot ? Est-ce qu'on attend des grands bouleversements
05:33 finalement ?
05:34 Non, en fait, en tout cas au niveau de la Chambre et au niveau de nos adhérents, on
05:39 n'attend pas vraiment de grands bouleversements parce que la logique, elle est somme toute
05:44 assez simple. L'épargnant doit être conseillé dans la durée. Et ce que font les conseillants
05:49 en gestion de patrimoine, notamment parce qu'ils sont intermédiaires en assurance,
05:53 qu'ils ont un devoir de conseil qui est obligatoire, parce qu'ils ont aussi le statut
05:57 de SIF et ils sont obligés de formaliser leur devoir de conseil, et bien ça, ils ont
06:02 déjà l'habitude de conseiller tout au long de la vie du produit le client. Voilà,
06:07 donc c'est pour ça que nous, à ce niveau-là, on est relativement tranquille. Bon, on a
06:12 encore, comme je vous le disais, le trilogue qui peut se prononcer, il y a encore l'étape,
06:18 le chemin est très très long, mais en tout cas, maintenant, on a fait le travail à ce
06:22 niveau-là et on pense que la trajectoire législative est désormais sur une bonne
06:30 voie et on va faire en sorte qu'elle le reste.
06:31 On peut dire que ça devient un non-sujet pour le secteur français ?
06:34 Non, non, non.
06:35 Non, non, non.
06:36 Ça va changer beaucoup de choses quand même au quotidien ?
06:37 Pour certains, pour ceux qui n'étaient pas au niveau, oui, ça va changer beaucoup
06:41 de choses.
06:42 Oui, d'accord, ça va rappeler des fondamentaux.
06:43 Voilà, en plus, nous, on a la chance, comme nous sommes agréés, une association agréée
06:49 à la fois par l'autorité des marchés financiers et par la CPR, nous avons l'habitude d'aller
06:54 contrôler nos adhérents une fois tous les cinq ans pour la partie SIF et désormais,
06:57 une fois tous les cinq ans pour la partie intermédiation d'assurance. Donc, si dans
07:01 l'hypothèse où ils n'étaient pas au niveau, eh bien, on est pas allé mettre au niveau.
07:05 Je comprends, je comprends.
07:06 Sébastien Assedo ?
07:07 Alors, et pour compléter ce que disait très justement Nicolas, il ne faut pas penser
07:12 aussi que cette réglementation, parce qu'on a supprimé la menace des commissions, c'est
07:16 un soulagement, c'est un assouplissement du texte.
07:19 Le texte introduit bien quand même quelques obligations nouvelles qui pèseront demain
07:24 sur les intermédiaires.
07:25 Alors, pas aussi de façon si cataclysmique qu'une suppression des commissions, mais on
07:30 va renforcer les obligations en matière de formation continue, on va y ajouter de la
07:33 durabilité, la gouvernance produit, des assureurs va être également renforcés, on va renforcer
07:39 l'information pré-contractuelle, l'IPID, ce fameux document d'information clé, va
07:44 être aussi revisité pour qu'on fasse mieux le distinguo entre ce qui relève de l'assurance
07:47 vie et de l'assurance non-vie.
07:48 Donc, globalement, le texte fait quand même peser des obligations supplémentaires nouvelles
07:54 qui faudra bien sûr intégrer une fois que le texte sera mis en place, parce qu'il ne
07:58 faut pas le rappeler non plus, l'objectif de base de la RIS, ce n'est pas les commissions,
08:02 c'est de permettre aux citoyens européens d'accéder au marché de l'investissement
08:07 d'État, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
08:10 70% de ces citoyens européens sur 10 n'ont pas accès, avec une information claire et
08:15 transparente.
08:16 Ça, c'est l'objectif de la RIS.
08:17 Et c'est un objectif qui est partagé à la fois par les assureurs et également par
08:20 la grande famille des distributeurs et des intermédiaires dans leur diversité.
08:23 Donc, ça, il ne faut pas perdre de vue cet objectif.
08:25 Oui, donc, ce n'est pas une sanction vis-à-vis d'une certaine manière de faire, c'est
08:28 plus uniformiser quelque part la manière dont on propose des investissements quand
08:32 on est intermédiaire en investissement en quelque part.
08:34 Exactement.
08:35 Sans oublier, ce que rappelait Nicolas, le principe du devoir de conseil, qui est quand
08:39 même un principe qui a été réaffirmé en France quand même assez régulièrement
08:43 par les autorités tutelles et par la direction générale du Trésor.
08:46 Et puis, il y a tout un travail qui a été mené par la place.
08:48 Il ne faut pas oublier que la RIS porte sur l'investissement de détail, donc l'épargne,
08:52 l'assurance vie, les unités de compte.
08:53 Il ne faut pas oublier que depuis plus de deux ans, les assureurs et la CPR ont mené
08:59 un travail de fond pour remettre à plat les frais et les rendements des unités de compte
09:04 pour écarter ceux qui ne seraient pas totalement bénéfiques dans la durée aux assurés,
09:09 aux clients.
09:10 Un mot peut-être sur ce concept de value for money où on avait l'impression que quelque
09:14 part, il fallait que le coût d'un produit corresponde à la performance du produit.
09:18 Ça aussi, c'était quelque chose de nouveau, Nicolas Ducrox ?
09:21 C'est vrai que selon l'endroit où on se plaçait, on pouvait avoir l'impression
09:25 que finalement, tout était réduit à une notion de coût.
