• il y a 8 mois
SESSION 3 : DES RELATIONS AU PUBLIC « DÉMATÉRIALISÉES » ?

Archivistes et rapports aux usagers : entre injonctions
contemporaines et questionnements internes itératifs
Patrice Marcilloux (Université d’Angers-TEMOS).
Avec Bénédicte Grailles, Magalie Moysan, Camille Rouffaud,
programme 2RU
Transcription
00:00 Merci beaucoup.
00:01 Donc moi, je vais vous parler au nom de la petite équipe
00:04 que vous avez citée tout à l'heure,
00:06 qui a donc travaillé pendant une bonne année.
00:11 Donc on est en fin de programme
00:13 sur un autre programme conventionné avec le SIAF,
00:17 qui est donc le petit frère, la petite soeur, le cousin
00:20 de celui qui nous réunit aujourd'hui.
00:22 Et donc merci d'avoir eu l'idée de vous présenter
00:25 et de nous faire connaître.
00:27 Et donc merci d'avoir eu l'idée de faire se croiser
00:30 les deux programmes.
00:32 C'est très gentil et très intéressant de le faire.
00:37 Donc ce programme s'appelle
00:40 "Reconfiguration des rapports aux usagers", ou 2RU.
00:43 Alors il aura sa petite journée conclusive, lui aussi,
00:45 le 16 mai 2024 à Angers.
00:48 Et donc je vais utiliser un petit peu l'introduction.
00:52 C'est pas très académique comme introduction,
00:54 mais pour vous le présenter,
00:55 histoire de ne pas faire toute une partie de présentation
00:57 de ce programme, mais juste vous dire 2 ou 3 choses
00:59 pour ensuite passer à mon propos.
01:03 Donc l'objet de ce programme,
01:05 c'était d'essayer d'approcher cette notion
01:07 de reconfiguration des rapports aux usagers
01:10 avec, je dirais, 3 angles d'attaque principaux.
01:14 Le 1er, les politiques des usagers
01:16 dans les politiques des services,
01:18 avec en particulier une étude des PSCE,
01:23 des projets de services culturels et éducatifs,
01:25 aussi bien les résultats,
01:27 l'étude d'un certain nombre de projets
01:29 que la fabrique de ces projets.
01:31 2e angle d'attaque, des outils de gestion.
01:35 Et donc là, on était plus sur des outils numériques,
01:37 des outils de gestion de la relation aux usagers
01:40 dans leurs demandes,
01:42 et notamment, par exemple, j'y ferai allusion,
01:45 le déploiement de logiciels du type GRU, GRC,
01:49 gestion de la relation à l'usager ou aux citoyens.
01:52 Et puis, 3e angle,
01:53 une dimension de territorialisation
01:56 et de l'offre de relations aux usagers,
02:00 quels qu'ils soient, sur les territoires.
02:03 D'un point de vue méthodologique, je vais très vite aussi,
02:06 mais ça me permettra de ne pas reciter ensuite
02:09 un certain nombre de choses.
02:11 Donc, chose comparable à ce que nous avons vu ce matin,
02:15 c'est-à-dire principalement du qualitatif,
02:18 avec une soixantaine d'entretiens,
02:22 aussi bien avec des archivistes de différents niveaux
02:24 qu'avec des usagers,
02:26 des séances d'observation non participantes
02:30 à découvertes de réunions de services,
02:33 de réunions préparatoires à l'élaboration de projets de services,
02:38 d'une session du Séminaire national des archives de France aussi.
02:43 Voilà, je crois que j'ai à peu près fait le tour.
02:47 Ceci dans une vingtaine de services d'archives,
02:50 principalement de collectivités territoriales,
02:53 un petit peu archives nationales aussi,
02:56 mais moins.
02:58 Donc, c'est sur ce matériau que je vais m'appuyer.
03:03 Donc, du coup, je n'aurai pas le temps de dire à chaque fois,
03:05 dans telles circonstances, tel type de réunion, etc.
03:08 Donc, je vais prélever un peu dans toutes ces circonstances.
