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Thomas Sotto reçoit Benoît Hamon, directeur de l'ONG Singa, ancien candidat socialiste à la présidentielle, sur le plateau des 4 vérités. 

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00:00 [Générique]
00:02 - Bonjour et bienvenue dans "Les 4 V", Benoît Hamon. - Bonjour Thomas Soto.
00:05 - Le projet de loi immigration arrive donc au Sénat tout à l'heure.
00:07 Il y a quelques mois, Gérald Darmanin a résumé la philosophie avec cette formule presque enfantine.
00:11 Il voulait être, dit-il, méchant avec les méchants et gentil avec les gentils. Est-ce que ça vous convient ?
00:15 - Non, parce que c'est participe d'une infantilisation des personnes immigrées.
00:21 À qui dit-on ça, être gentil avec les gentils, méchant avec les méchants, en général ? À des enfants.
00:26 Et c'est même une caractéristique de notre pays que de parler autant d'une population,
00:31 les personnes immigrées, et de leur donner aussi peu la parole.
00:33 Et moi je suis assez consterné de cela et de voir que, finalement, avec ce texte,
00:39 on parle du 29e texte de loi en 40 ans, on parle à peu près toujours des mêmes choses,
00:45 les objectifs sont à peu près toujours les mêmes, fermer les frontières, rendre plus difficile le séjour en France.
00:51 Et pourtant, ça ne change pas le fait qu'il y a une augmentation des migrations,
00:55 qui sont liées à des faits, qui sont des faits indiscutables.
00:58 L'augmentation de la pauvreté et des inégalités dans le monde, le fait qu'on est dans un monde globalisé, connecté.
01:03 - Mais là, la volonté de Gérald Darmanin, c'est de lutter contre la partie de l'immigration,
01:06 qui n'est pas majoritaire, qui pose problème.
01:08 Et ce qui est d'ailleurs soutenu majoritairement par les Français,
01:10 si on s'en remet à un sondage qui a été publié hier dans Le Parisien.
01:13 - Non mais, moi je ne conteste pas les sondages et le fait qu'aujourd'hui,
01:17 il y ait une forme de ressentiment, d'angoisse vis-à-vis de la migration,
01:22 qui est largement entretenue par certains responsables politiques,
01:25 largement entretenue aussi par certains médias,
01:27 et je pense notamment aux médias du milliardaire d'extrême droite Vincent Bolloré.
01:31 Et tout ça, ça crée un climat qui est un climat d'hostilité à l'égard des migrations.
01:36 La question est de savoir...
01:36 - Vous dites, il y a juste un problème de forme, il n'y a pas de problème de fond aujourd'hui ?
01:39 - Non, je pense qu'aujourd'hui, on ne regarde que ce qui va mal.
01:41 On ne regarde pas l'inclusion et on ne se donne pas les moyens de l'inclusion.
01:44 Ce texte de loi est un texte qui vise une nouvelle fois les plus vulnérables,
01:49 c'est-à-dire ceux qui demandent l'asile, qui cherchent refuge en France,
01:53 et qui ne dit pas la réalité.
01:55 Il ne dit pas la réalité, c'est que si on mettait davantage de moyens,
01:58 de nos énergies sur l'inclusion,
01:59 nous n'aurions pas aujourd'hui les problèmes que nous pouvons connaître,
02:03 qui sont liés à l'ignorance, à la méconnaissance des réalités de la migration.
02:06 Savez-vous par exemple qu'il y a 7,8% d'étrangers en France ?
02:10 Ils sont 15% parmi les entrepreneurs chaque année.
02:13 Est-ce qu'on dit aujourd'hui que les étrangers contribuent à la création de richesses ?
02:17 Qu'ils contribuent à la création d'emplois ?
02:19 Mais à cela, pardon, le gouvernement ne veut pas chercher de noix, entre guillemets.
02:21 En revanche, pour lutter contre le terrorisme, pour lutter contre les OQTF,
02:25 les obligations de quitter le territoire français qui ne sont pas exécutées,
02:27 ça n'a pas un sujet ?
02:28 Vous dites ça, mais moi je dis le contraire.
02:30 Moi je dirige une ONG qui accompagne des réfugiés qui veulent entreprendre.
02:35 Aujourd'hui, nous constatons toute une série de mesures,
02:37 de harcèlement administratif, d'empêchement d'ouvrir un compte en banque,
02:41 qui empêchent ces gens-là d'entreprendre.
02:43 J'ajoute même que le discours du gouvernement est un discours préoccupant
02:47 quand il pourrait aller jusqu'à remettre en cause l'aide médicale d'État.
