Le sociologue Jean Viard et le professeur de criminologie Alain Bauer débattent ce matin pour déterminer si, oui ou non, la France est un pays plus violent qu'avant. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-jeudi-01-fevrier-2024-1827575
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Débat ce matin sur la violence de la société et cette question est-elle en progression en France ?
00:06 Connaît-elle de nouvelles formes ou au contraire, ces manifestations comme les émeutes il y a 6 mois,
00:12 sont-elles classiques et ordinaires ? Deux livres aux conclusions diamétralement opposées sortent en cette rentrée
00:20 et leurs auteurs ont accepté d'en débattre. Alain Boer, vous êtes professeur de criminologie
00:26 au Conservatoire national des arts et métiers et vous publiez « Tu ne tueras point » aux éditions Fayard
00:32 et Janviar, vous êtes sociologue et vous, vous publiez « Une émeute et le langage de ceux qui ne sont pas entendus
00:40 pour une pensée post-coloniale positive », c'est aux éditions de l'Aube.
00:46 C'est le titre le plus court qu'on ait vu pour un livre.
00:50 - 5 lignes de titre ! Bonjour à tous les deux, merci d'être là, on est content de vous entendre débattre sur vos livres respectifs.
00:58 En gros, vous avez, pour le dire en un mot Alain Boer, vous pensez que la société devient de plus en plus violente
01:04 quand vous Janviar, vous récusez ce tableau. Vous allez nous dire pourquoi l'un et l'autre,
01:07 mais d'abord un mot sur l'actualité chaude, sur les blocages, la colère, les manifestations d'agriculteurs.
01:13 Pour vous Janviar, ce n'est que la troisième manifestation d'un même problème, celui de Paris contre la province.
01:19 Ces trois manifestations, c'était les Gilets jaunes, les émeutes de Jouin et maintenant le monde agricole qui est en colère.
01:24 - Ces trois types de peuples, on pourrait le dire comme ça, c'est-à-dire les uns c'était le péri-urbain et les communes éloignées,
01:30 les autres c'est les banlieues et là c'est les paysans. Ça fait beaucoup de France.
01:33 Alors c'est une France populaire, c'est une France qui marche dans le fumier, c'est une France qui n'a pas de costume cravate.
01:41 Et puis de l'autre côté, on a une société, mais l'Europe c'est pareil, de plus en plus gérée par des gens très compétents,
01:46 qui ont des statistiques, qui vous disent l'agriculture, oui mais c'est un binaire 4 d'exportation, vous dites ça à un agriculteur,
01:51 qu'est-ce que ça peut lui faire quand il n'arrive pas à finir son mois ?
01:54 On est là dans ces décalages et vous remarquerez que le Premier ministre, moi je trouve que c'est la phrase la plus intéressante qu'il a dite,
01:59 quand il a dit "les costumes cravate ne m'ont pas accompagné".
02:01 Quand il était l'autre jour, je ne sais pas si ça va être sa ligne politique, j'en ai pas parlé avec lui évidemment,
02:06 mais il y a une vraie question si vous voulez, c'est une société de plus en plus gérée par des gens loin des réalités,
02:11 il n'y a jamais eu un gouvernement aussi parisien, et de l'autre côté, vous avez ces peuples en rôle qui sont des peuples différents.
02:17 Donc c'est aussi que le peuple s'est morcelé.
02:18 Et vous, quelle lecture faites-vous de cette colère paysanne Alain Bauer ?
02:22 D'abord, ça fait 1000 ans qu'il y a des jacqueries en France, donc la redécouverte permanente de la nouveauté,
02:27 parce qu'on a oublié l'histoire, et toujours un moment de stupéfaction,
02:31 c'est un peu le problème de l'accélération du temps et de l'espace dû au téléphone portable.
02:38 Rien n'est arrivé avant, pas grand-chose après, entre deux, vous regrettez le tweet que vous venez d'envoyer,
02:42 et vous attendez désespérément celui qui fera vibrer ou sonner, parce que autrement vous êtes mort.
