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Sébastien Stumpp – Université de Strasbourg : « Uniformiser une activité « multiforme » : l’exemple de la Fédération Française de Volley-ball (1945 - début des années 1980) »
Transcription
00:00 Donc vous êtes maître de conférence à l'Université de Strasbourg et membre du laboratoire interdisciplinaire en études culturelles.
00:14 Et vous avez récemment soutenu une habilitation à diriger des recherches à l'école des hautes études en sciences sociales
00:22 sur les relations entre le sport et les problématiques frontalières, ce qui est logique vu votre implantation géographique.
00:29 Et vous avez travaillé sur l'histoire du volleyball, donc c'est ce dont vous allez nous parler à partir des sources fédérales,
00:36 mais aussi d'un exemple de la Ligue de l'Alsace sur le volleyball. Merci beaucoup.
00:43 Effectivement, merci beaucoup. Effectivement, j'ai évoqué la question du volleyball qui a une histoire un peu particulière.
00:51 Juste pour rebondir rapidement par rapport à la présentation précédente, on a effectivement aussi ce terme de jeu de fiette
00:56 qui est utilisé par les dirigeants de l'Affairation française de volleyball. Ils veulent absolument se démarquer de cette absence de sérieux.
01:06 Donc j'y reviendrai, mais c'est vrai qu'il y a effectivement des parallèles qui sont assez intéressants à mettre en avant.
01:11 Alors, il faut que j'appuie ici, ce serait mieux. Alors, quelques éléments d'introduction pour dire qu'en fait, il y a une espèce d'ambivalence au départ
01:20 entre la manière dont se constitue le volley avec un caractère très multiforme en fait de cette activité.
01:26 Donc là, je reprends une expression de Serge Loi et Olivier Sirot en 2000 qui évoquait ce caractère multiforme et qui renvoie au fait
01:33 qu'on a à la fois une multiplicité des influences américaines, par BDYMCN notamment, russes, polonaises.
01:40 On a également des foyers de diffusion qui sont assez disparates. Espaces bannères, campings, clubs de vacances, bains de villes,
01:48 sociétés naturistes, sociétés de montagne également, j'en parlerai dans un instant pour l'Alsace, qui est assez particulier.
01:54 Multiplicité des lieux de pratique également du coup, donc qui vont de la plage au terrain vague, en passant par les casernes de pompiers, casernes militaires.
02:02 Mon ordinateur s'est bloqué, c'est pas grave. Et donc également, multiplicité des représentations collectives parce que cette activité peut à la fois
02:15 incarner du sérieux mais également une image un peu plus détendue, du volet de plage. Cette activité se constitue autour d'un caractère très multiforme.
02:25 Et en même temps, tout l'enjeu pour la Fédération française de volet de boule, ça va être de diffuser et normaliser.
02:30 Diffuser et normaliser, alors diffuser, je prie juste un exemple du congrès de 1950, Ambition de faire du volet de boule le second sport collectif masculin
02:39 et le premier sport collectif féminin dans les dix ans à venir. Et donc, quels sont les enjeux et quelles sont les stratégies de diffusion qui sont possibles
02:47 pour cette activité, du fait que ce soit précisément qu'elle a un caractère multiforme. Comment développer, donc attirer, uniformiser, sportiviser,
02:55 donc transformer en sport, ce fameux jeu sérieux. Comment développer la FFVB, Fédération française de volet de boule, tout en tenant compte de cette diversité
03:03 qui fait l'attractivité aussi de l'activité, de cette discipline. Donc on va voir comment ils vont essayer de résoudre cette problématique.
03:09 Alors des pistes d'analyse d'interface du national et du local, alors il s'avère que j'ai eu la chance d'accéder aux archives de la Ligue d'Azaz de volet de boule.
03:18 Elles allaient être jetées. Donc j'ai réussi à mettre la main dessus et il s'avère que dans ces archives figuraient les comptes rendus des congrès
03:28 de la Fédération française de volet de boule depuis 1948. Donc effectivement c'est une grande chance et encore il y a pas mal de choses qui sont passées à la peine.
03:36 J'ai parcouru assez vite pour tout récupérer. Alors effectivement on va essayer de se centrer sur certaines des problématiques qui se développent par le biais du volet de boule.
03:48 Donc la première c'est attirer de nouveaux publics. Alors l'une des problématiques ça va être effectivement d'essayer de rajeunir le recrutement.
03:55 Alors c'était pas évident au départ parce qu'il y a des contraintes techniques et physiques. On parle du volet comme d'une aristocratie du sport collectif.
04:05 Alors bon ça c'est effectivement, ce sont les acteurs qui en parlent comme ça mais il y a une certaine difficulté parce qu'on n'a pas le droit de bloquer la balle.