02:51 L'aide médicale d'État, c'est quoi ?
02:53 C'est des questions transformées en aide médicale d'urgence.
02:55 Il y a 3000 soignants qui viennent de dire "il ne faut pas le faire".
02:58 Le ministre Olivier Véran, ancien médecin, toujours médecin,
03:02 et porte-parole du gouvernement, dit qu'il ne faut pas le faire.
03:04 Pourquoi ? Parce que le faire, ce serait augmenter le risque sanitaire,
03:07 les risques infectieux et la mortalité.
03:09 L'Espagne a fait ce que la France s'apprête à faire,
03:12 elle a retiré après quelques années cette mesure en raison du risque sanitaire.
03:16 Ce que je veux dire c'est que...
03:17 Ça pour l'instant ce n'est pas dans le texte,
03:19 ça pourrait être mis par les sénateurs et l'air au Sénat.
03:21 Gérald Darmanin s'est dit favorable à cette mesure,
03:23 qui est une mesure qui est...
03:24 Et Elisabeth Borne n'y est pas favorable.
03:25 Oui d'accord, mais bon, ce jeu de ping-pong au sein du gouvernement,
03:28 à la fin, ce que nous nous constatons,
03:30 c'est qu'il fragilise des gens qui sont déjà vulnérables.
03:32 Qu'est-ce que vous répondez Benoît Hamon à ceux qui vont vous écouter
03:35 et dire ce matin "voilà, on va déclencher l'alerte angélisme,
03:38 voire l'alerte naïveté, il ne veut pas voir les problèmes".
03:40 Mais c'est pas...
03:41 Moi je regarde la réalité en face.
03:44 Ce que je veux dire c'est qu'il y a une augmentation des migrations internationales.
03:47 La question c'est "peut-on inverser la tendance ?"
03:50 Je vais vous prendre des exemples très concrets.
03:52 Les Anglais ont quitté l'Europe sur le Brexit
03:55 par un discours qui était "nous allons stopper les migrations".
03:58 Depuis le Brexit, les migrations ont augmenté de combien en Angleterre ?
04:01 X2.
04:03 Georgia Meloni, candidate d'extrême droite,
04:06 a été élue sur un programme de stopper les migrations.
04:09 Depuis l'élection de Georgia Meloni, les migrations ont augmenté par 2.
04:13 Ce que je veux dire c'est que c'est un phénomène mondial,
04:16 on peut le réguler, on ne peut pas le stopper.
04:19 Mais surtout ce qui est injuste de la part des dirigeants
04:22 et du gouvernement aujourd'hui,
04:24 c'est de ne pas dire ce qu'est la contribution décisive
04:27 des immigrés à nos modes de vie.
04:30 Je vais vous prendre un exemple très concret, je ne serai pas plus long.
04:32 On a manifesté, contre le report de l'âge légal de départ à la retraite,
04:36 90% des actifs, je ne dis pas des Français,
04:39 étaient défavorables à ce report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans.
04:43 Aujourd'hui nous savons que les travailleurs étrangers
04:46 sont surreprésentés dans les métiers pénibles.
04:48 Ils ont des temps de retraite plus courts, avec des pensions plus faibles.
04:52 On sait aussi que les travailleurs étrangers sans papier,
04:54 qui ont un contrat de travail...
04:56 - Pour ça il y a l'article 3.
04:57 - Oui, mais cotisent pour les retraites, mais n'en auront pas
04:59 puisqu'ils sont sans papier aujourd'hui.
05:01 - C'est un peu régularisé avec l'article 3.
05:03 - Manifestement non, et on va le dire sur des métiers en tension,
05:05 mais je veux juste terminer mon raisonnement sur les retraites.
05:07 S'il n'y avait pas les cotisations des travailleurs étrangers,
05:10 surreprésentés dans les métiers pénibles,
05:12 qui cotisent et qui ont une retraite plus courte,
05:14 à quel âge serait le départ légal à la retraite ?
05:17 65 ? 66 ? 67 ? 68 ans ?
05:20 Qui dit aujourd'hui que la contribution des travailleurs étrangers
05:23 est décisive pour conserver nos modes de vie,
05:26 c'est-à-dire un bon niveau de retraite,
05:28 la possibilité de partir plus tôt qu'ailleurs ?
05:30 - Ça, aujourd'hui, c'est le discours qui est dominant
05:34 dans le paysage politique, je le regrette,
05:36 est un discours qui efface ce qu'est la contribution nette
05:39 des populations étrangères.
05:40 - Vous dites que le rapport ne montre que les côtés négatifs
05:42 et refuse de voir la...
05:43 - Je vais même aller un peu plus loin.
