Thomas Sotto reçoit l'Ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin sur le plateau des 4 vérités.
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00:00 [Générique]
00:02 Bonjour et bienvenue dans les 4V, Jean-Pierre Raffaen.
00:04 Bonjour et bonjour à tous.
00:06 Si je vous dis, Gabriel Attal a succédé à Elisabeth Borne,
00:09 il devient à 34 ans le plus jeune Premier ministre de la 5ème République.
00:13 Qu'est-ce qu'il y a pour vous de plus important dans cette phrase ?
00:15 Je pense que c'est le fait qu'il a succédé, c'est qu'il arrive.
00:20 C'est qu'au fond cette décision a été prise.
00:23 A mon avis c'est une décision de bon sens, il fallait la prendre.
00:26 Il faut de l'audace, mais c'était du bon sens.
00:29 Si vous regardez un peu les contraintes de Macron,
00:31 un, il fallait que quelqu'un assume les années Macron, de l'origine à l'avenir.
00:38 Il cache tout.
00:40 Deux, il faut être à la fois talentueux et en même temps professionnel.
00:45 C'est une reprofessionnalisation de la politique à laquelle on assiste.
00:49 C'est un professionnel de la politique.
00:51 Et puis je dirais aussi que ce qui est très important, c'est qu'il faut incarner une promesse.
00:55 Les Français l'ont désigné comme quelqu'un de populaire,
00:59 c'est parce qu'il incarne une espérance, une perspective.
01:03 Et donc je crois que c'était au fond, c'est une décision de bon sens.
01:06 Je n'ai pas été surpris.
01:07 Vous n'êtes pas été surpris, sauf qu'il hérite de la même situation politique,
01:10 notamment au Parlement.
01:11 Est-ce que vous attendez de lui qu'il élargisse son gouvernement ?
01:14 Est-ce que vous attendez de lui un gouvernement de coalition,
01:16 une vraie alliance avec les LR, votre famille par exemple ?
01:18 Je pense qu'il faut un accord, au moins sur un certain nombre de textes,
01:22 avec en effet le centre, le centre droit et une partie de la droite républicaine.
01:27 Je pense que c'est nécessaire d'ailleurs pour élargir aujourd'hui.
01:30 Vous appelez un contrat de gouvernement ?
01:31 Je pense que la majorité aujourd'hui a besoin de s'élargir pour pouvoir passer ses textes
01:36 et elle ne peut s'élargir aujourd'hui que au centre et au centre droit.
01:39 Donc vous dites à vos amis des LR, entrez au gouvernement si on vous le demande ?
01:43 Je pense que les LR, vous savez moi je les ai quittés
01:47 quand ils n'ont pas voulu choisir entre Le Pen et Macron,
01:49 mais aujourd'hui pour ce qui me concerne,
01:52 j'ai vraiment le sentiment que les LR doivent être un parti de gouvernement.
01:55 Les dirigeants de LR ont aujourd'hui 60 ans à peu près,
01:58 et donc c'est maintenant qu'ils doivent s'afficher comme un parti de gouvernement.
02:01 Autrement ils n'existeront pas dans les élections,
02:03 ils seront marginaux comme ils l'ont été la dernière présidentielle.
02:06 Il faut évidemment assumer. Les Français, ils veulent des gens qui assument.
02:10 Est-ce que Gabriel Attal devra demander la confiance du gouvernement ?
02:12 Ce vote de confiance, il n'est pas obligatoire,
02:14 Elisabeth Borne y avait renoncé, est-ce qu'il devra le faire pour être légitime ?
02:17 S'il peut le faire, il faut qu'il le fasse.
02:19 Mais naturellement, ce n'est pas la peine de commencer par des échecs.
02:22 Donc si vraiment il y a une bouderie au Parlement,
02:25 ce n'est pas la peine qu'il aille systématiquement dans le mur.
02:28 C'est un sacrifice important d'aller à Matignon.
02:31 Il y a beaucoup de soucis, beaucoup de difficultés,
02:33 ce n'est pas la peine de s'en rajouter.
02:35 Justement, c'est compliqué d'aller à Matignon.
02:37 Déjà, comment se passe la composition d'un gouvernement en vrai ?
02:39 Est-ce que c'est le président de la République qui décide,
02:41 et le Premier ministre qui dit "Ah ouais, super idée Monsieur le Président" ?
02:44 Est-ce que c'est comme ça que ça se passe ?
02:46 Je pense que le président, il a de toute façon un certain nombre de gens qui le veulent.