03:12 Et bien sûr, comme mes collègues,
03:14 ça sera présenté de manière purement anonyme,
03:16 ne cherchez pas, quand je dis un directeur ou une directrice,
03:20 même à identifier, ne serait-ce que par le sexe ou le genre,
03:23 parce que je change...
03:25 Je dis ça pour les archivistes présents dans la salle
03:28 qui pourraient dire, "Ah, je me demande si c'est pas
03:30 "un tel ou une telle qui a dit ça."
03:34 Alors, l'objet de ma communication,
03:36 ça va être donc sur le terrain de la relation aux usagers
03:38 et, en particulier, mais pas uniquement,
03:41 de la relation dématérialisée aux usagers,
03:44 d'essayer de revenir sur la manière
03:47 dont les services se comportent, gèrent, digèrent,
03:51 si je puis dire, les différentes injonctions,
03:55 les différentes sollicitations extérieures
03:57 qui leur sont adressées,
04:00 quelle que soit la nature de ces injonctions
04:03 ou de ces adresses extérieures,
04:04 technologiques, politiques, administratives, sociales.
04:08 Voilà. Et donc, ça va m'amener à un plan en 3 parties.
04:13 Premièrement, je vais revenir rapidement
04:15 sur ces injonctions extérieures
04:17 pour les caractériser quand même un tout petit peu.
04:20 Deuxièmement, je vais défendre l'idée
04:22 que les services réagissent beaucoup
04:24 en réactivant des questionnements métiers
04:28 qui leur sont propres,
04:30 en réactivant des débats internes.
04:32 Et donc, troisièmement, j'essaierai d'apporter
04:35 quelques éléments d'analyse sur ce mode de fonctionnement.
04:40 Alors, premièrement, sur les injonctions,
04:43 contraintes, commandes, etc.,
04:46 et en complément ou en nuanciation, là, peut-être,
04:50 de ce qui a pu être dit au fil de la journée.
04:53 Alors, bien évidemment, nous sommes d'accord,
04:54 les services d'archives sont l'objet de ce type de sollicitations,
04:58 d'offres, de marketing territorial, technologique, etc.
05:03 Je voudrais quand même en relativiser un tout petit peu,
05:07 non pas l'existence, mais l'impact
05:09 ou attirer l'attention sur le fait
05:12 que ces adresses extérieures, au fond,
05:16 premièrement, sont...
05:18 Enfin, il faut les limiter un tout petit peu.
05:20 Oui, on les limitait un tout petit peu.
05:23 Et puis, deuxièmement, que,
05:24 d'après ce que nous avons pu observer,
05:27 ça ne pénètre pas beaucoup dans la profondeur des services
05:31 au-delà de l'encadrement.
05:34 Deux ou trois séries de remarques.
05:36 Alors, d'abord, vous allez me dire,
05:38 c'est lié au fait que nous avons surtout travaillé
05:41 sur des services territoriaux,
05:43 et donc ça enfonce une porte ouverte,
05:45 mais pas uniquement.
05:47 Moi, les injonctions, les éléments de discours,
05:50 les éléments de mode que j'ai vus vivre en interne,
05:54 ils sont principalement d'origine locale.
05:57 Peu de choses sur des mots d'ordre nationaux,
06:01 de services publics, etc.,
06:03 locales, et deuxièmement, très incarnées.
06:06 C'est-à-dire que ce que l'on met en avant, ce que l'on vise,
06:09 ce qui compte, finalement, me semble-t-il,
06:11 c'est le fait que tel président de conseil départemental
06:15 est attaché à la participation citoyenne.
06:17 Alors là, oui, on voit le thème,
06:18 mais à travers le président du conseil départemental,
06:21 la marotte de tel directeur général adjoint
06:24 qui aime bien la transversalité, etc., etc.
06:29 Et je dirais que s'il n'y a pas cette incarnation
06:31 et ce relais local,
06:33 moi, je n'ai pas vu vraiment de poids
06:36 d'un certain nombre de mots d'ordre nationaux.