05:44 Il va y avoir 8% de baisse de la population active
05:46 en France d'ici 2050. 8% de baisse.
05:49 C'est-à-dire 8% de contributeurs en moins aux régimes sociaux.
05:52 8% de contributeurs en moins aux impôts.
05:54 Comment on fait pour tenir le système
05:56 s'il n'y a pas l'immigration ?
05:57 - Vous dites qu'on a besoin de plus d'immigration ?
05:58 - C'est le consensus des économistes aujourd'hui
06:00 sur le fait qu'on aura besoin, si on veut garder nos modes de vie.
06:02 - Est-ce que vous êtes favorable à un référendum sur l'immigration
06:04 dans l'impression qu'Emmanuel Macron entr'ouvre la porte, là ?
06:07 - Et pour répondre à quelle question ?
06:09 Vous êtes pour ou contre l'immigration ?
06:11 C'est dire pour ou contre le soleil et le ciel ?
06:14 Je ne vois pas ce qu'on mettrait dans le référendum.
06:17 Je constate aujourd'hui qu'il va y avoir la 29e loi en 40 ans.
06:21 Cette loi dit toute la même chose
06:23 et ça ne change pas le problème.
06:25 - Et sur les métiers en tension, alors le fameux article 3
06:27 qui permettra de régulariser des sans-papiers
06:29 qui travaillent depuis plus de 8 mois
06:31 et leur permettent d'obtenir un titre d'un an déjà pour commencer.
06:33 - Alors, ça va dans le bon sens si on régularise les travailleurs sans-papiers
06:37 parce que les travailleurs sans-papiers, s'ils travaillent,
06:39 c'est bien qu'il y a un besoin et qu'ils le remplissent.
06:41 Le fait de faire une liste de métiers en tension
06:43 qui est déjà extrêmement restrictive,
06:45 ça veut par exemple que le secteur du bâtiment au général
06:47 ne sera pas concerné, seulement certains métiers
06:49 parce qu'on considère que ce secteur trouve,
06:51 avec les travailleurs sans-papiers, la main d'oeuvre dont il a besoin.
06:53 Donc, moi ce que je constate, c'est que ça sert d'épouvantail
06:57 dans le débat entre la droite, qui est d'ailleurs
06:59 maintenant totalement alignée sur le programme
07:01 de l'extrême droite, et le gouvernement.
07:03 Dans les faits, s'il y a une régularisation
07:05 des travailleurs sans-papiers qui cotisent,
07:07 je le rappelle, ils peuvent être sans-papiers
07:09 et vous n'avez pas de titre de séjour,
07:11 mais avoir un contrat de travail et une feuille de paie
07:13 et vous cotiser. Eh bien, la logique serait
07:15 qu'il soit aujourd'hui régularisé.
07:18 Le fait qu'on ait une liste de métiers en tension
07:20 extrêmement restrictive, en mon sens,
07:23 c'est un tout petit pas, mais qui n'est largement pas suffisant.
07:27 - Benoît Hamon, depuis les attaques terroristes du Hamas
07:29 en Israël le 7 octobre dernier, plus de 1000 actes antisémites
07:32 ont été recensés en France. Gérald Darmanin
07:34 donnait les chiffres hier soir. Êtes-vous prêt à participer
07:36 à une grande manifestation contre l'antisémitisme
07:38 comme celle que veut organiser le patron du PS, Olivier Faure,
07:40 en réunissant tous les partis ?
07:42 - Évidemment, évidemment. Mais indépendamment de...
07:44 - Y a-t-il un problème d'antisémitisme en France
07:46 et de perception de l'antisémitisme par la classe politique ?
07:48 - Non, y a un problème incontestable d'antisémitisme.
07:50 À partir du moment où il y a une explosion
07:52 des actes antisémites constatés,
07:54 y a un problème d'antisémitisme.
07:56 Et l'antisémitisme, il est aujourd'hui insupportable
07:59 et justifie que la classe politique,
08:01 au-delà de la classe politique, les citoyens se mobilisent.
08:03 Parce que rien ne justifie qu'une guerre
08:06 à plusieurs milliers de kilomètres
08:08 se traduise entre Israël et la Palestine,
08:11 se traduise par des actes antisémites...
08:13 - Entre Israël et le Hamas.
08:15 - Oui, entre Israël et le Hamas.
08:17 - C'est un groupe terroriste ?
08:19 Ça vous écorbe d'être un terroriste ?
08:21 - Pas du tout.
08:23 Mais bien sûr que c'est un groupe terroriste.
08:25 Quiconque utilise la guerre, la violence
08:28 de manière indistincte contre des femmes,
08:30 des enfants, des militaires ou des civils,
08:32 oui, c'est du terrorisme.