02:49 Donc il y a une feuille de route obligée.
02:51 Et puis il y a une part de liberté.
02:53 Je crois qu'il faut se mettre d'abord d'accord sur une stratégie.
02:55 En effet, j'entends aujourd'hui, ça me paraît important,
02:57 cette reprofessionnalisation de la politique.
03:00 On a voulu déprofessionnaliser, et on voit bien qu'il y a un certain nombre de ministres
03:03 qui ne sont pas connus aujourd'hui, qui ne portent pas vraiment leur projet de réforme.
03:06 Donc il faut un gouvernement plutôt de poids lourd et plutôt restreint.
03:10 En général...
03:11 Pardon, le coup du gouvernement restreint, vous nous le faites tous depuis des décennies.
03:14 Je suis sûr que vous aussi c'était ça à l'époque, non ?
03:16 C'est vrai, mais moi, mon premier gouvernement, je crois qu'il doit y avoir 15 ministres.
03:20 Et après, il y a des secrétaires d'État.
03:22 Je pense que ce qu'il faut, c'est en effet une quinzaine de ministres.
03:24 Moi, je suis assez contre les ministres délégués.
03:27 Il y a des ministres qui sont des ministres pleins, responsables,
03:30 et puis il y a des secrétaires d'État.
03:32 Le ministre délégué, il se prend pour un ministre,
03:34 et les autres le prennent pour un secrétaire d'État.
03:35 Et donc, ce n'est pas très bon.
03:36 Donc moi, je pense qu'il faut un petit nombre de ministres.
03:39 Je crois que c'était à peu près autour d'une quinzaine qu'on a les grands systèmes d'organisation ministérielle.
03:44 Et puis ensuite, il faut des secrétaires d'État pour aider les ministres.
03:47 Ce ne sont pas des ministres.
03:48 Le plus gros problème de Gabriel Attal viendra de l'hyper-présidentialisation.
03:52 C'est Gérard Larcher qui dit ça ce matin dans le Figaro.
03:54 Est-ce qu'il a une vraie marge de manœuvre, le premier ministre, avec Emmanuel Macron à l'Élysée ?
03:57 Je pense parce qu'il apporte des choses au président.
04:00 Vous savez, le rapport de force, il apporte une popularité aujourd'hui.
04:03 Il apporte une perspective.
04:05 Il apporte sa jeunesse, son énergie.
04:08 Les gens veulent de la dynamique.
04:10 Ils veulent de l'action.
04:11 Donc un jeune homme aujourd'hui de 34 ans, il porte cette énergie.
04:16 Il a cette volonté.
04:17 Il l'a montré dans plusieurs postes.
04:19 Donc je pense que cette énergie-là, elle sert le président.
04:22 Donc ils ont un équilibre à trouver.
04:24 Il y a un rapport de force qui s'instaure entre un président et un premier ministre ?
04:26 Bien sûr, bien sûr.
04:27 Il y a la confiance, tout ça.
04:28 Il y a forcément…
04:29 Le président est l'homme en charge de l'essentiel.
04:32 Ce qu'il faut, c'est qu'il ne s'occupe pas de tout et qu'il laisse un certain nombre de marge de manœuvre.
04:36 Mais il peut laisser sa marge de manœuvre s'il a un professionnel en face de lui.
04:40 Et là, je pense, naturellement, Gabriel Attal, il a fait son parcours au galop.
04:46 Donc il a été très… Il n'a pas choisi de son obstacle.
04:47 Il a choisi le galop, ce qui fait qu'il a, en six ans, fait une expérience importante.
04:52 Mais c'est un homme expérimenté.
04:53 Il est élu local.
04:54 Il a fait le budget.
04:55 Il a fait la politique avec le porte-parole.
04:58 Donc il a aujourd'hui les compétences pour servir le président et apporter au président.
05:04 Vous apportez, vous donnez.
05:06 Et quand vous donnez, vous êtes obligé de recevoir.
05:08 Ce qu'on entend et ce qu'on lit et ce qu'on voit et ce qu'on constate beaucoup, c'est qu'il est très jeune.
05:11 34 ans, le plus jeune premier ministre de la Ve République.
05:14 Jean-Luc Mélenchon ne se fait pas beaucoup d'illusions.
05:16 Regardez ce qu'il a tweeté hier.
05:17 "Attal retrouve son poste de porte-parole.
05:19 La fonction de premier ministre disparaît.