06:41 Et je dirais même qu'on a un certain nombre d'absences
06:45 qui sont, je ne sais pas s'il faut dire étonnantes,
06:47 mais notables.
06:49 Alors pour certains thèmes,
06:51 je dirais qu'ils sont assez démonétisés.
06:53 On peut le regretter, mais c'est autre chose.
06:56 Et donc, ça ne surprendra pas.
06:58 Par exemple, la démocratisation culturelle,
07:00 l'élargissement des publics,
07:01 voilà des thèmes qui sont absents,
07:05 presque totalement de ce que nous avons pu observer.
07:07 Pour d'autres thèmes, ils ne sont présents
07:10 que sous la forme de leur déclinaison locale,
07:11 qu'il s'agisse de la transformation numérique
07:13 du service public ou de l'amélioration
07:16 de la qualité du service public en général.
07:19 2e remarque,
07:21 ça reste quand même plutôt au niveau des équipes de direction
07:25 qui s'en servent, d'ailleurs, de ces mots d'ordre,
07:29 si je puis dire, en les instrumentalisant quelque peu
07:31 pour faire passer des messages dans l'équipe
07:33 ou pour sensibiliser.
07:36 Voilà, je cite, "On n'est pas les seuls maîtres à bord."
07:40 Attention, un changement d'organigramme se profile,
07:42 donc certaines habitudes risquent d'être modifiées.
07:48 Et je dirais aussi que les encadrements
07:51 sont à la recherche de ce type de commandes politiques
07:56 comme forme de levier.
07:58 Un tel directeur, dans une réunion, s'étonne
08:00 qu'au fond, on ne lui demande pas plus à rendre de compte
08:04 sur la fréquentation de la salle de lecture
08:06 ou des expositions ou des équipements culturels.
08:09 Il paraît presque bizarre ou un signe de désintérêt
08:12 ou quelque chose dont il faut se méfier.
08:15 Alors, il existe bien, évidemment,
08:17 des propositions technico-institutionnelles fortes.
08:22 C'est notamment...
08:24 Nous avons étudié, donc, nous,
08:26 un terrain autour,
08:28 dans un service d'archives municipales,
08:29 autour du déploiement d'un outil de GRU, GRC,
08:33 appelez-le comme vous voulez,
08:34 donc un outil de gestion des demandes de recherche
08:36 par correspondance.
08:38 Et là, c'est très clair que c'est une demande de l'institution.
08:43 Un des archivistes interrogés dit
08:45 qu'il fallait avancer même si on n'était pas convaincus.
08:48 Voilà. Donc là, on est bien dans ce cas de figure.
08:51 Mais je dirais que ce même type d'outil
08:54 ou ce même type d'approche
08:56 présenté en réunion nationale
09:00 devant un groupe
09:03 d'une vingtaine d'archivistes
09:06 est tout de suite mis à distance, justement,
09:08 sur le fait que c'est qu'un outil.
09:10 La profession réagit en disant "ça, c'est un outil
09:13 qui pose des questions de fond
09:14 et ramène tout de suite la discussion sur cet outil
09:18 à des questionnements spécifiques métiers".
09:21 On va y revenir, et ça fait le lien
09:23 avec ma 2e partie,
09:25 qui est "quel type de réponse doit-on faire
09:28 à ces demandes de recherche par correspondance ?
09:31 Jusqu'où doit-on aller ?"
09:33 Donc, 2e point de mon propos,
09:37 la révélation,
09:39 à travers la manière dont les services discutent en interne,
09:44 se positionnent par rapport à ces évolutions,
09:47 de la réactivation d'un certain nombre de points de débat,
09:52 réactivation assez souvent vive,
09:55 on a l'impression de quelque chose de clivant,
09:58 et ces points de débat, si je puis dire,
10:01 ces points de tension, ils ont 2 caractéristiques,
10:03 c'est qu'ils renvoient tous, plus ou moins,
10:07 de manière plus ou moins directe, à la notion de coeur de métier,
10:10 qui sommes-nous ?
