Thomas Sotto reçoit Nicolas Chabanne, fondateur de "C’est qui le patron ?!", sur le plateau des 4 Vérités.
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00:00 Bonjour et bienvenue dans les 4V, Nicolas Chaban.
00:05 Faire que nous les consommateurs achetions au juste prix que les producteurs soient rémunérés à la hauteur de leur travail, c'est votre combat depuis des années.
00:12 Alors je voudrais savoir pour commencer quel regard vous portez ce matin sur la détresse de ce monde agricole qui s'exprime de manière particulièrement aiguë depuis quelques jours.
00:20 La détresse des producteurs, des gens qui nous nourrissent tous les jours, elle n'a jamais été aussi forte en 20 ans auprès d'eux.
00:28 On n'a jamais ressenti une telle colère. Pourquoi ? Parce que ça fait des années que des problèmes s'accumulent.
00:35 C'est une population qui est dure au mal, qui résiste, qui ne se plaint pas beaucoup. Vous avez vu rarement des manifestations.
00:42 Et quand se rend visible cette colère, c'est que généralement il y a des racines très profondes. Il faut prendre ça très au sérieux.
00:49 Vous les soutenez, vous, ces agriculteurs ? Bien sûr. Même quand ils bloquent des routes ?
00:52 Oui, absolument. Et vous le voyez d'ailleurs, c'est assez impressionnant de voir qu'il y a peu de ressentiment de la population.
01:00 On sait à quel point ils nous sont indispensables. On sait que s'ils sont dans la rue, c'est pour des bonnes raisons.
01:06 Et côté consommateur, on a toujours été auprès d'eux. On a envie de les soutenir. Je rappelle l'équation, elle est simple.
01:14 Eux, ils essaient de survivre. Ils n'arrivent pas à gagner leur vie. Tous les jours sont des journées de 15, 18 heures où tu te demandes quand tu es producteur
01:21 et à la fin du mois tu auras de quoi nourrir ta famille. Ces gens-là qui nous nourrissent, on a envie de les protéger.
01:27 Parce que dans un contexte qu'on connaît, avoir près de soi ces producteurs qui nous amènent cette nourriture si précieuse à nos portes,
01:34 c'est important de faire en sorte qu'ils puissent le faire longtemps. Il y a un contexte géopolitique compliqué. C'est un vrai patrimoine à préserver.
01:42 Et puis il y a un contexte économique en ce moment. Il y a ces fameuses négociations cruciales entre la grande distribution et les industriels.
01:48 À ce propos, je voudrais vous faire écouter ce que disait ici même hier matin le patron des jeunes agriculteurs.
01:53 À l'heure actuelle, on a encore des centrales d'achat qui jouent avec les rails, qui essayent de les contourner.
01:58 Donc une partie de la grande distribution ne joue pas le jeu. On a aussi certains industriels qui ne jouent pas le jeu.
02:02 C'est un jeu de dupe depuis des années. Vous avez du mal à savoir finalement qui est le poker menteur.
02:07 C'est un jeu de dupe, disait Arnaud Gaillot. Est-ce qu'aujourd'hui, derrière les écrans de fumée de la communication,
02:12 la grande distribution et les industriels, ensemble, se moquent du monde, se moquent du consommateur, se moquent des agriculteurs ?
02:18 C'est un sentiment qui est tellement fort qu'il trouve certainement une part de réalité.
02:24 En partie, oui.
02:26 Oui, en partie, oui, parce qu'il y a des efforts qui sont faits. Mais l'erreur, et je le dis à tous les patrons toute l'année de la grande distribution,
02:33 c'est de croire que la seule boussole, c'est le prix le moins cher. On n'oubliera jamais ce que...
02:39 Tout le monde a des problèmes en ce moment financièrement. Mais il faut recréer de la valeur.
02:44 Il faut qu'à un moment donné, la nourriture, qui a un vrai prix, soit payée au juste prix.
02:49 Ce n'est pas du lait, des œufs, du beurre. Ce ne sont pas des produits un peu plus chers lorsqu'ils sont solidaires.
02:55 Ils sont au juste prix. Il y a un juste prix de notre alimentation. Il faut avoir ça à l'esprit.
03:00 Oui, mais pardon, ça c'est votre vision éthique des choses et elle est très bien.
03:03 Sauf que ce qu'on voit, nous, c'est qu'on paye dans ces rayons-là de plus en plus cher tout ce qu'on achète.