05:21 Le monarque présidentiel gouverne seul avec sa cour.
05:24 Malheur au peuple dont les princes sont des enfants."
05:27 Ça, c'est la vision de quelqu'un qui est obsédé par la monarchie, par son système de gouvernance à lui-même.
05:32 Donc je pense qu'il est clair qu'Attal, il a un fort potentiel.
05:37 Mais son âge, c'est une chance ou c'est un handicap ?
05:39 C'est évidemment une chance. Pourquoi ?
05:41 Macron, quelle est notre difficulté majeure ?
05:44 C'est que le président ne peut pas se représenter.
05:46 Donc le président n'apparaît pas comme le chef de guerre de l'avenir pour un certain nombre de parlementaires.
05:50 Et donc il faut montrer que ces années Macron, cette politique Macron, elle a quand même des perspectives.
05:55 Le mur de 2027 est franchissable.
05:59 Pour vous, il met son dauphin sur orbite ?
06:02 Ce n'est pas forcément son dauphin.
06:04 C'est en tout cas quelqu'un qui est un acteur de l'avenir.
06:06 On verra ce qu'il peut dire. Ce n'est pas forcément le dauphin. On verra.
06:09 Je pense que c'est une question que j'entendais des gens qui disaient "mais tout ça, ça gêne Édouard Philippe".
06:13 Édouard Philippe n'a pas intérêt à ce que la macronie s'affaiblisse.
06:17 Personne n'a intérêt d'ailleurs dans le pays à ce que Gabriel Attal échoue.
06:21 Je reviens un tout petit peu à l'âge de Gabriel Attal.
06:24 Est-ce que la fougue, l'enthousiasme, l'énergie, les compétences peuvent compenser une forme d'inexpérience de la vie à un moment ?
06:30 Je pense que oui. Et puis de toute façon, il faut qu'il discute avec le président.
06:35 Donc ce dont le président a besoin aujourd'hui, c'est d'une énergie, d'un professionnalisme et puis je dirais d'une certaine fraîcheur.
06:42 Et c'est ce qu'apporte évidemment Gabriel Attal.
06:45 Mais le président, il a sa propre expérience.
06:48 Puis il y a aussi les gens qui sont dans le gouvernement.
06:50 C'est pour ça que je crois qu'il faut des gens d'expérience dans ce gouvernement.
06:54 C'est pour ça que je disais plutôt des gens de poids lourd.
06:56 Je crois qu'il ne faut pas chercher aujourd'hui l'aventure.
06:59 On est dans une deuxième partie de quinquennat.
07:01 C'est vraiment une partie qui est difficile parce que beaucoup de gens vont penser à l'élection.
07:06 Et les Français pensent à l'action.
07:08 Les Français ne s'occupent pas de l'élection de 2027.
07:10 Ils s'occupent de ce qui se passe demain matin.
07:12 On a l'impression que les dirigeants sont des robots, inoxydables, insensibles à l'épreuve des balles.
07:16 Qu'est-ce qu'on ressent quand on est sur le perron de Matignon ?
07:19 D'abord, on reçoit le flambeau, comme ça a été le cas hier pour Gabriel Attal.
07:22 Comment on vit ça ? Comment vous l'avez vécu ?
07:24 C'est un stress énorme.
07:26 On sent une pression sanguine à l'intérieur de soi-même.
07:29 On sent que c'est quelque chose qui vous écrase un peu.
07:32 On peut paniquer dans ces moments-là, au fond de soi-même ?
07:35 Si on a du tempérament, on ne panique pas.
07:37 Si on a du caractère, on ne panique pas.
07:39 Mais on a quand même quelque chose qui vous tombe dessus,
07:41 qui est extrêmement lourd, qui vous contraint.
07:44 C'est quelque chose de pesant.
07:47 La responsabilité, elle vous tombe sur les épaules.
07:50 Moi, je me souviens, la première fois à l'Arc de Triomphe,
07:53 les Champs-Élysées, c'était pour le 8 mai, vide derrière.
07:56 J'avais ces Champs-Élysées comme une sorte d'épée dans les reins.
07:59 Au moment de la Marseillaise, je me dis que je ne peux pas me retourner.
08:02 Il faut être droit, le respect aux morts.
08:05 C'est extraordinairement stressant.
08:08 Quelle est l'erreur que vous avez faite au début
08:10 et que vous conseillez à Gabriel Attal de ne pas faire,
08:12 contre laquelle vous le mettez en garde ?