10:11 Alors, j'emploie "coeur de métier",
10:12 on pourrait employer "identité professionnelle",
10:14 on pourrait employer "professionnalité",
10:15 on a employé différents termes,
10:17 aujourd'hui, je laisse tomber les débats théoriques,
10:19 mais vous comprenez bien ce dont je veux parler.
10:22 Donc ils renvoient tous à ce qui sommes-nous,
10:24 quel sens, quelle mission principale, etc.
10:26 Et 2, surtout, presque, j'ai envie de dire,
10:29 ils sont à peu près décorrélés de l'actualité,
10:32 c'est-à-dire que ces débats, ce sont des débats,
10:35 je ne dis pas éternels, je ne dis pas permanents,
10:38 mais ce sont des débats anciens ou récurrents,
10:43 on a l'impression qu'on les mobilise
10:45 de manière régulière ou itérative.
10:49 Alors, je vais vous en prendre 3,
10:52 qui sont liés, qui sont très liés.
10:54 Premièrement, les usagers sont-ils au coeur de nos missions ?
11:00 Voilà une proposition qui fait débat.
11:03 Placer l'usager au coeur, ça fait débat,
11:05 ça pourrait peut-être paraître évident,
11:07 mais ça fait débat, notamment dans la fabrique des PSCE.
11:12 Il y a, et c'est perçu, le fait de placer l'usager...
11:15 Alors, bien sûr, tout le monde est d'accord,
11:16 tout ce qu'on fait, c'est pour l'usager, etc.
11:19 Mais faut-il aller jusqu'à en faire le paradigme principal,
11:23 si je puis dire, et par exemple,
11:24 écrire le projet de service autour de l'usager ?
11:28 Et on décline tout.
11:30 Eh bien, ce renversement de paradigme,
11:32 il est perçu comme ça, je cite un verbatim, là,
11:38 fait l'objet de discussion,
11:40 alors, soit parce qu'il y a la crainte
11:42 que ça ne soit pas partagé par tout le monde,
11:44 dans un service, on fait écho que...
11:47 L'encadrement fait écho qu'une partie des agents répète
11:50 "Il n'y en a que pour les publics, ici, de toute façon."
11:52 Si vous entendez les autres, on est oubliés.
11:55 Et puis, un débat un peu plus théorique,
11:57 qui est, faut-il accepter cette autonomisation ?
12:00 On a parlé des 4C, des 5C, etc.
12:03 Cette autonomisation d'une partie du travail,
12:06 ou est-ce que c'est un tout
12:08 et qu'il n'y a pas à le diviser, justement ?
12:12 Et quelqu'un dit, par exemple,
12:13 "L'archivistique, c'est ce qui permet de répondre au public."
12:16 Et donc, ce qui est au coeur, c'est l'archivistique.
12:19 Les publics n'ont pas à être singularisés
12:22 ou placés au sommet de l'édifice.
12:27 Deuxième question qui est liée,
12:30 c'est celle du "jusqu'où aller"
12:32 dans les réponses aux usagers.
12:35 Alors là, c'est encore plus clivant, je dirais,
12:38 d'une certaine manière, parce que là, ça se part
12:41 volontiers de conception du service public.
12:44 C'est-à-dire, est-ce que c'est notre mission de service public
12:46 de faire ça ? Non, ce n'est pas ça.
12:48 C'est autrement que nous accomplirons convenablement
12:52 notre mission de service public.
12:53 Dans un sous-groupe de travail en séminaire national,
12:56 la présentation de l'outil que j'évoquais tout à l'heure,
13:00 la de gestion des relations aux usagers,
13:03 par un service qui avait comme politique
13:06 de répondre à toutes les demandes sans limitation, disons,
13:09 et de manière gratuite,
13:11 cette présentation génère un fort brouhaha.
13:15 J'ai noté un quart d'heure de débat vif avec du brouhaha.