02:46 Donc il y a un problème de perte totale de la perspective, notamment historique.
02:51 Par ailleurs, sur le fond, tous les peuples...
02:53 - Pour vous, c'est une jacquerie comme une autre ce qui se passe depuis deux semaines ?
02:55 - La jacquerie paysanne est une jacquerie comme une autre, elle s'oriente contre l'État, et contre Paris, et contre Bruxelles,
03:00 Bruxelles est la nouveauté de la période, mais c'est juste un léger déport de quelques centaines de kilomètres
03:06 par rapport à celle qui existait contre les fermiers généraux, la Taille, la Gabelle.
03:09 Il n'y a rien de nouveau, y compris dans les revendications paysannes,
03:12 elles se sont élargies, et surtout, les revendicateurs ne sont pas les mêmes.
03:15 Vous avez désormais d'immenses agro-business céréaliers,
03:20 le président de la FNSA pèse 9 milliards, il n'a pas 90 000 euros de chiffre d'affaires parce qu'il est éleveur de 40 vaches,
03:25 et donc ils n'ont pas les mêmes problèmes, ils n'ont pas les mêmes difficultés,
03:29 mais ils ont tous une revendication qui a un dette respectée, donc un problème de dignité,
03:34 deuxièmement, un problème de cohérence, quand le Premier ministre, très justement d'ailleurs,
03:38 sur sa botte de foin, dit "je viens de lire les 14 réglementations sur comment tailler les haies",
03:43 évidemment, lui-même a l'air stupéfait de ce qu'il découvre, et je pense qu'il l'est,
03:46 et nous-mêmes, on est entre l'hilarité et le désespoir, et la consternation,
03:52 mais sur le fond, c'est toujours la même histoire.
03:54 Par contre, toutes les émeutes ne se valent pas, même si elles s'expriment tous par une forme de violence,
04:00 et ce n'est pas systématiquement la même violence, mais c'est souvent la même émeute.
04:03 - Alain Boer, vous êtes d'accord ? C'est toujours la même jacquerie qui se répète ?
04:06 - Oui, pas tout à fait, parce que ce qu'il y a, c'est qu'ils ont l'impression qu'ils sont en train de mourir,
04:10 que c'est un groupe en voie de disparition.
04:12 Moi, je pense que l'agriculteur, c'est un grand métier du passé, mais aussi un grand métier du futur,
04:15 parce que c'est eux qui travaillent le vivant, et c'est ça qu'on ne sait pas dire,
04:19 et il n'y a pas de grand projet politique là-dessus.
04:21 Je regrette Edgar Pisani, qui pourtant n'a pas fait des choses positives,
04:24 puisqu'il a aussi introduit la chimie et tout, mais qui avait une pensée sur la souveraineté alimentaire,
04:28 qui fait un énorme manque.
04:31 - Alors, venons-en à vos livres.
04:32 Alain Boer, vous publiez donc un essai musclé, écrit après les émeutes de juin,
04:36 où vous estimez qu'il y a une augmentation de la violence aujourd'hui en France,
04:40 alors qu'elle avait décru depuis plusieurs années.
04:43 Expliquez-nous, et dites-nous sur quoi, sur quels chiffres vous étayez ce constat ?
04:47 - Alors moi, je ne prends qu'un seul indicateur, celui qui existe depuis 1539,
04:50 loir soit rendu à François 1er, qui nous a inventé l'état civil,
04:54 qui permet de savoir comment on s'appelle, quand on est né, quand on meurt et comment on meurt.
04:58 Et donc, nous avons un outil formidable, qui, hors période de guerre,
05:02 qui est un élément perturbateur de la statistique, nous donne une idée.
05:05 On est passé de 150 homicides pour 100 000 habitants à moins de 2.
05:08 Extraordinaire civilisation de la violence, du crime, etc.