08:14 Je crois que c'est de vouloir séduire trop tôt.
08:16 Je crois que l'action doit précéder la séduction.
08:19 De temps en temps, parce que je suis un homme de contact,
08:22 on va tout de suite essayer de donner une image.
08:25 Il faut faire très attention.
08:27 La vraie règle, c'est que l'action précède la séduction.
08:30 Il faut faire très attention que l'action ne soit pas un ersatz de l'action.
08:33 Je pense que c'est pour ça que quelqu'un de jeune,
08:36 qu'est-ce qu'il a à faire aujourd'hui ? Il insiste d'agir.
08:39 Il faut qu'il agisse et c'est ce qu'il peut apporter.
08:41 L'action, moins de communication peut-être ?
08:43 La communication est nécessaire, le faire savoir.
08:45 C'est que l'action doit précéder.
08:47 L'attente des Français, c'est une attente d'action.
08:49 Donc, on a 40 mois.
08:51 Ce qui est très important, c'est qu'ils choisissent
08:53 les 4 ou 5 sujets sur lesquels ils vont changer les choses.
08:56 Ils ne peuvent pas tout faire.
08:58 C'est ça, la logique de communication,
09:00 c'est qu'on vous impose de prendre position sur tous les sujets.
09:03 Non, aujourd'hui, il y a 4 ou 5 sujets.
09:05 Il y a l'école, il y a la santé,
09:07 le retour du maire à l'Assemblée nationale pour fabriquer la loi.
09:10 Aujourd'hui, l'homme politique ou la femme politique
09:13 la plus respectée par les Français, c'est le maire.
09:15 Il est exclu de la fabrique de la loi.
09:17 Il y a un certain nombre de sujets comme ça.
09:19 On parle de le maire, le maire de la ville, pas de Bruno Le Maire.
09:21 Il reste à l'économie pour vous, lui.
09:23 Je n'en sais strictement rien.
09:25 C'est le président et le ministre lui-même.
09:27 Quelques mots, si vous avez aussi connu ce moment
09:29 quand on quitte Matignon.
09:31 Qu'est-ce que vous vous êtes dit hier en regardant Elisabeth Borne ?
09:33 C'est un moment de grande solitude.
09:35 J'imagine quand on est viré, on a sans doute beaucoup moins d'amis tout de suite.
09:37 Le téléphone qui ne sonne plus beaucoup, c'est vrai ça ?
09:39 D'abord, vous avez une émotion terrible.
09:41 Il y a des gens qui vous applaudissent,
09:43 les gens avec qui vous avez travaillé, qui vous disent merci.
09:45 Et ces gens-là, ils vous expriment une affection incroyable.
09:47 Vous avez des larmes aux yeux, elle avait des larmes aux yeux.
09:49 C'est clair que quand vous avez tous ces gens avec qui vous avez travaillé,
09:51 qui ont vu les heures passer, qui ont vu les nuits au travail.
09:53 Le jour d'après, c'est vraiment dur ?
09:55 Oui, c'est quand même difficile.
09:57 Mais disons que c'est plutôt la puissance du vide
09:59 qui est préoccupante.
10:01 C'est la puissance du vide.
10:03 C'est la puissance du vide.
10:05 C'est la puissance du vide.
10:07 C'est la puissance du vide.
10:09 C'est la puissance du vide qui est préoccupante.
10:11 C'est un peu ce vide d'un seul coup.
10:13 Vous êtes à Matignon, la pression est...
10:15 Vous savez, à Matignon, vous n'avez pas une demi-heure de bonheur.
10:17 Au bout de 20 minutes,
10:19 on vous a annoncé une bonne nouvelle,
10:21 vous l'en profitez 20 minutes.
10:23 Et puis tout de suite, arrive une mauvaise nouvelle.
10:25 Un quart d'enfants scolaires qui dérapent sur une route,
10:27 un train qui ne va pas bien.
10:29 Il y a de toutes façons des choses très graves.
10:31 Donc, tombent sur vous un certain nombre de choses
10:33 qui font que le bonheur à Matignon, il est quand même alternatif.
10:35 Merci beaucoup Jean-Pierre Raffarin.
10:37 Il faut de l'énergie, des professionnels.
10:39 Si on vous appelait pour vous proposer un petit poste, là vous y allez ou pas ?
10:41 Non, moi c'est terminé. Je commente, je dis les choses, mais je les...
10:43 Ça tombe bien parce que c'est terminé pour nous aussi.
10:45 Merci à vous.