03:07 Et qu'au bout de la chaîne, les producteurs, les agriculteurs, continuent à être étranglés.
03:11 Là, vous avez tout à fait raison. Ce qu'on demande, nous, consommateurs, c'est de la transparence.
03:15 On ne peut pas, aujourd'hui en 2024, vous arriver dans un magasin, si je vous demande combien de produits
03:20 vous donnent la garantie en les achetant avec peut-être quelques centimes de plus,
03:24 vous êtes sûr que les centimes vont aux bons endroits, chez le producteur,
03:28 impactent positivement l'environnement, aident le bien-être animal. Vous n'avez pas cette certitude.
03:33 On a une clé qui va tout dénouer, la transparence. Où va notre argent ?
03:37 Il faut quoi ? Il faut un logo ? Il faut un label ? Il faut un Nutri-Score ?
03:41 On a fait récemment, nous on a notre initiative, j'essaie de ne pas trop vous en parler,
03:45 mais c'est qu'il patron, c'est une initiative de consommateurs, qui s'est dit, enfin, elle est équitable.
03:49 Il était plus cher. Tout le monde nous a dit, mais vous ne le vendrez pas, il est quelques centimes plus cher.
03:53 Il est devenu le plus vendu de France. Il faut que tout produit qui garantit que le producteur
03:59 à l'autre bout peut vivre de son métier, soit signalé. Et nous consommateurs, on l'achètera.
04:04 Nicolas Chabannes, vous êtes là ce matin aussi parce que vous avez fait réaliser un sondage avec l'institut YouGov,
04:08 et que vous nous en révélez les résultats. Premier renseignement, les consommateurs ne font pas confiance
04:13 au monde de l'agroalimentaire pour payer correctement les producteurs. 6% de confiance.
04:17 On peut parler d'une défiance absolue. Qu'est-ce que ça veut dire ce chiffre ?
04:21 On ne s'attendait pas à un chiffre aussi terrible, finalement, pour les fabricants du monde de l'agroalimentaire.
04:27 Et c'est comme ça, coup de publicité, de marketing, d'écran de fumée.
04:31 Les marques ont perdu la confiance, notamment des consommateurs. On ne sait pas si c'est une allégation
04:36 pour nous faire acheter le produit ou si réellement le producteur gagne sa vie.
04:39 C'est là où nous on a un rôle à jouer. On dit aux marques, mettez-nous dans les coulisses,
04:43 montrez-nous concrètement où va notre argent. C'est comme ça qu'on pourra protéger les producteurs.
04:47 C'est un chiffre terrible. J'espère qu'il fera réfléchir tout le monde.
04:50 Ce qu'on apprend aussi avec ce sondage, c'est que les consommateurs que nous sommes tous,
04:53 ils ne sont plus que jamais inquiets de la qualité de ce qu'ils vont trouver dans leur assiette d'ici demain,
04:57 enfin en clair, d'ici 2030. Regardez, 78% inquiets de la qualité et aussi des capacités de production.
05:03 Est-ce que ça sera bon ? Bon pour la santé ? Et est-ce qu'on est capable de nourrir le pays ?
05:08 C'est ça ce que ça dit.
05:09 Ça, c'est un chiffre complètement inattendu. Et même pour nous, et je pense pour tous les observateurs,
05:13 on nous disait, oui, les gens ont des soucis, ils ne savent pas véritablement s'il y a un risque
05:18 de ne pas pouvoir trouver de la nourriture française.
05:21 Il n'y a pas un risque clair aujourd'hui en France. Le chiffre, il est incroyable, 78%.
05:26 C'est à la fois inquiétant et à la fois ça montre qu'on est très lucide.
05:29 On veut protéger les producteurs et la production autour de chez nous.
05:33 Dernier chiffre que je voulais qu'on voit ensemble, on vous a demandé aux Français
05:36 s'ils seraient prêts à payer plus cher pour que les producteurs soient mieux rémunérés,
05:39 c'est un peu le principe de CQ le patron. Et ils vous répondent à 75%.
05:42 Oui, on est prêt à payer un peu plus. Alors il y a les intentions, il y a le principe de réalité.
05:47 On parlait avec Frédéric Dhabi tout à l'heure de l'IFOP, de ces millions de Français qui le disent du mois,
05:51 n'ont plus rien sur le compte pour se nourrir. La réalité aussi, c'est que quand on voit un poulet
05:56 qui coûte deux fois moins cher parce qu'il vient d'Ukraine, on prend le poulet ukrainien en rayon aujourd'hui.