05:12 Jusqu'à il y a 20 ans.
05:14 - Et après, ça remonte ?
05:15 - Il y a 20 ans, on est arrivé à notre plus bas historique en matière d'homicide, 700.
05:20 Nous venons de repasser la barre des 1000 cette année.
05:22 Mais je me suis aussi intéressé à un deuxième indicateur,
05:25 qu'on ne regardait pas beaucoup, qui s'appelle les tentatives d'homicide.
05:27 Qu'est-ce qu'une tentative d'homicide ? Un homicide raté.
05:29 Soit par l'incompétence de l'auteur, qui ne sait pas se servir de sa kalachnikov,
05:34 soit par l'efficacité des services de secours.
05:37 Et donc, depuis des années, nous avons un indicateur, il s'appelle 1, 2, 3, 4, 5, 6, 51,
05:41 l'état statistique du ministère de l'Intérieur, qui nous donnait les tentatives d'homicide.
05:45 - Et alors ?
05:46 - Je me suis rendu compte qu'elles montaient tout doucement, régulièrement,
05:49 et de manière à peu près inexorable.
05:51 Les règlements de compte avaient des poussées et des baisses,
05:53 notamment dans la région de Marseille, que j'en connais particulièrement.
05:56 - Et puis, entre 2015 et 2016, il y a eu un accident statistique qui s'appelle les attentats.
06:01 Après un accident statistique, une augmentation massive du nombre de morts,
06:04 parce qu'il y a un attentat terroriste qui, à Paris et aux alentours, et surtout à Nice,
06:09 crée une mortalité massive, l'année d'après, ça doit baisser.
06:13 Ce n'est pas le cas. Non seulement ça ne baisse pas, mais ça continue à augmenter, augmenter, augmenter.
06:17 Cette année, chiffre publié hier par le ministère de l'Intérieur,
06:21 nous venons de passer la barre des 5000 homicides et tentatives d'homicide.
06:25 C'est le plus haut niveau depuis que l'outil existe, c'est-à-dire 50 ans.
06:29 - Comment vous expliquez que ça ait baissé pendant des années, que ça remonte ainsi,
06:32 et de manière aiguë, ces trois dernières années ?
06:35 - Comme on l'indique très bien, Paris c'est l'État, et l'État en France a construit et créé la nation.
06:39 La plupart des autres nations européennes, notamment, sont des nations-États,
06:43 fédéralisées, délocalisées, décentralisées, où on s'occupe des choses
06:46 avec une assez faible distance à portée de BAF, comme dirait l'autre.
06:50 Nous, l'État a fait une promesse, promesse de la protection des institutions,
06:53 il continue à le faire, des frontières, il a sous-traité, de la monnaie, elle a disparu,
06:58 et de la lutte contre l'homicide, depuis la lutte contre le duel.
07:01 C'est arrivé très tard, la protection des personnes et des biens dans la tête de l'État,
07:05 mais c'est entré dans les mœurs. L'État sait tout, fait tout et doit tout faire,
07:08 il a une police d'État pour le faire, depuis qu'il la retire du terrain,
07:12 qu'il la charge de faire uniquement des missions de projection, un peu comme nos armées,
07:16 un peu comme le sanitaire, un peu comme l'éducatif, un peu comme l'instruction publique,
07:20 tout ce qui est le service public de l'État, c'est retiré.
07:22 La nature ayant rœur du vide, les organisations criminelles ont pénétré le territoire,
07:27 et comme en plus elles se sont elles-mêmes décentralisées,
07:29 elles sont de plus en plus rugueuses, elles se frottent,
07:32 et on règle ses comptes de manière directe à la BAF ou à l'arme blanche,
07:36 plutôt que d'attendre éventuellement qu'un jour le système judiciaire pénal ou pénitentiaire le résolve.
07:41 Et donc ça a créé une augmentation générale de la violence.