13:19 31, j'ai compté le nombre d'interactions,
13:21 31 interactions de la part de 11 intervenants
13:24 dans un groupe de 20 personnes,
13:26 ce qui situe bien, je dirais, l'intensité.
13:28 Alors je prends quand même 2 minutes.
13:29 Donc c'est open bar.
13:31 De plus en plus d'étudiants font faire leur recherche
13:33 parfois par des professionnels.
13:34 Oh, il y a forcément des critères,
13:36 donc une discrimination rampante.
13:38 Il vaudrait mieux faire moins et assurer une égalité
13:40 de traitement.
13:41 On est quand même obligés
13:42 de tenir compte des capacités de service.
13:44 Il n'y a qu'à leur dire de venir en salle.
13:46 Oui, mais si les fonds ne sont pas classés.
13:49 Donc là, on a quelque chose...
13:51 Alors je dirais, voilà, je ne découvre pas...
13:54 Mais ce qui est intéressant, c'est de le voir vivre.
13:57 Et je dirais que même de manière tout à fait paradoxale,
14:01 dans le service où on a vraiment étudié les choses
14:04 qui a adopté ce type d'outils,
14:06 un certain nombre d'archivistes de l'encadrement
14:08 disent qu'ils n'étaient pas forcément d'accord,
14:11 qui en soulignent tous les problèmes, etc.,
14:13 disent, au fond, c'est un moyen d'éviter
14:16 la surqualité de certains agents.
14:19 Voilà. Alors, au-delà, ça a déjà été évoqué,
14:25 certains archivistes dans les réunions
14:28 voient un rôle qui va au-delà,
14:31 c'est-à-dire un rôle de médiateur administratif,
14:34 c'est-à-dire, je dirais, d'aider les usagers,
14:37 y compris dans leur combat, si je puis dire,
14:39 avec l'administration, en mettant à profit
14:41 des connaissances qu'ont les archivistes
14:43 sur le fonctionnement des services,
14:46 que parfois les services eux-mêmes n'ont pas.
14:48 Mais vous le noterez, là, on est un petit peu
14:51 dans ce qu'on pourrait appeler un "auto-mandat",
14:52 c'est-à-dire que ces archivistes s'attribuent une fonction
14:56 qui n'est pas véritablement, tiens, j'ai envie de dire,
14:59 réglementaire, pour pointer à quelque chose
15:02 que je vais aborder ensuite.
15:03 Troisième point,
15:07 c'est tout ce qui touche à classement ou exposition.
15:11 Je vais très vite.
15:13 Une partie importante des agents place l'essentiel
15:17 de leur professionnalité dans les activités de classement.
15:20 Encore faut-il dire ce qu'est un classement,
15:22 qu'est-ce qu'un classement achevé,
15:23 qu'est-ce qu'un classement débuté,
15:24 qu'est-ce qu'un classement terminé.
15:26 Mais une autre partie des agents met en avant les expositions.
15:31 Et là, je dirais, c'est un des rares cas
15:33 où j'ai vu que c'était vraiment...
15:34 ça partait des tripes.
15:36 Par exemple, dans un service qui, actuellement,
15:37 ne fait pas beaucoup d'expositions,
15:39 où on débat du fait de "est-ce qu'on en ferait",
15:42 eh bien, il y a un clivage entre celles et ceux qui disent
15:46 "c'est pas prioritaire",
15:47 et là, dans la Réunion,
15:49 un agent qui n'avait pas pris la parole jusqu'à présent
15:52 dit de manière virulente, forte,
15:55 "faire une exposition, c'est être vivant,
15:57 "pas une crotte poussiéreuse."
15:59 Oui, mais...
16:04 Alors, il me reste encore cinq minutes ?
16:06 -Tout à fait. -C'est très bien.
16:08 Troisième partie.
16:09 Alors, donc,
16:12 comment analyser ça, si je puis dire ?
16:14 Je pense qu'un indice nous est fourni
16:18 par le fait que toutes ces réflexions,
16:22 qui sont assez construites,
16:23 qui sont même très construites,
16:24 les gens ont des argumentaires, etc.,
16:26 en revanche, elles mettent à distance
16:28 tout référencement extérieur.