04:11 Donc première chose, prélever également des licences par rapport à d'autres sports collectifs pendant une grande période et des difficultés à faire des liens entre la Fédération française de volet de boule et l'éducation physique et sportive.
04:24 Alors Maurice Beivaud encore qui est d'ETN en 1979, note un désintérêt des enseignants d'EPS.
04:35 Et on retrouve également ça dans les correspondances de la ligue d'Azaz de volet de boule, on parle de non participation à la vie des clubs.
04:43 Et d'une certaine manière ce qui est montré c'est que le vivier du sport scolaire ne semble pas profiter pendant longtemps à la Fédération française de volet de boule.
04:52 Alors je cite un passage, nos clubs ne réussissent pas à tirer qu'un petit nombre des joueurs pratiquant en scolaire, même en admettant que la majorité de ces jeunes ne désirent pas pratiquer le volet de boule de compétition.
05:03 Il faut reconnaître qu'il y a là une réserve importante qui pourrait venir grossir notre capital alors que nous nous contentons d'un pourcentage de 19%.
05:09 Donc on repère cette difficulté de passage vers la pratique fédérale. La bascule semble néanmoins se produire dans les années 1970 pour différentes raisons.
05:21 Les partenariats qui vont se développer avec les écoles, l'obligation de disposer d'équipes de jeunes pour les clubs seniors et également une politique de formation des cadres.
05:32 On notera aussi un matériel qui commence à évoluer, le fait de pratiquer en salle qui joue aussi un rôle important dans le fait d'attirer ce public un petit peu plus jeune.
05:42 C'est ce que m'ont confié certains acteurs en expliquant qu'il n'était pas toujours simple quand on jouait en extérieur de pratiquer cette activité.
05:52 Alors j'y reviendrai également un peu plus loin.
05:55 Donc rajeunir le recrutement, premier défi.
05:57 Deuxième défi, c'est également féminiser cette pratique.
06:00 Alors là, il y a une difficulté qu'on retrouve régulièrement dans les comptes rendus de la fédération, qu'on retrouve également dans les comptes rendus de la Ligue d'Alsace.
06:12 Et alors moi, ce qui me semblait intéressant pour prendre le cas local, comme j'avais les archives de la Ligue d'Alsace de volleyball, c'est de souligner que là, je rebondis sur ce que disait Jean-Paul Caled.
06:25 En gros, dès qu'un sport de petit terrain occupe majoritairement un espace géographique, l'autre sport tient une place relativement secondaire, les autres sports collectifs.
06:34 Là, en l'occurrence, en Alsace, le basketball est implanté depuis le début des années 20.
06:39 Il est soutenu à la fois par la Ligue régionale qui s'appuie notamment sur les YMCA qui ont joué un rôle important.
06:46 Et on a à côté la Fédération catholique, donc l'avant-garde du Rhin, qui joue un rôle très, très important aussi et qui a investi cette activité en masse
06:53 et qui en a fait une activité aussi féminine.
06:57 Donc, difficulté à mon avis, parce que l'implantation est déjà là et donc, de fait, problème dans un premier temps pour féminiser cette activité.
07:06 Le basketball se produit dans les années 60-70. En gros, on passe de 20% les années 50 à 35,6% en 1977, le pratiquant.
07:14 Le troisième problème qui se pose également, c'est que le volleyball est plutôt une activité citadine et tout l'enjeu va être justement de ruraliser,
07:24 utiliser ce terme-là, et c'est dans ce cadre-là notamment que la Fédération va essayer de développer des partenariats avec le mouvement sportif catholique,
07:32 mieux implantés dans les campagnes, alors je cite, grâce aux nombreux patronages ruraux.
07:36 Donc, il y a un enjeu de faire des liens avec d'autres fédérations qui, effectivement, dans les campagnes, sont beaucoup mieux, ont une place beaucoup plus importante.
07:47 L'autre problématique qui se pose, c'est mettre fin aux jeux d'extérieur. J'y mets un point d'interrogation parce que ça va beaucoup faire débat au sein de cette fédération.
07:55 Deux problématiques, en fait, avec le jeu d'extérieur. Le premier, c'est l'absence de salles, très clairement, qui a des conséquences sur la qualité et la continuité du jeu,
08:05 ce que notent les acteurs, et donc il faut faciliter l'accès à des infrastructures. Et là, de ce point de vue-là, il y a une forte disparité selon les régions.
08:13 Certains acteurs m'ont bien expliqué que quand ils allaient jouer en région parisienne, ils ont joué assez rapidement dans des salles. Par contre, il est certain que dans d'autres régions,
08:21 ça a été beaucoup plus compliqué. Alors, il y avait des possibilités de jouer dans les grandes halles, dans les halles de marché également.