07:44 - Jean-Liard, je ne veux pas caricaturer votre pensée, mais vous mettez en avant
07:49 le sentiment d'insécurité qui a augmenté, relayé par des discours politiques plus violents.
07:54 Je mets ça dans le débat, après ce que vient de dire Alain Bauer.
07:58 Je vous donne la parole.
07:59 - Les deux sont vrais, c'est-à-dire que moi je ne suis pas spécialiste de la police,
08:03 donc les déplacements de la police, Alain est plus compétent que moi.
08:06 Mais ce qui est vrai, c'est qu'il y a des nouvelles violences.
08:08 Il y a eu les émeutes, c'est quand même les troisième qu'on a en ce moment,
08:11 celles-là sont plutôt calmes, parce que quand on se déplace avec un tracteur à 200 000 euros,
08:14 on est plus calme qu'un gilet jaune avec un casque et une paire de gants,
08:17 c'est beaucoup plus dangereux de perdre.
08:19 Et puis il y a eu les attentats, il y a la montée du salafisme,
08:22 donc il y a cette présence de la violence politique qui reprend une importance,
08:26 ça c'est incontestable.
08:27 Et puis il y a la violence autour de la drogue,
08:29 moi je suis favorable à l'ADP de la nation des cannabis pour cette raison,
08:32 moi je suis marseillais, quand il y a 42 jeunes tués depuis le début de l'année,
08:35 ça me rend malade.
08:36 Et certains élus me disent "oui mais genre tant qu'ils se tuent entre eux".
08:38 Non, c'est des jeunes marseillais d'origine immigrée, qui s'entretuent.
08:42 Donc il y a ça, et puis il y a une chose qu'il faut dire,
08:44 c'est qu'il y a un refus des services publics.
08:46 Il y a une violence des élus contre l'hôpital, contre l'école,
08:48 parce que les gens considèrent qu'ils payent pour un service qu'ils n'ont pas.
08:51 Et donc ils se permettent d'agresser les enseignants.
08:53 Donc c'est pour ça, pour le sociologue, il y a ces violences qui se développent,
08:56 mais je crois effectivement qu'effectivement les traumatismes des attentats
09:00 ont remis la violence dans la scène,
09:02 en plus c'est effectivement une culture de la Kalachnikov,
09:04 souvent d'ailleurs parce que les armes ont pu venir du Gosselavier à une époque, etc.
09:07 alors qu'avant c'était une culture de pistolet,
09:09 donc il y a toute une nouvelle culture de la violence
09:11 parce qu'on ne fait plus son service militaire.
09:12 Donc ça c'est vrai, mais sur le fond,
09:14 c'est une société qui se plaint énormément,
09:17 mais qui à mes yeux fonctionne plutôt bien.
09:19 Et même si je connais la pauvreté, etc.
09:21 Mais bien entendu, je pense que c'est une société qui fonctionne plutôt bien,
09:25 où effectivement, alors après regardez les violences,
09:27 il y a aussi les violences conjugales, il ne faut jamais oublier,
09:29 parce que dans les violences, et puis il y a une dernière chose,
09:31 c'est que le Covid-19 a excité toutes les sociétés.
09:34 Partout dans le monde, à l'intérieur des couples,
09:36 il y a un million de couples en France qui se sont séparés,
09:38 je ne prends que ce chiffre-là.
09:40 Regardez le nouveau rapport au travail,
09:41 regardez le nouveau rapport au territoire,
09:43 les sociétés sont bousculées par le Covid-19,
09:45 très violemment, et je pense que ça joue sur la violence,
09:47 y compris la violence militaire.
09:48 - Alors, venons-en aux émeutes,
09:49 puisque vos livres respectifs sont aussi écrits à l'aune des émeutes,
09:52 et notamment le vôtre, Jean Viard.
09:54 Vous dites que ces émeutes, au fond, celles qu'on a vécues en juin dernier,
09:57 il y en a tous les 10-15 ans,
09:58 c'est la manière de créer un récit de cette jeunesse immigrée dans les banlieues,
10:04 c'est ça que vous expliquez.