08:34 Mais ce que je veux dire, c'est que...
08:36 D'un mot là-dessus.
08:38 Moi, il faut garder raison.
08:40 Et garder raison, c'est peut-être se rappeler
08:42 les mots qui avaient été ceux de Camus
08:44 quand il a eu le Nobel de la paix.
08:46 Il y a une phrase qui avait été interprétée,
08:48 vous vous souvenez ?
08:50 "Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère."
08:52 Que voulait-il dire ?
08:54 C'est que si au nom de la justice,
08:56 vous posez des bombes qui peuvent tuer ma mère,
08:58 ça n'est pas une bonne cause.
09:00 En tout cas, ce n'est pas une bonne cause.
09:02 Ça n'est pas un bon moyen.
09:04 Et si l'indépendance de la Palestine
09:06 se justifie pleinement, je la soutiens,
09:08 elle ne justifie pas le terrorisme.
09:10 Si se défendre du Hamas se justifie pleinement,
09:12 il ne justifie pas qu'on jette des bombes
09:14 dans les villes et qu'on fasse des milliers de morts,
09:16 dont des enfants.
09:18 Ce qu'il faudrait aujourd'hui,
09:20 c'est non seulement un cessez-le-feu inconditionnel,
09:22 la libération inconditionnelle des otages,
09:24 mais que le gouvernement français sorte
09:26 de la position qui est la sienne,
09:28 qui est intenable, honnêtement,
09:30 qui est un soutien à la politique d'Israël.
09:32 La France demande une trêve humanitaire.
09:34 Pour que ça reprenne derrière.
09:36 Ça veut dire quoi ?
09:38 Qu'on fait quelques cars,
09:40 qu'on donne quelques médicaments ?
09:42 On demande un cessez-le-feu.
09:44 Et ce cessez-le-feu, il est rendu,
09:46 hélas, impossible,
09:48 par le fait que la plupart des pays occidentaux
09:50 se sont alignés sur la position
09:52 de Benyamin Netanyahou.
09:54 Oui, il faut aujourd'hui
09:56 protester totalement
09:58 contre ce qui a été
10:00 l'acte innommable
10:02 terroriste du Hamas.
10:04 Mais aujourd'hui, il faut dire
10:06 aux Israéliens,
10:08 la force avec laquelle
10:10 vous voulez punir tout le peuple palestinien
10:12 ne vous aidera pas,
10:14 et n'aidera personne aujourd'hui
10:16 à rendre justice à ceux qui sont morts
10:18 sous les balles du Hamas.
10:20 - Une dernière question rapidement,
10:22 ce lundi 6 novembre sera aussi celui d'une grande première
10:24 puisqu'un ministre de la Justice,
10:26 Eric Dupond-Moretti, va comparaître
10:28 devant la Cour de justice de la République
10:30 pour prise illégale d'intérêt.
10:32 Il encourage jusqu'à 50 prisons
10:34 et 500 000 euros d'amende.
10:36 Il a choisi de rester en fonction
10:38 de la présomption d'innocence.
10:40 - Il faut toujours respecter la présomption d'innocence.
10:42 Ce qu'il faut espérer,
10:44 c'est que la Cour de justice
10:46 de la République est quand même un anachronisme.
10:48 Vous demandez à des parlementaires d'être juges
10:50 alors qu'il y a évidemment, même s'ils prêtent
10:52 serment, des intérêts politiques
10:54 sous-jacents. Moi j'attends qu'elles disent
10:56 le droit, parce qu'en réalité...
10:58 - Il a raison de rester en poste ou pas, Eric Dupond-Moretti ?
11:00 - Il a raison, c'est sa décision à lui, personnelle.
11:02 La vérité c'est que la doctrine
11:04 de Macron a beaucoup évolué.
11:06 Auparavant on démissionnait sur une simple mise en cause
11:08 sans même mise en examen. Aujourd'hui,
11:10 on peut être ministre de la justice et être traduit dans la Cour de justice
11:12 de la République et continuer dans ses fonctions.
11:14 Ce que je veux dire, c'est que j'espère que
11:16 la Cour de justice de la République va dire le droit.
11:18 Quand on est ministre, on a des prérogatives
11:20 qui sont dans l'intérêt public.
11:22 S'il y a conflit d'intérêt, on se déporte
11:24 ou on s'abstient d'actes interdits.
11:26 J'espère que la Cour de justice fera
11:28 toute la lumière sur ce qui s'est passé dans cette affaire.
11:30 - Merci Benoît Hamon d'être venu dans l'Ecadé.

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