08:30 Ils expliquaient qu'ils étaient obligés de nettoyer un peu le terrain avant, qu'il y avait des légumes, des poissons par terre, ils nettoyaient un petit peu tout ça,
08:37 et ils pouvaient ensuite pratiquer cette activité. Et donc, dans un troisième temps, c'est l'apparition de salles spécialisées qui a permis effectivement le développement de cette activité,
08:46 et qui a contribué aussi, du coup, à rejeunir et à féminiser cette activité. Il y a aussi quand même une autre problématique, c'est pour ça que je les ai séparées,
08:53 c'est la question du jeu de plein air en fait. Le sport, pardon, le volleyball a eu pendant longtemps une image d'un loisir balnéaire.
09:01 Alors là, la fédération a été un peu embêtée avec ça. Elle a été un peu embêtée parce que d'un côté, là, je rebondis sur ce que j'ai dit au début,
09:09 c'est qu'ils veulent, je cite un congrès de 1964, rompre avec le sport de petites filles qui se pratiquent sur la plage. Alors pourquoi ils le rompre ?
09:16 Parce que ça entache le caractère de sérieux de cette activité selon eux. Ça ne peut pas être considéré comme un sport selon eux à partir du moment où on entretient cette image-là.
09:26 Donc il y a une nécessité, effectivement, de se débarrasser de cette image et donc de quitter la plage d'une certaine manière pour rentrer dans les salles.
09:36 Donc il y a un enjeu de sérieux qui accompagne, bien entendu, un enjeu de confort de l'activité, cela va de soi. Mais c'est quelque chose qu'on retrouve assez souvent.
09:44 Mais en même temps, c'est difficile de s'en passer. C'est difficile de s'en passer parce qu'il est bien dit que ça prépare le jeu sérieux.
09:51 C'est-à-dire que c'est finalement la plage qui va donner un vivier de pratiquants qui vont ensuite pratiquer au sein de la FFVB, l'Affaire de la France française de volleyball.
10:00 Et mine de rien, on s'aperçoit que ça fidélise un public. Ça fidélise un public et notamment un public estival qui, c'est dit dans les comptes rendus,
10:09 donc un public qui, à partir du mois de mai, a besoin de sortir, voir des jeux d'extérieur. Et finalement, ce n'est pas si mal que ça que d'avoir une activité.
10:20 Donc il va y avoir des débats très importants sur cette pratique, où la situer et qu'est-ce que ça évoque.
10:26 J'ai juste pris un exemple. Ce club de congrès de 54, ce club de plage Flanvien a organisé des rencontres de qualité.
10:34 Ceux-ci ont situé un intérêt beaucoup plus grand des joueurs. Chaque rencontre a attiré un nombre considérable de spectateurs, 4 à 5 000, malgré le mauvais temps.
10:41 Donc il passe des partenariats avec certaines structures aussi, certaines entreprises comme Philips, par exemple, pour organiser des tournées des plages et développer cette activité.
10:52 En pensant que ça peut finalement servir d'antichambre pour le jeu sérieux.
10:56 Autre problématique, juguler la concurrence. Cette activité est fortement pratiquée par des fédérations infinitaires et corporatives,
11:19 FGTU, FOLEP, etc., qui ont des puissants réseaux, qui ont des réservoirs de pratiquants et qui ont des moyens financiers pour certaines.
11:27 Face à cela, on essaie de trouver des compromis, c'est-à-dire des protocoles d'accord.
11:34 Je cite le congrès de 67, "Nous avons fait un effort cette année pour relier à nous les fédérations infinitaires, car il est bien évident qu'un sport n'est majeur que dans la mesure où,
11:42 effectivement, sur le plan national, tout ce qui se fait dans ce sport est relié à la mise en mer."
11:46 L'autre stratégie consiste aussi à montrer, et là encore on revient à cette notion de sérieux,
11:52 que ce qui se passe ailleurs, par exemple à l'UFOLEP, n'est pas sérieux.
11:57 Ce n'est pas de la vraie compétition et de ce point de vue-là, la FFVB, Fédération Française de Volleyball, incarnerait ce sérieux.
12:04 Il doit y avoir une différence fondamentale dans le sérieux dans lequel se déroulent ces championnats et dans le cadrement.
12:09 Nous devons offrir une pratique supérieure à ces fédérations infinitaires.
12:12 L'UFOLEP est dirigée vers la compétition de loisirs, nous sommes dirigés vers la compétition.
12:18 Trois minutes, ça sera très bien.
12:20 J'ai pris un exemple aussi local qui m'a fait beaucoup sourire et sur lequel j'ai travaillé un petit peu.
12:25 On a aussi en Alsace du volleyball en montagne, ce qui peut paraître très étonnant.
12:30 Les terrains ne sont pas en pente, rassurez-vous, mais ça se situe à côté des refuges.
12:34 Ça peut nous prêter à sourire, certes, sauf qu'on s'organise très rapidement des tournois en montagne.