10:05 C'est un livre, dites-vous, un livre d'analyse,
10:07 mais aussi un livre politique sur la place que nous faisons mal à notre jeunesse immigrée,
10:12 et je précise que ce matin, on a pu lire dans le Figaro
10:15 la critique au vitriol de votre livre signé d'Eugénie Bassier,
10:18 "Oui, oui, au pays des racailles".
10:20 - C'est bon signe que l'extrême droite attaque mon livre.
10:22 Là, je trouve ça plutôt positif, d'ailleurs elle va beaucoup aider à le vendre.
10:25 Mais, à part ça, si vous voulez,
10:27 la question c'est que ce ne sont pas des immigrés,
10:29 leurs grands-parents appartenaient à nos colonies, la plupart du temps.
10:33 C'est d'ailleurs là qu'ils ont appris le français la plupart du temps,
10:35 pas tous, tous, mais quand même beaucoup.
10:37 Et donc, au fond, c'est la présence dans le corps de la nation de la mémoire coloniale.
10:41 Il y a 3 millions de descendants des Pieds-Noirs,
10:43 il y a à peu près 10 à 15 à 20% des gens qui sont descendants,
10:46 effectivement, des différentes colonies,
10:48 et on n'a pas de réflexion sur la France d'après la colonisation.
10:52 Il y a quelqu'un, je crois que c'est M. Ciotti,
10:54 qui veut revenir au temps des cathédrales.
10:56 Très bien, M. le député, il y a 4% des français qui vont à l'église
10:59 et 4% qui vont à la mosquée.
11:00 Donc, le temps des cathédrales, oui, comme bâtiment,
11:02 mais comme public, il n'y en a plus, enfin, il n'y en a plus beaucoup.
11:05 Donc, il faut se dire, la force de la France de demain,
11:07 c'est de réfléchir à la place de ces gens colonisés et de les respecter.
11:11 Moi, je plaide juste un mot, Marseille, 250 000 musulmans,
11:14 il n'y a pas de grande mosquée.
11:15 À un moment, soit les gens sont reconnus dans leur culture et respectés,
11:18 et y compris, ça permet de lutter contre le salafisme,
11:21 soit effectivement, ils n'ont pas de place et ils se réfugient dans des extrémistes.
11:23 Alain Bauer, vous dites que ces émeutes étaient différentes des autres
11:27 car elles étaient tiktokéisées.
11:30 Qu'est-ce que ça change ?
11:31 Expliquez-nous.
11:32 Les émeutes, en général, c'est 3 jours et 4 nuits, 4 jours et 5 nuits,
11:35 parce que c'est la tradition de l'émeute moderne en France.
11:38 Là, elles ont été d'une extrême intensité,
11:40 et on est passé immédiatement à autre chose,
11:42 on est passé de l'émotion légitime, après la mort du jeune Nahel,
11:45 à le pillage et la fête.
11:48 Et la fête sur YouTube, la fête filmée, la télé-réalité de soi-même.
11:52 Et ce phénomène-là, c'est une accélération à cette intensité.
11:55 À l'aune de ce que vous écrivez dans votre livre,
11:56 c'est d'une société de plus en plus violente.
11:58 Qu'est-ce que ça dit ?
11:59 La violence devient aussi la fête.
12:00 Elle est un élément de la fête.
12:02 Moi qui ai fait 68, c'était déjà ça.
12:04 Oui, mais elle n'était pas de la même manière,
12:05 elle a duré beaucoup plus longtemps,
12:07 elle avait un processus…
12:08 Elle n'était pas sur les écrans, quoi.
12:09 Elle n'était pas sur les écrans, parce qu'il n'y en avait pas, déjà.
12:11 Il y avait Europe 1.
12:12 Oui, alors…
12:13 C'est pas tout à fait un écran, mais…
12:15 Aux dernières nouvelles, c'était plutôt des oreilles que des yeux.