16:31 On ne cite pas d'article de la Gazette des Archives,
16:34 on ne cite pas quelque chose de la Revue archiviste,
16:37 on ne cite pas d'exemple qu'on a vu en formation, etc.,
16:40 alors même que, parfois,
16:41 on sent que les gens qui prennent la parole
16:45 mobilisent quelque chose de cette nature-là.
16:47 Mais on a l'impression qu'il faut une réflexion sui generis
16:51 qui naisse de l'intérieur du système archivistique,
16:54 si je puis dire.
16:55 Et c'est un petit peu cette notion que je voudrais, ici,
17:00 comment dirais-je, explorer pendant deux minutes,
17:02 il restera une minute pour la conclusion,
17:05 c'est-à-dire que les archives,
17:07 c'est non seulement des lieux, c'est non seulement des services,
17:09 c'est non seulement de la réglementation,
17:12 c'est un ensemble articulé de moyens, de politiques,
17:15 de modes de formation, de modes d'insertion dans la société
17:18 qui évolue avec ses logiques propres.
17:22 Et ces logiques, je crois qu'il faut vraiment les regarder
17:24 de manière très, très interne.
17:27 Deux ou trois éléments de ces logiques propres,
17:28 le poids du réglementaire,
17:30 je dirais même le paravent réglementaire,
17:32 c'est sans cesse mis en avant.
17:36 J'aurais tendance à dire que c'est parfois un peu bloquant,
17:38 mais là, je sors de mon rôle d'analyse, si je puis dire.
17:43 Mais voilà.
17:44 Et parfois, il y a quelqu'un qui dit
17:46 "Ah oui, mais j'ai regardé dans les musées,
17:47 ils font comme ça, leur PSCE."
17:49 Non, on ne parle pas des musées.
17:51 Les musées, ce sont des gens
17:52 qui n'ont pas de réglementation comme nous.
17:54 Et donc, les pauvres,
17:56 ils sont obligés de s'inventer des missions
17:58 et d'inventer des missions singulières par service
18:03 en fonction de la typicité de leur collection.
18:05 Pas nous. Pas nous.
18:07 Nous, on est là.
18:09 On sera toujours là.
18:11 Deuxièmement, de manière très frappante,
18:16 ces débats,
18:17 on pourrait appeler des hésitations de professionnalité,
18:20 sont perçus par les usagers.
18:22 Les usagers que nous avons interrogés
18:24 qui font usage d'un service qui n'est pas très répandu,
18:27 alors là, les spécialistes identifieront
18:29 où ça peut se situer,
18:31 qui est service, dit, de numérisation à la demande.
18:34 Ils disent "Oui, pourquoi ce n'est pas plus répandu ?
18:36 Oui, oui, je l'admets.
18:38 Mais ils n'ont peut-être pas fait des études
18:42 pour être à notre service, on l'admet.
18:44 On a toujours l'impression qu'ils ont des choses
18:46 plus importantes à faire avec les archives.
18:48 Leur but premier, ça doit être autre chose, mais quoi ?"
18:51 Oui, oui, oui.
18:55 Et du coup, évidemment,
18:57 je passe plus vite pour arriver à la conclusion,
19:00 comme dans tout système, comme ça,
19:01 on a évidemment des logiques d'adaptation un peu à la marge.
19:06 Et ces logiques d'adaptation à la marge,
19:07 elles plaisent, j'ai envie de dire,
19:09 à la fois à ceux qui sont au système,
19:12 parce que justement, ça permet d'évoluer par les marges,
19:15 et puis ça se généralise ou pas, etc.
19:17 Ce qui m'a beaucoup frappé dans les entretiens
19:19 avec ces usagers que je viens de viser,
19:22 c'est l'usage qu'ils font de très nombreux groupes
19:26 et pages Facebook consacrées à la généalogie,
19:30 et principalement, c'est beaucoup des généalogistes,
19:31 pas exclusivement, effectivement,
19:33 j'aurais peut-être dû le dire, le groupe là que...