12:39 J'ai mis les années 50, mais on retrouve même des traces un petit peu avant.
12:42 On va dire que ça se systématise à partir des années 50.
12:45 On a la création d'un championnat de montagne en 1960 sous l'égide d'une structure,
12:50 d'un groupement qui s'appelle l'Entente Volet Montagnard.
12:53 Ça prête à sourire au début, pour les fédérations, sauf que ça prend de l'ampleur.
12:58 J'ai entendu ce matin que les Bretons étaient bornés, je crois, ou têtu.
13:03 Nous les Alsaciens, je ne sais pas, on va en montagne, ils adorent la nature.
13:07 C'est quelque chose qui parle beaucoup, effectivement, sûrement lié à l'histoire régionale.
13:11 C'est un cliché, rassurez-vous, mais c'est vrai qu'il y a une certaine appétence pour la montagne.
13:16 Au début, ça fait rire la fédération, mais beaucoup moins à partir des années 70,
13:21 parce que vous avez 22 équipes, 3 divisions, qui s'encontrent tous les week-ends,
13:25 donc à côté des refuges de montagne.
13:27 Les équipes portent les noms des refuges.
13:30 Et vous avez des joueurs, même de niveau national, voire international, qui viennent.
13:34 J'ai Francis Schmitt, notamment, qui est un international.
13:37 Donc ce sont des joueurs de très bon niveau, de première division, de deuxième division.
13:42 Ce volleyball de montagne fait de l'ombre au championnat fédéral, congrès de 1971.
13:51 Donc forte pression de la part de la fédération française de volleyball pour mettre fin à cette activité.
13:56 En fait, c'est les montagnards romains qui vont mettre fin à ça,
13:58 parce que c'était dans le cadre de Société de montagne, ça s'organisait.
14:01 On sent qu'on a franchi un cap avec le championnat, les fédérations.
14:05 Ça devient finalement trop structuré pour les Sociétés de montagne,
14:08 qui vont se retirer petit à petit, enfin qui vont mettre fin à ce championnat.
14:13 Dernièrement, très rapide, ensuite je donnerai un élément de conclusion,
14:18 il y a aussi une volonté très forte de bureaucratiser, diversifier les ressources.
14:21 C'est commun à pas mal de fédérations, finalement, c'est un peu moins original.
14:25 Dans tout état de cause, dans les années 60, il y a une forme d'électrochoc,
14:28 pour se dire qu'il faut avoir une organisation administrative appropriée
14:31 pour la pénétration du produit.
14:33 On commence à parler des termes marketing, si on peut l'exprimer ainsi.
14:38 Il faut se structurer comme une entreprise, on recherche des ressources extrêmes.
14:41 Bref, ça se structure réellement, et là, ça entraîne des conflits.
14:46 On entend, on risque de voir le volleyball se prostituer,
14:50 c'est dit au congrès de 1977, que ça devienne des jeux du cirque,
14:53 ou encore que les joueurs soient transformés en hommes sandwich.
14:56 Quelques éléments de conclusion.
14:58 Très rapide, j'ai eu la chance de tomber sur un rapport commandé
15:02 par la Fédération française de volleyball, à l'université de Franche-Comté, à l'époque,
15:06 qui est sur 96-87, qui fait une forme de radiographie du volleyball en France.
15:10 Ça permet de situer cette activité.
15:16 Cette activité a vu ses effectifs augmenter par un rajeunissement et une féminisation,
15:22 mais qui a demandé un peu de temps.
15:24 Le deuxième élément intéressant, c'est que finalement,
15:27 et c'est pour rebondir sur le premier remarque,
15:30 ce sont surtout les deux catégories extrêmes qui dynamisent le volleyball,
15:34 les benjamins minimes, à cette époque, à partir de 12 ans, et les seniors.
15:41 Et troisième chose intéressante, qui est moins surprenante sur certains éléments,
15:45 pour d'autres un peu plus, c'est le développement du volleyball
15:47 qui s'effectue en France par les périphéries.
15:50 Ça, on voit très bien, c'est les zones en noir qui expliquent où s'est développée cette activité.
15:55 Évidemment, en parlant de la mer, l'activité de plage,
16:00 en Suépé, en Fierie, je vous dis, en Alsacienne, ça interroge déjà un peu plus.
16:04 Ça oblige finalement, pour comprendre tout cela, pour comprendre cette dynamique,
16:08 à faire dialoguer le local et le global.
16:11 C'est une invitation, effectivement, à faire l'un et l'autre,
16:14 c'est-à-dire une forme de micro-histoire globale,
16:16 comme l'évoquait notamment Jacques Revelle, l'historien Jacques Revelle.
16:23 Voilà, je vous remercie.
16:26 [Applaudissements]
16:28 [Silence]

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