12:18 Mais sur le fond, elles se sont intensifiées,
12:20 et on passe rapidement à autre chose,
12:22 comme s'il n'y avait pas de quantité.
12:23 Il n'y a pas de message politique, il y a peu de message social.
12:27 Je veux dire, la sociologie essaye de donner une idée d'un message social
12:31 qui n'existe pas chez les auteurs eux-mêmes.
12:33 Et pour revenir à votre question initiale,
12:34 il n'y a pas de sentiment d'insécurité.
12:35 C'est une traduction extrêmement malheureuse d'un terme anglais
12:38 qui était « fear of crime », qui n'a jamais voulu dire ça.
12:40 Mais il y a un climat de violence,
12:41 parce qu'il y a de plus en plus de victimes de la violence.
12:43 Et non seulement au moment des émeutes,
12:45 parce que ce livre n'est pas né des émeutes,
12:47 c'est un livre né d'une série qui s'appelle « La globalisation piteuse »
12:51 pour mettre en cause ceux qui étaient les tenants de la globalisation heureuse,
12:55 qui nous ont vendu la mondialisation merveilleuse,
12:58 où il n'y avait plus d'ennemis, d'adversaires,
13:00 il n'y avait plus que des clients et des touristes.
13:02 Et en fait, tout ça n'existe pas.
13:04 C'est un monde rêvé.
13:05 Alors, je ne sais pas si c'est oui-oui,
13:06 moi j'appelle plutôt ça les bisounours,
13:08 et je ne me permettrai pas d'être aussi désagréable avec Jean,
13:11 parce que je n'ai pas encore lu son livre qui paraît demain.
13:13 Mais sur le fond de ce qu'on essaye d'exprimer,
13:17 le climat de violence, c'est d'abord des victimes.
13:19 Et la reconnaissance des victimes, du nombre de victimes, du volume de victimes.
13:23 On est passé de moins de 100 000 victimes physiques par an à 500 000 par an.
13:28 Cette incapacité à admettre cette réalité, c'est ce qui construit justement
13:32 ce contre quoi Jean dit qu'il veut lutter,
13:34 c'est-à-dire le recours aux extrêmes.
13:36 Quand on dit « c'est pas vrai, c'est pas grave, et c'est pas de ma faute »,
13:38 on laisse la place à ceux qui disent « c'est vrai, c'est grave, et en plus ! ».
13:41 Il est un peu basané avec les cheveux crépus.
13:44 - Jean Viard, un mot.
13:46 - On n'est pas obligés d'être aussi caricatural.
13:47 Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas une certaine augmentation de la violence,
13:50 mais on n'est pas dans une société d'insécurité majeure.
13:53 Je crois pour ça qu'il faut dire les choses, mais les dire de manière mesurée.
13:56 Je pense qu'effectivement, on n'intègrera pas les 15 à 20 % d'enfants de la colonisation
14:01 avec les politiques et les réflexions actuelles.
14:03 Tous les 5 ans, tous les 10 ans, la génération nouvelle se construit par ce conflit.
14:07 Et là, c'est vrai qu'il y a eu énormément de vols.
14:09 Ce qui est différent effectivement, c'était déjà ça avec les Gilets jaunes.
14:12 Il y a un moment politique court,
14:14 et puis après, il y a soit des casseurs qui prennent le moment, soit du voilà.
14:17 À Marseille, ils ont quand même pillé 400 boutiques,
14:19 une ville où traditionnellement, on n'attaque ni la mairie, ni la poste.
14:22 J'enviare une émeute et le langage de ceux qui ne sont pas entendus.
14:26 Publié aux éditions de l'Aube en librairie demain.
14:30 Alain Boer, tu ne tueras point.
14:32 Violence, notre vie en insécurité.
14:34 Fayard Collection, chose vue.
14:36 Merci messieurs d'avoir été sur Inter ce matin.