09:27 Oui, ce qui est très bien pour le consommateur, mais sauf que si le coût est bas, au bout
09:31 d'un moment, forcément, le service qui est en face sera au niveau du coût bas.
09:35 C'est pour ça que la relecture qu'a pu en faire la rapporteure au niveau de la Commission
09:40 Econ, la rapporteure Stéphanie Yancourtin, a été justement de remettre en cause, de
09:46 reconsidérer cette notion de coût et de remettre l'accent sur le Conseil, puisque
09:51 effectivement, vous faites bien de le rappeler, l'idée, c'est de permettre aux épargnes
09:56 européennes d'investir davantage sur les marchés financiers et ils pourront investir
10:01 qu'à partir du moment où ils auront des personnes face à eux en capacité de les
10:05 épauler.
10:06 Et donc, tout ça, ça aussi nécessairement en coût.
10:08 C'est pour ça qu'il y a un rééquilibrage qui a été fait.
10:10 Bien sûr.
10:11 Il faudra s'assurer maintenant, dans le cadre du Trilog, effectivement, on a encore cette
10:16 vision qui se fait assurer.
10:17 Mais le sujet qu'on a maintenant, c'est que le Trilog, c'est très long.
10:21 Il y a beaucoup d'interlocuteurs.
10:22 On n'est pas… on peut être peut-être… on peut voir passer une réforme ou un amendement
10:29 qui serait un amendement de dernière minute.
10:32 Voilà, c'est ça le vrai sujet.
10:33 C'est qu'on ne voudrait pas que le travail de fond qui a été fourni soit réduit par
10:38 une lecture un petit peu rapide du texte.
10:41 Donc, c'est pour ça qu'on est très vigilants là-dessus.
10:43 Et c'est bien aussi… on voit que le Conseil est renforcé parce qu'on voit réapparaître
10:48 au niveau européen des valeurs qui nous sont chères à la Chambre.
10:51 C'est notamment en matière de formation.
10:52 Et on a vu réécrit, parce que ça l'était déjà, les heures de formation qui vont rester
10:59 à 15 heures de formation.
11:00 On a pu voir des amendements autour de 45 heures, de 25 heures.
11:04 Enfin bon, 45 heures de formation, au bout d'un moment, c'est n'importe quoi.
11:07 Et c'est d'autant plus intéressant, et ce sera peut-être la prochaine lecture au
11:10 niveau européen, c'est que, par exemple, en France, désormais, les associations sont
11:14 chargées de s'assurer au niveau de l'assurance que leurs intermédiaires ont bien suivi leurs
11:19 15 heures de formation.
11:20 Et ce qui est encore plus important, et c'est un vrai travail de compte pour nous…
11:23 Ça, c'est dans le texte ?
11:24 Non, ça, on le fait déjà.
11:25 On le fait déjà ? Oui, c'est ça.
11:26 Et le sujet, c'est qu'il faut qu'on aille s'assurer que le niveau de la formation
11:30 soit équivalent au niveau du salarié, par exemple, ou du chef d'entreprise.
11:34 Donc, ça va très, très loin en France, déjà.
11:37 Justement, en conclusion, Sébastien Assedo, vous l'avez déjà un petit peu mentionné,
11:40 mais pour ceux qui ne seraient pas adhérents à une association, ceux qui voient ce texte
11:45 arriver avec potentiellement pas mal de chamboulements, qu'est-ce que ça change concrètement si
11:49 on lit ce texte ? Est-ce que déjà, ça vaut le coup de se poser la question ? Ou de toute
11:52 façon, ça peut être mis en cause dans six mois et il faut attendre les différentes
11:57 discussions que vous mentionniez tout à l'heure pour se poser la question ? Ou est-ce que
12:00 concrètement, on peut déjà se dire, ça va durcir quand même les démarches administratives,
12:06 le côté réglementaire ?
12:07 Oui, je pense qu'il ne faut pas crier avant d'avoir mal non plus.
12:09 Je pense qu'il faut rester lucide.
12:12 Il y a quand même encore une trajectoire qui est devant nous.
12:14 Il y a différentes étapes de discussion.
12:15 Bien sûr, on a le temps.
12:16 On reste vigilants.
12:17 On n'est pas à l'abri d'un amendement.
12:20 Il faudra aussi voir le travail de transposition dans le droit français parce qu'une fois
12:23 que le texte est adopté, il y a des normes techniques qui suivent.
12:26 Il y a une phase de transposition qui va durer deux ans.
12:28 D'ici là, on a encore le temps de voir passer un certain nombre de dispositions et d'aménagements.
12:33 Pour autant, Arnaud le rappelait, il y a des associations et elles sont là aussi pour
12:42 accompagner les professionnels et vérifier qu'à différents moments de leur progression,
12:49 ils respectent les grands jalons de la réglementation, en particulier de la formation, de l'accompagnement.
12:54 Du moment qu'on a ces associations qui sont là pour vérifier la compétence et vérifier
13:03 qu'elles sont à jour de leurs obligations, ça facilite forcément les choses.
13:07 Ce sont des interlocuteurs qui servent un peu de tampon entre une direction du Trésor,
13:11 entre les autorités de l'Utel.
13:12 C'est toujours bon à prendre et ce sont des conseils qui, au quotidien, sont précieux.
13:16 Merci beaucoup messieurs.
13:18 Merci Sébastien Assedo, merci Nicolas Ducroix de nous avoir décrypté un petit peu le sujet
13:23 Retail Investment Strategy, même s'il reste encore beaucoup d'étapes.
13:25 Merci en tout cas à tous les deux et on se retrouve tout de suite dans l'œil du CGP.

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