19:36 Et alors, sur ces pages et groupes,
19:38 c'est de l'entraide, on signale des choses
19:40 qui se font dans un service d'archives,
19:42 des nouveautés, etc., etc.,
19:43 mais il est extrêmement frappant de voir
19:45 qu'il y a des archivistes qui interviennent.
19:47 Mais ils interviennent à la marge,
19:51 sont borderline, si je puis dire.
19:53 Alors, certains sont à la retraite,
19:54 ils font bien ce qu'ils veulent,
19:57 mais d'autres sont en profession,
20:00 et ils interviennent sur ces pages
20:03 par une sorte de flou, etc., etc.
20:05 En tout cas, leur intervention est très appréciée,
20:09 très recherchée.
20:10 Les usagers me disent,
20:11 "C'est bien d'apprendre de ces sachants.
20:13 "Lorsqu'ils parlent, on sait que c'est vrai."
20:16 Mais vous voyez combien ça se situe à la marge
20:18 de ce que j'appelle le système archivistique.
20:21 Alors, élément de conclusion, c'est...
20:23 -Tout à fait. -Très bien.
20:24 Et je pars d'une petite réflexion personnelle
20:30 ou d'un aspect très anecdotique.
20:31 Justement, en allant sur le terrain,
20:34 donc, pour moi, ça signifiait aussi
20:36 revenir dans les services,
20:38 et que j'ai vu la vivacité de ces débats
20:40 autour de exposition par exposition,
20:43 demande de recherche administrative ou pas,
20:45 répondre ou pas.
20:47 Quand j'étais en stage à Nancy avec Hubert Collin,
20:50 il m'avait déjà expliqué qu'il ne fallait pas répondre
20:52 en dehors des demandes de recherche administrative.
20:55 Je me suis dit, "Mais enfin, quand même, on en a encore là.
20:57 "Ça vit encore, ça."
20:59 Ça m'a un peu perturbé.
21:00 Et je pense que ce "on en a enfin, quand même",
21:03 c'est complètement idiot.
21:04 Ma 1re réflexion est complètement idiote.
21:06 Je n'avais...
21:07 Ça va plus loin que ça, en fait.
21:10 C'est-à-dire que je pense que la réitération
21:14 de ces interrogations découplées,
21:18 j'insiste bien, d'une forme de temporalité.
21:22 Premièrement, fait partie, définie ou fait partie,
21:25 je ne dis pas définie exclusivement,
21:27 mais fait partie de l'identité,
21:29 on l'a évoqué, professionnelle et archiviste.
21:31 On a dit tout à l'heure, être bibliothécaire, c'est douter.
21:34 Être archiviste, on a l'impression,
21:36 c'est non seulement douter,
21:38 mais c'est être capable de reformuler régulièrement
21:42 ce type d'interrogations sur le coeur de métier.
21:47 Il faut l'admettre, c'est une manière commune.
21:49 Et alors, vous allez me dire,
21:52 comme une entité professionnelle,
21:54 non, 2e erreur, je crois.
21:56 2e erreur, parce que je crois que cette manière de faire,
22:00 elle a un intérêt profond
22:02 en termes de système des professions,
22:04 pour reprendre les outils théoriques
22:05 qui ont été avancés ce matin.
22:07 C'est-à-dire que ça permet, en fait,
22:10 de maintenir une forme d'unité
22:13 et de bloquer l'apparition de sous-groupes professionnels,
22:16 par exemple, autour du numérique.
22:18 Archiviste, records manager...
22:21 C'est pas forcément numérique, mais archiviste, informaticien.
22:25 Voilà. Et donc, parce qu'on trouve,
22:29 dans la réitération de ce type de débat,
22:32 une forme, je crois, oui, d'identité unifiée professionnelle.
22:36 En tout cas, c'est une hypothèse que je formulerai.
22:40 Voilà.
22:41 (Applaudissements)
22:42 -Merci.
22:44 (...)
22:45 ...

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