05:59 C'est vrai, mais cette phrase peut être finalement augmentée d'une petite phrase supplémentaire.
06:03 On est prêt à payer un peu plus, quelques centimes, si on est sûr que ça profite, notamment aux producteurs.
06:09 Un exemple, sur le lait, pour que les producteurs de lait aient le sourire,
06:14 qui travaillent beaucoup, il faut rajouter 4 euros par an. Sur le jus de pomme,
06:18 ils arrachent leurs arbres parce que les pommes ont du mal à être rémunératrices.
06:22 C'est 1,80 euros par an. Sur la farine, 70 centimes de plus par an.
06:26 Il faut qu'on donne aussi ces montants-là et on fera les arbitrages.
06:30 Donc vous demandez aujourd'hui à ceux qui négocient, la grande distrib et les industriels,
06:33 vous leur dites "engagez-vous là-dessus aussi, ne nous donnez pas simplement des prix, des fourchettes,
06:38 donnez-nous une lisibilité".
06:40 La loi européenne nous contraint et nous empêche d'être totalement dans la transparence.
06:44 – Mais pourquoi, pardon, je vous interromps, mais pourquoi ils font peur à tout le monde ?
06:47 Pourquoi ils n'écoutent pas les agriculteurs ? Pourquoi ils ne vous écoutent pas ?
06:50 Pourquoi ils n'écoutent pas les citoyens ? Ils font leur petit frichis dans leur coin.
06:52 Est-ce qu'ils vous font peur ? – Non.
06:54 – Est-ce que quand on est producteur, on est dépendant d'eux ?
06:56 Quand on vend des produits, on est dépendant d'eux ?
06:58 Est-ce qu'aujourd'hui, ils sont en situation d'omnipuissance ?
07:01 – Il y a une peur des producteurs de ne pas pouvoir, encore une fois, finir le mois.
07:06 On voit que c'est difficile. Mais la grande distribution, elle le sait.
07:09 Ne fait pas peur aux consommateurs. Nous, les clients, on a un pouvoir absolu.
07:13 Ils négocient avec nous en permanence.
07:15 Si nous, consommateurs, on décide que la priorité, ce sont des produits de qualité
07:20 qui préservent l'environnement et qui protègent les producteurs
07:23 et qu'on les achète massivement, l'ensemble de la grande distribution nous suivra.
07:28 Il faut qu'on ait comme espoir pour les consommateurs et pour les producteurs en tête
07:32 qu'on peut changer les choses pour l'ensemble du monde agricole
07:36 en faisant des achats responsables et aux bons endroits.
07:39 – C'est-à-dire qu'en choisissant nos produits, c'est comme ça que nous aussi,
07:41 on peut soutenir ces agriculteurs avec lesquels on est évidemment en empathie.
07:44 Tous les ministres disent comprendre la colère du monde paysan ces jours-ci.
07:47 Qu'est-ce que vous diriez-vous à Emmanuel Macron, à Gabriel Attal,
07:49 si vous les aviez en face de vous ?
07:50 – On leur a dit souvent, Emmanuel Macron, il y a 7 ans, ému du grand succès
07:56 de cette démarche de consommateur que vous citiez, c'est qu'il est le patron.
08:00 7 ans après, on n'a plus vu personne, très concrètement.
08:03 C'est ce qu'a dit le leader Jérôme Bale hier sur l'autoroute,
08:06 dans la difficulté de ces journées où il y a des revendications.
08:09 Que Gabriel Attal vienne nous voir, ce n'est pas une défiance que disent les producteurs,
08:13 c'est ne nous déconnecter pas dans les ministères de la réalité qui nous entourent.
08:17 Venez voir ce que sont nos journées, la vibration de ce que nous ressentons
08:21 quand dans nos campagnes on essaie de se démener pour arriver à survivre.
08:25 Il faut que le monde politique se reconnecte à cette réalité.
08:28 Les consommateurs ont pris un peu d'avance, on est capable de les amener avec nous.
08:31 Qu'ils viennent voir à quel point les producteurs sont exemplaires
08:34 et à quel point il faut les protéger.
08:36 Merci beaucoup Nicolas Chabanne d'être venu dans les 4V.
08:38 A travers vous, merci à tous les petits producteurs qui nous nourrissent chaque jour
08:41 et qui trop souvent ne gagnent pas du tout à la hauteur de leur travail et de leur investissement.
08:44 Merci et bonne journée à vous.
08:45 Merci.